Skip to main content

Full text of "Revue britannique, publ. par mm. Saulnier fils et P. Dondey-Dupré"

See other formats


This  is  a  digital  copy  of  a  book  that  was  preserved  for  générations  on  library  shelves  before  it  was  carefully  scanned  by  Google  as  part  of  a  project 
to  make  the  world's  books  discoverable  online. 

It  has  survived  long  enough  for  the  copyright  to  expire  and  the  book  to  enter  the  public  domain.  A  public  domain  book  is  one  that  was  never  subject 
to  copyright  or  whose  légal  copyright  term  has  expired.  Whether  a  book  is  in  the  public  domain  may  vary  country  to  country.  Public  domain  books 
are  our  gateways  to  the  past,  representing  a  wealth  of  history,  culture  and  knowledge  that 's  often  difficult  to  discover. 

Marks,  notations  and  other  marginalia  présent  in  the  original  volume  will  appear  in  this  file  -  a  reminder  of  this  book' s  long  journey  from  the 
publisher  to  a  library  and  finally  to  y  ou. 

Usage  guidelines 

Google  is  proud  to  partner  with  libraries  to  digitize  public  domain  materials  and  make  them  widely  accessible.  Public  domain  books  belong  to  the 
public  and  we  are  merely  their  custodians.  Nevertheless,  this  work  is  expensive,  so  in  order  to  keep  providing  this  resource,  we  hâve  taken  steps  to 
prevent  abuse  by  commercial  parties,  including  placing  technical  restrictions  on  automated  querying. 

We  also  ask  that  y  ou: 

+  Make  non-commercial  use  of  the  files  We  designed  Google  Book  Search  for  use  by  individuals,  and  we  request  that  you  use  thèse  files  for 
Personal,  non-commercial  purposes. 

+  Refrain  from  automated  querying  Do  not  send  automated  queries  of  any  sort  to  Google's  System:  If  you  are  conducting  research  on  machine 
translation,  optical  character  récognition  or  other  areas  where  access  to  a  large  amount  of  text  is  helpful,  please  contact  us.  We  encourage  the 
use  of  public  domain  materials  for  thèse  purposes  and  may  be  able  to  help. 

+  Maintain  attribution  The  Google  "watermark"  you  see  on  each  file  is  essential  for  informing  people  about  this  project  and  helping  them  find 
additional  materials  through  Google  Book  Search.  Please  do  not  remove  it. 

+  Keep  it  légal  Whatever  your  use,  remember  that  you  are  responsible  for  ensuring  that  what  you  are  doing  is  légal.  Do  not  assume  that  just 
because  we  believe  a  book  is  in  the  public  domain  for  users  in  the  United  States,  that  the  work  is  also  in  the  public  domain  for  users  in  other 
countries.  Whether  a  book  is  still  in  copyright  varies  from  country  to  country,  and  we  can't  offer  guidance  on  whether  any  spécifie  use  of 
any  spécifie  book  is  allowed.  Please  do  not  assume  that  a  book's  appearance  in  Google  Book  Search  means  it  can  be  used  in  any  manner 
any  where  in  the  world.  Copyright  infringement  liability  can  be  quite  severe. 

About  Google  Book  Search 

Google's  mission  is  to  organize  the  world's  information  and  to  make  it  universally  accessible  and  useful.  Google  Book  Search  helps  readers 
discover  the  world's  books  while  helping  authors  and  publishers  reach  new  audiences.  You  can  search  through  the  full  text  of  this  book  on  the  web 


at|http  :  //books  .  google  .  corn/ 


>^>  zayo  d  21^     s 


ib.  IhtZ 


Digitized  by 


Google 


Digitized  by 


Google 


Digitized  by 


Google 


Digitized  by  CjOOQ  IC 


Digitized  by 


Google 


REVUE 

BRITANNIQUE, 


Digitized  by 


Google 


PARIS.  —  IMPRIMERIE  DE  M»»  V»  DOXDEY-DUPRÉ, 

RUE  SAINT-LOUIS,   V^  46,  AU  MARAIS. 


Digitized  by 


Google 


REVUE 

BRITANNIQUE. 

CHOIX  D'ARTICLES 

TRADUITS  DES  MEILLEURS  ÉCRITS  PÉRIODIQUES 

DE  LA  GRANDE-BRETAGNE. 

SOUSLA    DIRECTION    DE    M.    AM  É  D  É  E  P  I  G  H  O  T. 


CINQUIEME  SERIE. 

TOME   OlfZIÈMS. 


PARIS, 

AU  BUREAU  DE  LA  REVUE,  RUE  DE  LA  VICTOIRE,  6; 

CHEZ  MADAME  V«  DONDEY-DUPRÉ ,  LIBRAIRE,  RUE  DES  PYRAMIDES; 

CHEZ  JULES  RENOUARDy  LIBRAIRE  »  RUE  DE  TOURNOI! ,  6. 

18^2 


Digitized  by 


Google 


Digitized  by 


Google 


SEPTEMBRE  18^2. 


REVUE 

BRITANNIQUE. 


LIS  STEPPES  DE  LA  RUSSIE  lÉRIDIONALE  (1). 


SOL.  —  T^fTATIOll.  —  TUIP0L0TSH8.  —  AITliaBS.  —  UMAN.  —  STITOKS.  — 
CLIMAT.— BlTUi.— TEMPÊTE  DE  NEIGE.— PRINTEMPS- "-ÉTÉ  —SÉCHERESSE 
DB  1833.  —  AUTOMNE.  —  RURIAN.  —  WIND-WITCH.  —  DÉFRICHEMENT.  —  LE 
FRC  DANS  LES  STEPPES.  —RÈGNE  ANIMAL.  —LE  S0U8LICK.—  LA  800RIS.  — 
RACE  CANINE.  —  OISEAUX.  —  L'OUTARDB.  —  REPTILES.  —  LA  SAUTERELLE* 

—  TffiABAWNS.  —  CBEVAOX  8AUTAGES.  —  DOMAINES  DES  SElGNSrRS  RUSSES. 

—  VERGERS.  —  LA  VIE  DU  TABUNTSHIK.  —  TABOON.  —  ÉTALONS.  —  BA- 
TAILLES DES  CHETAUX  ET  DES  LOUPS.  —  BÈTES  A  CORNES.  —  COLONIES  AL- 
LEMANDES. —  STEPPES  DU  PONT-EUXIN. 

Les  steppes  de  la  Russie  méridionale  s'étendent  des  fron- 
tières de  la  Hongrie  jusqu'à  celles  de  la  Chine.  Ce  sont  des 
plaines  immenses  et  non  interrompues,  tapissées,  au  printemps 

(1)  Note  du  rédacteur.  Les  diverses  circonstances  de  climat,  de  ter- 
ram  et  de  position  géographique  particulières  aui  provinces  inéridio- 
nales  de  la  Russie,  contribueront  pour  beaucoup  au  futur  développement 
de  ce  vaste  empire.  L'article  suivant  est  riche  de  notions  curieuses  sur 
une  r^oD  généralement  peu  connue.  Ceux  qui  délireraient  plus  de  dé- 
tMls  peuvent  consulter  un  ouvrage  en  deui  volumes  publié  récemment 
(LefpEîg,  1841)  par  un  Allemand,  M.  Von  J,  Kohi,  qui  a  séjourné  plu-» 
sieon  années  dans  les  contrées  qu'il  décrit. 


Digitized  by 


Google 


6  LES  STEPPES  DE  LA  EUSSIE  MÉEIBIONALE. 

et  en  automne,  d'une  herbe  abondante,  couvertes  en  hiver  de 
neiges  que  le  vent  chasse  et  amoncelé  en  certaines  places , 
et  obscurcies  en  été  par  des  nuages  d'une  poussière  extrê- 
mement fine,  constamment  suspendue  au-dessus  du  sol. 
A  peine  si  les  légères  ondulations  du  terrain  des  steppes  mé- 
ritent le  nom  de  collines.  On  y  rencontre  fréquemment  des 
terriers,  des  éminences artificielles  ou  tumuli^  dont  on. ne  sait 
ni  la  date  ni  Torigine.  Le  caractère  le  plus  remarquable  de 
ces  plaines,  c'est  le  manque  absolu  d'arbres.  Cependant  la 
végétation  est  riche  et  vigoureuse,  l'herbe  y  devient  magni- 
fique. VouBr  pouvez  marcher  devant  vous  en  droite  ligne  pen- 
dant des  centaines  de  lieues  sans  apercevoir  une  touffe  de 
buissons.  Il  existe  quelques  fourrés,  mais  ils  ne  sont  connus 
que  des  chasseurs  tartares.  A  travers  ces  pâturages  que  rien 
ne  limite,  errent  incessamment  d'innombrables -troupeaux. 
Tel  bétail  a  vu  le  jour  au  pied  de  la  grande  muraille  de  la 
Chine,  qui  est  conduit  par  ses  courses  vagabondes  jusqu'aux 
rives  du  Dnieper,  et  vient  figurer  sur  le  marché  d'Odessa. 
Pendant  l'été,  ces  pauvre»  animaux  ont  beaucoup  à  souffirir  de 
la  chaleur  et  de  la  sécheresse,  car  il  n'est  pas  rare  que  chaque 
brio  d^berbe  soit  brûlé  jusqu'à  la  racine.  II  faut  alors  que  les 
bergers  aient  soin  de  s'approvisionner  de  fourrage,  afin  de 
pouvoir  nourrir  leurs  bètes,  en  attendant  le  retour  de  l'au- 
tomne et  les  nouvelles  pousses. 

Partout  où  s'élève  une  rangée  de  montagnes  assez  hautes 
pour  abriter  contre  les  vents  du  nord,  qui  arrivent  des  bords 
de  l'Océan  Arctique,  à  travers  un  pays  plat  et  découvert,  la 
contrée  change  de  caractère.  Dans  la  Ôrimée,  par  exempk  » 
quoique  la  partie  septentrionale  ait  quelque  chose  de  l'ari- 
dité des  steppes,  la  côte  sud,  que  protègent  les  montagnes  du 
centre,  jouit  d'une  température  semblable  à  celle  de  l'Italie. 
On  y  cultive  la  vigne  et  l'olivier  avec  autant  de  succès  qu'en 
Provence.  Ces  montagnes  du  centre  sont  à  la  partie  méridio- 
nale de  la  Crimée  ce  que  lesHimalayas  sontà  l'Inde.  Sicett^ 
vaste  contrée  était  ouverte  au  soufiSe  .puissant  des  vcmts  du* 
nord,  si  la  haute  barrière  qui  la  détod  n'existait  ^s,  elle^ 


Digitized  by 


Google 


LES  NEP^mS  BE  LA  KV9SIE  MÉUDIONALB.  T 

ne  larderait  point  à  être  conrertie  en  slefipes^  La  bise^aeée, 
pénétrant  dans  l'intérieur  de»  tropiques,  efhoerait  de  la  terre 
ks  pagodes,  et  dessécherait  la  vigoureuse  ▼égétation  dm 
jongles;  les  fécondes  rizières  de  llndoslsA seraient  enyahie» 
par  les  troupeaux  des  Tartares,  et  n'exciteraient  plus  la  cupi- 
dité des  conquérants  étrangersv  • 

La  nature d^slÎAaévidenneat  les steppesde la l^ussiei un 
peuple  pasteur  et  Aemade,  plutôt  qu'à  me  population  d'agri* 
Cttlteurs.  £a  effet,  dans  ces plainetd'ime  monelottie  eingnHère, 
rien  n'attache  Tbommeàtelle  ou  telle  localité.  Cependant  le 
^eweinementruase  parait  s'ètce  imposé  la  t&eke  de  con^i^ir 
les- tribus  nomades  ea  colonies  agricoles  ayant  une  demeure 
fas^  et  la  steppe  elle-ttène  en  terres  de  labour.  On  a  ciienAé 
໫lthrer  des  fiunîUes  allenandes  et  bulgares  en  leuroffirant 
ds  glands  avantages,  dans  l'eapoir  que  leur  exemple  ramè^ 
noEait  les  indigènes  à  des  mœurs  plus  sédentaires.  Cet  essai  a 
rénasi  en  partie,  notmnment  dans  le  voisinage  des  vUles;  mais 
las  fomiUes  ainsi  transplantées  distinguent  bien  vite  quelte 
savte  de  r^aourees  la  nature  du  sk>1  meta  leur  disposition; 
et  é  mesure  que  leurs  moyens  pécuniaires  augmentent,  elles 
ntg^âgenl  la  «uUuie  des  terres  pour  s'occuper  de  l'élève  des 
treupeaus.  C'est  là,  en  effet,  ce  qui  constitue- la  richesse  Téri- 
tahledupays;  c'esfcpsrlè  que.  les  individus  sont  réputés  pau- 
WBs  ou  opulents. 

JKous  avons  dit  que  les  steppes  formaient  une  plaine  im- 
Cette  plaine  est  généralement  très^levèe;  elle  se  ter* 
i  à  la  mer  Noire  par  une  terrasse  taillée  a  pic,  laquelle  n*» 
pas  moins  de  eant  vingtà  cent  quatre-vingts  pieds  angtaia 
aiHdessas  delamer .  Les  rivièfes  dont'Ies  steppeasont  coupées, . 
eliquii deviennent  au  printemps. très-foEtes:ettrè&*rapides  par 
SBÎÉsde  la  fcnte  des  nettes,  les  sillewient  profondément,  et 
comme  elles  changent  fréquemment  de  lit,  elles  laissent  à  sec 
desonavins  qui  «varient  Jiunifarmiié  du  paysage.  Partout  ail- 
kns  eesUgsrs  aemdeolsideterrainseraientooinptéspaorpeu 
deadmae;  imândanB  les^steppcs,  le  moindre  ohangement  qcii 
aCepèceLà:la  aui^SKe  du  sol  estiun  événement  de  grande  impor- 
rîks^dîressesiparties  dm  territoire  prennent  leur  nom 


Digitized  by 


Google 


8  LES  STEPPES  BE  LA  BUSSIE  MÉRIDIONALE. 

d'après  la  manièFe  dont  l'action  des  eaux  les  divise  entre  elles. 

Dans  les  steppes,  les  eaux  pluviales  s'écoulent  lentement; 
quelquefois  le  sol  demeure  des  semaines  entières  enseveli  sous 
des  mares  et  des  étangs  qui  ont  plusieurs  pouces  de  profon- 
deur. Une  portion  de  cette  eau  est  absorbée  par  la  terre;  le 
reste  filtre  par  des  conduits  secrets  jusqu'aux  fleuves  et  aux 
rivières,  entraînant  dans  son  cours  une  quantité  considérable 
de  limon,  qui  rend  ceux-ci  troubles  et  boueux.  La  plupart  de 
ces  rivières  et  de  ces  fleuves  n'étant  alimentés  que  par  les 
pluies  et  la  fonte  des  neiges ,  demeurent  à  sec  pendant  l'été. 
Chaque  ravin  aboutit  à  une  chute  probablement  formée  dans 
l'origine  par  la  terrasse  qui  borde  la  mer;  mais  à  mesure  que 
l'eau  s'est  frayé  un  lit,  la  chute  a  reculé  d'âge  en  âge  vers 
l'intérieur  des  terres.  En  certains  endroits,  ce  travail  de  l'eau 
est  assez  rapide  pour  que  les  riverains  en  notent  les  progrès. 

Comme  le  niveau  du  sol  est  à  peu  près  le  même  sur  tonte 
l'étendue  des  steppes,  les  ravins  creusés  par  les  pluies  ont 
aussi  une  profondeur  à  peu  près  égale  :  cette  profondeur  est 
rarement  moindre  de  cent  pieds  ;  souvent  elle  dépasse  cent 
cinquante  pieds.  Il  résulte  de  cette  circonstance  et  de  l'escar- 
pement des  deux  côtés,  que  les  vuipolotshs  ou  ravins  opposent 
aux  voyageurs,  aussi  bien  qu'aux  bergers  et  aux  troupeaux, 
un  obstacle  infranchissable.  Pour  les  éviter,  on  fait  au  be- 
soin des  détours  immenses.  L'endroit  où  un  vuipolotsh  com- 
mence est  un  point  où  viennent  toujours  aboutir  plusieurs 
routes  ou  chemins,  ce  qui  lui  assure  une  importance  marquée 
dans  la  contrée  environnante.  Pendant  l'hiver,  le  lit  du  ravin 
est  pour  l'ordinaire  comblé  par  des  amas  de  neige  que  le  vent 
y  a  poussés.  Malheur  aux  voyageurs  égarés  qui  s'approchent 
de  ces  abîmes  I  hommes  et  animaux  y  restent  ensevelis  ;  on  ne 
connaît  leur  sort  que  lorscpie  la  neige  entièrement  fondue 
laisse  leurs  cadavres  à  découvert. 

Ces  détails  ne  s'appliquent  point  aux  principales  rivières,  à 
celles  qui  sont  alimentées  par  des  sources  pendant  toute  l'an- 
née. Les  bords  de  celles-là  sont  moins  escarpés;  mais  quoi- 
qu'ils s'élèvent  plus  graduellement,  ils  sont  aussi  hauts,  c'est- 
à-dire  qu'ils  ont  de  cent  à  cent  cinquante  pieds  au-dessus  du 

Digitized  by  VjOOQ  IC  * 


LES  STEPPES  DE  LA  BUSSIE  MÉHIBIONALE.  9 

niveau  de  Tean.  En  général,  le  lit  de  ces  grandes  riTières  est 
extrêmement  large,  et  garni  de  roseaux  qui  ont  six  à  huit  pieds 
de  longueur  :  on  y  trouve  en  quantité  toutes  sortes  d'oiseaux 
aquatiques. 

Si  dans  l'intérieur  des  steppes  l'eflèt  des  pluies  est  si  sen- 
sible, à  l'extérieur  la  mer  n'agit  pas  avec  moins  de  puis- 
sance. Une  particularité  remarquable  de  la  mer  Noire,  c'est 
qu'un  grand  lac  ne  manque  jamais  de  se  creuser  à  côté  de 
rembouchnre  de  chaque  fleuve.  Quelques-uns  de  ces  lacs  sont 
même  entièrement  séparés  de  la  mer.  Onlesdésignesousle  nom 
de  Umai^  D'après  la  supposition  de  M.  Kohi,  ils  se  forme- 
raient par  suite  de  l'action  de  la  mer,  que  la  violence  des  tem- 
pêtes ait  refluer  vers  l'embouchure  des  fleuves,  et  qui  mine 
incessamment  la  haute  terrasse  qui  la  surplombe.  L'absence 
des  tempêtes  produit  l'eflet  contraire.  Les  fleuves,  comme 
nous  l'avons  dit,  charrient  une  quantité  considérable  de  li- 
mon; leurs  eaux  troubles,  repoussées  par  les  vagues,  dépo- 
sent ces  sédiments  sur  le  devant  du  lac  :  c'est  ainsi  qu'une 
langue  de  terre  s'y  élève  graduellement,  et  finit,  à  la  longue^ 
par  protéger  le  liman  contre  les  envahissements  de  la  mer. 
On  donne  à  ce  rempart  naturel  le  nom  deperisnp.  S'il  s'agit 
d'un  fleuve  large  et  profond,  la  perissip  n'est  jamais  complète; 
une  ouverture,  ou  gheerl,  y  subsiste  toujours,  laquelle  établit 
une  communication  entre  la  mer  et  le  liman.  On  conçoit  que 
pendant  l'été  ces  eaux  stagnantes  doivent  répandre  des  exha- 
laisons malignes  :  c'est  un  voisinage  dangereux.  On  cite  un 
village  dont  tous  les  habitants  sont  tombés  malades  de  la  fiè- 
vre dans  l'espace  d'une  seule  nuit,  parce  que  le  vent,  ayant 
diangé  de  direction,  leur  avait  apporté  les  miasmes  d'un  de 
ces  lacs  empoisonnés. 

Quand  on  parcourt  la  surfiace  des  steppes,  on  remarque  que 
le  sol  s'affiiisse  et  se  creuse  en  certains  endroits,  de  manière  à 
fermer  coihmedes  bassins  naturels.  C'est  ce  que  les  indigènes 
appellent  stavokê.  Les  eaux  pluviales  s'y  amassent,  et  quoique 
la  terre  ne  tarde  pas  à  les  absorber,  les  endroits  en  question 
conservent  de  l'humidité,  alors  que  depuis  longtemps  le  reste 


Digitized  by 


Google 


8  LES  STEPPES  BE  LA  BUSSIE  H^ 

d'après  la  manièFC  dont  Vaclion  des  eai 
Dans  les  steppes,  les  eaux  pluvial  ^ 


quelquefois  le  sol  demeure  des  semr,  4 


des  mares  et  des  étangs  qui  ont 
deur.  Une  portion  de  cette  eau  ^  ^  ^^ 
reste  filtre  par  des  conduits  ?  *^  -^-  ^ 
rivières,  entraînant  dans  sop 
de  limon,  qui  rend  ceux-ci    *^ 
ces  rivières  et  de  ces  flei  '  « 
pluies  et  la  fonte  des  nç  j  ^  \ 
Chaque  ravin  aboutit  '  j  l  ^ 
l'origine  par  la  terra  •  f 


•*«tTe  :  eit  ^^^ 
.ux.  "  paraît  cjTO 
•  contribuer  à  tetnpé- 
-t  cela  s'explique  par  fe 
r  *e  terrasse  dont  noua  avons 

plus  basses  de  la  colonne  d'air 
.latementsur  la  nappe  d'eau,  de  se 
j8,  et  d'y  porter  la  fraîcheur  on  la  dwK 
.  être  communiquée  :  elle  ne  laisse  passer 
rarement  j  supérieures,  qui  exercent  natupdleu^ot 

cinquar         ,ce.  Un  été  tropical ,  un  hiver  arctique,  tel  est  le 
pemer       ^dinaire  des  steppes.  C'est  seulement  pendant  ua 
aux  '     ^bre  de  jours  de  l'automne  et  du  printemps  qn'ellea 
un    ^„t  de  cette  température  moyenne  qui  d'après  leur  po- 
"        géographique  devrait  constamment  y  régner, 
"^inois  les  phis  rigoureux  de  l'hiver  sont  cenxde  décembre, 
^janvier  et  de  février.  Pendant  toute  cette  périodede  temps, 
]«  nature  entière  est  plongée  dans  un  repos  léthargique,  inteiu 
rMDpu  seulement  par  des  tempêtes  de  neige  :  telle  est  leur 
vMilenee,  quedes  hommes  habitués  aux  convulsions  deFOcéan 
en  sont  effrayés.  Les  Russes  divisent  ces  tempêtes  en  troâ^ 
classes.  Lorsque  la  n^ge  tombe  simplement  des  nuages,.quelle 
qu'en  soit  l'abondance,  ce  n'est  qu'une  mycatyol;  si  le  vent 
sdulèvedans  les  airs  la  neige  qui  couvrait  lesol,  c'est  un  zm-- 
mM:  mais  si  la  tempête  mêlant  la  ne^e  qui  tombe  à  celle  qui 
était  déjà  tombée,  en  fdrme  des  tourbillons  épais  qu'elle 
raule  àteavers  les  airs  de  façon  à  intercepter  la  clarté  du  jour 


l'eau  s'est  frayé  ur 
l'intérieur  des  ter( 
est  assez  rapide  l 

Comme  le  r' 
rétendue  der' 
aussi  une  p 


sr 


Digitized  by 


Google 


\          LES  aat9S  »»  **^/  ^^"woittit.        15 

^  avni^  les  hoio*»**      /'  >  cause  (airf  d»». 

-vjessc  alors  de  cberc»  .,Brojne«re  de  ia 

'.iequelorsque  W  ^    |  ^illusions  d'op- 

tepris  un  pf  ^  ^  |  ■^*«»«»'  «^^ 

Mine,  un  1  Nt»^  gteppM 

-lis  fj  ^  ^t  ceUe 


<MJàî,  o»  T-— ^  nie 

ces  myriades  de  pîJre»»».-.^^ 
.  en  tous  sens.  Mais  pour  admirer  ces-^,. 
.,  il  faut  être  sûr  de  pouvoir  retrouver  son  dû- 
.a«t  n'être  point  préoecopé  d©.l.'idie  du  danger.  Ce 
^erêtréel.  Le  zamet  efface  les  routes  et  le»  sentiers,  corn- 
bteles  ravins  et  change  toUlement  l'aspect  général  du  pays. 
Qné«ré  au  mUieu  des  steppes  et  entraîné  par  le  tonrbfllon, 
«toBune  s'enfonce  dans  un  de  ces  abîmes  cachés  sous  ses 
OM,  sa  mort  est  certaine.  Quant  à  la  viaga,  les  naturels  mè- 
nu  n'osent  point  l'affronter.  Elle  dure  ordinairement  trois 
i-„8,  et  pendant  cet  espace  de  temps  les  courriers  du  gouver- 
îiaUnt  sont  autorisés  à  ne  point  quitter  l'abri  où  Us  ont  pu 

L'wîer,  dansles»teppes,e8tsouyentplu8rigoureux  que  sur 
la  bords  de  la  Baltique.  Ausouffledela  bise  qui  chasse  ineefr 
.«mentde6rosn«agescbar»é8deneiae,lamerNoiresecouvte 
STcroùteépaissedeglace,  et  «^t^e  glace  s'étend  quelque^ 
àmne a.«»  gnindedistance durivage.Pendantrh.verdelSOT 
à-»888,lo  thermomètre  ne  monta  jamais  au  delà  dedix  degrés 
H4»m«ir,et  il  descendit  fréquemmentàtrentedegrés.  On  ««t 

2à^nt.Pétersbourg,  lorsque  le  froid  «t  parvenu  à  cette 
SLité,  ilest  d'usage  de  fermer  les  égliscaetlesthéàtees.  Le. 
rtwes  ont  doncdes  hivers  pamils  à  eeoi  de  la  Rns«o,  m«. 
^ont  pas  les  compensations  que  présente  je  oUmat  delà 
toiesepUtrionale.  En  effet,  dans  le  nord  de  l'Esope,  et 
,dJsimraine,  la  neige  reste  sur  la  terre  penAmtune 


«ode  partie  de  l'hiver.  La  gelée  la  durcit  et  la  r«»d  sol.do, 
ZuniZma  y  glissent  avec  iacilité,et  ee  moyen  detransport, 

Digitized  by  VjOOQ  IC 


tO  LES  STEPPES  DE  LA  EUSS1E  MÉEIDIONALE. 

de  la  contrée  est  brûlé  par  la  sécheresse  :  aussi,  pendant 
Tété,  la  possession  d*un  stavok  offre-t-elle  des  avantages  pré- 
cieux aux  bergers.  Ceux  qui  en  ont  trouvé  un  le  gardent  nuit 
et  jour,  de  peur  que  des  étrangers  ne  s'en  emparent.  Suivant 
une  croyance  superstitieuse  de  ces  contrées,  les  stavoks  se- 
raient des  trous  pratiqués  par  les  anciens  Mongols  pour  en- 
fouir leurs  tombeaux  dans  le  sein  de  la  terre.  Il  y  a  tout  liea 
de  supposer  que  ces  enfoncements  sont  occasionnés  par  une 
légère  dépression  des  couches  inférieures. 

Le  climat  des  steppes  va  d'un  extrême  à  l'autre  :  en  été^ 
chaleur  accablante;  en  hiver,  froid  rigoureux.  Il  paraît  que 
le  voisinage  de  la  mer  Noire,  qui  devrait  contribuer  à  tempé- 
rer l'atmosphère ,  ne  le  foit  pas  :  et  cela  s'explique  par  la 
hauteur  excessive  de  la  côte.  Cette  terrasse  dont  nous  avons 
parlé  empêche  les  couches  les  plus  basses  de  ia  colonne  d'air, 
cefUes  qui  reposent  immédiatement  sur  la  nappe  d'eau,  de  se 
dissiper  à  travers  le  pays,  et  d'y  porter  la  firafcbeur  ou  la  char 
leur  qui  vient  de  leur  être  communiquée  :  elle  ne  laisse  passer 
que  les  couches  supérieures ,  qui  exercent  natureUemenl 
peu  d'influence.  Un  été  tropical ,  un  hiver  arctique,  tel  est  le 
partage  ordinaire  des  steppes.  C'est  seulement  pendant  un 
petit  nombre  de  jours  de  l'automne  et  du  printemps  qu'elles 
jouissent  de  cette  température  moyenne  qui  d'après  leur  po» 
Bttion  géographique  devrait  constamment  y  régner. 

(Les  mois  les  plus  rigoureux  de  l'hiver  sont  cenxde  décembre, 
de  janvier  et  de  février.  Pendant  toute  cette  période  de  temps, 
la  nature  entière  est  plongée  dans  un  repos  léthargique,  intei^ 
rompu  seulement  par  des  tempêtes  de  neige  :  telle  est  levr 
violence,  quedes  hommes  hatritués  aux  convulsions  derOeéan 
en  sont  ef^ayés.  Les  Russes  divisent  ces  tempêtes  en  trois  * 
classes.  Lorsque  la  neige  tombe  simplement  des  nuages,  quelle 
qn'en  soit  l'abondance ,  ce  n'est  qu'une  wyaihpl  ;  si  le  vent 
saulève  dans  les  airs  la  neige  qui  couvrait  lesol,  c'est  un  sin^ 
mei:  mais  si  la  tempête  mêlant  la  neige  qui  tombe  â  celle  qui 
était  déjà  tombée,  en  forme  des  tourbillons  épais  qu'elle 
ratUe  à  travers  les  airs^de  façon  à  intercepter  ta  clartédu  jour 


Digitized  by 


Google 


LES  flTSPPIS  DE  L4  JIVSSIE  MÉRIDIONALE.  11 

et  à  aveugler  les  hommes  et  les  animaux,  c'est  une  tinga.  On 
s'empresse  alors  de  chercher  un  abri,  et  le  voyageur  ne  se  re- 
met en  route  que  lorsque  le  ciel  et  la  terre,  qui  semblaient  con-* 
fendus,  ont  repris  un  peu  de  tranquillité.  Contemplé  du 
stairoet  d'une  colline,  un  zamet  oifre  à  l'observateur  un  assez 
beau  spectacle.  Tandis  que  la  tourmente  bouleverse  ainsi  la 
surface  de  la  terre,  il  arrive  souvent  que  le  ciel  est  pur,  que  le 
s^eil  brille  de  tout  son  éclat,  et  que  ses  rayons  colorent  d'une 
manière  fantastique  ces  myriades  de  parodies  de  cristal  que 
l'aquilon  dissipe  en  tous  sens.  Hais  pour  admirer  ces  scènes 
de  la  nature ,  il  faut  être  sûr  de  pouvoir  retrouver  son  che- 
min; il  faut  n'être  point  préoccupé  de  L'idée  du  danger.  Ce 
danger  <»t  réel.  LezaraetefEace  les  routes  et  les  sentiers,  com- 
Ue  les  ravins  et  change  totalement  l'aspect  général  du  pays. 
Qu'égaré  au  milieu  des  steppes  et  entraîné  par  le  tourbillon, 
uft  homme  s'enfonce  dans  un  de  ces  abtmes  cachés  sous  ses 
pas,  sa  mort  est  certaine.  Quant  à  la  vinga,  les  naturels  m6* 
OMS  n'osent  point  l'affronter.  Bile  dure  ordinairement  trois 
jevrs,  et  pendant  cet  espace  de  temps  les  courriers  du  gouver- 
Dament  sont  autorisés  à  ne  point  quitter  l'abri  où  ils  ont  pu 
s^  réfugier. 

•L'hiver,  dans  les  steppes,  est  souvent  plus  rigoureux  que  sur 
les  bords  de  la  Baltique.  Au  souffle  de  la  bise  qui  chasse  inces- 
unraient  de  gros  nuages  chargés  de  neige,  la  mer  Noire  se  couvre 
d-'onecroûte  épaisse  de  glace,  et  cette  glace  s'étend  quelquefois 
ioine  assez  grande  distance  dutivage.  Pendant  l'hiver  del837 
àl838,le  thermomètre  ne  monta  jamais  au  delà  de  dix  degrés 
fiéaumur,  et  il  descendit  fréquemment  à  trente  degrés.  On  sait 
qu'à  Saint-Pétersbourg,  lorsque  le  froid  est  parvenu  à  cette 
ifltensité,  il  est  d'usage  de  fermer  les  églises  et  les  théâtres.  Les 
steppes  ont  donc  des  hivers  pareils  à  ceax  de  la  Russie,  mais 
ettes  n'ont  pas  les  compensations  que  présentele  climat  delà 
Boasie  septentrionale.  En  eflèt,  dans  le  nord  de  l'Europe,  et 
nftme  dans  lUkraine,  la  neige  reste  sur  la  terre  pendant  une 
grvnde  partie  de  rhiver.  La  gelée  la  durcit  et  la  rend  solide; 
l^tralneaux  y  glissent  avec  Cacilité,.et  ce  moyen  detransport» 


Digitized  by 


Google 


12  LES  STEPPES  DE   LA  RUSSIE  MÉRIDIONALE* 

qu'on  peut  employer  pour  les  fardeaux  les  plus  lourds,  est 
presque  aussi  prompt  qu'un  chemin  de  fer.  C'est  pourquoi  les 
Russes  préfèrent  ordinairement  l'hiver  aux  autres  saisons, 
non  seulement  pour  voyager,  mais  encore  pour  transporteries 
marchandises  d'une  ville  à  une  autre.  Cet  avantage  est  à  peu 
près  inconnu  dans  les  steppes.  Les  tempêtes,  qui  y  sont  très" 
fréquentes,  font  que  les  neiges  sont  comme  mouvantes  et  n'ont 
point  le  temps  de  se  solidifier.  D'ailleurs  nous  avons  dit 
qu'elles  n'ofFraient  point  une  surface  égale  et  continue.  £lles 
sont  semées  par  plaques,  suivant  le  caprice  du  vent  qui  les 
entasse  en  certains  endroits. 

Le  printemps  commence  lorsqu'elles  fondent;  ce  qui  a  lieu 
d'ordinaire  au  mois  d'avril.  Toutefois  le  mois  de  mai  s'écoule 
quelquefois  avant  que  la  masse  d'eau  résultant  de  la  fonte 
soit  absorbée  par  la  terre  ou  se  soit  frayé  une  route  vers  les 
fleuves.  Pendant  ce  temps,  toute  la  surface  de  la  steppe  présente 
comme  une  immense  nappe  de  boue  au  travers  de  laquelle  on 
ne  saurait  s'engager  qu'au  péril  de  la  vie.  Au  fond  de  chaque 
ravin  roule  un  torrent  dont  l'eau  est  la  plus  sale  qu'on  puisse 
imaginer.  C'est  alors  que,  dépouillées  du  manteau  de  neige  qui 
les  couvrait,  les  maisons  laissent  apercevoir  les  dégâts  que 
l'hiver  y  a  produits  ;  mais  ce  passage  d'une  saison  à  une  autre 
ne  se  fait  pas  sans  de  grandes  variations  de  température.  Le 
froid,  qu'on  croyait  parti,  revient  à  plusieurs  reprises  ;  la  neige 
reparaît  ;  la  terre,  qui  commençait  à  s'ouvrir  aux  chaudes  éma- 
nations du  printemps,  se  referme  sous  l'âpre  influence  de  la 
gelée.  II  n'y  a  peut-être  pas  de  région  au  monde  où  l'hiver 
lutte  avec  plus  de  vigueur  et  de  persistance  contre  son  succes- 
seur.. On  peut  dire  qu'il  ne  lâche  pied  que  lorsque  Tété  vient 
au  secours  du  printemps.  Par  exemple ,  un  vent  délicieux  a 
soufflé  du  sud  pendant  quelques  jours;  les  tulipes,  les  crocus, 
les  hyacinthes  se  pressent  d'éclore  ;  la  plaine  commence  à  être 
émaillée  de  fleurs.  Soudain  le  vent  tourne  au  nord-est;  une 
bise  glacée  arrive  en  sifflant  des  monts  Ourals,  flétrit  les  fleurs 
et  la  verdure  nouvelle,  et  change  toute  la  décoration  du  pay- 
sage. Que  le  vent  tourne  encore  une  fois  et  souffle  du  nord- 


Digitized  by 


Google 


LES  STEPPES  DE  LA  RUSSIE  MÉKIDIONALE.  13 

ouest  :  il  amène  de  gros  nuages  noirs  tout  chargés  de  pluie, 
qui  versent  des  déluges  d*eau  sur  les  steppes,  depuis  les  monts 
Ourals  jusqu'aux  monts  Carpathes.  Quand  Thiver  a  feit  une 
retraite  définitive,  la  plus  belle  période  de  l'année  commence. 
La  steppe  se  couvre  d'une  végétation  luxuriante  et  charme  les 
yeux  comme  une  oasis  placée  entre  la  sécheresse  dévorante 
de  l'été  et  la  stérilité  désolée  de  la  morte  saison.  La  terre  res- 
semble à  un  vaste  tapis  de  verdure.  Au-dessus  s'étendent  les 
plaines  azurées  du  ciel,  où  l'on  distingue  à  peine  quelques  nua- 
ges. Certes,  le  paysage  est  monotone;  mais  il  contraste  si 
agréablement  avec  les  horreurs  de  l'hiver  qui  vient  de  finir! 
Les  indigènes  se  livrent  à  la  joie;  l'étranger  lui-même  partage 
on  moment  leur  admiration.  Toutefois  il  ne  tarde  pas  à  se 
lasser  de  cette  verdure  uniforme  que  ne  varient  ni  un  seul 
buisson  en  fleurs  ni  le  cours  sinueux  d'un  ruisseau.Point  de  col- 
line qui  borne  et  repose  la  vue  1  point  d'horizons  changeants! 
Un  cavalier  peut  marcher  devant  lui  pendant  des  centaines  de 
milles  sans  rencontrer  aucun  objet  nouveau,  et  presque  sans 
s'apercevoir  qu'il  a  quitté  un  lieu  pour  un  autre.  Ainsi,  de  la 
Hongrie  jusqu'aux  frontières  de  la  Circassie,  on  ne  trouve  pas 
un  bouquet  d'arbres.  Des  monts  Carpathes  jusqu'à  la  capitale 
de  la  Mongolie ,  le  bruit  d'un  ruisseau  coulant  sur  un  lit  de 
cailloux  ne  vient  pas  réjouir  l'oreille.  De  l'herbe,  de  l'herbe, 
et  rien  que  de  l'herbe!  Qu'on  ne  croie  pas  qu'elle  ressemble  à 
ce  gazon  fin  et  velouté  qui  embellit  les  parcs  d'Angleterre.  Les 
brins  en  sont  extrêmement  drus  et  forts;  quant  aux  tulipes 
et  aux  hyacinthes  dont  elle  est  émaillée,  elles  ne  soutiennent 
nullement  la  comparaison  avec  celles  des  fleuristes  hollandais. 
Pendant  le  mois  de  mai,  les  orages^  sont  fréquents.  Mais  un 
orage  au  milieu  des  steppes  n'offre  rien  de  bien  grandiose. 
C'est  un  spectacle  qui  perd  une  partie  de  sa  majesté ,  car  il 
manque  des  rochers  et  des  arbres  pour  refléter  la  pâle  lueur 
des  éclairs;  il  manque  l'écho  des  montagnes  pour  répéter  en 
le  centuplant  le  fracas  retentissant  du  tonnerre.  Néanmoins, 
les  habitants  de  la  steppe  voient  avec  plaisir  ces  convulsions 
atmosphériques,  quisont  toujours  accompagnées  de  pluies  ou 


Digitized  by 


Google 


ik  LES  STEPFSft  I>E  LA  RUSSIE  MtelMONALE. 

dioodkes  rafrat^lttssanles.  Les  orages  cesseQt  dès  le  mois  de 
jttin.  La  sécheresse  coBimence  déjà  à  se  foire  sentir.  Ce  bmiis 
a'écoule  souvent  sans  qu'une  seule  goutte  de  pluie  désaltère 
le  sol.  Juillet  arrive;  la  terre  desséchée  se  crevasse  en  miHe 
endroits.  De  gros  nuages  passent,  il  est  vrai,  dans  les  airs  an 
dessus  des  steppes;  mais  au  lieu  d'y  verser  leurs  trésors  hu- 
mides, ils  fuient ,  emportés  par  le  vent,  dans  la  direction  dos 
monts  Garpathes  ou  de  la  mer  Noire.  A  cette  ^oque  de  Taa- 
aée,  Tardeur  du  soleil  est  excessive  ;  cependant  les  vapeurs 
pompées  par  ses  rayons  forment  ordinairement  vers  le  milieu 
de  la  journée  des  brouillards  qui  amortissent  un  peu  la  chaleut  ; 
elle  ne  laisse  pas  de  devenir  intolérable,  parce  qu'elle  est  co^ 
tinuelle;  le  temps  ne  fraîchit  jamais,  et  Tabsence  d'arbres  est 
cause  que  l'ombre  est  une  chose  entièrement  inconnue. 

L'été  est  donc  une  saison  de  souffrances  pour  les  êtres 
animés  qui  peuplent  les  steppes.  Excepté  en  quelques  en- 
droits privilégiés,  la  végétation  s'est  entièrement  fanée.  Les 
herbes  ont  jauni  comme  si  la  flamme  avait  passé  dessus.  La 
croûte  du  sol  devient  brune  et  finit  par  noircir  tout  à  fait. 
Hommes  et  bétes  prennent  un  air  chétif  et  hagard.  Les  ânes 
sauvages  et  les  chevaux,  si  farouches  et  si  ingouvernables  au 
mois  de  mai,  n'ont  plus  ni  la  force  ni  la  volonté  de  résister,  et 
quand  arrive  le  mois  d'août  ils  se  traînent  à  peine.  La  peau 
des  malheureux  khakhols  (c'est  ainsi  que  les  Russes  appellent 
les  habitants  des  steppes),  cette  peau  hàlée  se  gerce  sur  leur 
cou,  sur  leur  poitrine  et  sur  leur  visage.  Ils  marchent  en 
chancelant  cqpme  des  hommes  accablés  de  leur  propre  poids. 
Silencieux  et  mélancoliques ,  ils  ont  tout  au  plus  l'énergie 
suffisante  pour  penser.  Les  sources,  les  réservoirs,  les  citernes 
sont  taris.  Les  lacs  et  les  étangs  ne  présentent  plus  que  des 
plaines  de  sable.  Le  prix  de  Teau  augmente  considérablement 
par  suite  de  la  rareté.  Les  sources  en  petit  nombre  qui  en 
fournissent  encore  sont  gardées  nuit  et  jour  par  des  senti- 
nelles, autrement  cette  eau  serait  volée,  et  le  légitime  pro- 
priétaire ne  trouverait  plus  de  quoi  étancher  sa  soif. 
II  périt  à  cette  époque  des  milliers  de  chevaux  et  de  bétes 


Digitized  by 


Google 


LBS  STBTVK  D£  LA  EUSSIE  MÉRUMOKAtl.  15 

àcornefl.  Tandis  qae  Tescés  de  la  cfaaknr  cause  tant  de  Tft> 
mges,  le  ciel  chargé  de  nuées  qui  semblent,  promettre  de  la 
ploie,  le  sol  calciné,  donnent  lieu  k  d*étranges  illusiei»: d'op- 
tique, et  Ton  croit  voir  de  loin  des  fleuves,  des  étangs,  des 
einx  courantes.  Cette  description  d'un  été  dans  les  steppes 
ne  s'applique  pas  à  toutes  les  années.  Celle  de  18317  et  celle 
de  i888,  par  exemple,  furent  remarquables  par  leur  humi- 
dité; mais,  en  général.  Tété  est  une  saison  terrible  sur  toute 
la  sur&ce  des  steppes  :  souvent  pendant  trois  ou  quatre  âok 
nées  de  suite  les  populations  meurent  de  famine  et  de  soif. 

\oici  la  descriptio»  de  Tété  de  1833  par  un  témoin 
oculaire  : 

«  Las  pluies  cessèrent  dès  le  mois  de  mai.  Pendant  toute  la 
dorée  de  Tété,  les  steppes  n'offrirent  qu'une  plaine  immense 
noircie  par  le  soleil  et  où  l'œil  cherchait  en  vain  un  peu  de 
verdure.  Aucun  souffle  de  vent  ne  se  faisait  sentir.  La  cha- 
leur des  nuits  n'était  pas  moins  étouffante  que  celle  des  jours. 
Quelque  épuisés  que  nous  fussions,  nous  ne  pouvions  goûter 
un  sommeil  réparateur.  Au  moindre  mouvement  des  hommes 
ou  des  animaux,  une  colonne  épaisse  qui  semblait  être  de  la 
fumée  plutôt  que  de  la  poussière  montait  du  sol  dans  les  airsu 
Dn  oiseau,  en  prenant  son  essor,  soulevait  avec  ses  ailes  un 
de  ces  nuages  suffocants.  Les  plantes  les  plus  soigneusemenit 
caltivées  paraissaient  malades  et  languissantes.  Le  blé,  qoi 
d'ordinaire  pousse  avec  une  si  grande  force  de  végétation, 
dressait  à  peine  au-dessus  du  sillon  sa  tige  rouge  et  son  épi 
vide  de  grain.  La  Eskh  et  la  soif  tuaient  tous  les  chevaux;  on 
n'en  sauvait  quelques-uns  qu'en  les  lâchant  au  milieu  des 
champs  de  ïAè  et  en  leur  abandonnant  pour  p&ture  ce  qui 
itait  destiné  à  alimenter  l'homme. 

»  Afin  de  préserver  le  peu  d'eau  que  fournissaient  enco^ 
certains  puits,  on  en  défendait  l'accès  au  moyen  de  chaînes, 
de  barrières,  de  sentinelles,  etc.  :  précaution  inutile  I  Des  mal- 
heureux, réduits  au  désespoir,  surmontaient  tous  ces  obsta- 
cles :  les  barres  étaient  brisées,  les  chaînes  rompues,  les  sen- 
tinelles entraînées  loin  dejeur  poste.  Toutes  les  transactions 


Digitized  by 


Google 


16  LES  STEPPES  DE  LA  RUSSIE  MÉRIDIONALE. 

commerciales  demeuraient  suspendues  ;  aucun  négociant  d« 
la  c6te  ne  songeait  à  envoyer  une  caravane  dans  l'intérieur 
des  terres.  C'était  une  circonstance  bien  connue  que  chaque 
goutte  d'eau  devait  être  conquise  les  armes  à  la  main  et  coûtait 
du  sang.  Plusieurs  taboonSf  ou  troupeaux  de  chevaux  sau- 
vages, périrent  ;  ces  pauvres  bétes,  rendues  ingouvernables 
par  l'excès  de  la  souffrance,  se  dispersaient  dans  toutes  les 
directions  afin  de  chercher  de  l'eau.  On  les  rencontrait  çà  et 
là,  tantôt  se  précipitant  au  fond  des  ravins,  tantôt  humant  l'air 
avec  leurs  naseaux  enflammés  et  interrogeant  l'espace,  etc.  )> 

Sous  plusieurs  rapports,  l'été  est  plus  désastreux  dans  les 
steppes  que  dans  le  Sahara  d'Afrique,  ou  dans  les  Uanos  de 
l'Amérique  espagnole.  Dans  aucune  de  ces  deux  régions  l'hu- 
midité ne  disparaît  aussi  complètement  de  la  surface  du  sol. 
Voyez  par  exemple  le  désert  du  Sahara  :  partout  où  il  y  a  une 
source,  ou  une  mare,  ou  une  citerne,  l'endroit  où  ce  trésor 
naturel  est  caché  ae  manque  jamais  de  former  une  oasis  déli- 
cieuse, un  petit  paradis  terrestre  décoré  de  dattiers  et  d'ar- 
brisseaux en  fleurs,  offrant  au  voyageur  épuisé  la  fraîcheur 
bienfaisante  de  son  ombre.  Mais  dans  les  steppes  on  n'aper- 
çoit un  peu  de  verdure  qu'au  bord  des  rivières.  Les  roseaux 
sont  les  seules  plantes  qui  en  ombragent  les  rives.  Le  sein  de 
la  terre  est  partout  fermé,  et  l'insecte,  aussi  malheureux  que 
l'homme,  ne  trouve  pas  même  un  cactus  ou  un  aloès  pour  en 
pomper  le  suc. 

C'est  au  mois  d'août  que  la  sécheresse  atteint  ses  dernières 
limites.  Vers  la  fin  de  ce  mois  les  rosées  de  la  nuit  recom- 
mencent. Les  orages  reviennent,  et  ils  sont  assez  souvent 
suivis  de  pluie.  Ce  nuage  de  poussière  suspendu  au-dessus  delà 
steppe  s'éclaircit,  se  dissipe  et  laisse  voir  l'azur  du  ciel.  C'en 
est  fisiit,  les  dures  épreuves  de  Tété  sont  terminées  :  l'automne 
approche  avec  ses  délices.  La  température  du  mois  de  sep- 
tembre est  des  plus  douces.  Sous  l'influence  des  pluies  et  des 
averses,  la  croûte  poudreuse  du  sol  quitte  la  couleur  noire 
qu'elle  avait  contractée.  La  verdure  reparaît  ;  l'herbe  couvre 
la  plaine.  Les  hommes  et  les  animaux  sont  ravivés. 


Digitized  by 


Google 


LES  STEFPBS  DE  LA  RUSSIE  MÉRIDIONALE.  17 

Mais  si  la  saison  de  rantomne  est  agréable,  en  revanche  elle 
dore  fort  pen.  Octobre  est  ravant-courear  de  l'hiver.  Il  est 
marqué  par  des  pluies  froides  et  des  brouillards.  Il  ramène 
d'ordinaire  les  zam$t$  et  les  vingoi,  A  la  fin  d'octobre,  l'hiver 
est  déjà  dans  toute  sa  force,  et  les  jours  les  plus  rigoureux  du 
mois  de  janvier  en  Angleterre  seraient  considérés  comme 
des  jours  d'automne  en  comparaison  de  la  température  qui 
règne  à  Odessa  dès  le  mois  de  novembre. 

Un  des  premiers  mots  que  l'étranger  retienne  est  le  mol 
hwrian.  Le  burian  est  en  effet  l'objet  éternel  des  lamentations 
du  fermier,  du  jardinier,  du  pâtre  ;  ce  mot  revient  dans  toutes 
les  malédictions,  dans  toutes  les  plaintes  des  habitants.  L'o- 
reille en  est  aussitAt  frappée,  et  l'on  éprouve  quelque  curiosité 
de  connaître  le  sens  d'une  expression  qui  semble  &ire  le  fond 
de  la  langue.  Après  quelques  informations  on  apprend  que 
chaque  plante,  chaque  espèce  d'herbe  qui  peut  servir  à  la 
p&ture  des  troupeaux  est  désignée  généralement  par  le  mot 
trava^  et  que  toute  plante,  toute  espèce  d'herbe  dont  ils  se 
détournent  avec  dégoût  s'appelle  burian.  La  liste  de  ces  der« 
nières  est  longue,  par  suite  de  la  nature  acre  et  salée  du  sol. 
On  les  rencontre  à  chaque  pas,  elles  désespèrent  le  labou- 
reur et  le  jardinier  ;  le  seul  parti  qu'on  en  tire,  c'est  qu'on  les 
emploie  pour  Cadre  bouillir  le  horsht,  ou  plat  national  des 
Russes.  Le  chardon  occupe  la  première  place  dans  le  burian. 
Nous  ne  nous  figurons  pas  à  quelle  hauteur  pousse  le  chardon 
dans  les  steppes  de  la  Russie  méridionale.  Souvent  il  atteint 
les  dimensions  d'un  arbre  véritable,  et  il  abrite  sous  ses  bran- 
ches  les  huttes  des  Troglodytes  ;  dans  certains  endroits,  les 
chardons  sont  tellement  abondants,  tellement  serrés  les  uns 
contre  les  autres,  qu'ils  forment  comme  un  petit  bois,  au  mi- 
lieu duquel  un  Cosack  monté  sur  son  cheval  peut  se  cacher. 

La  plante  la  plus  mal  fiimée  delà  steppe,  après  le  chardon, 
a  été  nommée  par  les  colons  allemands  mnd^tch  (sorcière 
du  vent).  C'est  une  mauvaise  herbe  qui  épuise  toute  sa  force 
de  végétation  à  pousser  une  foule  de  fibres  et  de  fils,  s'épar- 
pOlant  dans  toutes  les  directions  jusqu'à  ce  qu'ils  présentent 

S*  SÉRIE.  —  TOME  XI.  2 


Digitized  by 


Google 


19  LES  flSmS  PR  IiA  EUS9IR  iltoUlIOKAU* 

«ne  Ugère  masse  globoUre.  Le  suc  de  cette  heàbe  estd'me 
amertuiM  três-«randa  Mène  dans  le&  étés  les  plusr  IkûIwU» 
hi  animaux  a'abstieiMient.  d'y  ioudif  r«  EUe  a^élèv^  ordinair 
ranflii  A  trais  pied^  de  terre.  Qnand  vieni  TattUnnAe,  la  tige 
sa  fléint  et»  dessèche  p«r  le  haut  Leieete  de  la  plante  est 
enomte  ^^r^^H»^  par  le  premier  souffle  de  vent,  et  la  windr 
witch  est  emportée  à  travers  te  plaine  avec  une  rapidiié  qpie 
le  meilleur  coursier  n'égafanaii  pas.  On  en  veii  quelquefoîa 
des  coataaea  qoi  v^dii^enl,  mentent,  descendent  et  ^entre- 
mêlent les  unes  au  mitres,  aa  gré  du.  tenvbUlon  <pil  lea  a 
anaudiéBs  de  tocca  On  ëirati  de  Juin  ma  lo&oos.  de  chevanx 
sauva^ssL 

Les  Allemands  ne  ptmvaient  pas  inventer  mi  asm  plus  si- 
gnifieafif;.  en  effets  ks  danses  des  vind-witcbs  rappelleni 
celles  des  sorcières  ;  commie  criles^i»  elles  se  poursoîventy 
toinrnent  en  cerele  et  s'enlèvent  dans  les  airs.  D'amtres  fois 
dles  se  véuniaunt  mi  une  masse  compacte  et  forment  comme 
«le  menle  énorme  qui,  chassée  par  le  vent,  roule  sur  elle- 
floÊme  uyea  une  vitesse  prodigieuse.  Chaque  année  la  mer 
fiknro  en  engloutit  des  myriades.  Là  se  termine  leur  course 
démoniaque  ;  mm  £qîs  mouillées  par  les  vagues,  elles  per- 
dent ees  grâces  fantaatkpiea  qui  les  distinguaient  à  terre. 

Il  ne  but  point  onblier^  comme  figurant  en  première  figne 
dans  le  hmiat^  l'absinthe  amère.  Cette  plante  pousse  à  envi- 
son  six  pieds  de  hauteur.  Pendant  tes  grandes  sécheresses  de 
Pété,  les  bétes  i  cornes  ne  dédaignent  pas  de  s'en  noarrir  ; 
mais  alors  le  teit  et  le  beurre  oontraeteni  utt  goût  d'amertume 
bien  prononcé.  Si  par  hnsard  quelques  parcelles  de  cette 
plante  se  mêlent  «s  blé,  le  pain  qui  en  provient  prend  la  sa- 
veur de  l'absinthe. 

Les  herbes  maMsisantea  sont  i  peine  connues  dans  les 
steppes  d'Europe.  Bans  oetien  de  l'Asie,  les  champignons  vé- 
néneux sont  si  communs  et  viennent  en  si  grande  quantité» 
que,  vers  l'autonme,  des  espaces  considérables  de  terrain  en 
sont  couverts.  Ils  sont,  pour  te  plupart,  de  couleur  blanche, 
en  sorte  que  quelquefois,  en  les  voyait  le  matin,  on  croirait 


Digitized  by 


Google 


qu'il  ea(  tonibé  4e  la  o^g»  pendant  la  mut,  La  chaleur  du 
jour  le»  fui  pérk  d'ordinaire;  mais  rhwmdUé  de  la  J»ujA 
«aoqoe  raremf lU  d'en  pradiûre  mu»  nnoifsoa  oûB^elle, 

Noiui  pourrîoaa  prolonger  cett^reTue  botaoique;  toutafo^ 
le  aonbte  des  diieryea  plan^  qui  croweut  danaTimniema 
étendue  des  steppes  est  beaucoup  plus  UmU4  qu'où  ne  Id 
wppoaei.  iM  eavaate  n'en  eoinpteot  fue  <iiuq  «enta  espèf es 
q«i  appaitie«aenl>au  wA  ^  ^te  ceotrée  ;  cbaoune  da  ces  ea- 
pèces  abonda  et  finponne*  Aîas  l'on  fora  w  trajet  de  pbi^ 
«ienra  miUea  sana  neneo«tser  tvm  wUse  ^oae  «ne  de  l'ab^ 
sintbe,  ou  b^  l'on  tombera  sur  uo  champ  de  tul^ies  on  da 
mignanmltefi  sauvages  cpû  otn^prend^a  des  milliers  d'acref^ 
Beaiarqaoaa  en  passant  que  cette  derniàre  plaAte  ne  poaséid/a 
point  dans  lea  steppes  le  délicieux  parfum  qu'elle  a  dan9  noa 
dimata.  Pins  loin ,  votre  droshky  roulera  pendant  plusieura 
jours  consécutils  sur  une  plaine  unie  qai  n'offre  à  l'œil,  pour 
toute  végétation,  qfue  de  l'herbe  ;  ce  sont  là  des  p&tnrage« 
très-iavorables  à  l'élève  des  okoutona;  ils  y  profitrent  aduH*" 
nblemeaty  et  leur  chair  devient  tellement  savoureuse,  qm 
les  restanraots  les  plus  renoumés  de  Paris  et  les  clubs  lei 
pina  riches  de  JU>nd^es  ne  présentent  rien  de  semblable. 

Un  phénomène  sini^ier  se  produit  dans  les  steppes  lora^' 
que  Vhomroe,  toiqouiis  présomptueux,  entreprend  d'y  porter 
la  charme  :  le  sol  n'est  pas  plus  I6t  euvert  qu'il  y  croit  une 
Ibnle  de  plantes  inutiles  on  nuisibles,  de  celles  qui  compo^ 
sent  le  ^niion.  l<e  fermier  est  obligé  de  défendre  contre  ellea 
son  champ  et  de  les  extirper  avec  soin,  autrement»  adieu  la 
moisson*  Que  si,  Taimée  suivante,  le  même  terrain  demeure 
en  jachère,  le  burùm  s'en  empare,  et  il  le  remplit  de  toutes 
sortes  d'herbes,  de  plantes,  de  résines.  Au  bout  de  qaelquea 
année»,  une  lutte  s'établit  entre  les  jiMiuvaises  herbes  et  le 
gaaoB.  -Chose  étrange  l  c'est  presque  toujours  ce  dernier  qui 
triomphe.  Les  premières  disparaissent  peu  à  peu,  et  il  reste 
un  beau  pâturage  qui  s'améliore  deplui  en  plus,  jusqu'à  œ 
qa'il  atteigne  la  perfiactien,  c'est^^^lire  jusqu'à  ce  que  le  (^ 
rîiw  y  «oit  eeviplètement  ^tonffé*  C'eat  alors  que  9'ôpère  une 


Digitized  by 


Google 


aO  LES  STEPPES  DE  LA  RUSSIE  MÉKIDIONALE. 

réaction  :  le  sol  est  envahi  par  une  espèce  de  gazon  dont  les 
brins  sont  gros  et  épais,  et  que  les  botanistes  appellent  stipa 
pinnata.  Cette  herbe  couvre  la  terre  de  ses  tiges,  qui  sont 
dures  et  sèches  comme  du  bois,  et  que  les  troupeaux  ne  peu- 
vent brouter.  A  la  fin,  le  fermier  y  met  le  feu,  et  la  place  se 
trouve  déblayée. 

La  méthode  de  mettre  le  feu  à  la  steppe  pour  améliorer  un 
terrain  devenu  mauvais  est  la  seule  que  pratiquent  les  indi- 
gènes. On  l'emploie  habituellement  au  printemps,  afin  qu'une 
nouvelle  couche  de  gazon  pousse  immédiatement  du  milieu 
des  cendres.  Elle  exige  de  la  part  des  Tartares  de  grandes 
précautions.  Rarement  l'incendie  se  propage  au  delà  des  li- 
mites dans  lesquelles  on  se  proposait  de  l'enfermer.  Quelque- 
fois cependant  le  feu  se  communique  aux  herbes  par  acci- 
dent, ou  par  suite  d'un  acte  de  malveillance.  Alors  l'élément 
terrible  se  déploie  sur  une  étendue  de  plusieurs  centaines  de 
lieues,  ravageant  tout  sur  son  passage,  détruisant  les  planta- 
tions, les  troupeaux,  les  huttes ,  les  maisons ,  et  jusqu'à  des 
villages  entiers.  Ces  incendies  sont  surtout  à  craindre  pen- 
dant l'été,  parce  que  les  plantes  desséchées  s'enflamment 
très-fecilement.  Us  prennent  les  formes  les  plus  diverses  : 
c'est  tantôt  une  mer  qui  roule  devant  elle  avec  une  force  ir- 
résistible ses  vagues  mugissantes;  tantôt  un  tourbillon  qui 
passe  sur  la  surface  de  la  steppe  et  qui  ne  laisse  rien  derrière 
lui  ;  tantôt  un  serpent  qui  trace  à  travers  les  hautes  herbes 
ses  replis  sinueux.  Le  vent  même ,  quand  il  souffle  du  côté 
opposé,  ne  saurait  arrêter  la  marche  du  feu  :  les  flammes  con- 
tinuent d'avancer  sous  le  souffle  de  la  bise,  et  elles  vont 
plus  ou  moins  vite,  selon  la  nature  des  objets  qui  les  alimen- 
tent. Il  arrive  souvent  que  l'incendie  se  trouve  comprimé 
entre  deux  ravins  :  vops  croyez  qu'il  épuisera  sa  rage  dans 
cet  espace  étroit,  et  qu'il  finira  par  s'éteindre;  mais  qu'une 
flammèche  soit  portée  par  le  vent  au  milieu  des  plaines  avoi- 
sinantes,  et  soudain  le  feu  s'emparera  de  ce  nouveau  théâtre, 
et  l'obstacle  qui  l'arrêtait  sera  franchi.  Une  route  bien  frayée, 
un  ravin,  un  terrain  creux,  où  un  reste  d'humidité  a  conservé 


Digitized  by 


Google 


LES  STEPPES  DE  LA  RUSSIE  MiRIDIONALE.  Si 

nn  peu  de  verdure ,  sont  autant  de  points  dont  on  peut  pro- 
fiter pour  s'opposer  aux  progrès  de  Vêlement  vainqueur. 
C'est  là  que  les  bergers  viennent  se  poster  :  ils  pratiquent  des 
tranchées  à  la  hâte ,  ils  sont  attentifs  à  étouffer  toutes  les 
flammèches  qui  tombent  autour  d'eux ,  et  quelquefois  leurs 
eflbrts  ne  sont  pas  infructueux;  souvent  aussi  ils  échouent 
dans  leur  tentative.  Les  laboureurs  contemplent  avec  déses- 
poir leurs  champs,  qui  deviennent  successiv^nent  la  proie  du 
feu;  leurs  habitations,  qui  sont  réduites  en  cendres,  et  leurs 
troupeaux  qui,  courant  à  travers  la  plaine,  sont  bientôt  saisis 
par  un  tourbillon  de  fumée  et  asphyxiés. 

Rien  de  plus  capricieux  que  la  marche  de  ces  incendies  : 
ils  laissent  parfois  un  ^pace  considérable  de  pays  sans  y 
toucher;  ils  sautent,  pour  ainsi  dire ,  par-dessus ,  et  portent 
plus  loin  leurs  ravages.  Déjà  le  fermier  dont  les  champs  et 
les  troupeaux  ont  été  épargnés  si  miraculeusement,  se  félicite 
d'avoir  échappé  au  péril;  mais  voilà  que  l'ennemi  revient 
brusquement  sur  ses  pas  :  son  attaque,  pour  avoir  été  tardive, 
n'en  est  que  plus  violente,  et  la  proie  qu'il  avait  négligée ,  il 
la  dévore  entièrement. 

Une  consolation ,  un  léger  dédommagement  reste  au  mal- 
heureux fermier  :  les  cendres  qui  résultent  de  la  conflagra- 
tion des  herbes  forment  un  excellent  engrais,  et  la  moisson 
qui  succède  répare  invariablement  la  perte  de  la  moisson 
précédente.  L'avantage  est  si  grand ,  que  plusieurs  proprié- 
taires mettent  le  feu  à  leurs  champs  toutes  les  quatre  ou  cinq 
années;  mais  alors,  comme  nous  l'avons  dit,  on  emploie 
toutes  les  mesures  de  précaution  nécessaires,  et  on  cerne  le 
feu  par  des  tranchées,  de  manière  à  ce  qu'il  ne  puisse  se  pro- 
pager au  delà  de  l'espace  qu'on  lui  a  assigné. 

On  fidt  aussi  usage  de  ce  moyen  pour  détruire  les  forêts  de 
roseaux  qui  croissent  sur  les  bords  des  rivières  des  steppes  ; 
mais  cela  est  si  dangereux  que  la  loi  le  défend  et  prononce 
contre  les  coupables  la  peine  du  bannissement  en  Sibérie. 
Malgré  cette  sévérité  des  ordonnances,  la  plupart  des  forêts 
en  question  sont  brûlées  chaque  année  au  printemps.  Le 


Digitized  by 


Google 


il  tÈà  mÉPPÈÊ  tn  tA  «UêftB  tf«1lfOl0]fALfe. 

IHYiêpm'  et  le  Dniester,  d<mt  ïes  rhré§  «i  sont  oonvertës,  ap* 
pfifftiMetit  cMime  des  rivières  de  fai,  et  les  flanimes  qpae  i^ 
llètent  les  eatttc  présetitent  tm  spectacle  vraiment  magnifique. 
Deux  raisons  décident  les  Mforels  à  braver  le  ckàtiment  cJkMil 
Us  sont  menacés  :  la  première,  c'est  que  les  roseau  servent 
tfe  repafre  k  tin^  mûMfttde  de  loéps  que  Kincendie  liiit  sortir 
lie  Icar  cachette  et  qne  l'on  tac  ;  la  seconde,  c'est  q«i'oii  es^ 
père,  ett  t^rfilani  les  anciéiffies  poasses  »  obienfir  des  pOiiMes 
notfvdRes  plus  abovtctantes.  Il  nefant  pas  o^bKer  q«e  e^â  VO'- 
seaM  sont  d'ofte  très-^nde  miHté  dans  les  steppes  t  ^  Jttp'' 
pléent  à  l'absence  de  la  pierre  et  du  bois  4e  diarpente,  et 
f  h  fonmfissent  la  mfttière  principale  pour  la  constm^tMm  des 
IbSFisons. 

Le  t^^tie  «Mimai  n'est  pas  pfos  varié  que  cel«i  des  végè^ 
taux;  Tnn  et  l'autre  sont  pauvres,  malgré  le  nombre  des  êtres 
Mimés  (font  la  steppe  est  penplèe.  La  monotonie  est  en  tontes 
tjhoses  le  trait  dislinctif  de  cette  contrée  ;  mais  si  les  espèces 
j  sont  peu  diversifiées,  elles  multiplient  d'une  manière  éton- 
Mante.  Les  aigles,  les  vautours,  les  faucons  «t  autres  oiseaux 
que  partout  ailleurs  on  ne  voit  guère  qu'isolés ,  se  montrent 
ici  par  troupes.  Les  bords  des  rivières  et  les  endroits  cou- 
verts de  roseauic  abondent  en  canards,  «n  oies,  en  pélicans  ; 
une  multitude  de  lièvres  très-petits  pullulent  dans  les  herbes. 
Les  alouettes,  les  pigeons,  les  grives,  les  merles,  les  pluviers 
sont  très-communs  ;  il  en  est  de  même  des  papillons  et  au- 
tres insectes.  Parmi  eut  figure  en  première  ligne  la  saute^ 
relie,  dont  nons  aurons  &  parler  plus  tard.  Les  steppes  ne 
tomptent  que  peu  d'espèces  qui  leur  appartiennent  exchis{-»> 
rement.  Quoique  la  plupart  d'entre  elles  se  trouvent  aussi 
dans  d'autres  contrées ,  elles  y  diffèrent  de  mcfeurs,  d'habitu^ 
des,  d'instincts.  On  peut  dire  que  ta  nature  toute  pariicuKère 
du  climat  des  steppes  modifie  celle  des  animaux  qu4  y  vivent* 

Dès  que  vous  aveSK  trsfversé  le  Dnieper,  à  Kremenlspng, 
vous  remar(|ue2  un  petit  àwimal  qui  se  glisse  partout  dang 
les  herbes ,  et  qui  s'approche  même  dès  grandes  rotftes  :  ièa 
Russes  rappellevit  êomUh ,  lus  colons  allemands  Uèrre  à  ter* 


Digitized  by  VjOOQ  IC 


IM  msrPM  M  -Là.  ftUMB  UtÊitOUmAtM  tt 

rier,  et  le»  éradiU  ttffiUtu  tmlgmiê.  Ceit  tiM  gMK^ieasé  pe» 
tite  créature  paitîoillièreMiKteppeB^  4|i]i  fiait  le»  ^y»  boisés^ 
et  i|«'-mi  ràk  Tsrettetti  étans  fc  ▼•bims»  d'ne  irai»  de 
Le  lUmeàieivier  est  exttèDBPcnMOit  kimA  4e  ce» 
I  b«lbM»e»  <qf»iJahioiiritoMdiw.ct«e«Mil»ée.  il  «ntt^ 
pue  tMancoop.  9»  VMme  et  4^upeot,  <1  ptplîoipe  de  U^ 
iWM>tle«tKle1t4o»iMil;iIatt|ilii»  fieUt^ela  lyrenlèie, 
et  îl  diMm  da  eeoeiid  per  la  «Dokw  'de  son  petage«i  1» 
longaeiir  wotii»  Mflwidéfable  de  la  qoeoe.  H  se  oreaee  uit 
terrier  o4  il  mm»»»  de»  pfOf ineas  pour  rhmr.  <:e  lerrier  « 
locÔ^w»  den  ewerturee^  «8»i  e8l41  fiidle  d!expulBer  le 
eowKk  de  »a  retraite  en  y  iin»ant  eatrer  de  l'eao  par  «le 
de»  fisoe».  Ge»  iMiiaMK  «fit  poor  t'en  anMsremoD  décidée. 
On  a  remarqoé  ipie  dan»  le»  saison»  himidea  ih  dimiiiMiit 
de  noubre,  «tipi'iU  araltiplient  peodigiaiBaiiant  pefidaait  le» 
8eRiero9B^w« 

Leur  gentinesM  et  lear  caractère  foMtre  tomi  qiiVm  a  do 
plaisir  à  le»  observer.  On  en  raaeotttne  i  chaque  pas.  Tandis- 
qae  le»  hd»  se  jooeat  an  miliea  de»  herbes,  les  antres  plus 
tinides  ee  tiennent  accroupis  devant  l'entrée  de  leors  terrien^ 
iln  de  aoïveifler  l'approcbe  de  l'ennefeBiL  Apercoivent-lls  wt 
hemne  on  qnelqae  olo^  dont  il»  croient  devoir  se  défier,  ans- 
»IIAl  ilsse  dreseettt  sur  lears  jandie»  de  derrière,  tels  qnede» 
kangnroos  en  minfature,  et  ils  élèvent  »i  haut  leur»  petite» 
tttes,  qn'on  dirait  qu'ils  peuvent  s'allonger  comme  des  télés- 
eepes.  Le»  femmes  emploient  la  fourrure  du  sousUk  pour 
kovder  leurs  habillement».  On  voit  souvent  des  manteaux  et 
de»  robe»  qui  sont  laits  de  oette  matière,  et  qu'on  vend  à  fai 
Mre  de  htÂffiiç  sous  le  nom  de  êiÊêmIehm.  De  tous  lee  qna- 
àrupède»  de»  steppes,  eela&^i  e»t  de  beaucoup  le  phi»  ré* 
panda.  Le»  chiens  saumges  s'en  nnemBsent  principalemelit^ 
les  hMip»,  le»  TCimrd»,  te»  hneon»,  les  aigles  kû  donnent  oon^ 
Mnonent  la  ohasse. 

Apffè»  loi  vient  la  eouris,  qui  infeste  les  greniers  et  lesmia- 
psins.  Poor  «e  débarrasser  de  cet  hèle  inconunode,  les  fer* 
mieresoot  «qpMlquefeis  eUigés-d»  mettre  le  feu  à  des  «as  4e 


Digitized  by 


Google 


ik  LES  STEPPES  DE  LA  BUSSIE  MBBIBIOHALE. 

blé.  Contrairement  aux  mœurs  du  souslik,  c*est  pendant  la 
saison  humide  que  la  souris  multiplie  le  plus. 

Le  loup  des  steppes  est  plus  petit  que  celui  des  forêts,  et 
se  distingue  en  outre  de  ceux  des  autres  pays  par  ses  habi- 
tudes souterraines.  Partout  aOleurs  le  loup  se  retire  dans  des 
cavernes  naturelles  ou  dans  des  fourrés  épais  ;  ici  il  se  creuse 
des  terriers  de  la  même  manière  que  les  lapins,  et  il  n'est  pas 
rare  de  trouver  une  portée  de  ces  animaux  à  plusieurs  pieds 
de  profondeur  au-dessous  du  sol.  Ils  ne  se  montrent  guère 
aux  environs  d'Odessa  et  des  autres  grandes  vOles  ;  mais  nulle 
part  ils  ne  sont  plus  communs  que  dans  les  parties  boisées 
des  steppes.  C'est  de  là  qu'ils  partent  en  bandes  nombreuses 
pour  attaquer  les  troupeaux  qui  paissent  dans  la  plaine.  Aussi 
chaque  ferme  est-elle  entourée  de  haies  ;  ces  haies  n'ont  pas 
moins  de  douze  à  quatorze  pieds  de  haut,  pour  servir  de  re- 
tranchement contre  les  invasions  continuelles  de  ces  pillards. 
Us  font  une  rude  guerre  aux  chevaux,  aux  moutons,  aux  bétes 
à  cornes;  quelquefois  même  ils  ravissent  des  enfants. 

Les  chiens  sont  de  l'espèce  la  plus  vulgaire,  tant  pour  la 
forme  que  pour  le  fond.  Très-hauts  sur  pattes  et  très-velus, 
avec  leur  longue  queue  et  leur  museau  effilé,  ils  ressemblent 
à  des  loups  plutôt  qu'à  des  chiens.  Leur  couleur  est  généra- 
lement d'un  gris  sale.  Quoiqu'ils  ne  soient  l'objet  d'aucun 
soin  de  la  part  des  Russes  méridionaux,  ils  se  sont  multipliés 
d'une  manière  incroyable,  et  Ton  n'en  compte  pas  moins 
que  dans  la  Turquie.  Pourtant  les  Russes  du  midi  ne  souffirent 
jamais  un  chien  dans  leur  demeure;  jamais  ils  n'admettent 
cet  animal  à  ce  degré  de  familiarité  dont  il  jouit  chez  nous, 
et  dont  jouissent  les  chats  et  les  coqs  dans  toute  l'étendue 
des  steppes;  mais  comme  ces  chiens  écartent  les  loups,  on 
en  laisse  l'espèce  se  propager  à  l'infini.  Les  habitations  sont 
protégées  la  nuit  et  le  jour  par  des  meutes  nombreuses  de  ces 
animaux.  On  ne  s'occupe  nullement  de  les  nourrir;  ils  vivent 
comme  ils  peuvent.  Au  printemps,  cette  saison  de  l'abon- 
dance, et  lorsque  les  chevaux  et  le  bétail  errent  en  liberté  à 
travers  les  steppes,  les  chiens  s'éloignent  des  habitations,  et 


Digitized  by 


Google 


tJSS  STEPPES  BS  LA  EUSSIB  HBEIDIONALB.  SK 

deviennent  presque  aussi  sauvages  que  les  loups  eux-mêmes. 
Les  fringoi  de  Thiver  les  forcent  de  se  rapprocher  des  fermes 
et  des  villages.  Pendant  Tété  ils  subsistent  du  produit  de  leur 
diasse.  Ils  font  leur  proie  des  rats,  des  souris,  des  soosliks, 
des  œufs  d'oiseaux  et  des  jeunes  couvées  ;  mais  quand  vient 
la  mauvaise  saison,  ils  souffirent  cruellement  du  froid  et  de  la 
fidm.  On  les  voit  parcourir  les  steppes  par  troupes  de  douze 
à  quinze,  cherchant  au  milieu  des  neiges  ou  dans  la  profon- 
deur des  ravins  quelque  corps  mort  à  dépecer. 

Bien  qu'ils  ne  soient  pas  inutiles,  ils  donnent  lieu  à  des 
plaintes  continuelles  de  la  part  des  habitants,  surtout  de  ceux 
qm  se  livrent  au  jardinage.  En  effet,  les  chiens  des  steppes 
sont  très-friands  de  fruits.  S'ils  pénètrent  dans  une  vigne,  ils 
dévorent  les  raisins.  Ils  grimpent  même  sur  les  poiriers  et  les 
pruniers  pour  les  dépouiller.  Plus  ils  sont  repus  d'une  autre 
nourriture,  plus  ils  sont  avides  de  celle-ci  :  on  dirait  que  le 
fruit  les  désaltère  et  rafraîchit  leur  sang. 

De  même  que  les  loups,  ces  chiens  se  creusent  des  terriers 
spacieux  où  ils  cherchent  un  abri  contre  les  chaleurs  de  Tété 
et  le  froid  de  l'hiver.  Par  suite  de  l'état  à  moitié  sauvage 
dans  lequel  ils  vivent,  on  prétend  que  le  croisement  des  deux 
races  est  un  fait  fréquent.  On  débite  là-dessus  en  Ukraine 
plusieurs  histoires  plus  ou  moins  vraisemblables  dont  quel- 
ques-unes sont  accréditées  dans  notre  Europe  occidentale. 
Par  exemple,  la  louve  mènerait  boire  sa  portée,  et  tuerait 
ceux  de  ses  petits  qu'elle  verrait  laper  l'eau  à  la  manière  des 
chiens  ;  d'autres  fois  elle  accepterait  un  chien  pour  mari  et 
pour  compagnon,  puis,  au  bout  de  deux  ou  trois  mois  d'exis- 
tence commune,  saisie  d'un  remords  subit,  elle  se  séparerais 
de  lui,  et  laisserait  à  sa  charge  les  petits  qu'elle  en  aurait  eus  ; 
le  pauvre  père,  ainsi  abandonné,  les  conduirait,  au  retour 
de  l'hiver,  à  la  cabane  de  son  maître  ;  là  ces  fruits  d'une  union 
adultère  ne  manqueraient  pas  d'être  reconnus  à  leur  poil  fauve, 
à  leurs  oreilles  pointues,  à  leur  façon  toute  particulière  de 
mordre,  et  à  leur  goût  instinctif  pour  la  chair  de  mouton. 
On  prétend  encore  qu'ils  chassent  le  loup  avec  plus  d'ardeur 


Digitized  by 


Google 


^e  leB  chiens  ordinaires.  Jennes,  on  tes  tient  enchaînés; 
vieux,  rni  les  met  à  mort,  et  lear  fearrare  est  presque  aaasi 
estimée  cpie  «elle  des  loops  véritables. 

VanMi  les  oiseaux,  celui  dont  l'espèce  est  la  pks  répandue 
^t  Vottlarde,  ou  irakhna,  comme  t'appeltent  les  Russes.  A 
l'approche  de  Tbiver,  les  outardes  émigrent  de  la  ^lasie  sep- 
tentrionale vers  des  climats  pins  doux;  mais  aux  etrvirons 
d^Odessa,  et  àfembouchure  du  Dnieper  et  du  Dniester,  eUeu 
restent  toute  Tannée.  Elles  vont  communément  par  troupes 
de  douze  à  vingt.  A  mesure  que  l'hiver  s'avance,  ccr  nombre 
devient  plus  eansidérabfe;  il  monté  quelquefois  de  qualtiM- 
^ittgts  à  cenft.  Ce  n'est  point  que  l'oiseau  soit  alors  plus  m^ 
«laMe^;  c'est  que  les  endroits  oà  il  trouve  sa  subsistance  sont 
pks  Hmttès.  Effrayée  par  la  présence  d'un  ennemi  réel  ou 
supposé,  une  de  ces  troupes  prend-^lle  brusqu^nent  son  vol, 
thacun  des  individus  qui  la  composent  fuift  dans  une  direo* 
tion  particulière  et  régale  son  nid.  Vers  le  mois  de  juin  ou 
de  juillet,  on  voit  les  outardes  pattre  avec  leurs  petits;  dans 
ces  occasions,  le  m&le  veille  soigneusement  à  la  sûreté  de  sa 
femelle  et  de  sa  jeune  famille.  Au  moindre  signe  de  danger,  il 
donne  l'alarme.  Sa  vigilance  est  (elle,  qu'il  est  fort  difficile 
de  s'en  approcher  assez  près  pour  les  tuer.  Les  Itussesoroîenf 
que  l'outarde  connaît  exactement  la  portée  d'un  fusil.  Les 
Gosacks,  qui  sont  les  meilleurs  chasseurs  des  steppes,  luttent 
de  ruse  avec  cet  oiseau  :  tantôt  ils  se  glissent  en  rampant  à 
travers  les  herbes  et  parviennent  jusqu'à  hii  sans  être  apei^ 
çus  ;  tantôt  ils  trompent  le  mâle  en  imitant  le  cri  de  h.  femelle 
au  moyen  d^un  petit  sifflet  foit  avec  un  os  de  bœuf.  Cette  imi- 
tation est  d'une  vérité  étonnante.  Mais  la  manière  hi  plus  t^ 
tmrquaM^  de  chasser  les  outardes  se  pratique  en  hiver  :  cette 
saison  venue,  elles  cherchent  un  abri  sous  des  chardons  et 
autres  grandes  herbes  ;  le  froid  redcwble  de  violence,  la  glace 
s'attache  i  leurs  ailes;  elles  ne  peuvent  ph»  futr,  et  elles 
eifirent  une  proie  fecile  afux  renards,  aux  loups  et  suftovt  k 
l'homme.  Montés  sur  leurs  chevaux,  les  Cosacks  les  pour- 
suivant et  les  tuent  à  coups  de  fouet.  Un  chasseur  babile 


Digitized  by 


Google 


as  «fftm»  Dl  CA  HOSBIt  MÉSmiOirALE.  tS 

peftt  êii  illripèr  mi  ^and  nombre  dan  «ne  jooniée*  On 
elle  d«is  les  eteppes  des  habitaiits  <pii  se  sMit  scquh  «itie  pe^ 
file  (brtmie  par  quekpies  chasses  heureuse»;  un,  entre  «ak*e9, 
qui  dans  mie  seule  matinée  tua  cent  cinqoante  outardes  avec 
ie«i  ffonei/  H  les  vendit  à  Odessa,  et  eUes  lai  rapportèrent 
quatre  eent  einqnante  roubles.  Vers  le  nord,  ehaôin  de  cas 
oiseaux  se  rend  souvent  de  dUc  i  qirinae  rmbtos. 

Les  aigles,  les  vautours  et  autres  oiseaux  de  proie  ont  leu- 
fMtt  été  trèfr-ri)ondaat8  sur  toute  l'étendae  des  steppes  ; 
mab  dans  ces  d^nières  années,  une  oertaine^portiett  de  terre 
ayant  été  défrichée,  une  foule  d'oiseau  granivores,  Jiis(tue4Br 
inconnus,  j  sont  arrivés,  et  d'autres  espèces,  qa\  auparimana 
èùàBûi  assex  rares,  se  sont  nraltipliées  d'une  manière  surpre^ 
ttâste.  Le  seul  oiseau  chanteur  qu'on ytrouve,  c'est  l'alouette. 
Cependant  le  rossignol  se  lait  quelquefois  entendre  dans  les 
jardins  qui  entourent  la  vitle  d'Odessa. 

Malgré  fat  sécheresse  du  sd ,  les  steppes  sdht  infestées  de 
reptâes,  de  grenouilles  et  de  crapauds  :  ces  derniers  surtout 
96  TencontrtBt  à  chuque  pas;  et  quand  il  est  tombé  un  peu 
de  ploie,  il  ^t  difficile  de  mafrcher  sans  en  écraser  plusieurs. 
¥n  phénomène  etfrèinemeiit  eurieut  a  Heu  pendant  les  mois 
<rété  :  M.  Sohl  n'en  a  jamais  été  témein,  mais  il  l'a  entendu 
dèorire  tsnt  de  feis,  non*-si^lement  par  les  indigènes,  mats 
aussi  par  les  colons  allemands,  qu'on  ne  saurait  guère  s'em^ 
pêcher  d'y  ajouter  foi.  Ce  phénomène  dans  la  langue  du  pays 
est  appelé  apparition  de  crapwiis,  Yeici  ce  qu'en  dit  notre 
auteur  : 

«  Tout  lé  monde  rapporte  qae  suivent,  au  mois  de  juin  o» 
de  juillet,  quelquefois  même  au  mois  d'août,  après  une  forte 
ondée,  la  terre  se  couvre  soudarinement  d'une  myriade  de 
^•tits  crapauds,  qui  viennent  on  ne  sait  d^oA,  et  disparais- 
sent cemme  ils  sont  venus.  Il  feut  que  cette  ondée  tombe 
pnr  grosses  gouttes ,  et  soit  accompagnée  des  i^ons  du  so- 
leil. Une  pluie  qui  dure  longtemps  n'amène  jamais  de  cra- 
pnds.  Le  nonAre  des  reptfles  qu'on  voit  dafrs  ces  occasions 
eut  fcbnleux  :  ce  sont  des  millions  de  militons.:  en  dirait  unre 


Digitized  by 


Google 


28  LES  STEPPES  DE  LA  RUSSIE  MÉRIDIONALE. 

armée  de  sauterelles.  Marcher  au  travers  de  ces  reptiles,  qui 
grouillent  de  toutes  parts,  est  la  chose  du  monde  la  plus  re- 
butante ;  à  chaque  pas ,  on  en  écrase  cinquante  à  soixante  : 
cela  foit  soulever  le  cœur.  Qu'on  se  figure  un  indigène  cou- 
rant pieds  nus  sur  ces  masses  animées  dont  le  sol  est  jonchél 
Les  roues  des  voitures  les  éventrent,  les  coupent  en  morceaux, 
et  roulent  toutes  dégouttantes  de  sang. 

ce  Ces  reptiles  sont  de  la  dimension  la  plus  exiguë  ;  à  peine 
égalent-ils  en  grosseur  les  petits  crapauds  qui  naissent  au 
printemps;  mais  ils  sont  beaucoup  plus  vifis  et  plus  alertes. 
Quelque  nombreux  qu'ils  soient,  aussitôt  la  pluie  tombée,  ils 
ne  tardent  pas  A  disparaître  ,*  et  dès  le  lendemain  on  n'en 
voit  plus  aucune  trace.  On  ne  remarque  pas  qu'il  y  en  ait  en 
plus  grande  quantité  dans  les  rivières  et  dans  les  étangs  : 
on  croirait  que  la  terre ,  qui  les  produit  brusquement  à 
sa  surface,  les  absorbe  de  la  même  manière.  Que  si  vous 
interrogez  les  naturels  du  pays  sur  la  cause  de  ce  phénomène, 
les  Russes  secoueront  leurs  épaules,  et  vous  répondront  : 
Bog  snayet  (Dieu  le  sait) ,  tandis  que  les  Grecs  vous  adresse- 
ront sans  doute  au  diable  en  personne  pour  pénétrer  ce  mys- 
tère. Un  Allemand  très-intelligent,  que  je  questionnais  sur  ce 
sujet,  m'avoua  qu'il  n'y  comprenait  rien.  Je  pense,  me  dit-il, 
que  ces  myriades  de  crapauds  viennent  et  s'en  vont  avec  la 
pluie;  mais  comment  cela  se  fait-il?  c'est  ce  que  je  ne  saurais 
expliquer.  » 

On  rencontre  aussi  beaucoup  de  lézards  dans  les  steppes. 
Quelques-uns  n'ont  pas  moins  de  dix-huit  pouces  de  lon- 
gueur :  ils  sont  un  objet  d'efFroi  pour  les  Cosacks;  mais  les 
Cosacks  ont  peur  de  tout  animal  qui  diffère  dans  sa  forme  de 
leur  cheval,  de  leur  bœuf  et  de  leur  chien. 

De  tous  ces  reptiles,  les  serpents  sont  encore  ceux  qui  sont 
le  plus  répandus.  Ils  abondent  un  peu  moins  dans  les  parties 
de  la  contrée  qui  sont  bien  peuplées,  particulièrement  dans 
celles  qu'habitent  des  colons  allemands;  car,  en  général,  les 
Russes  méridionaux  craignent  trop  les  serpents  pour  les  tuer, 
alors  même  que  ceux-ci  viennent  se  loger  sous  leur  toit.  «  Ne 


Digitized  by 


Google 


LSS  ST£FPES  DE  LA  RUSSIE  MÉRIDIONALE.  29 

faites  pas  de  mal  à  un  serpent,  disent  les  Rosses,  et  il  ne  vous 
en  fera  pas.  Mais  si  vous  le  Uxez ,  vous  serez  en  butte  aux 
poursuites  de  toute  sa  race.  »  Ils  sont  persuadés  qu'il  existe 
entre  ces  reptiles  une  sorte  de  corporation,  et  que  les  parents  de 
ceux  qui  ont  péri  ne  négligent  rien  pour  venger  leur  mort. 
Ils  fondent  cette  croyance  sur  le  vingt-huitième  chapitre  des 
Actes  des  Apôtres,  où  il  est  dit  :  «  Et  lorsque  Paul  eut  ramassé 
une  poignée  de  branches,  et  qu'il  les  eut  placées  sur  le  feu, 
fl  en  sortit  une  vipère  qui  s'entortilla  autour  de  son  bras.  Ce 
que  voyant  les  barbares,  ils  murmuraient  entre  eux  :  Certai* 
nement  cet  homme  est  un  meurtrier  ;  et  quoiqu'il  ait  échappé 
aux  périls  de  la  mer,  la  vengeance  qui  le  poursuivait  vient  de 
l'atteindre.  » 

Par  l'expression  de  meurtrier,  qu'offre  le  texte,  ils  entendent 
meurtrier  d'un  serpent;  de  même,  ce  mot  vengeance  signifie 
pour  eux  vengeance  d'un  serpent  sur  l'homme  qui  a  tué  quel- 
que reptile.  Dans  leurs  idées,  les  serpents  sont  chargés  de  punir 
les  meurtriers  en  général,  et  particulièrement  les  meurtriers 
les  plus  coupables,  c'est-à-dire  ceux  qui  ont  tué  des  serpents. 
Le  reptile  le  plus  gros  des  steppes  est  le  eoluber  tndfalis  : 
on  prétend  qu'on  en  a  vu  qui  avaient  dix-huit  pieds  de  long. 
Ceux  qui  n'ont  que  cinq  à  six  pieds  sont  très-communs.  Il  y 
a  parmi  les  Cosacks  une  foule  de  légendes  où  il  est  question 
de  serpents  monstrueux,  qui,  à  une  époque  peu  éloignée,  in- 
festaient les  rives  pleines  de  hautes  herbes  du  Dniester. 
Ils  en  sortaient  pour  s'élancer  sur  les  hommes  et  sur  le 
bétail,  qu'ils  étouflfaient  ou  tuaient  avec  leurs  dards.  Quel- 
quefois ils  donnaient  la  chasse  à  un  cavalier  et  à  sa  monture  : 
le  cheval  le  plus  agile  ne  pouvait  pas  échapper  à  leur  pour- 
suite. Ces  exagérations  fabuleuses  n'étaient  pas  bien  néces- 
saires; la  simple  vérité  est  déjà  par  elle-même  assez  frappante  : 
qu'on  en  juge  par  cette  anecdote,  qu'un  vieux  colon  a  racon- 
tée à  H.  Kobl  : 

a  Nous  étions  un  jour  quatre  jeunes  gens  qui  nous  amu- 
sions à  nous  baigner.  Au  moment  de  reprendre  nos  habits, 
nous  aperçûmes,  parmi  des  pierres  et  non  loin  de  nous,  un 


Digitized  by 


Google 


80  IX»  STËPVBS  P«  LA  RU^StB  MUUUÛdilAU. 

serpent  toorme  :  aociw  (te  bous  ne  p««0ait  powr  palti>oiu  Go^ 
peacloat  n^us  ^ion»  tous  aMcpt  ieiUés  de  céder  la  plaoe  à  mk 
Mio^aii  aussi  formidable  «  et  de  ae  p^a  Tmqai^r;  mai»  U 
erÛBia  du  ridicule  étouflb  les  coasid^aiions  de  la  prudenee» 
et  neua  eagageàaies  le  combat  ea  lançaat  au  reptile  iiae  valÀa 
de  pierrei«  CelaH^in'ea  paruinalleHiefit  iotimidé;  il  se  dreaeii 
à^oia  eu  quatre  pieds  au-dessus  du  sol,  en  «ifflaak  d'aœ  fti- 
ces  weaacaate»  conine  s'il  »eua  eùk  provoqués  à  Tattaquar 
die  plas  prèsi.  Nos  pierres  étaieiki  mal  dirigées»  ou  eUes  gUsn 
taieat  sarson  eorps  visqueux  saus  l'eAdomnager.  Q^wit  aw 
bAto894iufi  nous  teniouaà  la  «wiA^ils  éteteat  Uop  coaiiapciac 
Dous  élre  d'aaeajae  utilité  contre  lai,  TSous  eoatintt&mes  doM 
à  Taccabler  de  nos  projectiles.  Un  instant  il  se  moalra  Hfi^ 
fiwè  à  se  jeber  sur  nous  ;  oiais  peu  habitué  saoa  doute  à  ce 
mode  d*atAaque,  il  finit  par  battre  en  retraite.  Nons  le  pour^ 
sivlmes  Ytvement  :  un  «^roa  eaiUeu  l'attoiseit  à  la  tète»  et 
retendit  presque  îAaainiésur  le  sdiAe.  New  achevâmes  notre 
victoire  en  le  tuiit.  Il  mesurait  dix  pieds  de  longueur,  et  il 
était  aussi  gros  qu'une  bouteille.  > 

Une  autre  fois,  les  habitants  de  deux  villages  eonftigus 
afvaient  renuirqné  pendant  plusieurs  samaiites  de  lai)gestro«éeo 
i  travées  leurs  champs  de  blé,  comme  si  on  y  eût  tiainé  un 
aac  rempli  de  graia.  On  se  perdait  en  conjectures  à  oe  sujet» 
jusqu'à  ce  que,  un  matin,  on  trouva  dans  ce  champ  un  jeuno 
poulain  à  moitié  dévcoré.  On  soupçonna  d'après  Taspect  et 
ia  aatuve  des  blessures  que  quelque  énorme  serpent  les  avait 
-faîtes.  Ce  soupçon  ne  tarda  pas  à  se  confirmer.  Quaére  à  cinq 
voitures  qui  étaient  parties  la  véiOe  pour  les  terres  de  b^ 
bour»  rentrèrent  précipitamment  au  village.  Les  chevaux  et 
^euTs  conducteurs  semblaient  égalemeut  effilés*  Us  avaiem 
.été  attaqués,  poursuivis  et  serrés  de  près  par  un  reptile  gi- 
gantesque.  La  description  qu'on  en  donna  était  telle  que  i» 
»chulze,  ou  premier  magistrat  du  village,  commanda  une  le^ 
vée  en  masse,  et  invita  les  habitants  des  villages  av^inants 
à  se  joindre  à  hzi  contre  Pennemi  commun.  Vue  centaine  d#^ 
jeunes  gens  partirent  arméa  de  fusils  et  de  longws  perdies  : 


Digitized  by 


Google 


hB$  WtnWMSk  DB  LA  RUSSiB  MBBlMOIfALB. 

pendast  oa  jour  wtû»^»  ik  baitûrant  le  pays»  maia  ssun  2 
snceès  :  dès  le  lendemaio»  le  reptile  se  meaira  de  ttûw«au 
i  qpMlqHes  beq[^n  quU  ea  le  voyani,  a'eftfiûreai  d^m  hmn 
Uoapenx^  Qaelqiie  pcécipitée  que  fàt  leur  retjraîte»  uik  ^ 
IfiOB  chevaux denatla proie  du  moastare.  Le  lehuUe  se  remît 
4»Bc  ea  campagne.  JLe  reptile  fot  déeoiiveri»  traqué  et-blassé- 
de  pki«ew&  eof^s  de  feu.  U  chercha  un  refuge  panrn  les 
kaules  kerbea  du  Daî^er»  laissant  aprèi  lui  une  largs  tfaA* 
née  de  sai^r  ^  échappa  ai»si  à  ceux  qui  le  poursuivaieut  Ou 
crok  qu'il  périi  de  ses  blessures  »  car  depuis  ou  ne  le  revU. 
plus..  B'aprèa  les  calculs  sans  doute  exaeèrésdeeertaios  ehas* 
sMiT&s  îIl  uVaii  pas  moins  de  trente  fûeds  delonç  :  le  schulae^ 
phiaiuedéré  et  probablement  plus  exact,  a  réduit  cette  éFa- 
faiatioB  i  trois  brasses  et  demie;  ce  qui  pour  ua  serpeni  de 
uatse  Europe  est  fort  raisouuable* 

Aujourd'hui  on  rencontre  peu  de  reptiles  dans  le  yobiu^ 
des  colottîes  alfemaBdes  ;  mais  vers  les  parties  le  plus  reculées 
des  steppes,  il  existe  encore  des  districts  où  ils  sont  si  uosh 
bjreux  que  les  bergers  évitent  d'y  mener  leurs  troupeaux. 

Ualgré  leurs  proportions  extraordinaires  »  les  serpents  des 
steppes  sont  un  eimemi  peu  formidable  eu  comparaison  d'im 
petit  insecte  qui  visite  de  temps  en  temps  ces  contrées,  et  qui 
Y  marque  sou  passage  par  d'affireuses  dévastations.  C'est  la: 
sautereUe.  Qudquefois  il  s'écoule  une  période  de  plusieurs 
années  «ans  qu'on  en  entende  parler;  puis,  pendant  une  autre 
période  plus  ou  moins  longue,  le  fléau  exerce  ses  ravages  cba* 
que  année  et  chaque  saison.  Lorsque  pour  la  première  fois 
les  colons  allemands  vinrent  s'établir  dans  lessteppes,  il  y  avait 
longtemps  que  les  sauterelles  ne  s'y  étaient  pas  montrées.  On 
en  connaissait  deux  espèces  qui  ne  s'y  multipliaient  |point 
outre  mesure  y  et  jusque-là  on  n'avait  point  appris  à  les 
craindre.  Ce  fut  vers  1820  que  l'on  commença  à  remarqpier 
qu'elles  augmeutaieut  en  nombre  d'une  manière  inquiétante. 
En  i82&>  et  en  182S  elles  occasionnèrent  de  grands  dégâts. 
Mais  en  1828  et  en  1829  elles  envahirent  le  pays  pur  trou** 
pes  mnombrables.  Leurs  colonnes  épaisses  interceptaiattt  la 


Digitized  by 


Google 


33  LES  STEPPES  DE  LA  HUSSIE  MÉRIDIONALE. 

clarté  du  soleil  :  elles  détruisirent  les  moissons,  et  dans 
plusieurs  localités  elles  ne  laissèrent  pas  la  inoindre  trace  de 
végétation  derrière  elles.  Les  colons,  désespérés,  croyaient 
déjà  que  le  jour  du  jugement  était  venu.  Dans  leur  détresse, 
ils  demandèrent  conseil  à  leurs  voisins  les  Russes  et  les  Tar- 
tares.  Ceux-ci  n'étaient  pas  moins  embarrassés.  Les  hommes 
les  plus  âgés  parmi  eux  n'avaient  point  souvenance  d'une 
dévastation  pareille.  Tout  ce  qu'ils  se  rappelaient,  c'était  que 
leurs  pères  en  avaient  autrefois  fait  mention.  Les  Allemands, 
reprenant  courage,  se  mirent  à  l'œuvre.  Grâce  à  un  système 
d'opérations  sagement  combiné ,  plus  d'un  champ  de  blé  fut 
sauvé  des  atteintes  de  ces  essaims  dévorants.  Pendant  les 
années  1830,  1831  et  1832,  les  sauterelles  continuèrent  d'in- 
fester la  Bessarabie  et  te  reste  delà  Russie  méridionale;  mais 
leurs  colonnes  s'éclaircissaient  peu  à  peu.  En  1833,  elles  ne 
causèrent  pas  de  grands  dommages,  et  depuis  1834,  elles 
ont  considérablement  diminué  de  nombre.  On  ne  les  voit 
plus  qu'isolées,  de  même  que  les  autres  insectes. 

Pour  se  défendre  contre  ce  fléau,  les  colons  ont  établi  une 
espèce  de  police.  Quiconque  aperçoit  le  premier  une  nuée 
de  sauterelles  est  tenu  de  donner  aussitôt  l'alarme  et  de  &ire 
avertir  le  schulze.  Celui-ci  se  hâte  de  convoquer  les  habi- 
tants :  sous  sa  direction,  hommes,  femmes,  enfants,  vieil- 
lards, tous  s'arment  de  clochettes,  de  chaudrons,  de  fusils, 
de  pistolets,  de  tambours,  de  fouets,  etc.  On  décharge  les  in- 
struments à  feu,  et  avec  les  autres  on  produit  le  plus  de  bruit 
possible.  Ce  tintamarre  a  souvent  pour  eJFet  d'effrayer  les  sau- 
terelles, qui,  poursuivant  leur  vol,  vont  s'abattre  sur  une  lo- 
calité plus  tranquille. 

Plus  encore  que  le  bruit,  elles  redoutent  la  fumée.  Du  plus 
loin  qu'on  signale  l'approche  d'un  essaim,  les  colons  se  hâ- 
tent d'amasser  près  du  champ  dont  ils  veulent  écarter  ces 
terribles  visiteurs,  de  la  paille ,  des  broussailles,  des  herbes, 
du  fumier  desséché.  On  y  met  le  feu  ;  il  s'en  élève  des  tour- 
billons de  fumée,  et  à  cet  aspect  l'armée  de  sauterelles  change 
la  direction  de  sa  route.  Quelquefois  cet  expédient  échoue 


Digitized  by 


Google 


LBS  STEPPES  DE  LA  BUS8IE  MÉRIDIONALE.  33 

complètement»  par  exemple  lorsque  Timmense  colonne  s'étant 
abattue  dans  la  plaine,  les  derniers  rangs  poussent  les  pre- 
miers jusqu'au  milieu  des  flammes.  Des  milliers  de  sauterelles 
y  périssent;  mais  leurs  cadavres  amoncelés  éteignent  le  feu, 
et  le  reste  de  la  troupe  envahit,  sans  rencontrer  aucun  ob- 
stacle, le  territoire  qu'on  croyait  en  sûreté. 

Le  plus  communément,  la  fumée  les  force  à  reprendre  leur 
vol  i  travers  les  airs.  Alors  le  comble  de  Thabileté  consiste  à 
les  chasser  dans  une  direction  où  Ton  n'ait  rien  à  craindre 
de  leurs  ravages.  Si  Ton  est  dans  le  voisinage  d'un  lac  ou  de 
la  mer,  on  tâche,  par  tous  les  moyens  possibles,  de  les  pous- 
ser de  ce  côté.  Elles  tombent  par  millions  dans  l'eau,  et  leurs 
corps  y  forment  comme  de  petites  lies  flottantes  sur  lesquelles 
d'autres  sauterelles  viennent  se  poser  en  telle  quantité  qu'elles 
s'entassent  à  vingt  ou  trente  pouces  d'épaisseur.  Que  si  le  vent 
.souffle  de  terre  avec  force,  toutes  sont  submergées  :  si  au  con- 
traire la  brise  est  molle,  celles  qui  sont  encore  vivantes  s'ef- 
forcent de  regagner  le  rivage,  où  elles  sèchent  bien  vite  leurs 
ailes  pour  recommencer  leurs  dévastations.  Quant  à  celles  que 
les  flots  ont  englouties,  leurs  cadavres,  rejetés  sur  la  grève 
ou  le  long  des  rochers,  apparaissent  de  loin  comme  des  mas- 
ses sombres  d'algues  marines.  Il  faut  admirer  l'adresse  que 
montrent  les  sauterelles  en  ces  occasions.  Poussées  par  un 
voit  impétueux  bien  avant  au-dessus  de  la  mer,  elles  réussis- 
sent souvent  à  regagner  la  rive,  non  point  en  luttant  contre 
le  lit  du  vent,  mais  en  louvoyant  à  la  façon  des  navires. 

Leur  instinct  les  guide  de  préférence  vers  les  jardins  qui 
entourent  les  habitations.  S'il  se  trouve  un  village  à  droite  ou 
à  gauche  de  la  ligne  qu'elles  suivent,  elles  ne  manquent  jamais 
de  se  détourner  de  leur  route.  On  s'imagine  à  peine,  on  ne 
saurait  décrire  la  terreur  dont  les  habitants  sont  saisis  à  leur 
approche.  Qu'on  se  représente  un  nuage  noir  d'insectes  dé- 
vorants. Ils  s'abattent  sur  la  terre,  qu'ils  couvrent  à  une 
épaisseur  de  deux  ou  trois  pouces,  tandis  que  des  myriades 
d'autres,  se  succédant  sans  interruption,  obscurcissent  la 
clarté  du  jour.  Les  arbres,  les  toits  des  maisons,  en  un  mot, 

5*  SÉRIE.  —  TOME  XI.  3 


Digitized  by 


Google 


iMte  1»  tm|ierfirie  éa  6èl  ^Bt  jMcliéê  4<i  MXè^p&emim^  <qai 
«niilto  êtteordoom  Bsoai  oosm.  Il  fliul  âkir»  fenner  «1^00 
wdû  te*  ]pd«t«^  Itt»  feMéir»«ti«iAaM  leidiami&M  4m  InAil- 
USàans,  wt  des  wilUeft  de  uMetéÊtM  pteèumt  for  ces 
^inrevtwes.  IJim  aMée,  filuMUfs  «gMimi  &'4tiat  «rttéi  siiar 
Odessa,  les  rues  et  l«i  piacfei  pabHqoei  eiv  éiamA<mïveiA»; 
oes  îuaeeKs  eni^ahîssneiirt  t'ifilérieiir  ^bs  «MwonB.  O»  en 
Ifdwaril  deê^sniiâitMW  dvee  ioBplfltset  l6»««nefole9  de»  mi- 
«ioMy  et  fls^lhiMit  s'éftailer  joequesur  les  eote^sbewleise. 
Ott  dÎBliflgee  k»  «laiitevdtee  de-  ki  Keesie  aiéridioMle  en 
deai  eeptees :  l«e nweÉi outisases  (gniêtu$m6fiHa&rim)^  lee- 
quelles  «ent  un  pOMe  et  demi  de  longnew  ;  et  let  Mirdiiiit 
{  griUui  wMwtor)^  lesqaelles^Mii  ettrâon  de«x  ponces  de  long. 
Lee  den  esfièoee  towt  égaiemenl  Toraces  et  égalenail  re- 
doYtéee.  L'une  «I  l'antre  se  rêpvodnisent  par  des  esufii  qne  la 
iMneHe  dépose  éam  la  terre  mi  nMyen  d'un  tid^e  forant  ^m 
miàoc  dont  elle  est  «rmée.  Ceci  a  iîea  d'aoAt  i  septembre, 
lile  ne  se  contente  pas  de  creuser  le  sol  avec  le  tube  en  qoee- 
tien;  1^  8*7  enfonce  eUennteie  tout  entière,  afin  que  les 
crafii  soient  eadiës  le  phn  arant  qu'a  est  peesiMe.  Cette  der- 
nière drconstanœ  dépend  de  la  nalmre  d« terrain»  Si  le  terrain 
est  trop  dur,  la  ftMneRe  laisse  son  dépôt  à  la  snrfiice.  On  a 
observé  qn'elle  chevsit  presqae  toujows  un  endroit  oà  la  terre 
est  friable,  et  qa'elle  y  Ant  son  trou  en  touniant  sur  etle- 
niéine,  een  corps  eerrant  ainsi  de  tarière^  jnsqn'à  ce  qu'elle 
disporaîese  cmnpiélieinent.  Le  iron  netrev^é,  elle  y  pond  ses 
mth  au  «ombre  de  einquanle  à  9oi»»ile-dix.  Le  travai}  de  la 
ponte  dere  généralement  deu  eu  trots  jonre,  après  qnoi  la 
mère  ép«nséei«ste  gisante  et  menrt.  ât  ses  Soroes  ne  Mper- 
nieilent  point  de  «renser  «n  tren  assez  profond,  eMe  demeure 
deesas,  et  eewre  ses  cenfe  de  son  ^Mrrps  inankné.  Les  omis 
de  la  sauterelle  eoift  blancs.  Par  la  forme  et  la  çressenr, 
ils  ressemblent  à  eeux  de  la  fonrmi.  Une  eertaâne  sidMtanee 
fMinense  les  rend  adhérents  les  «ns  tait  antres.  Quand  on 
les  retire  de  terre,  la  menée  compacte  qn*iis  oflrent  ne  se  die- 
eout  pas;  si  on  les  plaee  eor  un  morceau  de  ^v^rre  que  Ton 


Digitized  by 


Google 


i»  SnVMI  Di  %A  IkVÊÊlM  HlâYlllONAlft.  tt 

aurnSê  omwit»  «tditaMWtt»  M  kMviMbMiMitédorê.irac- 
tion  4e  la  Diitttre  «M  phs  lenit.  tM  4ft«lb  mifod»  4lui»  )è  edl 
f  fiMMI  rMtOMMet  nàwt  t  c«  ti'esl  qu'à  ia  ««4^«Tril  m 
m  MttiâMiMiMnt  é»  ami  ^aH^édosent.  La  Mige  lea  yi^ 
fége^mitm  la  géMè  q^i  to  «iétniteKH;  ma»  lersqae  la  torrte 
^Êi  aoa^et  qprtte  m  Mil  pai  eachAs  a^ici  pKOftmdédMii,  4aa 
Sèiiéraiim9«filièi«a4eaaaÉM«1leitp^  sealenaii. 

Aux  praniera  Imm«  jMiv  «da  fvtnlaaif»»  lag  iasactaB  iu>a¥él- 
taMKl  -éeloa  ooamenMnt  à  w  mcftâtet.  BieiitAt  a«  ea  fait 
dea  tfoapés  considérablea.  LsBplaaJaaiieaii'om^poiiitd^aflea; 
wm  laors  paflea,  <tai  a«  âMH  tartiièarptMifilênieat,  les  aidant 
i  «eannrrair.  Lear  apj^éHI  T«praea  ae  iftaiilfest^  aasntAt  aprte 
lenr  naissafiee.  Les  aai^rterallad  ae  valent  pas  «msare  qaa  déji 
rfles  mamgent.  BHeaiietardeiïtpaBàaemeCtreearotfle,  atfl 
aenMe  cpe  Tessan)  aagaieata  à  aiesiira  qu'il  t'avance.  Btes 
iHiatm  fiâssat  eataMlm  ua  petH  tarait  «ga,  an  Aotâbot  ks 
aaes  aa-derrant  das  aaXaa»,  el  leur  anâtche  eH  aacooiqpagiiée 
d^n  oartahi  eraqncKnaiil  ou  patUlaiBanlderelM  le  phi»  lit' 
aarre.  Eltes  procèdani  prasipia  toiijoan  en  ligne  éraMe,  et 
m  sa  kment  ni  arrêter  ai  détonmer  pu*  aaean  ebataale.  D 
en  périt  das  qaaatitéa  maoaJii  uMig  dana  tea  rayin§,  éawies 
fleavas,  daas  Va  rivîdiea.  L'eaa  disparaît  ipiekpefaû  aaus 
une  ccmche  épaisse  de  santereHes  aoyéas. 

Les  jenaes  occasiattwiit  plus  de  déduits  qoe  les  ?mUes. 
Gomna  «fes  a'oat  paîat  eMcare  lenrs  «Ses,  fl  est  ttés-imAUe 
de  cherdier  à  les  effrayer  par  des  fsax  allnaaiés  ou  par  des 
décharges  de  «soaaqaeleria  :  'enlreprawlni  de  les  détruire» 
c'est  perdre  son  tanpi;  aar  une  andtitade  pareille,  la  dilé- 
i^aeede  qaelqaes  «mIKom  en  pios  ea  en  moins  n'est  rien. 
Ajootea  à  cela  qm  lenr  TOimoilé  est  plas  gran<k  et  qoe  les 
piailles,  herbe  <m  Mé,  i|a'eUes  rengeni  sont  les  pousses  naa^ 
▼eHesdu  prin%eaBps ,  d'o4  il  suit  qae  leurs  dégftts  sont  très- 
^Mhâles  à  réparer.  Â  la  rérfté,  le  théâtre  n'en  est  pas  aasai 
4t€ada  :  tant  qae  ces  inseeta  ne  sont  point  mams  de  leara 
«Ses,  ils  ne  mvdhent  goère  qa'à  taisoa  ds  deux  versts  par 


Digitized  by 


Google 


86  LES  STEPPES  DE  LA  BUSSIE  MÉRIDIOICALE* 

Aa  bout  de  trois  ou  quatre  semaines,  ils  atteignent  toute 
leur  grosseur.  A  cinq  semaines,  leurs  ailes  sont  formées,  et 
alors  Us  commencent  à  voler.  A  partir  de  cette  époque,  ils  par- 
courent la  contrée  en  nombreux  essaims  jusqu'à  la  mi-sep- 
tembre. Après  une  existence  de  quatre  mois,  tous  meurent, 
non  sans  avoir  pourvu  à  la  perpétuation  de  leur  postérité. 
C'est  vers  le  milieu  du  mois  d'août  qu'on  voit  les  essaims  les 
plus  considérables.  Leur  vol  est  accompagné  d'une  sorte  de 
bruissement  :  on  croirait  entendre  le  vent  qui  souffle  avec 
violence  à  travers  des  arbres.  L'élévation  de  leur  vol  dépend 
de  l'état  de  la  température.  Par  une  belle  journée  ils  mon- 
tent bien  à  deux  cents  pieds  au-dessus  du  sol,  c'est4-dire, 
la  nuée  qu'ils  forment  parait  occuper  cette  position  ;  car  les 
couches  supérieures  doivent  en  être  beaucoup  plus  élevées. 
Si  le  temps  est  sombre  et  couvert,  les  sauterelles  rasent  la 
terre  de  si  près  qu'un  homme  rencontrant  une  de  ces  armées 
volantes  est  heurté  par  elles  au  visage  et  se  voit  forcé  de  de- 
meurer le  dos  tourné  jusqu'à  ce  que  le  tourbillon  soit  passé. 
Lorsqu'elles  volent  à  une  grande  hauteur  et  qu'elles  distin- 
guent dans  réloignement  un  champ  de  blé,  une  plaine  ver- 
doyante, elles  descendent  lentement  vers  la  terre  ;  arrivées 
à  six  ou  sept  pieds  du  sol,  elles  s'abattent  toutes  ensemble  : 
on  dirait  une  pluie  de  pierres. 

.'  Elles  ne  sont  point  réglées  dans  leurs  heures.  Elles  conti- 
nuent quelquefois  leur  marche  jusqu'à  minuit,  et  rarement 
elles  se  remettent  en  route  avant  huit  ou  neuf  heures  du  ma- 
tin. Une  nuée  de  sauterelles  présente  ordinairement  une  forme 
ovale,  ayant  un  quart  de  verst  de  largeur  et  deux  à  trois  versts 
de  longueur.  Parfois  on  voit  ce  nuage  se  séparer  en  deux  ou 
trois  parties  qui  plus  loin  se  réunissent.  Quanta  l'épaisseur  que 
ce  nuage  peut  avoir,  il  est  difficile  de  l'évaluer  exactement. 
Elle  doit  être  considérable,  puisque  les  rayons  du  soleil  ne 
sauraient  la  pénétrer,  et  que  l'ombre  qu'il  projette  sur  la  terre 
en  passant  y  répand  une  fraîcheur  très-marquée.  L'obscurité 
momentanée  qu'il  occasionne  produit  le  même  effet  qu'une 
succession  de  gros  nuages  chargés  de  pluie.  Par  un  temps 


Digitized  by 


Google 


LBS  STEPPES  DE  LA  BUSSIE  MÉEIBIONAU.  37 

calme,  il  fiait  environ  quatorze  milles  anglais  (trois  lieaes)  en 
huit  heures. 

Une  plaine  où  s'est  arrêté  un  essaim  de  sauterelles  présente 
Taspect  d'an  champ  de  bataille.  Dans  l'excès  de  leur  avidité, 
eHes  s'entre -déchirent  souvent;  plusieurs  d'entre  elles  se 
cassent  les  ailes  en  tombant;  elles  ne  peuvent  plus  reprendre 
leur  essor  et  suivre  le  reste  de  la  troupe.  On  ne  saurait  esti- 
mer que  d'une  manière  fort  conjecturale  le  nombre  d'indi- 
vidus dont  chacune  de  ces  armées  se  compose.  Les  indigènes 
prétendent  qu'une  seule  en  s'abattant  sur  une  plaine  de 
quatre  versas  de  longueur  et  de  une  verst  de  largeur  la  couvre 
entièrement,  qu'en  plusieurs  endroits  les  sauterelles  s'entas- 
sent au  nombre  de  quatre  à  cinq  les  unes  sur  les  autres,  et 
que  les  arbres,  s'il  s'en  trouve  dans  le  voisinage,  menacent 
de  se  rompre  sous  le  poids  qu'ils  supportent.  Admettons  seu- 
lement un  insecte  pour  une  surfieice  de  deux  pouces;  il  en  ré- 
sultera qu'un  essaim  qui  couvre  une  verst  carrée  ne  constate 
pas  moins  de  mille  millions  de  sauterelles  (1),  et  chacune 
d'elles,  au  dire  des  Russes,  mord  comme  un  cheval,  mange 
aussi  gloutonnement  qu'un  loup,  et  digère  avec  une  facilité  et 
une  promptitude  que  ne  possède  aucun  autre  animal. 

Bien  que  les  sauterelles  affectionnent  certaines  plantes, 
elles  sont  en  général  peu  difficiles  pour  leur  nourriture,  et 
elles  dévorent  indifféremment  tout  ce  qu'elles  rencontrent. 
Sons  l'action  puissante  de  leurs  mâchoires,  les  feuilles  et  l'é- 
corce  des  jeunes  arbres  disparaissent  comme  par  enchante- 
ment. Un  riche  pâturage  se  change  aussitôt  en  une  terre  nue 
et  désolée.  Les  herbes  et  les  roseaux  qui,  pareils  à  une  frange 
verte,  garnissent  le  bord  des  rivières,  sont  enlevés  avec  une 
rapidité  magique,  et  là  où  de  beaux  épis  ondoyaient  tout  à 
l'heure,  il  ne  reste  plus  un  brin  de  chaume.  La  troupe  affa- 
mée s'avance  ainsi  en  mangeant;  mais  comme  les  premiers 


(i]  Une  vent  a  3,500  pieds  de  long  (mesure  anglaise).  Une  Tersl  carrée 
eontient  donc  12,250,000  pieds  carrés;  soit  1,764,000,000  pouces  carrés. 


Digitized  by 


Google 


twf»  m  laifi0Wi  «m  antre»;  qu'une  naîgre  dossefte»  rartièrch 
garde  prend  souvent  son  vol  et  se  substitue  à  Favant^nid. 
Ghimm  frâant,  ka  flanc»  d»  la  coUnuie  a'^tandent»  et  die 
fiwi  fwr  ne  pcéseatar  qu'ue  aenii»  lifo»* 

Ou  ^tingue  d'a»aaii  Uin  la  bcuii  qvM  fcmi  lea  aanler^lea 
m  r<MPWBAnl  la»  buim,  et  1»  frémûfaemeAt  de  leur»  aUea^ 
qn'dlfaMi^aai^iitâ'agjtec  i<piâgopqiiAa  eatendiipattFewMrev* 
pmu  de  immtQQs  peut  »'eA  fanvoc  xkm  îdée.i4i  pviUa  fAd^ 
Im  Uà»  mtk»  .ne  le»  tentent  qne  nédi^crement;,  maia  .toat  iça 
<|aj  est  verdttce  est  intûUibkmeiit  dér^ré.  O  qi^eWmt^éU^ 
ventÀ  tante.antre  c^boa^» .c'e»t  k  Ué  d'Jnde,  B  est  «^^  ^gtr 
tréoMOieiit  cmrâux  da  lea  ¥^  fa^ber  w  champ  plaAtô  de 
oa  blé  qui  a,  dana  lo»  ateppea»  we  tige  U ès-bauteat  tpès^ite* 
Qn4<]ue&  sautereUea  auffiamt  c^ndaat  pour  per^^r  cette 
tige  en  cent  endroit»,  et  cala  an  bmi  d'une  nnnute.;  rinstaal 
d'après  il  n*enre9te  plnadeveatig^a,  Elles  rattaquaat  i  la  foia 
par  répi,  par  ki  nuliisu  et  pai:  la  racintg,  jusqu'à  ce  qu'elle»  la 
neaveraent.  A  chaqiie  tige  déverée,  ka  sauterelle»  qui  en  ont 
fait  leur  proie  s'envolent  poiir  s'abattre  sur  une  tige  nouvdle. 
L'oQuvre  de  destruction  »e  poursuit  sans  reUcbe  juaniu'à  ce 
que  le  chamyp  tout  entier  soit  lasé  et  mis  à  nu. 

I^s  jardins  que  les  marchands  d'Odessa  entretiennent  à 
grands  frais  ont  particulièrement  è  souSrir  des  ravage»  da» 
sauterelles.  Elles  épargnent»  il  est  vrai,,  le»  melon»,  le»  cou* 
combres  et  le»  fruits  qui  proviennent  sur  le»  'arbres  ;  maie 
des  arbres  mêmes»  elles  dévorent  le»  feuille»  et  l'ècorce.  Quant 
au  fruit,  il  se  détacbe  et  tombe  par  terre.  Il  en  est  ainsi  pour 
la  vigne.  Le»  feuilles,  les  tendrons»  les  jeunea  branches  seni 
complètement  rongés»  tandis  que  les  gcappe»  de  raiain  gisant 
dispersées  sur  le  sol  pendant  cq  tQmp»^là;  chaque  arbce  du 
jardin  est  chargé  d'une  foule  de  trav^lleuses  qui  parcent»  qfé 
rongent,  qui  déchirent,  qui  scient;  et  lorsque  la  troupe,  ton** 
jours  affemée,  s'éloigne  enfin,  la  scène  de  désolation  qu'elle 
laisse  derrière  elle  ne  saurait  se  décrire.  D'énormes  amas  d'ex- 
créments signalent  Tendroit  où  elles  se  sont  arrêtées.  Ces 


Digitized  by 


Google 


chwt,  iM  taielemp9^.4pnèB  1m  troupe^n  Ment  la  'i>bnet  qui 

Wwft  nuici  MT  It  lomitKki  ><értfmwi  (tea^MOs)*  «^  Xdk 
ert  la  |dkrM»4)ii4Uuwm  dM  myagMm  (fcmqu'iifl  «iflItaBi  li 

rosses.  Ceax-ci.9f^  fr<mé,mm  ëa  plus  èÉénMw*  qw  lem 
qiOBio«a^«ttis;  pow  iMéhaasemy  la  «itteivanlf  qnamèaent 
les  iiémmiUlm  (lieB0Mè).iinifiaata  deap^iAqtiëviAé&vfanBani 


i^aanil  miipaile  ém  ^W/fm,  tmnBMatmqim  p«r  4a  i 
tMOPar  ka  «abaraux  aanMagaa  ^q^dii  ;  Imixe.  XSopendasI  «a 
mai  Aedoift  ftknr  «teîa  ^a^^iac  iwniamwi  faatsidioMs.  n  y  a 
laagtaanpa  <|Qer)aparlîe4ai  >teppaa  qai  aq^natieniàlaftimia 
a<waè  dfi  aeafHDaaor  A»  duBvaas  aawiragaa.';  ilast  mtm»e.im* 
pMàbla  da  pateiaar  eaaokoaea*  répoqse,  déjà  So9t  étoifaéav 
Qià  ca  Mkle.wîiiial  amii  au  liharté  an  niliea  des  plaiaaa 
qii  baadoiit  la  FanA-Jinia.  Aj^anid'lmt  chaqae  itéôim^  m. 
troupeau,  a  son  propiâétaiaa  asaqpad  leialMiiitehikdiHi  eosoipla- 
de  to«le  pièce  da  Jbèlail  qui  a  été  pavdua  ou  nMe.  Ce  «"est 
qa'^M  leMdL  da  k  laviaiie  ou  dans  lea  désacis  qni  s'élaAdatft 
Moacdak  mard'AiaU  iquaraiiiaucontreide8.di^aui:masft 
à  J'4iat  de  miim».  Xeatofœs  ils  joaissesl  daaa  les  stappat 
d'a«e  condMoo  qui  appiooka  d'une  iadipeadaiioe  absotaa, 
e4  lia  s'ofrant  aiaaî  à  rabaarvateaar  sans  w  poiok  denua  qi» 
cawi  da  nalra  Eurofa  uofirâaaiikttt  pas.  Aussi  fuaiqiia  làa 
laouloa»  ipnraui  am  preasâsa^  ligna  parnû  le&  aapècesdoiiâea* 
papaaaipauplé»  et  qu'an  eu  Eefiaonlra<dJ&  toanpeaux  powam 
300)  da  btea  à«ouaaa  on  da  eberaax^  u<ias  «ouaecanfnrons 
d'ahard'da  casiiaras^iè  saxenoato  prasqua  toute  la  aavula* 
T»  îanpÉnale,  ai  4'aà  k  {^antaruiraïaut  panrraît  titerv  au  Imn 
aain^  4as  rasaources  tsllaft<qn'aucuaa  auAre  oantséan'au  poa< 
sède  de  semblables. 

PhnieuBB  saiguenas  nnaesaantpfiiprîééakes  de  frauds^do- 


Digitized  by 


Google 


ko  LES  STBPPE8  DE  LA  BUSSIE  MÉRIDIONALE. 

maines  dans  les  steppes.  On  cite  particulièrement  les  familles 
des  Potocki,  des  OrlofF,  des  Rasumoflsky,  des  Skarshinsky, 
des  WoronzofFy  etc.  La  population  est  si  claii^emée,  sans 
parler  d'autres  obstacles,  que  ces  familles  sont  obligées  de 
laisser  en  friche  une  partie  considérable  de  leurs  terres.  Aussi 
les  seigneurs  les  plus  riches  ont-ils  compris  qu'il  était  de  leur 
intérêt  de  se  livrer  principalement  à  l'élèye  des  montons,  des 
bétes  à  cornes  et  des  chevaux.  Il  parait  que  dès  les  temps  les 
plus  reculés  cette  industrie  a  été  celle  du  pays. 

Comme  noyau  d'un  taboon,  on  envoie  dans  la  steppe,  sous 
la  garde  d'un  berger,  un  certain  nombre  d'étalons  et  de  ca- 
vales. Les  petits  poulains  restent  avec  leurs  mères ,  et  le 
troupeau  va  toujours  en  augmentant  jusqu'à  ce  qu'il  atteigne 
le  chiffire  fixé ,  lequel  est  proportionné  à  l'étendue  et  à  la 
fertilité  de  chaque  domaine.  Rarement  un  taboon  se  cmn- 
pose  de  plus  de  mille  chevaux;  mais  il  y  a  des  propriétaires 
qui  ont,  dit-on,  dans  diverses  localités,  jusqu'à  huit  ou  dix 
de  ces  taboons.  C'est  seulement  lorsque  le  troupeau  est  com- 
plet qu'il  produit  un  revenu,  soit  qu'on  emploie  les  jeunes 
chevaux  sur  le  domaine  même,  soit  qu'on  les  vende  aux  par- 
ticuliers ou  aux  agents  du  gouvernement. 

Le  tabuntshik  aux  soins  duquel  le  taboon  est  confié  doit 
être  doué  d'une  activité  infatigable  et  d'une  constitution  de 
fer,  également  endurci  à  l'excès  du  froid  et  de  la  chaleur,  et 
capable  de  supporter  toute  espèce  de  température,  sans  même 
avoir  l'abri  d'un  buisson.  Il  doit  lui  être  indiffèrent  de  pas- 
ser la  nuit  sur  le  gazon  humide  ou  sur  une  terre  nue  qui  a 
été  brûlée  pendant  douze  heures  par  les  rayons  presque  ver- 
ticaux du  soleil.  Rarement  il  trouvera  une  cabane  pour  le 
protéger  contre  les  froids  les  plus  rigoureux,  et  à  l'époque 
des  chaleurs ,  quoiqu'il  soit  comme  dans  une  fournaise  et 
qu'il  respire  un  air  embrasé,  il  faut  qu'il  reste  en  selle  pres- 
que toute  la  journée,  prêt  à  poursuivre  au  galop  les  chevaux 
qui  s'écartent,  ou  à  secourir  un  jeune  poulain  sur  lequel  un 
loup  vient  de  s'élancer. 

Les  bergers  traînent  avec  eux  leurs  maisons  :  ce  sont  de 


Digitized  by 


Google 


LBS  STEFPS8  DE  LA  RUSSIE  Mi&IJ>IOKALB.  4l 

grands  chariots  dont  ils  ne  se  séparent  jamais  dans  leurs 
courses  vagabondes,  où  ils  trouvent  un  abri  pendant  la  tem- 
pête, et  où  ils  se  refirent  la  nuit;  mais  ce  luxe  est  interdit 
au  tabuntsfaik  ;  le  troupeau  dont  il  répond  ne  saurait  être 
abandonné  à  lui-même.  On  conçoit  que  les  mille  chevaux 
commis  à  sa  garde  ne  se  tiennent  point  ensemble  dans  Tor- 
dre et  la  discipline  des  chevaux  de  régiment.  Il  est  douteux 
qu'un  adjudant  de  cavalerie  ait  plus  à  courir  et  plus  à  sur- 
veiller un  jour  de  bataille  qu'un  tabuntshik  pendant  la  jour- 
née la  plus  tranquille.  On  peut  dire  qu'il  n'a  pas  le  temps  de 
quitter  le  dos  de  sa  selle.  C'est  à  cheval  qu'il  mange  et  qu'il 
dort.  Il  dort  aux  heures  où  les  autres  hommes  veillent ,  et 
réciproquement;  car  les  chevaux  sont  sujets  à  s'écarter  pen- 
dant la  nuit,  et  la  vigilance  la  plus  grande  est  alors  néces- 
saire pour  repousser  les  attaques  des  loups  et  celles  des  vo- 
leurs. Qu'une  tempête  de  neige  fonde  sur  la  steppe,  le  pauvre 
tabuntshik,  au  lieu  de  tourner  le  dos  au  tourbillon ,  devra 
avoir  l'œil  sur  ses  chevaux,  les  contenir  s'ils  s'effrayent,  les 
poursuivre  et  les  ramener  s'ils  se  dispersent. 

Il  est  presque  tout  entier  vêtu  de  peaux  qu'une  ceinture  de 
cuir  assujettit  ensemble.  A  cette  ceinture,  il  porte  suspendus 
les  divers  instruments  et  les  drogues  dont  se  servent  les  vé- 
térinaires, ainsi  que  d'autres  ornements  bizarres.  Un  grand 
bonnet  tartare,  de  forme  cylindrique  et  de  peau  d'agneau 
noire,  protège  sa  tête,  et  par-dessus  tout  cela  est  jeté  son 
irmêa,  ou  manteau  de  laine  très-ample  et  muni  d'un  chaperon 
pour  encapuchonner  la  tête  au  besoin.  Ce  capuchon  ne  sert 
le  plus  souvent  que  de  poche  et  de  garde-manger. 

hè  tabuntshik  est  encore  chargé  de  plusieurs  autres  har- 
nais sans  lesquels  il  ne  se  hasarderait  point  à  faire  un  pas. 
Le  harabnik  est  un  des  plus  importants.  C'est  un  fouet  dont 
le  manche  est  court,  mais  dont  la  mèche  a  quelquefois 
de  quinze  à  dix-huit  pieds  de  longueur.  Cet  instrument  lui 
tient  lieu  de  sceptre  ;  il  l'a  toujours  à  la  main ,  et  il  s'en  sert 
pour  gouverner  les  turbulents  animaux  sur  lesquels  il  règne. 
La  fronde  vient  en  seconde  ligne.  Le  tabuntshik  l'emploie 


Digitized  by 


Google 


aw  m^ttflft  iMafOBi  qw  k»  liadiitMtft  de  rAnévifneds  i 
enqplpîeiA  le  hmoi  «noé  de  w  frende,  il  ombmim  i 
di'Attmdte  le  ^ou  du  cheval  qu'il  yeal  «rèler. 
leMjp  eit  eneere  ni»  yaitiQ  indjepeiistblfi  de  «00  éq«ipe«aii. 
GfMavBaanei  est  atteebée  i  Farçon  de  la  seDeelplacéa  à 
porMe  det  isa  maÎA;  elle  a  treis  iw  cpaaAfe  pieds  deJoa^»  let 
eitoefil  »HMiie»  à  rextrémité»  d'uDe  groese  tenle  de^ler.  Ib 
tahmitebA;  mame  oei  engia  fcMmwUUe  awc  oae  dei^lèrité 
smryneiMqle.  Miuiité  «or  ano  eheval  >  (fai  ooact  aa  tri|pie  gar- 
I«^p»  il  toace  aoa  arme  à  la  iéle  d'un  loap;  la  balte  d'aa 
pburteiir  aaaMcaia  ne  deatne  pae.  une  mosi  fk»  praaipte  et 
ptas.etee. 

X«  takiaatahîk  parte  dana  ionta  ses  excmrsiatts  ime  aaÉr» 
pkâae  d'eaa;  »  efièt,  il  ignore  où  ce  quand  il  re&eoaÉveea 
on  paitB»  ane  saaxee,  et  s'il  sait  oiles;traiKrer,  il  nesaît  paa 
slVasa  en  ^era  osa  oanea  tarie.  Un  sae  poar  ie  paia  et  tme 
bontaille  d*eanndj&-Tie  eont  une  pajdie  néceesaira  desoa  ba** 
9me;  ajeatofr-y  me  feate  d'autres  petites  provisions  de  tooi 
genre,  qu'il  suspend i seiï Tétenenta «a à  b sele  de eondi^ 
kA.  Asasi  armé  et  éqaipé,  il  s'e«lo»ee  daas  les  piaiaies  inha- 
bMss  des  stiE^pes^Dèa  toas  il  n'a  phiei  coaqiter  qae  sar  sea 
pcopres  tessaaross  :  il  faat  qa'fl  se  sirfise  à  M?aalme^  qa'a^ 
Tise  aealiaralniik  il  sadie  anôntoiir  l'ordae  pami  h»  trao* 
peau»  et  qu'avec  sa  massue  il  puisse  le  déGeodre;;  tàdie  difla- 
cite  et  fai  eaige  une  actlvkife  coaliaaelle.  Ce  qui  lai  cause  ie 
{dus  d'embariAs,  c'est  la  prtsence  de  qufslqnss  aieaxétalaai 
qui,,  qrauat  paasé  dix  ou  diMaœ  aas  dan»  les  sisppta  aanaaToir 
flairé  l'odeur  d'une  dtaUe  ou  senti  k  aaoïs  et  l'épsaeu,  cfe*« 
¥îennettfc  tout  à  fiaÉ  indociles  e«  iogoovwnblea,.  et  aouvent 
letal3antaUknieaai»dfi  toaiqinltor  »  oa  aebareliffepaa 
dn  taboon. 

ûa  gnsa  de  m,  m  lampti  de  fidâgu»  et  de  dangeia^  na 
aaami  «eoentimier  longtampe.  An  bout  de  quaiaa  aoa aa 
plai,.  le  tabantolâk  est  deweaa  incapable  4e  a'aeqoîÉler  de 
aas  fonotkms.  La  paye  qall  reorà.  est  proporlîanaAi  mc 
MDiaïqa'il  miim»;  oar  c'eai  tou>oaaa  wi  daDHBliquaàj«agea 


Digitized  by 


Google 


m  u  msêm  mÈwnwKUiM.  kOl 
Nt  lu  cadaàm  étm  cèiiioieaÉi  ni  feapoir  ém  yétampcMes 
n^oklieadnîmt  é'wi  nrf  cette  Tieilaiee  4e  tanske  ûntanls, 
Si»  Uifwllevn  laboM  sertit  réduit  i  ma  en  neiue^W 
Dok.  Ls  «agee  dTim  ItbntiUk  smt  véglés  d'aprj»  le  noi»- 
luede»  AmmBL  iiMiiin  à  m  «erde.  jtaur  ohaoen  (fma, it 
tMHiie  dVrdiiMdre  evu;  à  ttcnclilee  p«r  an*  il  peut  ésme^ 
»'il  rèurit  àéoirtiv  les  leofM  ei  tes  iioleev&>de  son  troupeau» 
9B0BcraMiiMikpamtsix  mUteT^iMes  (ô^ffiSfr.)?  nm  il  vé- 
pMid  deL  taÉ  ohevàk  q«Hl  Mise  Toler  eu^  déroecr.  Or,  le  ¥ei 
à»  dvfax  «e  prarlM|ae  daae  ke  ateppessar  «ne  éobelle  le^ 
:  laiçe  et  evœ  tant  d'adresse  >et  d'asdeot ,  qw  le  ml- 
:  eordiea  pavl  penbe  ea  «ae  seule  Met  k  neiÉMfede 
ses  gafss  de  Umkb  l'eimée.  De  phis»  il  déftwf e  i  ses  dépeae 
d»  aides  oe  gaidieu»  eq  aorns^mlee  qui  eoat  à  son  aervice. 
n  ne  iait  pas  aseies  ds  trois  de  œs  booiouos  poar  an  tabooa 
de  mille  cheyaax.  Malgré  ees  dsreraescfaaBgea,  un  tabantahit 
pcnt,  arec  da  soin  et  de  Tietsitigeace,  réaliser  des  gains  assez 
coDsidécaMesL  Cependant,  pen  dTeotre  eux  amasosat  en  pelil 
ci^âlel  panr  le  tsmpe  a&  ils  derieadroat  îavalides. 

£d  attendaai,  les  pésils  qu'île  attoMtent  sus  eesaefoait 
dos  idaaitihitiT  ka  honanae  les  ph»  isfoncbea  et  les  pins  dé- 
tesmiaée  qu'il  j  astaa  aaoeda.  C'eet  oae  chose  receasiBe  qne 
cdas  qnî  a  aieaé  ee  ^snee  de  vie  pendant  dcsui  oa  trois  ans 
est  iaeapabte  de  se  plier  i  des  babitades  paîsèUes  et  rég»** 
Ijésea.  D'une  aatni  part»  qnicoiupie  tromre  dans  une 
trie  aaoiisi  fatigante  ol  moins  dasgereuse  les  mogrcns  de  i 
sister  n'a  garde  d'eadirasser  catte^Ià,  11  ca  résaUe  jqae  les 
tabnalahiks  seneemtflnt  panai  la  Isedeiapopolataon.  Coasose 
levr  pedie  esA  preaqne  taajaiQ»  assez  bi<ni  garnie,  ils  se  \^ 
vrant,  dana  des  caftateis  bergn»  qu^esi  reaoenif  e  enciertaîm 
eadrails  des  steppes ,  k  des  esgies  efrogrables  i  ils  paisiad 
des  nuits  entières  à  boire  et  à  jouer,  assigné  la  natare  de 
lears  fonotieas,  qnî  leur  défiradmit  de  a'écaeter  ua  asul  aso- 
nsaot  da  laftoon.  Le  jaar  venu,,  sb  Bsjoignent  an  giJop  la 
taoflpeaat  W^  >  peadvd  ae  taaips4à,  était  abandonné  ans 
soins  des  eoa»gnrdicDa. 


Digitized  by 


Google 


kk  LES  STEPPES  DE  LA  RUSSIE  MÉEIDIONALE. 

Les  tabuntshiks  vivent  dans  une  crainte  continuelle  des  vo- 
leurs de  chevaux,  et  pourtant  il  n'y  en  a  peuUètre  pas  un  parmi 
eux  qui  ne  soit  lui-même  prêt  à  voler  des  chevaux  dans  Too- 
casion.  Le  voyageur  qui  a  laissé  sa  monture  paître  dehors 
pendant  la  nuit,  le  paysan  dont  les  bestiaux  se  sont  égarés, 
doivent,  avant  de  commencer  leurs  perquisitions,  s'informer 
s*il  n'y  avait  point  un  taboon  dans  le  voisinage.  Qu'ils  se  hAr- 
tent  :  le  tabuntshik  ne  perd  point  de  temps  pour  se  débar- 
rasser du  produit  de  son  vol;  que  ce  soit  un  bœuf  ou  on 
cheval,  il  le  vend  ou  le  troque  au  premier  pâtre,  berger  ou 
tabuntshik  qu'il  rencontre;  celui-ci  l'échange  ou  le  vend  à 
un  autre  :  en  quelques  jours,  un  cheval  qui  a  été  dérobé  sur 
les  rives  du  Dnieper  passe  de  main  en  main  jusqu'à  ce  qu'il 
arrive  aux  bords  du  Danube.  Le  propriétaire  légitime  le 
cherche  encore ,  que  déjà  il  est  hors  des  domaines  du  czar 
et  figure  dans  le  haras  d*un  magnat  de  Hongrie. 

.  Par  suite  de  sa  vie  désordonnée  et  des  excès  dont  il  la 
souille,  le  tabuntshik  est  généralement  mal  vu  ;  cependant  on 
recherche  son  amitié  et  l'on  craint  de  l'avoir  pour  ennemi  ; 
son  maître  lui-même  le  ménage,  car  ce  n'est  point  un  domes- 
tique qu'on  puisse  renvoyer  du  jour  au  lendemain  :  une  fois 
que  les  chevaux  du  taboon  se  sont  accoutumés  à  ses  soins, 
ils  refusent  d'obéir  à  la  voix  d'un  autre.  Il  les  connaît  tous 
individuellement  :  il  sait  quels  sont  les  défauts  et  quelles  sont 
les  qualités  de  chacun  d'eux,  ceux  qu'il  convient  de  vendre 
et  ceux  qu'il  est  à  propos  de  conserver;  il  sait  aussi  où  se 
trouvent  les  meilleurs  pâturages;  en  un  mot,  il  s'est  rendu 
nécessaire,  et  il  a  le  sentiment  de  son  importance.  Certain  de 
l'impunité ,  il  abuse  de  sa  position,  et  il  affecte  un  profond 
mépris  pour  les  tskabaums  et  les  t$herednik$  (pâtres  et  vachers), 
.gens  honnêtes  et  paisibles  qu'il  regarde  comme  appartenant 
à  une  espèce  inférieure. 

Les  foires  les  plus  importantes  pour  chevaux,  entre  le  Dnie- 
per et  le  Dniester,  se  tiennent  à  Balta  et  à  BerditshefF.  Les 
chevaux  y  sont  amenés  libres  de  toute  entrave.  Tandis  qu'ils 
traversent  les  villes  et  les  villages,  ils  s'effirayent  souvent  des 


Digitized  by 


Google 


LES  STEVPBS  DE  LA  BUSSIE  MÉEIDIONALE.  (5 

noareâux  objets  qui  frappent  leur  vue.  Leurs  conducteurs  ne 
s'en  inquiètent  nullement,  Texpérience  leur  ayant  appris  que 
la  peur  est  le  meilleur  moyen  d'empêcher  leurs  bètes  de  se 
disperser.  Arrivé  à  l'endroit  du  marché,  le  taboon  est  ren- 
fmié  avec  le  tabuntshik  dans  un  enclos  en  dehors  duquel  le 
propriétaire  se  tient  assis.  Les  acheteurs  tournent  autour  de 
l'endos,  afin  de  fixer  leur  choix.  Ils  ne  doivent  point  s'at- 
tendre à  ce  qu'on  fasse  trotter  devant  eux  les  chevaux  pour 
mieux  les  examiner.  Il  faut  qu'ils  en  jugent  par  eux-mêmes  et 
d'i^wès  les  indices  qu'Us  pourront  saisir,  ce  Je  n'ai  i  vendre 
que  des  chevaux  sauvages,  dit  le  maître;  inspectez-les  aussi 
longtemps  qu'il  vous  plaira.  Ce  cheval  que  voici  est  âgé  de  cinq 
ans;  j'en  suis  certain,  puisqu'il  a  été  nourri  sur  mes  steppes. 
h  ne  sais  rien  autre  chose  de  lui.  Son  prix  est  de  cent  roubles; 
voulcK-vous  l'acheter?  —  Oui.  — Je  vais  donner  ordre  qu'on 
l'attrape;  mais  je  vous  conseille  de  donner  quelque  chose 
au  tabuntshik,  afin  qu'il  ait  soin  de  ne  point  blesser  la  béte 
en  l'arrêtant.  » 

Cette  recommandation  n'est  pas  à  négliger;  car,  si  Ton  ne 
procède  point  avec  beaucoup  de  précaution,  le  cheval  peut 
s'estropier,  et  comme  on  ne  se  rend  mattre  de  lui  qu'après  le 
marché  conclu,  le  dommage  est  au  compte  de  l'acheteur,  et 
non  point  du  vendeur.  Si  le  tabuntshik  est  content  de  la  gra- 
tification qu'on  lui  a  donnée,  il  s'approche  doucement  du 
cheval  désigné,  et  lui  jette  sa  fronde  sur  le  cou  de  manière  à 
ne  pas  le  blesser.  Dans  le  cas  contraire,  il  le  jette  par  terre 
au  moyen  d'une  sangle;  l'animal,  qui  s'est  d'abord  cabré  de 
toute  sa  hauteur  et  de  toutes  ses  forces,  se  calme  peu  à  peu 
et  se  laisse  emmener  par  son  nouveau  mattre  ;  celui-ci  em- 
ploie souvent  toute  une  année  à  le  corri(][or  des  défauts  que 
lui  avait  frût  contracter  sa  première  éducation. 

Les  transactions  qui  s'opèrent  dans  ces  foires  sont  peu  de 
chose  si  on  les  compare  à  celles  qui  ont  lieu  sur  les  steppes 
mêmes.  Les  agents  du  gouvernement  russe  et  d'autres  mar- 
chands maquignons  visitent  successivement  les  divers  taboons, 
choisissent  les  sujets  qu'ils  veulent  acheter,  et  les  payent  en 


Digitized  by 


Google 


^#9  à«mt  fNT  iMe.  H  estf^énéniuMftiiadaiîs  ipie ievtln- 
imu  <V«M  même  tabom  «e  Tritnt  ^  pea  pvèi  fef  ms  leB 
mtrè9j  «^«6t<^^re4ttt'îlB  Boot  Airoiichesy  vicien  «t  dUSoUn 
è  «p^rivoÎBur.  Cdpâidnt  qnel^Mi  tabM»  jimssii^  d^ae 
iiiâU0«re  vépmfttàm  et  Im  froÂnls  en  Mvt  fAia  Mtimè». 

BwMt  M  •^'OH  ifipidlle  ia  fadle  «aisoii^e  Mqfwna  nitiB 
4'0€Utee),  te  UlBOan  erre  jMtf  d  nuil;  i  tiavcn  la  «teppe; 
pendxBt  tes  six  autres  meis  de  ramièe  il  passe  la  mk  à  eea- 
tcDl;  le  jmr  teaii,  <m  ielaitie  Joitir  dânasieplaiose,  et  là  l«e 
pMrereft  dusran  écaitent  Jwrec  leur  nabot  la  'CMcke  de  nmge 
té|Miadiie  mt  le  sol,  allar  4>  chercberna  pem  (ftnerbe*  <^amd 
nous  dôcme  •qo'ifo  passent  la  naît  à  coavert,  noue  «'eniHi 
dens  ingaifier  lien  ifM  rfettenAte  à  iiae  io^^ 
en  qnestioii  eet  aa  enclos  isrmé  d'idi  wsm  en  ttuoii  dee- 
sécbéy  et  sur  leqadl  «n  a  constrsBt  <k  c&tèda  nord  une  eqirèee 
de  toitve^niBsiàrB  afin  de  le  gacsntir  de  la  bîse«  Les  étalotie 
e'eiDpai«eat  d'abord  des  meilleiiiw  places  de  x»  hangar;  Isa 
jeunes  poulains  forment  des  groupes  le  long  da  sÉar^  et  «e 
asnrent  tes  ans  eontre  lessutres  pasv  eBÉRftaDîrparsii  eux 
ma  peu  de  cbalear*  Ce  a'est  pas  du  froàd  qa'ila^nit  ks  pkis  à 
aouRrir  :  le  tabontsMk  lew  délivre  awe  «ertaine  pnotimn  de 
fourrage;  unm  ceftteprovîsiM  eet  varefl^eat  salHsaivte*  Am»- 
snre  que  Tbiver  s'afaoes»  le  foin  dorieaÉ  phn  ram,  et  Toa  tM 
forcé  d'y  aabstitoer  de  la  païUa  et  des  voseaaa  desséchéB 
qo-on  gardait  pour  te  eha«Âige  {!).  Bneore  n'es^ee  pas  sans 
de  graades  contestations  que  le  tabaatsidk  obtsoit  ces  naigMB 
alioients  du  csiisinier  et  dn  sunreittant  des  poêles  (3).  Si  l'hirer 
se  prolonge  au  delà  dn  taa»  oadinaire,  les  nrtbeareax  dia- 
vawx  sont  rédaits  i  manger  ht  terre  dont  le  asar  de  rappentàs 
est  formé;  quelquefois  même  âb  s'avrraebetit  les  «ns  aas 
autres  les  crins  de  la  queae^  et  ils  les  déronreat.  fit  cela  anife 


(f)  Gomme  il  n'y  a  dans  les  steppes  ni  forètf  ni  mines  de  bouille,  on 
se  chauffe  principalement  ayec  de  la  paille  et  des  roseatn. 

(2)  Il  y  â  toujours  dans  les  mafeons  ridiei  an  dmaenaque  diargé  eida- 
meneat  de  teiRer  aat  i^oêlesi 


Digitized  by 


Google 


poar  «pprtfsriMmiev  tM»  les  l^diMi»  {jfMidml  weti 
II 

v^eiUl  p»  >élêiMiwt  q«»  «elle'  BSàflOA  mlèf«^  nb 
I  CfflttidénMÉ  de  «hefaift.  Il  m  p6rtt  ^elquelbis  h 
îlifc,  et  eon  «piî  mrvmnt  sonl  teH^umnl  «mMeris,  idte- 
i  éfai9és,>qMÂriiiMMrfSB6Rt  à  f«iîfie  pow  learMiMf^. 
L'année  1833  fiit  extrêmement  meuririèrev  ^  dsM\  MB  iiprè^, 
les  f  layi»  qpf'eile  mml  ciMês  n'étaneiH  pas  Hmmt  répsif es. 
JDttt  «B  'lri)dmi  de  HiMe  die^m,  il  y  a  généralenetit  èe 
^fÔKKfàyiù^  étjdms,  ai  quatre  o«  cinq  eenls  carales  qtii 
peawl  piHte^t^  Leff'èlftloiis,  snrtMl  tes  timix,  «ecénsidè^ 
mt  •CMUB6  1m  Mgneors  et  maîtres  de  la  coignwrrnrrté;  ih 
«Kemnt  lenr  mtorité  avec  fort  pen  de  modération,  et  ise 
livMÉft  flntn  0ÊK  4es  conbatH  désespérés,  iinî({n6fflent  pour 
VmÊoat  ûû  la  préémineneê.  Il  existe  fonfours  dans  chaqn^ 
tibosn  imétakm  qâ,  {riva  inécbant  on  pins  fort  que  ses  ca^ 
8*<8t  ae(fa»  sur  ent  une  sorte  de  suprématie.  Les 
I,  kacaMet,  les  intriffaes  s'agitent  parmi  cette  foule; 
it  OM  eoalitîon  ^génémle  se  forme  contre  un  seul  indfh- 
v;  am  ae  jiatte  aiir  My  on  Taecabie  de  ruades  et  de  mor- 
,  iMi  le  oontrMit  de  vivre  à  Técart. 
C-eal  lon^ae-deex  taboena  ae  rencontrent  que  des  combats 
terriUn  s'enga^enL  Ordmaireanent  les  tatmntshiks  ont  soin 
4ê  laisser  entre  leurs  troupe^rt  respectifs  une  distance  con- 
TeeaUe;  OMiia  celte  reafcontre  peut  avoir  lieu  par  suite  de 
qetk|ae  BégMgtnoe  des  gardiens.'  Souvent  aussi  ils  la  provo- 
^qwDt,  quand,  par  exemple,  il  s'agit  d'occuper  un  pâturage 
CBMieité.  Dana  œa  oceasîans,  les  t^avries  et  les  jeunes  pou- 
iMi  iie  preanent  point  part  à  Taetion.  Des  deux  c6tés  les 
éCakina  s'itasmait  avec  une  farie  et  une  impétuosité  dont  ne 
peaieiit  se  Eure  idée  ceux  qui  n'ont  vu  le  cheval  que  dsms 
i'élal  domeatiqaie.  IVmMés  d'atie  rage  incroyaMe,  fis  hé- 
râieat  kar  criniève  coone  des  lions  ;  ils  se  dressent  les  uns 
^lea atttnst  il*  sedéchirent  avec  teurs  dents';  le  Imnt 
aalxrta  qni  s'entrechoquent  retentiit  au  loin,  et  pen- 


Digitized  by 


Google 


48  LES  STEPPES  DE  LA  RUSSIE  BIÉRIDIONALE. 

dant  cette  lutte  acharnée,  dont  le  tumulte  et  l'agitation  ne 
sauraient  se  décrire,  ils  rugissent  et  poussent  des  cris  perçants 
qu'on  n'entend  nulle  part  ailleurs.  La  troupe  victorieuse  em- 
mène toujours  en  triomphe  un  certain  nombre  de  cavales  pri- 
sonnières. Les  tabuntshiks  s'occupent  alors  de  l'échange  des 
captives.  Il  est  bien  rare  qu'à  propos  de  cet  échange  Us  n'en 
viennent  pas  aux  mains,  eux  aussi,  si  toutefois  ils  ont  pu 
rester  neutres  jusque-là. 

Le  printemps  venu,  les  chevaux  s'indemnisent  des  priva— 
tiens  de  l'hiver.  Les  loups  ne  sont  pas  moins  pressés  de  ré- 
parer les  jeûnes  qu'ils  ont  endurés.  C'est  l'époque  o&  la 
chair  des  poulains  est  la  plus  délicate,  et  les  loups,  qui  sont 
connaisseurs,  la  préfèrent  à  celle  du  mouton  et  du  bœuf. 
Nuit  et  jour  ils  errent  dans  le  voisinage  des  taboons,  et 
forcent  les  chevaux  à  se  tenir  constamment  sur  la  |défen- 
sive.  Gomme  ils  se  sentent  les  plus  faibles,  ils  ont  recours  à 
la  ruse.  Us  s'exposeraient  à  une  mort  presque  certaine  s'ils 
attaquaient  un  taboon  en  plein  midi  ;  ils  le  savent,  et  quelque 
pressés  qu'ils  soient  par  la  faim,  ils  ne  se  hasardent  jamais  à 
.commettre  un  pareil  acte  de  témérité.  C'est  la  nuit,  lorsque 
le  troupeau  est  dispersé  dans  la  plaine  et  qu'eux-mêmes  sont 
assez  nombreux,  qu'ils  attaquent  leur  proie.  Alors  un  admi- 
rable esprit  d'ensemble  et  d'union  se  déploie  parmi  les  che- 
vaux à  la  première  alarme  ;  les  étalons  et  les  cavales  se  por- 
tent rapidement  vers  le  point  menacé,  et  fondent  sur  les 
assaillants  avec  une  impétuosité  qui  met  souvent  ceux-ci  en 
déroute.  Les  loups  reviennent  bientôt  à  la  charge;  ils  s'em- 
parent de  quelque  pauvre  poulain  qui  s'est  écarté  dé  quel- 
ques pas  du  gros  de  la  troupe,  et  s'apprêtent  à  l'entraîner; 
sa  mère  se  précipite  pour  le  délivrer,  au  risque  de  partager 
son  sort.  C'est  ici  que  le  combat  s'engage  véritablement;  les 
cavales  forment  un  cercle  dont  les  jeunes  poulains  occupent 
le  centre.  Nous  avons  vu  certaines  peintures  d'après  lesquelles 
des  chevaux  se  défendant  contre  des  loups  leur  présentent 
le  train  de  derrière.  Rien  de  cela  n'est  exact  :  les  chevaux 
s'avancent  sur  leurs  ennemis  en  phalange  serrée;  ils  leur  font 


Digitized  by 


Google 


LES  STEPPES  DE  LA  RUSSIE  MÉRIDIONALE.  M 

tète,  ils  les  déchirent  avec  leurs  dents,  ils  les  écrasent  avec 
leurs  pieds.  Pendant  ce  temps^là  les  étalons  se  tiennent  en 
dehors  de  la  ligne;  les  crins  hérissés  et  les  naseaux  dilatés  par 
la  colère,  ils  galopent  sur  les  flancs  de  leur  année,  et  rem- 
plissent à  la  fois  les  fonctions  de  généraux,  de  trompettes  et 
de  porte-étendard.  S'ils  voient  un  loup  qui  ose  les  aflRronter, 
ils  s'élancent  sur  lui,  et  souvent  ils  l'assomment  d'un  seul  coup 
de  leur  puissant  sabot.  Dans  ce  cas,  ils  traînent  avec  leurs 
dents  le  cadavre  jusqu'au  milieu  des  cavales,  qui  piétinent  sur 
lui  jusqu'à  ce  qu'il  ne  soit  plus  qu'une  masse  informe.  Si,  au 
contraire,  l'étalon  échoue  dans  ce  premier  élan,  c'est  fait  de 
lui;  huit  ou  dix  loups  affamés  lui  sautent  à  la  gorge,  et  ne 
lâchent  point  prise  qu'il  ne  tombe  mort  sur  le  sol.  Mais  la 
proie  qu'ils  ont  abattue,  ils  n'auront  point  la  chance  de  la 
dévorer;  les  autres  étalons  se  précipitent  et  vengent  celui 
d'entre  eux  qui  a  succombé.  Les  loups  finissent  toujours  par 
être  complètement  défaits;  ils  fuient  en  désordre,  laissant  sur 
le  corps  des  vainqueurs  plus  d'une  marque  sanglante,  plus 
d'une  entaille  profonde  qui  atteste  l'acharnement  de  la  lutte. 
Ces  grandes  batailles  n'ont  lieu  que  rarement  ;  en  général, 
le  loup  les  évite.  Sa  tactique  consiste  en  surprises  :  il  se  glisse 
sournoisement  à  travers  les  herbes  delà  steppe,  il  s'approche 
du  taboon  en  prenant  le  côté  oii  le  vent  donne,  et  là  il  restera 
en  embuscade  pendant  des  heures  entières  jusqu'à  ce  qu'une 
jument  s'écarte  avec  son  poulain  du  reste  du  troupeau.  Même 
alors  il  ne  tente  pas  une  attaque  à  force  ouverte  ;  il  s'approche 
encore  davantage  en  rampant ,  les  mouvements  de  sa  queue 
imitant  ceux  d'un  chien.  Si  la  cavale,  trompée  par  ses  dé- 
monstrations amicales,  le  laisse  s'approcher  d'assez  près,  il 
lui  saute  à  la  gorge,  et  en  un  moment  il  la  saigne  et  la  tue; 
puis,  s'emparant  du  poulain,  il  l'entratne  ou  l'emporte,  et  il 
disparaît  avec  son  butin  avant  que  le  tabuntshik  ait  soup- 
çonné sa  présence.  Ses  tentatives  de  maraude  n'obtiennent 
pas  toujours  un  succès  aussi  complet  ;  souvent  la  cavale  évente 
sa  ruse  et  donne  l'alarme  ;  le  tabuntshik  accourt,  et  le  dénoù- 
mentde  l'affaire  est  qu'il  augmente  son  bagage  d'une  belle  four- 

5«  SÉRIE.  —  TOME  XI.  h 


Digitized  by 


Google 


50         tes  àTCims  de  la  Russie  MÉAI^foiirAtB. 

mre  dont  oti  Itri  offrira  dfat  à  âtttne  rouMe».  Ltf  seAale  thMëé 
qui  reste  au  loup  pour  d'échapper,  c'csé  de  rouler  la  lèle  M 
première  au  fotid  de  quelqtw  ratin,  exereiccf  ^f^^iM^Uqtfe  qM 
le  cavalict  ô'absttcnt  prudetwfteifift  d'itoheir. 

Toicî  venir  l'été;  les  loups  sont  nt(Am  iacottinièdefi^,  AMAS 
les  malheureux  chevaux  voWt  tttùît  à  soùflfHf  de  la  ^if  pi» 
tpi'ih  n'ont  scmffert  de  la  fahn  pendant  Phîtèr.  La  chaleftr 
est  extrême  :  nulle  part  ri  y  ti'a  de  Tombée,  9l  c«  n'es*  cteB^r 
que  Ie9  animaux  produisent  en  fen-nani  de  petite  gfoopei. 
Ils  se  rassemblent  donc  ^  et  là,  chae«fi  d'ew  eberebaai  à 
placer  le  corps  de  sort  vois*  «tftte  hii  etle»  tèyons  d'»ii  mk 
leil  brûlant.  Souvent  le  tabuntsMh  èbetctM  un  abri  au  cM-- 
tre  d'un  de  ces  groupes;  il  s'étend  sirt*  la  terre,  tandis  que  les 
efaevaux  se  tiennent  immobiles,  la  tète  baissée  efl  leur  prunelle 
ardente  fixée  sur  le  sol. 

L'automne  ramène  les  plaisirs  et  la  joie.  La  plaine  se  ood- 
vre  d'une  herbe  verdoyante  ;  les  sources  fournissent  de  l'eau 
en  abondance.  Les  chevaux  amassent  des  forces,  afin  de  se 
préparer  aux  privations  de  l'hiver.  C'est  en  automne  que, 
pour  la  première  fois  de  l'année,  les  chevaux  d'un  taboon 
sont  appelés  à  travailler;  encore  ce  travail  est-il  bien  peu 
fktigant.  Il  consiste  à  écraser  des  gerbes  de  blé.  Voici  com- 
ment M.  Kohi  décrit  cette  opération. 

<(  Sur  un  espace  de  cent  pas  carrés,  on  égalise  le  sol  et  oii 
bat  le  terrain  jusqu'à  ce  qu'il  soit  rendu  solide.  Cet  espace 
est  entouré  d'une  barrière  où  l'on  a  ttiénagé  ufte  porte.  On  y 
étend  les  gerbes  de  blé,  sur  lesquelles  on  feil  trotter  les  che- 
vaux ,  de  manière  à  ce  que  le  grain  sorte  de  l'épi.  Dans  les 
petites  fermes,  où  Ton  ne  peut  employer  que  huit  on  dix  che- 
vaux à  cette  besogtie ,  chacun  d'eux  broie  par  jour  trente  à 
quarante  gerbes.  Mais  dans  les  grandes  termes,  où  l'on  a  à  an 
disposition  la  moitié  du  taboon,  vingt  gerbes  sont  le  maxinwm. 
En  supposant  qu'un  taboon  de  mille  chevaux  soit  mis  à  l'œo- 
vre,  dix  mille  gerbes  peuvent  ainsi  être  égrenées  à  la  fois.  On 
forme  le  troupeau  en  detix  divisions.  Cinq  cents  bétes,  éta- 
lons, cavales,  poulains^  sont  introduites  dans  l'enclos  sous  la 


Digitized  by 


Google 


ua  9rEPns9  im  la  rvssiv  utKimovAtE,  51 
sorrallaBee  &at  tabmtsfiilt  et  de  ses  aides.  Alors  commence 
âne  scène  de  bal  étrange,  fiintastiqne.  Armés  de  leur  formida- 
ble bnrabnîek,  qu'ils  font  claquer  i  grand  bruit,  les  gardiens 
dament  le  signal  de  la  danse.  Les  cheranx,  épouvantés  d'en- 
tendre ÂlDer  les  fouet»  à  leurs  oreilfes  et  craquer  la  paille 
t<ni9  leurs  pieds,  se  précipitent  comme  des  furieux  d'un  bout 
de  l'enceinte  à  l'autre;  les  plus  rétifis  sont  les  meilleurs  ou- 
Trier».  Le  grain  jaOKt  des  épis,  et  les  gens  de  la  ferme  ne 
^oeeopent  qu'à  rejeter  dans  l'enclos  les  brins  de  paille  qui  ont 
rolé  dehors.  Ceci  dure  une  heure  ;  après  quoi ,  les  chevaux 
ayant  été  retirés  pour  un  moment,  on  retourne  la  couche  de 
geibes,  et  Ton  recommence  ainsi  de  suite  jusqu'à  trois  fois. 
II  convient  de  dire  qu'un  pareil  mode  d'égrener  le  blé  n'est 
praticable  que  dans  les  grands  établissements  d'agriculture 
et  qu'on  en  perd  une  quantité  considérable.  y> 

Tel  est  le  genre  de  vie  sauvage  que  mènent  les  chevaux  des 
steppes!  tel  il  était  encore  du  temps  de  Mazeppa;  mais  les 
scènes  que  l'on  vient  de  décrire  deviennent  de  plus  en  plus 
rares  dans  la  Aussie  méridionale.  La  population  s'y  accroît; 
plusieurs  des  grands  domaines  se  morcellent  et  se  divisent 
entre  plusieurs  petits  propriétaires.  Si  le  gouvernement  russe 
exécute  son  plan  fevorî,  c'est-à-dire  l'introduction  d'un  sys- 
tème régulier  d'agriculture  dans  cette  partie  de  l'empire,  les 
taboons  disparaîtront  graduellement  ou  se  retireront  vers  les 
derniers  confins  de  la  Tartane.  A  quelle  époque  ces  change- 
ments s'accompliront-ils?  on f  ignore.  Les  steppes,  il  est  vrai, 
peuvent  produire  du  blé  en  abondance;  mais  la  difficulté  des 
transports,  le  manque  de  matériaux  pour  la  construction  des 
routes,  opposent  des  obstacles  sérieux  aux  améliorations  pro- 
jetées. Quelques  localités  plus  favorisées  que  les  autres  et 
situées  dans  le  voisinage  des  cours  d'eau  ou  de  la  mer  for- 
ment des  exceptions  à  cette  régie  générale. 

En  comparaison  des  mœurs  turbulentes  et  de  la  vie  agitée 
des  tabuntshiks,  les  moeurs  et  la  vie  des  tshahawns  ou  gardiens 
de  moutons  sont  bien  paisibles  et  bien  inoffensives.  C'est 
tfaprès  le  nombre  des  moutons  que  l'on  évalue  la  richesse 


Digitized  by 


Google 


52  LES  STEPPES  DE  LA  RUSSIE  HÉRIDIONALB. 

des  seigneurs.  Tel  d*entre  eux  en  possède  cent  mille,  et  quel- 
ques-uns de  ces  immenses  troupeaux  n'ont  été  formés  que 
depuis  trente  ans.  La  race  wallaque  est  la  plus  estimée.  Elle 
se  distingue  par  la  grosseur  de  la  queue,  laquelle  ne  consiste 
guère  qu'en  une  masse  de  graisse  très  en  renom  parmi  les 
gourmets  russes  et  tartares.  On  a  aussi  introduit  récemment 
des  mérinos.  Ils  se  propagent  avec  rapidité. 

Le  tshabawn  est  presque  toujours  un  personnage  doux  et 
tranquille  et  dont  le  caractère  participe  de  celui  des  animaux 
qui  lui  sont  confiés.  Comme  il  ne  s'écarte  pas  aussi  loin  que  le 
tabuntshîk,  il  peut  se  procurer  une  foule  de  comforts  auxquels 
celui-ci  doit  renoncer.  Il  mène  avec  lui  deux  chariots  traînés 
par  des  bœufs  et  où  il  serre  ses  provisions,  ses  ustensiles  de 
cuisine,  les  peaux  des  brebis  qui  sont  mortes  de  maladie  et  de 
celles  qu'il  a  réussi  à  arrachera  la  dent  du  loup;  car  le  tsha- 
bawn, malgré  ses  mœurs  pacifiques,  fait  aux  loups  une  rude 
guerre.  Outre  le  plaisir  de  les  tuer,  il  réalise  des  gains  fort 
honnêtes  en  vendant  leur  fourrure. 

Pour  donner  une  idée  approximative  du  nombre  des  bètes 
à  cornes  que  nourrissent  les  steppes,  il  suffit  de  dire  que 
presque  tout  le  suif  exporté  d'Odessa,  de  Riga  et  de  Saint- 
Pétersbourg  provient  de  cette  contrée.  On  en  tire  annuelle- 
ment de  quoi  fabriquer  sept  cents  millions  de  chandelles  et 
cent  millions  de  livres  de  savon.  Cela  ne  date  pas  d'une  épo- 
que récente  :  du  temps  d'Hérodote,  les  Scythes  étaient  renom- 
més pour  leur  suif  et  leurs  cuirs. 

C'est  la  vente  des  chevaux,  le  débit  des  suife  et  des  cuirs , 
l'exportation  des  laines,  c'est  en  un  mot  le  développement  de 
ce  commerce  immense  qui  a  porté  si  rapidement  au  plus  haut 
point  de  splendeur  une  ville  tout  à  fait  moderne,  la  cité  que 
déjà  l'on  appelle  la  capitale  du  Pont-Euxin,  Odessa.  En  1838, 
c'est-à-dire  quarante-six  ans  après  sa  fondation ,  elle  comp- 
tait 69,023  habitants.  En  1802,  ses  importations  montaient  à 
719,000  roubles,  et  ses  exportations  à  1,534,000  roubles.  En 
1839,  ce  chiffre  s'est  élevé  pour  les  importations  à  21,309,000 
roubles,  et  pour  les  exportations  à  tô,636,350  roubles. 


Digitized  by 


Google 


LES  STEPPES  DE  LA  RUSSIE  MERIDIONALE.  53 

M.  Kohi  décrit  longuement  Odessa ,  ville  étrangère,  ren- 
dez-vous accoutumé  des  marchands  grecs  et  italiens ,  qui  y 
sont  comme  les  fecteurs  des  autres  peuples.  Odessa  est  assise 
sur  le  bord  des  steppes.  De  quelques-unes  de  ses  rues  vous  en 
apercerez  les  plaines  nues  et  désolées,  qui  se  perdent  dans 
on  horizon  sans  limites.  De  riches  marchands  ont  dépensé 
des  sommes  incroyables  pour  écarter  ce  voisinage  et  établir 
des  jardins  aatour  de  la  cité.  Ces  tentatives  ont  eu  peu  de 
succès.  Les  arbres  que  l'on  plante  s'étiolent  malgré  tous  les 
soins  possibles,  et  meurent  au  bout  de  quelques  années.  II 
parait  que,  sous  la  couche  de  terre  végétale  qui  forme  le  sol 
dans  les  plaines  deTEuxin,  s'étend  une  couche  d'argile  froide 
qui  détruit  la  végétation.  Dès  que  les  racines  des  plantes  ar- 
rivent à  cette  couche  inférieure,  l'arbre  se  dessèche  et  périt. 

À  quelque  distance  d'Odessa  se  trouvent  les  colonies  alle- 
mandes. Ce  sont  de  petites  communautés  qui  subsistent  pres- 
que indépendantes  au  milieu  du  grand  empire  des  czars.  II  y 
a  vingt-cinq  mille  de  ces  colons  dans  la  Bessarabie  et  dans 
ks  environs  du  Dniester.  On  en  compte  en  tout  deux  cent 
cinquante  mille ,  qui  sont  dispersés  dans  les  diverses  pro- 
vinces de  la  Russie  ;  ils  jouissent  de  plusieurs  privilèges  pré- 
cieux ,  grâce  auxquels  ils  n'ont  pas  cessé  de  prospérer.  Les 
steppes  renferment  aussi  des  colonies  de  Grecs  et  de  Polo- 
nais; mais  aucune  ne  saurait  lutter  avec  celles  des  Allemands  : 
parleurcourageet  leur  persévérance,  ceux-ci  ont  triomphé  de 
toutes  les  difficultés  qui  s'opposaient  à  leur  établissement  dans 
une  contrée  sauvage.  Ils  ont  le  droit  de  nommer  eux-mêmes 
leurs  magistrats ,  et  ils  ne  connaissent  d'autre  contrôle  que 
celui  du  comité  colonial  à  Saint-Pétersbourg.  Jusqu'ici,  ils  se 
sont  peu  mélangés  avec  les  indigènes,  qui  les  regardent  d'un 
œil  jaloux.  Ceux  qui  ont  le  mieux  réussi  occupent  les  bords 
de  la  mer  d'Azoff ,  près  de  la  petite  rivière  de  Molotshna.  Il 
y  a  là  des  paysans  qui  possèdent  des  troupeaux  de  vingt  à 
trente  mille  moutons.  La  richesse  de  cette  contrée  est  pro- 
verbiale dans  la  Russie  méridionale. 

Lorsque  les  premiers  colons  vinrent  se  fixer  dans  les  step- 
pes sur  l'invitation  du  gouvernement  russe,  outre  l'abandon 


Digitized  by 


Google 


Hk  LES  STEPPES  PS  LA.  BUSSIS  mJÏUMOIULB. 

de  certain  lots  de  terre,  Us  reçurent  à  titre  d'avances,  des 
chevaux,  des  vaches  et  des  instruments  d'agriculture.  Ces 
avances  constituèrent  une  dette  publique  qui  fut  répartie  en- 
tre les  diverses  colonies,  et  un  impôt  foncier  fut  payé  annuel- 
lement à  l'empereur.  Aujourd'hui,  l'impôt  en  question  rap- 
porte i  la  couronne  2,000,000  de  roubles.  La  terre  concédée 
aux  colons  était  considérée  comme  inaliénable  et  indivisibleu 
Le  père  devait  laisser  à  ses  enfants  le  domaine  tel  qu'il  l'avait 
pris;  plus  tard,  les  descendants  d'un  même  propriétaire  ont 
possédé  en  commun  tout  ce  qui  lui  avait  appartenu  dans 
l'origine;  mais  le  domaine  était  placé  sous  le  nom  d'un  seul 
d'entre  eux. 

Les  empereurs  russes ,  en  attirant  des  colons  alleouuids 
dans  les  steppes ,  se  proposaient  deux  choses  :  d'abord,  de 
peupler  des  terres  presque  inhabitées;  ensuite  d'enseigner 
aux  indigènes  l'art  de  l'agriculture.  Si  Ton  en  croit  certains 
voyageurs,  les  Russes  n'auraient  rien  voulu  apprendre  des 
Allemands ,  qu'ils  détestent.  M.  Kohi,  au  contraire,  assure 
qu'ils  se  conforment  à  leur  exemple,  et  que,  dans  tous  les  cas 
douteux,  on  entend  cette  phrase  :  a  C'est  comme  cela  que 
font  les  Allemands,  »  et  que  ces  mots  décident  la  question.  Il 
est  avéré  que,  seuls,  les  Allemands  ont  adopté  des  mesures 
efficaces  pour  la  destruction  des  sauterelles;  qu'ils  ont  intro- 
duit dans  les  steppes  la  culture  des  pommes  de  terre  ;  qu'Us 
ont  travaillé  à  extirper  les  serpents;  qu'ils  savent  donner  la 
meilleure  façon  aux  terres  de  labour,  et  que,  dans  toutes  les 
années  de  famine,  c'est  à  eux  que  les  Grecs  et  les  Russes  eux- 
mêmes  ont  recours.  D'après  cela,  il  n'est  pas  douteux  que  leur 
présence  ne  soit  un  précieux  avantage  pour  le  pays. 

Usseconstniisentdebelles  et  spacieuses  habitations  ;  quant 
aux  naturels,  ils  ne  sont  pas  mieux  logés  que  les  Troglodytes 
dont  parle  Hérodote.  Ces  dignes  descendants  des  ancieAS 
Scythes  se  creusent  un  trou  qu'ils  recouvrent  de  chaume,  et 
voilàleur  maison.  L'édifice  a  tout  au  plus  quatre  à  cinq  pieds 
d'élévation,  et  il  est  toujours  tourné  vers  le  midi.  Il  règne  A 
Vinlérieur  assez  de  comfort.  Cette  espèce  de  hutte  est  fraîche 
en  été,  chaude  en  hiver;  elle  brave  impunément  le  vent  du 


Digitized  by 


Google 


iJH  Snsm»  PE  LA  ftUSSlB  MÉB1DI09ALE.  6i 

nord,  qai  passe  par-dessus  en  sifBant  et  en  foaettant  devant 
loi  des  tourbillons  ^de  neige. 

Les  ^eppes  duPont-Euxin  doivent  à  leur  position  géogra- 
phique les  avantages  commerciaux  dont  ne  jouissent  point  les 
steppes  de  la  mer  Caspienne  et  de  TAral.  Odessa»  Tapanrog, 
Sebastopol  et  autres  villes  florissantes,  se  sont  élevées  sur  les 
bords  de  la  mer  Noire.  Aucune  grande  cité  n'a  été  fondée  dans 
les  temps  modernes  sur  les  bords  de  la  mer  Caspienne.  Ce- 
pendant, à  part  cette  circonstance  qui  est  toute  locale,  la 
description  que  nous  avons  faite  des  plaines  d'Odessa  et 
du  Don  s*af>plique  fidèlement  aux  steppes  qui  touchent  à 
Yempire  chinois.  Cette  contrée  plate  et  ouverte  a  de  tout  temps 
livré  aux  conquérants  qui  ont  voulu  s'en  emparer  un  chemin 
fiicile;  mais  la  même  cause  qui  permettait  de  l'occuper  mo- 
mentanément empêchait  qu'on  ne  s'y  établit  d'une  manière 
permanente.  Les  Russes  ont  les  premiers  conquis  réellement 
h  Scythie,  et  ils  l'ont  conquise  moins  par  leurs  armes  que  par 
l'influence  pacifique  de  leurs  colons  allemands.  Ovide,  eh 
parlant  des  steppes,  disait  : 

Tu  neque  meMorum  corpore  nuda  vidîi 
Nec  tibi  pampineas  autumnus  porrigit  uvas. 

Pendant  dix-huit  siècles,  ces  vers  ont  pu  être  vrais;  au- 
jourd'hui, ils  ne  le  sont  plus.  Les  plaines  de  l'ancienne  Scy- 
tfaie  sont  couvertes,  en  certains  endroits,  de  riches  inoissons; 
les  vins  du  Don  et  de  la  Crimée  sont  devenus  célèbres  et  ne  tar- 
dat>nt  pas  à  être  un  objet  d'exportation.  La  côte  méridionale  de 
cette  même  Grimée  est  regardée  comme  le  jardin  et  le  verger 
de  Saint-Pétersbourg.  Les  tribus  nomades  se  convertisseùt 
tous  les  jours  à  une  vie  réglée  et  sédentaire.  Qu'il  y  ait  dans 
ces  tableaux,  présentés  par  les  autorités  locales,  un  peu  d'exa- 
gération, c'est  à  quoi  l'on  doit  s'attendre;  néanmoins,  ce  que 
lefouverneoient  russe  a  déjà  fait  s\iffit  pour  justifier  l'admi- 
ration de  l'Europe,  et  s'il  poursuit  son  œuvre  comme  il  l'a 
commencéOy  les  steppes  0e  la  Russie  auront  acquis  dans  vingt 
imsune  grande  importance  politique. 

[Àsiatic  Journal.) 


Digitized  by 


Google 


jÇtstotn*  —  Mottxvs.  —  iTigiglatton* 


LE  DUEL. 


Le  duel  est  une  coutume  particulière  au  monde  moderne, 
on  n'en  trouve  pas  de  traces  parmi  les  nations  de  l'anti- 
quité. Qu*un  homme  puisse  mettre  deux  existences  en  péril 
pour  une  offense  qui ,  dans  la  plupart  des  cas ,  et  même  ja- 
mais, ne  mérite  le  châtiment  qu'on  veut  faire  subir  à  l'offen- 
seur, en  supposant  encore  que  ce  soit  lui  qui  soit  puni;  que 
cela  ait  lieu  partout ,  en  dépit  des  lois  et  de  la  religion  ;  que 
cela  passe  pour  honorable,  et  qu'on  ne  puisse  s'en  dispenser 
sans  porter  atteinte  à  sa  considération  personnelle,  c'est  ce 
qu'on  ne  voit  que  chez  les  peuples  civilisés  du  monde  chré- 
tien. Toutefois,  il  ne  faut  pas  s'y  tromper,  il  n'y  a  entre  la 
barbare  coutume  du  duel  et  la  charitable  morale  du  christia- 
nisme d'autre  rapport  que  celui  de  la  simultanéité;  ce  sont 
deux  faits  coexistants ,  mais  parfaitement  indépendants  l'un 
de  l'autre.  Le  duel  ne  nous  vient  que  des  coutumes  et  des 
superstitions  des  Barbares  qui  envahirent  l'occident  de  l'em- 
pire romain.  César  et  Tacite  nous  apprennent  que  les  anciens 
Germains  décidaient  leurs  querelles  particulières  par  l'épée  ; 
et  lorsque  la  conquête  eut  mieux  fait  connaître  leurs  mœurs, 
on  voit  le  fait  confirmé  par  les  lois  qu'ils  rendirent.  En  SOI, 
une  loi  de  Gondebaud  le  Bourguignon  ordonne,  pour  remé- 
dier à  l'obstination  et  à  l'avarice,  que  toutes  les  contestations 
doivent  se  décider  par  l'épée;  et  Frothius  le  Danois,  digne 
descendant  des  héros  de  l'Edda ,  dit  expressément  qu'il  est 
plus  noble  de  résoudre  une  difficulté  par  la  force  que  par  la 
parole  :  Speciosius  tiribus  quam  verhis  confligendum  e$se  caiwn. 


Digitized  by 


Google 


LE  DUEL.  57 

Plus  tard,  lorsque  les  mœurs,  eurent  fait  quelques  progrès, 
Loitprand  dît  encore,  en  701  :  «  Nous  ne  pouvons  pas  croire 
»  i  la  justice  de  ce  qu'on  appelle  le  jugement  de  Dieu ,  car 
»  nous  avons  vu  périr  bien  des  innocents  pour  la  défense 
»  d'une  bonne  cause;  mais  cette  coutume  est  si  ancienne 
»  parmi  les  Lombards  que  nous  ne  pouvons  pas  Tabolir, 
>  malgré  son  impiété,  d  Ces  lois  et  coutumes  expliquent  la 
véritable  origine  du  duel  ;  c'est  de  là  que  le  duel  moderne, 
modifié  par  le  temps,  est  venu  jusqu'à  nous.  Mais,  en  rap- 
portant ainsi  son  existence  à  l'ignorance  et  à  la  brutalité  de 
nos  barbares  ancêtres,  n'est-il  pas  humiliant  de  voir  qu'il  se 
soit  perpétué  jusqu'à  nos  jours  ,  et  que  l'homme  bien  élevé 
du  dix-neuvième  siècle  doive  dire  avec  le  Lombard  du  hui- 
tième :  «  Nous  ne  pouvons  l'abolir,  malgré  son  impiété?  » 

La  féodalité  reçut  le  duel  ou  combat  judiciaire  des  Bar- 
bares ;  mais  elle  le  modifia ,  le  régla  par  des  lois ,  en  fit  une 
institution  sociale,  une  solennité  à  laquelle  les  pouvoirs  tem- 
porel et  religieux  prêtaient  l'éclat  de  leur  présence.  Othon  II, 
par  son  décret  de  Vérone ,  en  étendit  l'obligation  aux  prê- 
tres et  aux  femmes ,  mais  en  leur  accordant  la  faculté  de  se 
(aire  représenter  par  des  champions.  Les  Danois  allèrent  plus 
loin  encore,  car  leurs  femmes  et  leurs  filles  étaient  obligées 
de  détendre  leur  honneur  en  personne.  Cependant,  pour  éga- 
liser les  chances  du  combat,  on  enterrait  leur  adversaire  jus- 
qu'à la  ceinture;  l'héroïne,  libre  de  ses  mouvements,  était 
armée  d'une  lanière  de  cuir  à  l'extrémité  de  laquelle  était  atta- 
chée une  pierre  pesante  :  elle  cherchait  à  frapper  son  ennemi 
sur  la  tète,  et  lui,  pourvu  d'un  bâton,  était  déclaré  vaincu  s'il 
manquait  trois  fois  son  adversaire  ou  laissait  son  arme  tou- 
cher la  terre.  En  Angleterre  cependant,  il  semblerait  que 
le  combat  singulier  était  à  peu  près  inconnu  avant  la  con- 
quête normande.  C'était  par  une  compensation  pécuniaire 
que  devaient  se  terminer  les  différends,  et  les  lois  du  roi  Al- 
fred sont  positives  à  cet  égard.  Hais  le  conquérant  introdui- 
sit les  rudes  coutumes  de  ses  fiers  Normands  :  il  commença 
par  provoquer  Harold  en  combat  singulier,  et  la  seule  res- 


Digitized  by 


Google 


ëB  hE  WDEL. 

tiiclioa  qu'il  ûapose  daas  ses  lois  a«  oooibai  jiMUcitire,  c'est 
q/ie  «  aucun  prêtre  ae  peut  se  battre  sans  i'autorisation  de 
.9011  évéque.  x>  De  cette  époque  date  le  défi  aolenad  que  le 
cbampioa  des  rois  d'Angleterre  vient  jeter  au  monde  lors  de 
leur  couronnement.  La  dernière  fcm  que  cette  partie  du  ce- 
réiuoaial  a  été  accomplie ,  c'était  au  couronnement  de  Geor- 
ges IV»  et  ce  fut  le  duc  de  Wdlington  qui,  entré  dans  l'^^ae 
de  Westminster  à  cheval  et  anné  de  toutes  pièces,  remplit 
Voffîce  de  champion  du  roi. 

L'on  des  plus  anciens  combats  judiciaires  que  l'on  trouve 
daos  les  annsdes  anglaises  est  celui  que  le  comte  d'Eu,  Ac- 
cusé par  GodeÊroy  Baynard  de  conspiration  contre  GuillauaK 
le  Roux,  livra  à  son  accusateur  daas  la  plaine  de  Salisbury. 
Vaincu  en  présence  de  toute  la  cour,  il  fut  cruellement  mu- 
tilé par  ordre  du  roi .  on  lui  arracha  les  yeux;  son  écUyer  fiit 
fouetté  et  pendu. 

On  raconte  Thistoire  plus  romanesque  d'un  comte  de  Mo- 
dène  qui,  pour  avoir  imité  la  continence  de  Joseph,  fut  per- 
sécuté, comme  l'avait  été  le  patriarche  juif,  par  Marie  d'Ara- 
gon, femme  de  l'empereur  Othon.  Il  eut  beau  protester  de 
son  innocence,  tout  ce  qu'il  put  obtenir ,  ce  fut  un  combat 
en  champ  clos  ;  il  fut  vaincu ,  et  aussitôt  décapité.  Sa  femme, 
sans  se  laisser  abattre  par  cet  épouvantable  spectacle,  prit 
la  tète  sanglante  de  son  mari,  et  la  déposa  aux  pieds  de  l'em- 
pereur en  demandant  vengeance  :  <(  De  qui?  dit  l'empereur. 
—  De  vous-même,  qui  avez  sanctionné  une  iniquité;  car  Je 
suis  prête  à  prouver  l'innocence  de  mon  mari  par  l'épreuve 
du  feu.  »  Une  barre  de  fer  rouge  placée  au  milieu  d'un 
brasier  ardent  décida  l'affaire  :  la  malheureuse  comtesse ,  la 
saisissant  sans  crainte  et,  dit-on ,  sans  douleur,  redemanda 
à  l'empereur  sa  propre  tête  pour  avoir  fait  périr  un  inno- 
cent. La  chronique  ajoute  que  rempereur,~après  avoir  mâr- 
rement  examiné  la  proposition,  imagina,  comme  moyen  de 
conciliation,  de  faire  brûler  sa  femme,  ce  qui  fut  en  effet 
exécuté  à  Modène ,  en  l'an  du  Seigneur  998. 
Le  plus  singulier  exemple  de  combat  judiciaire  est  peut- 


Digitized  by 


Google 


UB  MJH..  m 

Itee  obM  qai  se  lirn  à  Teh&de  MUS  le  pMiîfieai  de  Grégitt^ 
feGr— d,  et  pmir  eenienir  ses  ambiiîeux  prçîeis.  Nous  iroiik 
voua  le  fidt  dans  rHisioire  de  TÉglise  du  docteur  Waddi«|^ 
IOB«  Il  yenit  qu'eu  ce  iemps-là,  le  nissel  s^H|ue  aTatt  fini 
far  ae  subaltHier  en  Espagne  à  celui  de  l*Église  romaine.  Lu 
Uigai  du  pape  et  la  reine  Caroline  de  Castille  avaient  à  cœw 
de  réiablîr  TaulArité  du  nâssel  romain.  La  iH^lesse»  le  p««- 
fit,  et  mette  la  plus  grande  paartie  du  clergé ,  défendaient 
chaudemeAl  leur  rituel.  Aussi,  après  d'inutiles  discussionil, 
£it-il  résolu  de  décider  la  question  par  Tépreuve  du  combat. 
Los  eh&raliecs  se  battirent  en  présence  d*une  foule  immeasci, 
«t  le  chanpioii  du  rituel  gothique  triompha.  La  cour  ^  mé- 
contente du  résultat,  voulut  renvoyer  la  décision  définitive  à 
une  seconde  épreuve,  celle  du  feu,  que  les  missels  eux-mémefii, 
et  non  plus  des  kommes  en  leur  place ,  eurent  à  subir.  Le 
missel  gothique  trionqpha  encore,  et  fat  retiré  intact  des 
flammes  ou  son  rival  avait  été  consumé.  La  victoire  semblait 
définitive,  lorsqu'on  découvrit  que  les  cendres  du  missel  ro- 
main, s'enlevant  dn  milieu  des  flammes,  s'étaient  envolées  au 
del.  Ce  miracle  renversa  les  positions,  ou  du  moins  la  vic- 
toire du  missel  gothique  devint  chose  assez  douteuse  pour 
qu'on  crût  devoir  donner  raison  au  pape. 

Dans  ces  âges  barbares ,  il  n'y  avait  d'autre  état  pour  la 
noblesse  que  le  cloître  ou  Tépée,  que  chacun  regardait  comme 
sa  seule  sauvegarde.  Les  tribunaux  n'existaient  que  pour  les 
femmes ,  les  gens  de  robe ,  les  bourgeois  et  les  vilains.  La 
force  triomphait  partout,  et  Ton  se  battait  sans  honneur 
comme  sans  merci  pour  prouver  ou  nier  des  crimes  dont 
le  juge  ou  le  bourreau  auraient  fait  bien  meilleure  justice, 
et  ^oi  semaient  entre  les  familles  le  germe  de  querelles 
sans  fin.  Témoin  le  fatal  duel  de  Hereford  et  de  Norfolk,  ori- 
gine de  ces  guerres  dont  Fuller  a  dit  mélancoliquement  que 
«  la  rose  rouge  y  pâlit  du  sang  qu'elle  y  perdit ,  et  que  k 
blanche  y  rougit  du  sang  que  ses  partisans  firent  couler.  » 
Cependant  le  remède  allait  sortir  de  l'excès  du  mal.  La  con- 
solidation des  royautés  et  le  développement  du  pouvoir  mo- 


Digitized  by 


Google 


60  XE  1H7EL. 

Darchique  donnèrent  une  force  réelle  aax  lois  générales  des 
états,  et  le  combat  singulier  comme  preuve  judiciaire  finit  par 
disparaître  au  quinzième  siècle.  Mais  alors  il  s'ouvrit  une 
nouvelle  carrière  sur  un  terrain quela loi  sembleimpuissanteà 
saisir,  sur  celui  de  l'honneur  individuel.  L'honneur,  senti- 
ment vague,  irritable,  impossible  à  définir,  que  l'état  lui- 
même  encourageait  chez  ses  nobles,  et  dont  il  remettait  la 
défense  à  leur  valeur  individuelle.  Ce  qu'on  appelle  aujour- 
d'hui l'honneur  n'est,  en  réalité,  qu'une  transformation 
des  sentiments  et  des  mœurs  de  la  chevalerie  antique.  Les 
aventures,  qui  ne  manquaient  pas  d'abord  au  chevalier  errant 
protecteur  des  feibles,  opprimés  partout,  ont  disparu  partout 
aussi  devant  l'organisation  d'une  bonne  police;  mais,  en 
mourant  d'inanition,  la  chevalerie  nous  a  laissé  un  code  fan- 
tastique qui,  plus  ou  moins  modifié ,  s'est  perpétué  jusqu'à 
nous.  Les  lois  de  l'honneur,  les  motifs  pour  lesquels  on  doit 
se  trouver  offensé,  la  manière  d'obtenir  une  réparation,  la 
marche  à  suivre,  les  privilèges  de  l'ofiensé,  les  devoirs  des 
seconds  et  autres  points  de  la  matière ,  furent  exposés  dans 
d'innombrables  volumes  et  discutés  avec  toute  la  subtilité  du 
moyen  âge,  avec  un  talent  qu'il  eût  été  facile  de  mieux  em- 
ployer. Puflendorf  et  Grotius  n'ont  pas  recherché  avec  plus 
de  conscience  le  droit  des  gens  et  les  lois  de  la  guerre ,  que 
Mutio,  Fausto,  Attendolo,  Giustinopolitano ,  etc.,  n'en  ont 
mis  à  approfondir  la  noble  science  de  faire  une  offense  et 
d'en  poursuivre  la  réparation.  Ils  ne  reconnaissent  pas  moins 
de  trente-deux  espèces  de  démentis  I 

L'Italie  fut  l'arène  où  ce  nouveau  genre  de  combat  singu- 
lier, le  duel  moderne,  se  déploya  avec  le  plus  de  fureur;  c'est 
elle  aussi  qui  produisit  les  traités  les  plus  estimés  sur  la  ma- 
tière, les  meilleurs  armuriers  pour  les  armes  usitées  dans  les 
combats  de  cette  nature,  et  les  plus  célèbres  maîtres  d'escrime. 
De  là  cette  affreuse  coutume  se  répandit  avec  fureur  en 
France,  en  Espagne ,  en  Allemagne.  En  Angleterre ,  elle  ne 
sembla  prendre  racine  qu'au  temps  des  Stuarts. 

C'est  la  France  qui  fournit  les  plus  riches  matériaux  à  l'his- 


Digitized  by 


Google 


LE  DUEL.  61 

foire  do  duel.  Les  rois  et  les  parlements  en  reconnurent  long- 
temps la  légalité,  et  François  I*%  qui  donna  au  monde  le 
honteux  exemple  de  manquer  à  la  foi  jurée,  ne  craignait  pas 
de  dire  qu'un  démenti  valait  du  sang,  et  qu'un  bâtard  seul 
pourait  recevoir  un  démenti  sans  en  exiger  satisfaction. 
Henri  II,  assisté  de  toute  sa  cour,  du  connétable,  de  l'amiral 
et  des  maréchaux  de  France,  présida  au  combat  dans  lequel 
la  Chataigneraye  fut  tué  par  Jarnac,  qui,  les  mains  toutes 
fnmantes  du  sang  de  son  parent,  les  leva  au  ciel  en  s'écriant  : 
«  Merci,  mon  Dieu,  non  à  ma  valeur,  mais  à  ton  saint  noml» 
Henri  aurait  pu  arrêter  le  combat,  et  il  fiit  même  prié  de  le 
bire  par  Jarnac  lorsque  celui-^i  eut  la  vie  de  son  adversaire 
entre  ses  mains;  mais  le  roi,  par  un  sentiment  d'honneur, 
disent  les  contemporains,  resta  inexorable,  et  mourut  lui-même 
qndque  temps  après  des  suites  d'une  blessure  reçue  dans  un 
tournoi.  Charles  IX  fut  le  dernier  roi  de  France  qui  présida 
à  l'une  de  ces  fêtes  sanglantes,  et  pour  être  juste  avec  lui,  il 
fimt  dire  que  ce  fut  Jui  qui  essaya  d'arrêter  la  fureur  du  duel 
en  nommant  une  Cour  d'Honneur  chargée  de  poursuivre 
toutes  les  offenses  commises  contre  ses  lois  et  d'en  obtenir 
réparation.  Et  il  était  temps,  car  les  Français,  au  nom  de 
leur  détestable  idole,  avaient  changé  leur  pays  en  un  champ  de 
tuerie;  les  guerres  d'Italie  et  de  la  Ligue,  jointes  au  relâche- 
ment des  liens  moraux  et  religieux,  avaient  réduit  la  société 
à  un  tel  état,  que,  pendant  les  vingt  années  du  règne  compa* 
rattvement  tranquille  et  ferme  de  Henri  IV,  et  malgré  tous 
ses  édits  prononçant  la  peine  de  mort  contre  les  duellistes, 
il  ne  périt  pas  moins  de  quatre  mille  personnes  en  duel,  et  il 
fallut  accorder  quatorze  mille  grâces  â  autant  de  délinquants  : 
chiffres  eflrayants  !  surtout  en  proportion  du  petit  nombre  de 
gentilshommes  qui  avaient  alors  le  droit  de  porter  des  armes. 
D'ailleurs  le  roi  lui-même,  en  dépit  de  ses  propres  lois,  en 
dépit  des  sages  remontrances  du  brave  Sully,  encourageait 
le  duel.  Il  écrit  à  son  ami  Duplessis,  qui  se  plaint  â  lui  d'a- 
voir été  insulté  :  «c  Je  suis  très-fâché  d'apprendre  l'injure  que 
vous  avez  reçue;  j'en  suis  fâché  comme  votre  roi  et  comme 


Digitized  by 


Google 


^  £S  B0EI.. 

votre  ami.  En  qualité  de  roi,  je  rerrai  à  ee  cpie  justice  soit 
fkite  pour  voas  et  pour  moi  ;  et  «i  je  n'étais  que  votre  ami, 
Vot»  me  trouveriez  tout  prêt  à  tirer  Tépée  et  à  exposer  ma 
vie  poar  vou9.  d  Avec  de  pareils  encooragemeats  il  n'est  pas 
éle«Aant  q«e  to«t  )e  monde  se  battit  :  qui  n'avait  pas  toésoii 
homme  était  indigne  du  titre  de  gentilhomme.  Le  mal  n'es 
resta  pas  là,  car  lorsqu'on  n^obtenait  pas  satiafoction  loyale- 
ment, il  n'était  pa»  beaucoup  moins  honorable  de  la  prendre 
d'me  autre  manière.  Toute  la  France  semblait  atteinte  de  la 
folie  éû  duel.  Montaigne  dit  :  a  Mettes  troi»  Français  dana 
le  désert  de  Libye,  ils  n'y  resteront  pas  «n  mots  aana  se 
battre.  i>  L'évèque  de  Rodez  dit,  dans  sa  74$  de  BenrilV: 
(c  La  manié  des  duels  s'était  emparée  de  l'esprit  de  la  no- 
blesse à  un  tel  point  qu'elle  perdait  en  temps  de  poix,  et  par 
aes  propres  mains,  plus  de  sang  que  dans  les  batailles.  »  Dana 
une  seule  province,  selon  Chevalier,  il  fut  tué  en  sept  mois 
œnt  vingt  gentilshommes.  Brantôme  fait  l'éloge  d'un  digne 
lioble  de  la  Franche-Comté  qui  tua  son  ennemi  d'un  coup 
d'épée  sous  le  porche  d'une  église,  et  de  deux  antres  qui  se 
battirent  dans  une  église,  devantrautel,poardécider  lequel  dea 
deux  devait  être  encensé  le  premier.  Un  journal  contemporain 
dit,  à  la  date  du  6  août  1606  :  «  La  semaine  dernière  nous  avons 
eu  à  Paris  quatre  assassinats  et  trois  duels,  mais  on  n'y  a  pan 
prisgarde.  »Doit*on  s'étonner  que  le  poignard  d'un  assassin  ait 
fini  par  trancher  la  vie  d'un  roi  qui  laissait  de  tels  for&ita 
impunis  ?  Le  fils  atué  du  duc  de  Guise  tua  le  comte  de  Saint- 
Pol  dans  les  rues  de  Reims,  et  deux  ans  après  Henri  IV  le 
nonnnait  gouverneur  de  la  Provence! 

Si  le  roi  récompensait,  les  dames  françaises,  comme  les 
romaines  qui  aimaient  les  gladiateurs,  adoraient  ces  hommes 
de  sang.  Lord  Herbert,  ambassadeur  à  la  cour  d'Anne  d^Au- 
triche,  dit  dans  un  passage  de  ses  lettres  :  «  Toutescboses  étant 
prêtes  pour  le  bal,  et  moi  me  trouvant  près  de  la  reine  enat* 
tendant  que  les  danses  commençassent,  quelqu'un  firappai  la 
porte  plus  fort,  à  ce  qu'il  me  sembla,  qu'il  ne  couYient  à  un 
homme  bien  élevé.  Quand  il  entraj'entendis  circuler  une  subite 


Digitized  by 


Google 


LE  BtJEL.  as 

pmiiî  les  dames;  on  se  disait  :  C'est  monsieur  Bala« 
gif  I  Pais  je  ris  les  daines  Tune  après  l'autre  Tinvîter  à  s'as- 
seoir près  d'elles,  et  lorsqu'il  s'arrêtait  quelques  minutes 
auprès  de  l'une  d'elles,  une  autre  arrirait  bientôt  qui  disait  : 
VoBs  l'are*  gardé  assez  longtemps,  à  mon  tour  maintenant. 
l'étais  quelque  peu  surpris  de  cet  empressement  hardi;  mais 
c©  qui  m'étonnait  surtout,  c'était  que  cet  homme  n'était  pas 
beau;  ses  cbereux  presque  gris,  un  pourpoint  de  gros  drap 
et  des  culottes  de  gros  gris.  En  prenant  des  renseignements 
•or  ee  personnage,  on  me  dit  que  c'était  un  des  hommes 
les  plus  brares  du  monde,  qu'il  arait  tué  huit  ou  neuf  per- 
sonnes en  duel,  et  que  c'était  pour  cela  que  les  femmes  M 
fimaient  tant  de  fête.  » 

La  folie  était  générale.  Ignace  de  Loyola  défiait  en  combat 
singulier  tout  Maure  qui  oserait  nier  la  divinité  de  }ésus« 
Christ.  Le  cardinal  de  Retz  se  battait  deux  fois  pendant  la 
Fronde,  le  cardinal  d'Esté  présidait  un  duel  à  Ferrare,  et  en 
iM9  on  jugeait  encore  utile  de  faire  revivre  en  Espagne  les 
statuts  d'un  ancien  concile  de  Pefiafiel  qui  défendait  de  pro- 
voquer les  èréques  et  les  chanoines.  Ce  n'était  pas  seulement 
l'offenseiir  et  l'oilensé  qui  se  battaient  ;  leurs  seconds,  leurs 
troisièmes,  leurs  quatrièmes  témoins  mettaient  aussi  l'épée 
à  la  main  pour  le  seul  plaisir  de  se  battre,  sans  avoh*  jamais 
eo  l'ombre  d'une  querelle,  sans  même  se  connaître  ;  tout  cela 
au  nom  de  l'honneur  et  de  la  chevalerie  I  Sans  doute  beaucoup 
de  ces  gens  étaient  des  gens  d'honneur;  mais  ce  n'était  pas 
le  duel  qui  les  foisait  tels,  c'était  la  noblesse  naturelle  de 
leur  coeur.  C'était  le  cas  sans  doute  pour  Gustave-Adolphe, 
lorsqu'au  foUe  de  la  gloire  il  fit  un  jour  appeler  le  colonel 
Seaton,  l'un  de  ses  officiers  écossais,  qu'il  avait  offensé  dans 
un  mouvement  de  vivacité,  et  l'emmenant  dans  un  lien  écarté, 
il  lui  dit  :  «  Maintenant  pied  à  terre,  monsieur;  je  reconnais 
que  je  vous  ai  offensé ,  et  je  suis  venu  ici  pour  vous  donner 
la  satisfaction  qu'on  doit  à  un  gentilhomme;  nous  sommes 
hors  des  terres  de  mon  royaume,  et  ici,  vous  et  moi  Gustare, 
nous  sommes  égaux.  »  Mais  de  tels  exemples  étaient  rares,  et 


Digitized  by 


Google 


6k  LE  DUEL. 

pour  juger  de  Tesprit  qui  poussait  à  ces  sanglantes  rencon-* 
ires,  on  n'a  qu'à  voir  le  ton  plaisant  et  léger  sur  lequel  Bran* 
tdme  en  parle,  lui  qui,  au  fond,  était  peut-être  un  esprit  lé- 
ger plutôt  qu'un  méchant  homme.  Il  parle  des  combats  les 
plus  affreux  comme  des  plus  beaux  exploits;  il  nous  entre- 
tient avec  délices  de  «  ce  très-beau  combat  »  livré  entre  Que- 
lus  et  d'Entragues  avec  leurs  seconds  :  ces  derniers  se  bat- 
tant ((  seulement  par  envie  de  mener  les  mains,  »  pour  le 
plaisir  de  la  chose  !  Il  regrette  qu'il  n'y  ait  eu  là  de  présents 
que  trois  ou  quatre  personnes  du  commun,  a  de  misérables 
témoins  pour  la  valeur  de  tels  héros.  »  Il  est  fier  de  dire  au  lec- 
teur que  sur  six  combattants  quatre  périrent,  et  c'est  sans  au- 
cun étonnement  qu'il  raconte  que  d'Entragues  dut  la  victoire 
à  une  dague  dont  il  s'était  armé,  contre  les  conventions  du 
combat,  et  avec  laquelle  il  frappa  l'infortuné  Quélus,  le  rail- 
lant encore  lorsqu'il  s'écriait  mourant  :  <c  Vous  avez  une  dague 
et  je  n'en  ai  pas  I  ))  Son  héros  favori  est  un  Napolitain  qui  tua 
trois  personnes  dans  la  même  matinée  et  sur  le  même  lieu, 
puis  les  abandonna  avec  la  plus  parfaite  indifférence,  k  tous 
trois  morts  à  la  garde  de  Dieu  pour  estre  enterrez.  y> 

Et  lorsque  tant  de  victimes  humaines  tombaient  sur 
l'autel  de  l'honneur,  que  rapportaient  à  la  société  de  si  cruels 
sacrifices?  Rien,  ou  pis  que  rien.  Nous  nous  étendons  sur 
cette  époque  parce  qu'elle  a  trop  souvent  été  vantée  comme 
l'âge  d'or  de  l'honneur  et  de  la  chevalerie,  parce  que  der- 
nièrement encore  des  voix  éloquentes  ont  proclamé  avec 
une  dangereuse  assurance  que  le  temps  de  la  chevalerie  était 
passé.  Mais  qu'est-ce  donc  que  ce  temps  si  regretté  et  quels 
fruits  a-t-il  produits?  Lorsque  Bayard,  le  chevalier  sans  peur 
et  sans  reproche,  tuait  au  nom  de  la  courtoisie,  de  l'honneur 
et  de  la  religion  don  Alonzo  di  Soto  Maior,  Machiavel  écri- 
vait son  Prince f  les  Borgia  empoisonnaient,  volaient  et  se 
livraient  à  l'inceste;  les  Sforza  à  Milan  et  les  Médicis  à  Flo- 
rence imitaient  leur  infirme  exemple  ;  un  pape  mourait  em- 
poisonné par  une  hostie  sainte,  un  autre  pontife  bénissait  le 
massacre  de  la  Saint-Barthélémy,  Philippe  II  traduisait  par 


Digitized  by 


Google 


LE  DEEL.  •  S5 

Teflàsion  de  sang  bamain  les  préceptes  de  Ferdinand,  la  cour 
de  Henri  VIII  était  le  repaire  de  la  lâcheté,  de  l'apostasie  et 
des  massacres  judiciaires  !  En  fait,  Timmoralité,  la  licence , 
Tathéisme  pratique  trônaient  souverainement  par  toute  l'Eu- 
rope à  cette  époque  des  preux  chevaliers,  qui,  par  leur  con- 
duite de  chaque  jour,  insultaient  à  cet  honneur  dont  le  nom 
^t  sans  cesse  sur  leurs  lèvres. 

Si  telles  étaient  les  mœurs  des  chefis  de  la  société ,  que 
devaient  être  celles  de  leurs  sujets  ?  Que  penser  de  la  loyauté 
d'oir  sieur  Malcolom,  qui,  après  avoir  dépéché  son  adver* 
saire  et  voyant  son  second  tarder  à  en  faire  autant  de  son 
c6tè,  vint  à  son  aide  et  répondit  froidement  à  la  victime  de  ce 
guet-apens  :  J*ai  tué  mon  homme,  c'est  vrai  ;  mais  si  vous 
tuez  mon  second,  il  se  peut  que  vous  me  tuiez  à  mon  tour 
quand  nous  serons  seul  à  seul  ;  ainsi  donc  en  garde  1  Que  dire 
de  la  générosité  du  neveu  du  maréchal  de  Saint-André ,  qui, 
s'étant  pris  de  querelle  à  une  partie  de  chasse  avec  Matas, 
un  ancien  officier,  se  vit  bientôt  désarmé  par  lui?  Victime 
de  sa  magnanimité,  Matas  avait  rendu  son  épée  au  jeune  héros 
en  hit  donnant  quelque  avis  salutaire,  lorsque  celui-ci,  sai- 
sissant son  moment,  assassina  par  derrière  son  trop  confiant 
ennemi  et  le  laissa  pour  mort  sur  la  place.  On  n'y  fit  pas  seule- 
mentattention,  dit  un  Mémoriographe  contemporain,  ou  plutôt 
on  fut  d'accord  à  blâmer  le  malheureux  Matas  d'avoir  voulu  faire 
ia  leçon  à  ce  fier  et  honorable  jeune  homme  I  Prenez  encore 
comme  échantillon  des  mœurs  du  temps  la  lettre  suivante 
écrite  et  signée  par  un  des  héros  du  siècle  de  Henri  IV  : 
«  J'ai  réduit  votre  maison  en  cendres,  j'ai  déshonoré  votre 
femme  et  pendu  vos  enfants,  maintenant  j'ai  l'honneur 
d'être  votre  ennemi  mortel.  —  Lagarde.  »  Par  une  juste  pu- 
nition du  ciel,  ce  misérable  mourut  dans  un  duel.  Et  ces 
mœurs  atroces  étaient  générales.  Creighton,  lord  Sinquhar, 
avait  perdu  un  œil  en  s'exerçant  avec  un  certain  Turner, 
maître  ^'escrime  ;  quatre  ans  après  il  était  présenté  à  Henri  IV| 
et  celui-ci  lui  demandait  si  l'homme  qui  lui  avait  feit  cette 
blessure  était  encore  eu  vie.  A  cette  question  le  lord  crut 

5*  SÉRIE.  —  TOME  XI.  5 


Digitized  by 


Google 


M  LE  DtrSL. 

qu'il  était  de  son  honneur  de  Tetoorner  en  Anglefterre,  d^ 
prendre  à  sa  solde  une  bande  de  bravi  et  de  fiaire  assasn- 
ner  le  malheureux  malttre  d'armes  à  qui  il  avait  déjà  par*- 
donné.  Â  Milan  il  ne  se  passait  pas  un  jour  où  Ton  ne  se  batftt 
dans  les  rues,  où  l'on  ne  trouvât  sur  la  voiepubUquetles  cada- 
vres abandonnés.  Des  gens  7  venaient  de  tous  les  coins  de  I*Bii- 
rope  pour  y  cultiver  le  noble  art  de  l'escrime  ^  pour  y  apprendiv 
des  feintes  et  des  bottes  secrètes.  Là  aussi  se  trouvaient  de 
nombreux  bravi  qui  faisaient  métier  de  se  louer  à  ceux  qm 
n'avaient  pas  assez  de  courage  pour  se  battre  enx-mèmesr 
dans  leur  propre  querelle.  Gomme  type  de  l'homme  d'bon* 
neur  au  seizième  siècle,  nous  ne  pouvons  mieux  faire  que 
de  citer,  mais  en  l'abrégeant  toutefois,  ce  que  Brant6me  ra^^ 
conte  du  «  Paragon  de  la  France.  » 

(c  Duprat,  baron  de  Vitaux,  le  Paragtm  de  la  France,  étmt 
fils  du  chancelier  Duprat,  et  dès  ses  plus  tendres  années  3 
donna  des  preuves  d'un  courage  indomptable.  Il  débuta  dans 
la  carrière  des  armes  par  tuer  le  baron  de  Soupez,  qui  hn 
avait  jeté  dans  un  dtner  un  chandelier  à  la  tète.  Vitaux  l'at- 
tendit sur  la  route  de  Toulouse,  et  après,  l'avoir  dépéché,  il 
se  sauva  sous  des  habits  de  femme.  Pour  second  exploit,  il 
tua  M.  de  Gonnelieu,  grand-mattre  de  l'écurie  de  Charles  IX, 
qui  avait  traîtreusement  assassiné  un  de  ses  frères,  un  enfoni 
de  quinze  ans.  Craignant  le  ressentiment  du  roi,  il  se  sauva 
en  Italie  ;  mais  il  rentra  bientdt  en  France,  pour  y  venger  ht 
mort  d'un  autre  frère  qui  venait  d'être  tué  par  un  de  ses 
proches  parents,  le  baron  deMittaud.  Pour  arriver  à  son  but, 
il  se  cacha  dan^  un  bouge  du  quai  des  Augustlns,  laissa  pousser 
sa  barbe,  et  se  déguisant  en  habit  de  magistrat,  il  alla  attendre 
le  baron  en  compagnie  des  deux  Boueicaut,  braves  et  vail- 
lants hommes  qu'on  appelait  les  lions  de  Vitaux.  Reneontrant 
enfin  leur  ennemi,  ils  se  jetèrent  to«s  les  trois  sur  lui,  pute 
se  sauvèrent  encore  une  fois  pour  obtenir  eneore  une  foi» 
ibis  leur  grâce.  Mais  H.  du  Gua,  officier  nussi  brave  q«e 
distingué,  et  de  plus  favori  du  roi,  s'était  opposé  à  la  gràœ 
de  Vitaux;  aussi  le  Paragon,  pour  venger  cette  insulte,  s'itt^ 


Digitized  by 


Google 


LE  DUEL  69 

trodnirit  S6crèleÉient  éhiw  M  évét  ftept  oa  Irait  bons  cooi^ 
pagnons,  et  dépécha  lé  dil  Chia  pendant  son  sommeil.  CM 
acte,  dit  'BrantAmè,  fut  uniretsellemènt  regardé  comme  nu 
tnit  de  la  pluft  grande  audace.  Cependant  il  obtint  encore 
sa  grâce  par  rinterventiofi  dû  duc  d'Alen^on  et  de  la  reiite 
Marguerite.  Enfin  son  betfre  arriva;  le  frère  du  baron  dé 
Ifittaudy  qu'il  avait  assfassiné,  il  y  avait  huit  ans  de  cela^ 
rq)pela  en  duel,  et  ê'itdnt  muni  sétn  ses  Habits  iTune  cuiroise 
conhur  de  chair,  devint  invulnérable  à  Tépée  de  Titaux,  et  le 
perça  de  part  en  part  tout  à  son  aise,  sans  avoir  même  là 
courtoisie  de  lui  offirlr  quartiet*.  C'est  âiiisi,  dit  Brantôme, 
que  mourBt  ce  brave  baron,  le  Faragôn  de  France,  dont  la 
gloire  s'était  répandue  éû  Espagne,  eri  Pologne,  en  Aile* 
nugne,  en  Angleterre;  car  tous  les  étrangers  <]ui  venaient 
à  la  cour  voulaient  le  voir.  Il  était  petit  de  taille,  mais  grand 
de  coiffage,  et  quoique  ses  ennemis  aient  prétendu  qu'il  ne 
tuait  pas  les  gens  loyalement,  c^est  cependant  l'opinion  de 
tous  les  grands  capitaines,  celle  surtout  dés  Italiens,  qui 
senties  plus  grands  vengeurs  du  monde,  qu'il  est  toujours 
permis  d'opposer  stratagème  à  stratagème  sans  manquer  à 
l'honneur.  i> 

Tels  étaient  les  duels,  tels  les  héros  et  les  hommes  d'honneur 
de  cette  époque,  vantée  comme  l'ftge  d'or  de  la  chevalerie. 
Aussi  ne  doit-on  pas  s'étonner  si,  avec  la  marche  de  la  civi- 
lisation, le  législateur  songea  partout  à  réprimer  ces  mœurs 
barbares.  L'Eglise,  la  grande  civilisatrice  du  monde,  avait 
déjà  bien  souvent  condamné  le  duel,  lorsqu'au  concile  de 
Trente  elle  renouvela  ses  défenses  de  la  manière  la  plus  pè- 
remptoire,  en  déclarant  que  «  la  détestable  coutume  du  duel, 
introduite  par  les  artifices  du  diable  pour  perdre  |les  âmes 
après  avoir  cruellement  tué  les  corps,  devait  être  abolie  défini- 
tîveraent  parmi  les  chrétiens.  »  En  conséquence,  l'Église  ex- 
communie «  tous  empereurs,  rois,  ducs,  princes,  mar-> 
qnis,  comtes  et  autres  seigneurs  temporels,  qui  désigneront 
oo  accorderont  un  lieu  de  combat  pour  un  duel  entre  chré- 
tieaa;  les  loondiattants  avec  leurs  seconds  sont  excommu- 


Digitized  by 


Google 


68  LE  DUEL. 

niés,  leurs  personnes  sont  déclarées  infâmes,  leurs  biens  con- 
fis(|ués  et  leurs  corps  privés  de  la  sépulture  chrétienne.  » 
Les  puissances  temporelles  finirent  par  suivre  cet  exemple; 
Charles  V  interdit  le  duel  dans  les  terres  de  sa  domination;  il 
fut  prohibé  en  Portugal  sous  peine  de  la  confication  des  biens 
et  de  déportation  en  Afrique;  en  Suède  il  fut  puni  de  mort, 
et  Gustave  II,  rencontrant  un  jour  des  gens  qui  allaient  se 
battre,  les  fit  attendre  sur  le  terrain  jusqu'à  ce  qu'on  eât  eu 
le  temps  d'élever  un  gibet  :  «  Maintenant,  messieurs,  leur 
dit-il,  vous  pouvez  commencer  si  le  cœur  vous  en  dit.  » 

En  France,  des  édits  très-sévères  avaient  été  rendus  contre 
le  duel  par  François  I**,  Charles  IX  et  Henri  IV  ;  mais  ils 
étaient  restés  sans  effet.  Louis  XIII  essaya  de  les  appliquer 
avec  une  sévérité  extraordinaire  qui  produisit  peu  de  résultat, 
bien  que  cependant  il  fît  un  grand  exemple  en  faisant  exé- 
cuter un  Montmorency  sur  la  place  de  Grève.  Louis  XIV  agît 
plus  sagement  que  son  père,  il  réorganisa  la  Cour  d'Honneur, 
établie  par  Charles  IX,  et  composée  des  grands  dignitaires 
du  royaume.  Cette  cour  avait  pouvoir  de  décider  toutes  les 
questions  d'honneur,  de  mettre  à  l'amende,  d'emprisonner  et 
d'arrêter  tout  individu  coupable  d'avoir  donné  un  démenti  à 
un  autre,  de  l'avoir  frappé  ou  de  lui  avoir  fait  une  de  ces  in- 
sultes qui  jusque-là  avaient  été  causes  de  duels.  On  eut  re- 
cours à  l'honneur  lui-même  pour  corriger  lés  excès  qu'il  avait 
produits.  Le  marquis  de  Fénélon,  dont  le  grand  Condé  disait 
qu'il  était  également  précieux  dans  un  salon,  dans  le 
conseil  et  sur  le  champ  de  bataille,  se  mit  à  la  tète  d'une  as- 
sociation de  gentilshommes  engagés  sur  l'honneur  et  par  ser- 
ment à  ne  jamais  envoyer  ni  accepter  de  cartel.  Par  un  édit 
public,  Louis  XIV  menaça  de  la  peine  de  mort,  avec  forfaiture 
de  rang,  d'honneurs  et  d'état,  tous  ceux  qui  oseraient  se  com- 
promettre dans  un  duel,  engageant  dans  le  même  édit  «  sa  foi 
et  sa  parole  de  roi  de  n'exempter  personne,  pour  aucune  con- 
sidération que  ce  pût  être,  des  rigueurs  de  la  loi.  »  Cette  ri- 
gueur excessive  manqua  encore  son  objet;  mais  cependant 
on  doit  reconnaître  que,  de  tous  les  souverains  de  la  France, 


Digitized  by 


Google 


LE  DCEL.  n 

Loais  XIY  est  celui  qai  a  le  plus  fait  pour  la  répression  du 
duel.  Sous  ses  faibles  successeurs,  il  se  réveilla  avec  une 
licence  caractéristique  de  Tépoque.  Lauzun,  Saint-Évremont 
et  le  duc  de  Richelieu  en  étaient  les  dignes  héros.  Les  femmes 
elles-mêmes  suivirent  de  si  dangereux  exemples;  la  marquise 
de  Nesle  et  la  comtesse  de  Polignac  se  battirent  au  pistolet 
jNHfr  Fhonneur  de  la  possession  d'un  Richelieu  I  Le  plus  hr 
meux  des  duellistes  féminins,  ce  fut  la  Maussin,  cantatrice  de 
rOpéra,  qui,  formée  par  les  leçons  de  Sévane,  l'un  de  ses 
amants  et  célèbre  mattre  d'escrime  de  ce  temps-là,  tua  trois 
hommes  en  combat  singulier,  et  s'enfuit  à  Rruxelles,  où  elle 
devint  la  maîtresse  de  l'électeur  de  Ravière. 

En  Angleterre,  Elisabeth  attaqua  le  duel  en  diminuant  le 
nombre  des  salles  d'escrime  et  en  rendant  leur  établissement 
difficile.  Cependant  sir  Henry  Upton,  son  ambassadeur  à  Pa- 
ris, envoya  le  cartel  suivant  au  duc  de  Guise  : 

«c  Parce  que  dernièrement,  dans  la  maison  du  seigneur  Dih 
mogre  et  dans  des  lieux  publics,  vous  avez  impudemment, 
indiscrètement  et  témérairement  mal  parlé  de  ma  souveraine, 
dont  je  représente  la  personne  en  ce  pays,  et  dont  j'ai  le  de- 
voir de  défendre  l'honneur  par  la  parole  et  par  l'épée  (hon- 
neur qui  d'ailleurs  n'a  jamais  été  mis  en  question  parmi  les 
personnes  honnêtes  et  vertueuses),  je  vous  dis,  moi,  que  vous 
avez  ignominieusement  et  malicieusement  menti  en  parlant  si 
lâchement  de  ma  souveraine,  et  que  vous  ne  pourrez  jamais 
que  mentir  toutes  les  fois  que  vous  oserez  inculper  son  hon- 
neur. Bien  plus,  comme  sa  personne  sacrée  (celle  de  l'une 
des  princesses  les  plus  vertueuses  et  les  plus  accomplies  qui 
aient  jamais  vécu  sur  la  terre)  ne  doit  pas  être  exposée  aux 
calomnies  d'un  traître  aussi  perfide  que  vous  l'êtes,  je  vous 
défie  et  engage  ma  personne  contre  la  vôtre  avec  telles  armes 
qu'il  vous  plaira  choisir,  à  pied  ou  à  cheval,  et  je  vous  prie 
de  ne  chercher  à  vous  prévaloir  d'aucune  inégalité  de  rang 
entre  nous,  car  je  suis  d'une  aussi  grande  race  et  d'une  aussi 
noMe  maison  que  peut  être  la  vôtre.  Et  je  maintiens  mon 
dire,  comme  le  démenti  que  je  vous  ai  donné,  vous  prévenant 


Digitized  by 


Google 


fO  LB  DUU. 

que,  ai  vous  n'acceptez  pas  ce  cartel,  je  vous  tiendrai  et  tous 
ferai  tenir  pour  le  plus  grand  lâche  et  le  pins  ignoble  esclaw 
qui  soit  en  France.  J'attends  votre  réponse  immédiate,  d 

l«es  mesures  prises  par  la  reine  Elisabeth  contre  le  duel  ne 
p]r.Cj4uisirent  rie^  ou  presqi^e  rien;  mais,  sous  le  règne  ssi- 
vant»  le  chancelier  Bacon  lui  déclara  une  guerre  sérieuse.  II 
fl^Unt  un  décret  de  la  Chambre  Etoilée^  et  poursuivit  activq- 
ipent  toutes  les  persoqnâs  impliquées  dans  deaaffoires  de  œ 
g§nre.  On  Iqs  punissait  de  Tamende  e\  de  rempri^anen^enl. 
\^  but  que  se  proposait  Bacon  était  de  prévenir.  leS/duob,  el 
i)  croyait  pouvoir  y  parvenir  par  4ça  peines,  modérées,  «  oe 
qui,  dit-il,  est  d'aiUeura  plus  clément  cpe  dn  pendoelesco»- 
pableei  «yea  leurs  blessures  encore  saignantes,  compne  cela  se 
^\\m  France.  »  Le  résultat  justifia  ses  prévisions;  car  l«s 
dneb  étaient  alors  beaucoup  plus  rares  en  Ân^elerreque  sur 
le  continent.  Sir  Walter  Raleigh,  un  des  hommes  les  plua 
l^aves  c^  son  temps»  s'éleva  vivement  contre  Ip  duel  dans 
We  dissertation  sur  la  matière,  insérée  dans  son  Biitmre  A» 

Les  guerres  de  la  ligue  en  France  ^valent  été  fécondes  on 
4Rels  et  en  assassinats  ;  mais  les  gp^erres  de  la  révolution  an- 
^jse  furent  comparativemisnt  pures  de  ces  fléaux.  LeBso- 
tect^ur,  suivant  les  inspirations  de  Bacon,  rendit  une  ocdoi^* 
V^\ce  qui  punissait  d'un  emprisonnement  de  six  mois  toute 
personne  qui  avérait  envoyé  un  cartel.  Toutefipîs  la  mort  de 
l'un  des  combattants  devait  être  poursuivie  comme  homici4n 
Tplontairc^.  Malbeureusemient,  avec  la  Restauration  les  duels 
i^eçonimencèrent  avec  plus  de  fureur  que  jamais;  il  est  vrai 
que  Charles  II,  dans  sa  prqcl(^mAtio^  d^  1Q79,  wnonça  que 
les  duellistes  seraient  punis  suivant  to\it;e  la  rigueur  d^s  lo^ 
Hais  on  sait  que  les  pratiques  de  Charles  H  étaient  fort  pea 
d*accord  avec  ses  dires.  Pjçpys  appelije  cette  içiajpie  du  d«0 
que  l'on  vit  alors  <(  une  espèce  de  symptôme. 4e  Yét9J^  général 
du  royaume,  »  et  dans  son  amusant  joiurnal,  il.  raç^^nte  l'bis^ 
tôire  suivante  du  d^el  de  sir  £[en]|*y  B^eU^asses  et^d^  IL  Stoter 
en  1667  : 


Digitized  by 


Google 


LE  DUEL.  71 

«  Os  dînèrent  ensemble  hier  ohez  sir  Rcbeti  Carr,  où  il  pa- 
raît que  Von  boit  copieusement.  Or  il  arriva  que  ces  deux 
l^rsennages)  les  plus  grands  amis  du  monde,  causant  ensem- 
ble, sir  Henri  Bellasses  éleva  la  voix  un  peu  haut  pour  don- 
ner un  avis  à  Tom  Porter.  Une  personne  présente  dit  alors  • 
Eh  4pioiI  est-ce  qu'ils  auraient  querelle  ensemble  qu'ils  parv- 
ient si  haut? — Sir  Henry  Bellasses,  entendant  ce  propos,  re- 
pondit :  Non  p^  1  et  vous  devriez*  savoir  que  je  ne  querelle 
lignais;  je  frappe,  c'est  ma  maniera  —  Comment  1  reprit  Tom 
Porter,  vous  frappez I  je  voudrais  bien  voir  l'homme  d'An- 
{^etene  qui  serait  assez  hardi  pour  lever  la  main  sur  moil 
Sur  ce,  sir  Henri  Bellasses  lui  envoya  un^oup  de  poing  sur 
Fjoreille  et  ils  allaient  sortir  pour  se  battre,  mais  on  les  en 
eopécha.  Cependant  Tom  Porter  finit  par  s'esquiver,  et  ren- 
ODoIrant  Dryden,  le  poëte ,  il  lui  raconte  toute  l'histoire, 
qpntant  qu'il  était  décidé  à  se  battre  et  à  se  battre  sur-I^ 
champ,  vu  que  s'il  attendait  au  lendemain  il  ne  pourrait  pas 
fiûie  autrement  que  de  se  réconcilier,  et  partant  de  garder  la 
conp  qu'il  avait  reçu.  Il  prie  donc  Dryden  de  lui  laisser  son 
domestique  pour  savoir  ce  que  devient  sir  Henry  Bellasses  et 
florreiller  ses  mouvements.  Quelqnes  instants  après  on  lui 
apprend  que  la  voiture  de  son  adversaire  vient  d'arriver;  il 
lort  done  du  café  où  il  attendait  les  nouvelles,  et  arrêtant  la 
voitnre  de  sir  Henry  Bellasse»,  il  le  prie  de  descendre.  — 
Qpoil  dit  celui*ci ,  voulez-vous  me  tuer  pendant  que  je  des- 
oendrai?  — Non  pas,  j'attendrai  que  vous  ayez  mis  pied  à 
lirre.  Puis,  quand  ce  fut  Sait,  ils  dégainèrent  et  se  mirent  à. 
86  battre  en  présence  de  plusieuirs  personnes  de  leur  con^ 
naissance.  Ils  se  sont  touchés  tous  les  deux,  et  sir  Henry  BcW 
lasses  a  été  si  bien  blessé  qu'on  craint  pour  ses  jours.  Quand 
il^'est senti  frappé,  il  abaissé  son  épée»  et  se  jetant  au  cou  de 
lomp  Porter  il  l'a  embrassé  et  lui  a  demandé  son  bras  pour . 
riftider  à  marcher:  car^  dit-il,  Tom,  tu  m'as  bien  touché,  mais- 
jfi ferai  tout  ce  que  je  pourrai  pour  me  tenir  sur  mes  jambes, 
afin  que  tu  aies  le  temps  de  t'échapper  et  de  te  mettre  en  sû- 
reté; je  ne*,  voudrais  paa  qu'il  t'arrivàt  malheur  pour  ce 


Digitized  by 


Google 


73  LE  DUEL. 

que  tu  as  fiait.  Alors  Tom  lui  montra  que  lui-même  il  était 
blessé.  »  Sellasses  ne  survécut  que  peu  de  jours  à  cet  événe- 
ment, et  Pepys  ajoute,  en  manière  d'oraison  funèbre  :  a  Voilà 
un  bel  exemple!  surtout  de  la  part  d'un  membre  du  parle- 
ment comme  sir  Henry,  de  la  part  de  deux  amis  si  extraor- 
dinaires. C'est  amusant  d'entendre  le  monde  parler  d'eux 
comme  de  deux  amants  qui  se  sont  tués  par  amour.  » 

Dans  ce  temps-là  le  lord  chancelier  lui-même  n'était  pas  à 
l'abri  d'une  provocation.  Lord  Ossory  envoya  un  cartel  à  Cla- 
rendon  à  propos  d'une  question  de  tarif,  d'un  bill  pour  pro- 
hiber l'importation  du  bétail  d'Irlande  en  Angleterre.  Le  duc 
de  Buckingham  ne  sortit  pas  du  cabinet  à  cause  de  ce  bill, 
comme  vient  de  faire  le  son  descendant  le  duc  actuel,  mais  il 
eut  à  soutenir,  dans  la  chambre  des  lords,  un  combat  à  coups  de 
poing  avec  un  partisan  de  la  liberté  du  commerce,  lord  Dor- 
chester,  qui  enleva  au  duc  une  poignée  de  ses  cheveux  gris  et 
perdit  à  son  tour  sa  perruque  dans  la  mêlée.  Un  exemple  de 
la  triste  moralité  de  ce  temps-là,  c'est  le  duel  où  ce  même  duc 
de  Buckingham  se  battit  contre  lord  Shrewsbury,  dont  il  avait 
séduit  la  femme  Ils  avaient  pour  seconds  le  capitaine  Hol— 
man  et  sir  John  Jenkins  d'un  côté ,  lord  Bernard  Howard  et 
sir  John  Talbot  de  l'autre.  Le  rendez-vous  était  à  Barnes 
Elms,  et  tout  le  monde  se  battit.  Buckingham  tua  d'un  coup 
d'épée  lord  Shrewsbury ,  sir  John  Talbot  fut  blessé  aux  deur 
bras,  sir  John  Jenkins  resta  pour  mort  sur  la  place,  et  les  trois 
autres,  y  compris  Buckingham,  furent  plus  ou  moins  gravement 
blessés.  Pendant  qu'on  se  battait,  lady  Shrewsbury,  en  habit 
de  page,  gardait  le  cheval  de  Buckingham  à  quelques  pas  de  là, 
afin  qu'il  pût  s'échapper  si  par  hasard  il  tuait  son  mari.  La 
chronique  du  temps  ajoute  même  qu'elle  passa  la  nuit  de  ce 
jour-là  avec  lui  sans  qu'il  eût  pu  changer  la  chemise  qu'il  por- 
tait sur  le  terrain,  et  qui  était  teinte  encore  du  sang  de  lord 
Shrewsbury  et  du  sien.  Il  est  inutile  de  dire  que  Charles  II 
accorda  un  pardon  solennel  à  tous  les  coupables.  Buckingham 
mit  sa  femme  à  la  porte,  installa  lady  Shrewsbury  dans  sa  maison 
et  dissipa  avec  elle  tous  les  biens  du  jeune  lord  orphelin. 


Digitized  by 


Google 


LE  DUEL.  73 

Cette  fureur  sanguinaire  s'était  étendue  à  tous  les  rangs. 
Les  médecins  discutaient  en  consultation  Tépée  à  la  main. 
Mead  et  Woodward  se  battirent  à  la  porte  du  collège  Gres- 
bam.  Le  pied  manqua  à  Woodward  et  il  tomba  par  terre.  — 
A  Yous  ce  coup-là ,  lui  cria  Mead.  —  Je  Taime  encore  mieux 
que  Totre  médecine ,  répliqua  Woodward.  Le  docteur  Wil- 
liams transperça  de  part  en  part  le  docteur  Bennett,  après  lui 
aroir  déchargé  une  paire  de  pistolets  sur  la  tète  ;  le  docteur 
mourant,  Tépée  dans  le  corps,  pria  encore  Dieu  de  lui  donner 
assez  de  force  pour  se  venger,  et  d'un  dernier  effort  il  frappa 
son  ennemi  d'un  coup  mortel.  Cela  se  passait  dans  la  rue^ 
deranf  la  maison  même  des  victimes.  Williams  mourut  avant 
d'être  rentré  chez  lui  et  Bennett  ne  survécut  que  quatre  heu- 
res. Les  salles  de  bal,  les  bals  masqués,  les  théâtres,  les  rues, 
les  promenades  publiques,  les  cafés  étaient  tous  les  jours  té- 
moins de  scènes  pareilles.  Covent  Garden  et  Lincoln's  Inn 
Fîelds  étaient  le  Chalk  Farm  et  le  Wimbledon-Common  (1)  de 
ee  temps-là.  Les  rues  retentissaient  toutes  les  nuits  du  bruit 
des  épées ,  des  insolences  et  des  désordres  de  tous  genres 
commis  par  les  hommes  à  la  mode,  par  les  hommes  d'honneur 
de  ces  beaux  jours. 

Ainsi  allèrent  les  choses  depuis  la  Restauration  jusqu'à  l'a- 
vènement  de  Georges  in.  LesBucks,  les  MokawkSyles  Hell-Fires 
donnaient  alors  le  ton  à  toute  la  ville.  Un  de  leurs  lieux  de 
réanion  les  plus  habituels  étaient  près  de  Sominerset-house, 
dans  une  taverne  où  ils  se  réunissaient  le  dimanche  avec  un 
effroyable  corps  de  musique  qui  ne  cessait  de  retentir  pendant 
le  temps  du  service  divin.  Leur  plat  préféré  était  ce  qu'ils 
appelaient  le  gâteau  du  Saint-Esprit!  En  1691,  lord  Mohun 
et  le  major  Hill  assassinèrent  publiquement  dans  Norfolk 
Street  Montford,  le  plus  célèbre  joueur  de  l'époque,  et  à  quel- 

(1]  Lieux  près  de  Londres  où  se  donnent  ]a  plupart  des  rendez-vous, 
comme  autrefois  k  Paris  ils  se  donnaient  sur  le  Pré-aux-Clercs,  ou  au  bois 
de  Boulogne.  C'est  sur  le  WimbledoA-Common  que  lord  Cardigan  s'est 
Intttt  Tannée  dernière  a?ec  le  capitaine  Tucketk. 


Digitized  by 


Google 


71  u  nuBt. 

(jp^  jours  de  là  ils  osèrent,  sans  y  mettre  plus  de  mystère, 
Q^yer  d'enieyer  Mrs.Bracegirdle,  Tépée  à  la  main.  En  1699» 
le  même  lord  fut  jugé  pour  avoir  £aiit  assassiner  à*  prix  d*ar*- 
gçnt  le  colonel  Coote,  après  avoir  passé  tout  un  jour  et  toute 
une  nuit  à  boire  avec  lui  et  ses  autres  amis  à  Tauberge  du 
(ireyhound  dans  le  Strand;  enfin  il  mourut  dans  un  duel  où 
il  assassina  plutôt  qu'il  ne  tua  le  duc  de  Hamilton.  Steele 
lui-même^  après  avoir  éorit  contre  le  duel  et  blâmé  Tliorahill 
dans  le  jypectaror  pour  avoir  tué  sir  Gholmondeley  Deering^fui 
obligé  de  se  battre  contre  un  de  ses  camarades  qu'il  tua 
presque;  deux  mois  plus  tard  Thornbill  périssait. à  Turnham 
Gxeen  sous  les  conps  de  deux  inconnus  qui  lui  crièrenl  en  le 
frappant  :  Rapp^e^oi  sir  Gholmondeley  Deeringl 

Nous:  n'entreprendrons  pas  l'histoire  de  tous  les  duels  qui 
ont  eu  lieu  depuis  cette  époque  jusqu'à  nos  jours.  Croi<« 
Wt-o,n  cependant  qu'encore  au  commencement  de  ce  siècla 
il  semblait  que  la  société  n'était  pas  asse»  forte  pour  sa  dé* 
barrasser  d'une  peste  comme  le  feu  lord.Gamelford,  qui,, 
après  avoir  fait  de  nombreuses  victimes^  ne  finît  que  par  les^ 
mains  de  Best  y  contre  qui  il  voulut  absolument  se  battre, 
quoique  ses  témoins  et  lui-même  reconnussent  qu'il  avait  tous. 
leS:  torts  l  II  fut  tué  et  trouvé  derrière  Little*Hollaikd-Hou66y 
cpuché  dans  la  boue,  abandonné  par  ses  témoins.  Un  dueL 
irlandais,  qui  ae  date  pas  encore  de  loin^  montrera  combien. 
Çi^u  de  temps,  encore  nous  sépare  de  la  barbarie.  Bn  I&IO, 
VL  Colclougb  et  M.  Sheridan  étaient  ea  concurrence  aveo^ 
M»  Âlcock  pour  la  représentation  du  comté  de  WexCord. 
Quelques  tenaoïQiers^  d'une  personne  du  parti  de  M.  Alcocki 
ayaÂent  annoncé  qu'ils  voteraient  pour  Colclough  et  Sheridajou 
CplelongU  fut  sommé  par  son  adversaire  de  refuser  leurs. 
XW'  U  répliqua  qii'il. n'avait  pas^^  brigué  leurs, sviffiraigea,  ei 
qu'il  ne  se  mêlerait  pas  de  leurs  votes.  Sur  ce,  on  lui  écrivit  : 
«c  C'est  à  vos  risques  et  périls  qu'ils  voteront  pour  vous.  »  Le 
lendemain ,  avant  l'ouverture  du  poil ,  les  candidats  étaient 
•pir  le  terrain  pour  décider»  le  pistolet  à  la  main,  du  vote  da 
ces  tenanciers.  Une  grande  multitude,  dans  laquelle,  on. i*eF>* 


Digitized  by 


Google 


W  lOtt.  f|5 

«mpiût  pim€i$rê  ma$i9kr«U^  était,  «ooourae  pour  aesister  aa 
Mnbat,  On  marqua  les  diatances»  la  foula  se  sépara  en  deu 
pirtiast  selon  ses  opinions  politicfaes,  le  silence  s'établit,  et 
Î?«i4es  témoins  dit  aux  oombattants  de  commencer.  Une  se- 
conde après,  M.  Golclon^li  tombait,  finappé  d'une  balle  au 
oianr ,  et  deux  heures  plus  tard  M.  Aloock  était  proclamé 
membre  du  parlement  réguliêrefmnt  tiul  Aux  assises  sui- 
vantes il  fiii  jngé  devant  le  baron  SnHth  »  ei  le  jury  rendit 
asns  hésitation  un  vercMci  de  non-culpabilité  I  l.es  oomba^ 
tants  avaient  jadis  été  des.  mnis  intimes.  M.  Alcock  ne  put 
jamais  trouner  le  repos.;  sa  raison  sa  trauUa»  et  sa  sœut» 
dMUemeot  frappée  par  ee  trafiqua  événement,  ipoumt  folle 
de  dooleor.  Toute  cette  histoire  est  di^^iie  de  l'Irlande  el  de 
wi  malheureux  temps. 

AiiÎQurd'bui  où  la  fureur  du  due}  eat  bien  calmée»  il  nous 
ismUe  que  parmi  les  causas  secondaires  de  cette  heureuse 
tendance  on  doit  oompter  Tionombrable  quantité  de  dueb 
saasés  par  la  politique  depuis  un  demi-siécle.  Au  temps  de 
Georges  III,  Û  n'y  avatt.pas  un  homme  politique  qui  n'eA^ 
été  oUigé  (|e  prouver  son  patriotisme  et  son  honneur  à  la 
pointe  de  son  épée  ou  k  pistolet  au  poing.  Lord  Talbot  et 
Wilkes,  kxrd  Shettmrne  et  le  colonel  Fullarton,  lordLauder*- 
date  et  k  général  Arnold,  Tawnshend,  Pitt,  Fox^  Sherida% 
Wîndbam,  Canning,  Tierney ,  Burdett,  Brougham,  Castle*^ 
seash»  le  duc.  de  Wellmglon,  figurent  parmi  lea  personnages 
ifà  n'ont  pas  craint  de  sanctionner  par.  leur  exemple  cette 
élranga  manière,  de  déddev  une  question  en  litige.  Il  y  a  ef 
i.cela'  du  bien  et  du  mal.  Par  la  puUicité  qui  éclaire  n4* 
fassairemeni  la  condnîâe  de  personnages  ai  distingués  dans 
de.pareiUea  occasions»,  fe  àmk  lui-même  est  devenu  une  a& 
^ure  pins  skieuse;  il  a  fiittu  peser/ avea  plus  de  gravité,  lef 
niotife  qui  amènent  les  parties,  sur  le  temraia;  on  a  admis 
p)«s  fecUement  les  excuseia  et  le^.  explieatioi^s^^  et  c^usés^ 
e<9PIMne  ces  dt^ls  Tout  été.  le.  plus  souvent,  par  des  questiona 
d/i«téi;èt  puWk,  oa^  en  a  vu  dispacattre  les  baiuea  partieup* 
l^resi  d'homme  à  hommo»  Ge  sont  des  avantages  manifestée 


Digitized  by 


Google 


76  LE  DUEL. 

qui  ont  enlevé  à  cette  cruelle  coutume  une  partie  de  son  ca- 
ractère barbare ,  et  jamais  on  ne  Ta  mieux  vu  que  dans  le 
duel  que  lord  Wellington  se  crut  forcé  d'accorder  à  lord 
Winchelsea.  Par  compensation,  en  donnant  au  duel  la  sanc- 
tion de  noms  si  imposants ,  en  adoucissant  sa  barbarie,  n'y 
a-t-il  pas  danger  de  le  rendre  en  même  temps  plus  excusable  ? 
Cependant  c'est  beaucoup  d'en  être  arrivé,  comme  c'est  le 
cas  aujourd'hui,  de  ne  pas  permettre  un  duel  avant  des  ex- 
plications préliminaires,  qui  souvent  donnent  l'occasion  de 
rétracter  des  paroles  imprudentes.  Jusqu'ici,  un  faux  senti- 
ment de  ridicule  orgueil  empêchait  de  faire  des  excuses  araat 
d'avoir  reçu  le  feu  de  son  adversaire;  aujourd'hui  le  sens 
commun  a  enfin  découvert,  quoique  bien  tard  encore,  qu'il 
y  a  plus  de  dignité  réelle  à  s'excuser  dès  qu'on  se  reconnatt 
des  torts,  qu'à  attendre  pour  cela  d'avoir  vu  passer  une  balle 
de  pistolet.  C'est  un  devoir  qu'on  ne  saurait  trop  recomman» 
der,  et  qui,  convenablement  compris  par  ceux  qui  prennent 
sur  eux  la  responsabilité  du  rôle  de  témoins,  contribuerait 
plus  que  toute  autre  chose  à  prévenir  les  duels. 

Telles  sont  les  phases  qu'a  subies  cette  singulière  cou- 
tume ;  aujourd'hui  elle  tend  considérablement  à  s'effiatcer,  et 
espérons  qu'avec  les  progrès  de  la  civilisation  et  de  la  mora- 
lité dans  la  société,  elle  finira  par  disparaître.  Dans  la  plu- 
part des  états  européens,  les  lois  relatives  au  duel  ont  subi 
des  modifications  qui,  en  les  rendant  moins  sévères,  ont  eu 
cependant  d'heureux  effets;  et  on  a  pu  y  arriver  d'autant 
plus  aisément  que,  sur  le  continent,  ce  sont  aujourd'hui  pres- 
que exclusivement  les  militaires  qui  se  battent,  c'est-à-dire 
les  personnes  qui  sont  sous  la  surveillance  de  la  discipline 
la  plus  sévère  et  la  plus  vigilante.  Il  faut  faire  une  exception 
pour  la  France ,  où  les  écrivains  et  les  journalistes  ont  trop 
souvent,  depuis  la  Restauration,  cru  devoir  soutenir  leur  po- 
lémique à  la  pointe  de  l'épée.  Cependant,  après  avoir  vaine- 
ment essayé,  sous  le  ministère  de  M.  de  Martignac,  de  feire 
une  loi  sur  le  duel,  on  a  pris  le  parti  de  poursuivre  les  duel- 
listes devant  les  assises  comme  coupables  d'homicide ,  et  ce 


Digitized  by 


Google 


LE  DUEL.  77 

parti,  en  réservant  à  la  fois  dans  le  jury  les  droits  de  Tindi- 
ndu  comme  ceux  de  la  société ,  semble  avoir  déjà  produit 
d'heureux  eflfets.  En  Autriche ,  par  un  décret  de  1803,  les 
combattants  sont  punis  d'un  emprisonnement  d'un  à  cinq 
ans;  s'il  y  a  eu  des  blessures,  de  cinq  à  dix  ans,  et  de  dix  à 
vingt  s'il  y  a  eu  mort  d'homme.  Les  témoins  sont  passibles 
d'un  emprisonnement  d'un  à  cinq  ans.  En  Prusse,  la  réclu- 
sion ou  la  détention  dans  une  forteresse  a  été  substituée  à  la 
peine  de  mort,  qui  n'est  appliquée  que  dans  le  cas  où  les 
choses  se  seraient  passées  contrairement  à  la  loyauté ,  ou 
bien  dans  le  cas  de  l'un  de  ces  duels  qui  doivent  nécessaire- 
ment se  terminer  par  la  mort  de  l'un  des  combattants.  Le 
code  prussien  est  surtout  très-sévére  pour  les  seconds.  En 
Belg^qaey  en  Bavière,  il  s'est  £ait  aussi  des  réformes  impor- 
tantes, n  n'y  a  que  rAngteterre  où  le  législateur  n'ait  rien 
tenté  depuis  longtemps;  la  loi  y  est  toujours  sans  force  comme 
par  le  passé;  elle  qualifie  le  duel  d'homicide,  punit  de  mort 
les  combattants  et  leurs  témoins,  et  prononce  contre  tout 
individu  qai  aurait  adressé  un  cartel  à  un  autre  la  peine  de 
l'amende  et  de  l'emprisonnement.  Sous  ce  régime  il  n'y  a  pas 
en,  pendant  les  deux  derniers  siècles,  vingt  condamnations 
prononcées,  et  les  trois  ou  quatre  personnes  qui  ont  été  exé- 
caiëes  pour  s'être  battues  ne  l'ont  été  en  réalité  que  pour 
s'être  battues  contrairement  aux  lois  admises  par  la  société 
en  matière  de  duel.  Quelques  personnes  ont  été  condamnées 
pour  homicide  commis  dans  des  duels  accompagnés  de  cir- 
constances  aggravantes  :  il  y  en  a  eu  de  condamnées  à  un, 
deux,  trois,  ou  au  plus  douze  mois  d'emprisonnement  ;  mais 
on  peut  dire  que  la  très-grande  majorité  a  été  acquittée,  ou 
même  n'a  pas  été  jugée.  Dans  la  pratique ,  il  n'est  pas  pro- 
bable que  la  loi  ait  jamais  prévenu  un  seul  duel  ;  le  plus 
qu'elle  peut  avoir  fait,  c'est  d'avoir  forcé  les  duellistes  à  se 
Ultre  hyalemmi;  mais  c'est,  selon  nous ,  un  résultat  que 
l'opinion  publique  et  lés  sentiments  d'honneur  des  jpersonnes 
qui  ont  été  forcées  de  descendre  à  cette  extrémité  auraient 
parfaitement  obtenu  sans  elle. 

(EUnburg  Review.) 


Digitized  by 


Google 


Mixao\xt9.  —  Motntii  ^ttsiomtinmi. 

LE  JOURNAL  DE  UnSS  BURMET 

(MABAltfË  1>'i!MLAlr.) 


I. 

«  1778.  —  Cette  année  8*est  ouverte  par  an  événement  dd 
la  plus  haute  importance.  Vers  les  derniers  jours  de  janvier» 
le  monde  littéraire  a  Va  apparaître  le  premier  ouvrage  de  la 
très-spirituelle,  très-savante  et  très-profonde  Fanny  Burneyl 
le  ne  doute  pas  que,  dans  les  temps  à  venir,  cette  manifostar 
tion  sidérale  ne  serve  aux  faiseurs  de  chronologie  poifr  mar- 
quer Tapogée  du  progrès  des  arts  dans  notre  tle.  x> 

k  Cet  admirable  émvain  a  baptisé  son  chef-d'œuvre  :  ÉvB» 
UNA,ou  ¥  Entrée  d'un4  jeune  personne  danê  lemonde  (i).  m 

C'est  sur  ce  ton  de  plaisanterie  que  miss  Fanny  Biirney» 
depuift  madame  d'Arblay,  parle  dleHtnème  de  son  début  dans 
les  lettres;  mais,  comme  il  arrive  souvent  de  ces  ibodéstiea 
d'auteur,  oa  s'aperçoit  bientôt  que  son  aippréciation  sérieuse 
d'ello-mème  est  à  peu  de  chose  prèa  celle  dont  elle  s'amuse  i 
exagérer  les  fortaimles.  C'est  là  m  texte  (|u'elle  fait  passer  eu 
riant,  mais  sur  lequel,  sans  rire  te  moin»  éà  monde,  Tingé* 
nieuse  romancière  a  brodé  u»  eommentaire  dé  stx  fpetê 
Yiriumes.  Son  impof^tmice  bîoghipbique  raéritait'^le  un  Mo- 
nument d€  cette  taîllef  De^ien&^nolis  l'ultendre  d'ude  per- 
sonne qui  avait  plus  qif  èfBeuté  son  sujet  un  publiant,  il  7  a 

(1)  Madame  d^Àrblay'i  Diary  and  Uftiefê,  vèh  1^  ^  IV» 

Digitized  by  CjOOQ  IC 


iB  MISS  BnmiY  W 

de  l'hoitfÉe  qa'dle  appdint  <x  SêH 
Nn (1).  1»  Ce  Bont  U>de8  {pieslâoiis  qu'il  eeraMassez 
■onildeDéBOtidretDDrt;  d'abord,  et  nmnaittoiiBttiieni 
la  kctaur  à  mAme  de  deviner  à  oat  égavd  noive  penàie. 

Xen  qa'îl  entre  dans  nos  Tues  de  âi§piiter  à  aiira  Bom^ 
ses  titees  oA  sa  ^mir  d'éorivain.  Elle  a  maniiié  tvèi»ce»iaiM^ 
WDt  fanai  les  Temneiere  anglais,  et  ce  n'est  fias  là  an  mè- 
diecre  éloge  pour  une  compatriote  de  Bidhardëoa,  SmaUett^ 
Fielding  eLaiHrea.  A  Tépaqie  où  Evelina  parut,  Tmhnjontêf, 
Jbdgrâi  Haïubm,  Hmmphny  Climker,  avaient  rendu  difficile 
de  fixer  Tattantion  publique.  Triêtrum  Skamdy  et  le  Voy^igi 
fcntîneatiitétaientconnus  depuis  longtemps;  il  est^dono  très* 
difficile  d'admettre  qu'à  cAté  de  oes  cheb-d'ouvre,  unToman 
Aédiocrepèt  se  produiraavecun  grand  éclat  Endina  eut  cettu 
fortuBo.  Nous  sarons  bien  que,  parmi  les  conditions  d'un  tel 
saocès,  Textrème  jeunesse  de  l'auteur  ne  doit  pas  être  omise^ 
et  madaaw  d'Arblay,  qui  ne  se  fiait  fisate  d'aucune  gloire,  in* 
Bsfe  volontiers  sur  ce  point.  Nous  verrons  tout  à  l'heure  si 
e'eit  à  bon  droit;  mais  enfîn,  ce  n'est  pas  à  cette  circonstance 
font  A  fait  étrangère  au  mérite  da  livre  que  Ton  peut  attri- 
buer sa  vogue.  Une  étade  trè»-fiiie,  quoique  un  peu  bavarde^ 
des  mœun  et  des  caractères;  un  naturel  infini  dans  la  ro* 
production  des  dialogues;  et  le  secret  si  rare  de  o^r  des 
peraonaifications  distinctes  et  vivantes,  des  types^  comme  on 
dit,  complets  et  logiques,  le  mettent  bien  certainement  au* 
dessin  -des  ptoéuctions  vulgainss. 

Geoi  une  fois  dit,  nous  croyons  avoir  fiiit  la  part  due  am 
tslent  :  il  nous. reste  à  signaler  les  petits  pièges  du  charlata- 
nîsBw,  et  i  déjouer  les  combinaisons  veaBiteuses  d'un  amour-, 
propre  qui  affe<^tsst  volontiers  les  dehors  ks  plus  modestes. 
Madame  d' AiMaf  est  à  nos  ywx  une  êgoOtit  de  j^Mnièf e  vo* 
Me.  Tout  oe  qoe  noius  voyons  d'olle  nous  rappelle  ce  qu'elb 

(i)  Les  Mémoires  du  docteur  Bumey  ont  été  publiés  par  Isa  fille  il  ya 
quelques  anoées.  La  QuartBrfff  hêtien>  lui  rsproelialt  étm  iâ  csfH^ 
irs*toe  trvp  ssavsatsalMiliBëS'à  isa*p4rs« 


Digitized  by 


Google 


80  LE  lOUBNAL  BE  MISS  BURNEY. 

dit  elle-même  du  peintre  Bairy,  ce  pauvre  fou,  qui,  entre  au- 
tres supériorités,  s'accordait  une  modestie  au-dessus  de  toutes 
les  autres.  Elle  dit  encore,  en  parlant  d*un  certain  docteur 
Shepherd,  chanoine  à  Windsor,  que,  dans  aucune  comédie,  elle 
n'a  vu  de  personnage  «  s'épanouir  autant  dans  sa  propre  p^fec- 
tion.»C'est  justement  ainsi  que  nous  caractériserions  au  besoin 
le  journal  d*Eveltna,  et  nous  lui  appliquerions  encore  cette  jolie 
comparaison  de  Johnson,  parlant  d'un  autre  romancier  célè- 
bre :  «  Monsieur,  disait  le  docteur,  ce  gaillard  de  Richardson 
ne  se  bornait  pas  à  descendre  tranquillement  le  fleuve  de  la 
Renommée;  il  s'arrêtait  après  chaque  coup  de  rame  pour 
goûter  l'écume  qu'il  avait  soulevée.  »  Mais  Richardson  n'é- 
tait qu'un  enfant  naïf  auprès  de  miss  Burney,  et  jamais  il  ne 
s'avisa  de  toutes  les  petites  finesses  à  l'aide  desquelles  elle  a 
longtemps  dissimulé  son  adoration  d'elle-même.  Si  ses  Mé- 
mmreê  sont  piquants,  c'est  surtout  par  ce  côté.  Il  n'était  pas 
facile,  on  en  conviendra,  de  soutenir  parallèlement  le  rôle 
d'une  personne  modeste  et  les  prétentions  les  plus  exclusives. 
Elle  y  réussit  cependant  quelquefois,  à  force  de  céder  la  pa- 
role aux  autres  toutes  les  fois  qu'il  s'agit  d'elle.  Miss  Burney, 
parlant  de  miss  Burney,  a  toute  la  modestie  d*un  président 
des  Communes  qui  vient  d'être  élu;  mais  d'un  autre  côté» 
elle  se  fait  un  cas  de  conscience,  — ^pur  scrupule  historique — , 
de  dissimuler  les  panégyriques  et  les  compliments  les  plus 
extraordinaires  parmi  ceux  dont  elle  se  dit  accablée.  C'est 
toujours  «  le  cher  docteur  Johnson,  »  qui  proclame  «c  F.  B«  l'é- 
crivain le  plus  spirituel  qui  ait  jamais  vécu.  »— C'est  <(  ^'ai- 
mable mistress  Thrale,  »  qui  s'écrie,  en  parlant  de  «  F.  B.  :  » 
-^(x  C'est  la  plus  charmante  enfoût  du  monde;  »  et  ensuite, 
lorsqu'elle  a  savouré  tout  à  son  aise  le  miel  de  ces  menues 
flagorneries,  Fanny  Burney  se  met  aussitôt  à  rougir,  à  balbu- 
tier, à  trembler;  elle  affecte  les  attaques  de  nerfe  de  la  mo- 
destie blessée  ;  elle  prend  ses  confidents  à  témoin  de  l'into- 
lérable torture,  du  martyre  incessant  que  lui  inflige  l'admira- 
tion universelle.  Mais,  dira-t-on,  quels  étaient  ces  confidents? 
Le  Journal  de  madame  d'Arblay  n'est-il  pas  écrit  sous  forme 


Digitized  by 


Google 


LE  lOURNAL  DB  MISS  BURNET.  81 

de  confession  privée,  où  devait  pénétrer  seulement  Y  œil  d'une 
sœur?  Hélas  1  encore  une  ruse,  encore  un  de  ces  stratagèmes 
de  l'amour-propre  féminin ,  qui  ne  peut  ni  se  dissimuler  ni 
se  reconnaître.  Le  Journal  envoyé  à  la  soeur  de  madame d'Ar- 
blay  faisait  ensuite  le  tour  de  la  famille;— ^le  là,  il  était  régu- 
lièrement transmis  à  Chessington,  où  toute  la  coterie  de 
M.  Crisp  en  prenait  lecture; —  après  quoi  il  passait  dans  les 
mains  de  M.  et  mistress  Lock  de  Norbury-Park,  —  puis  ail- 
leurs encore, —  et  il  est  hors  de  doute,  d'après  sa  forme  et  sa 
teneur,  qu'il  était  destiné  en  fin  de  compte  à  la  publicité  qu'il 
reçoit  aujourd'hui. 

Mnsi ,  de  Vextrême  jeunesse,  qui  revient  toujours  sous  la 
piomede  madame  d'Arblay  lorsqu'elle  parle  de  la  publication 
d*Eoelina.  Elle  laisse  entendre  que  ce  fut  l'ouvrage  d'un  en- 
fant très-timide, — ^remarquablement  gauche,— et  qui  achevait  à 
peine  son  éducation  ;— que  ce  roman  fut  écrit  à  la  dérobée  par 
une  sorte  de  caprice  enfantin; — qu'il  resta  inconnu  au  père  de 
l'auteur  et  totalement  négligé  par  l'auteur  lui-même,  jusqu'à 
ce  que,  six  mois  écoulés,  son  immense  succès  les  contraignit 
à  y  prendre  garde. 

Ces  détails  avaient  de  quoi  surprendre;  mais  l'aplomb  avec 
lequel  ils  étaient  donnés  ne  permettait  pas  le  moindre  doute; 
et  ce  fut  seulement  après  la  publication  des  Mémoires  de  son 
Père,  que  l'attention  de  la  critique  fut  tout  à  coup  éveillée  par 
l'obscurité  singulière  dont  miss  Burney  enveloppait  non-seu- 
lement la  date  de  sa  naissance,  mais  tous  les  autres  détails 
chronologiques  qui  pouvaient,  directement  ou  indirectement, 
conduire  à  des  données  positives  sur  ce  point  délicat.  La  cu- 
riosité d'abord,  et  plus  tard  certains  soupçons  s'ensuivirent. 
Les  recherches  cependant  n'étaient  pas  faciles,  et  il  s'écoula 
quelque  temps  avant  qu'on  pût  se  procurer  l'extrait  de 
baptême  de  notre  auteur  :  enfin,  en  compulsant  les  registres 
de  la  paroisse  de  Lynn,  dans  le  comté  de  Norfolk,  on  vérifia 
que  Frances  (Fanny),  la  seconde  fille  du  docteur  Charles 
Bnmey,  était  née  dans  Télé  de  1752  (1) ,  et  que,  par  conse- 
il) Au  mois  de  juin. 

5*  SÉRIE. — TOME  XI.  6 


Digitized  by 


Google 


82  U  IWBUiJL  9B  MIM  MTBNBT. 

qoent ,  lorsque  J?ve/f na  ptroe  (iT78)  »  die  n'avait  pas  qaisae 
«m  seise,  mais  bien  vingt^^inq  tm  vingl-stx  ans.  Ceci,  on  çn 
conviendra,  donnait  aa  prétendu  miracle  une  face  nouvatte; 
îl  ne  restail  plua  à  sa  placée  qu'un  fait  asseai  ordinaira. 

De  aiôaie  encore  pour  le  secret  si  strictaneat  gardé  vianà- 
da  doctenf  Barney.  Peu  è  peu,  la  vérité  m  faisant  joinr ,  il  est 
daveitoassea  pOHttf  que  sa  fille  lui  avait  parlé  du  rottan 
qu'elle  composait,  et  qu'il  en  avait  autorisé  la  publication  ; 
seulement»  afin  de  ne  se  pas  dém^tir  de  point  en  point, 
miss  Bumey  a  continué  à  soutenir  qu'il  n'avait  Jamais  lu  «ne 
seule  page  de  ce  livre; — qu'il  en  ignorait  le  titre,-— et  ne  s'était 
enquis  de  ses  destinées  qu'au  bout  de  six  mois^  averti  par  la 
rumeur  publique.  C'est  beaucoup  demander  à  notre  crédulité 
que  d'entasser  ainsi  invraisemblances  sur  InvraisemblaBoas; 
mais  il  est  vrai  de  dire  que  cette  première  déception,  dont  il 
faut  chercher  l'origine  dans  les  craintes  assez  naturelles  qu'a- 
vait miss  Burney  au  sujet  de  son  premier  roman,  a  ex^cé  sur 
son  avenir  une  trop  grande  influence  pour  qu'elle  pût  se 
résoudreà  un  désaveu  franc  et  loyal.  L'extrême  jeunesse  avait 
fait  le  succès  du  livre.  C'est  grâce  à  l'extrême  jeunesse  qu'il 
passait  pour  un  phénomène;  c'est  sur  l'extrême  jeunesse  que 
s'extasiaient  Johnson  et  mistress  Tbrale;  ce  fut  l'extrême  jeu- 
nesse encore  plus  que  le  mérite  de  l'écrivain  qui  attira  sut 
elle  l'attention  et  les  faveurs  royales.  11  fallait  bien,  par  con- 
séquent, laisser  subsister  l'extrême  jeunesse  :  c'est  ce  que 
miss  Burney  a  fait  constamment,  aidée  par  sa- petite  taille  et 
sa  physionomie  enfantine.  La  dernière  page  de  son  Journal , 
qui  va  jusqu'en  1787— et  à  celte  époque  elle  avait  atteint  l'âge 
très-respectable  de  trente-cinq  ans — nous  la  montre  avec  tous 
les  petits  airs,  les  étourderies,  les  grâces  câlines  que  quatre 
lustres  accomplis  rendent  ordinairement  fort  déplacés. 

Ce  malheureux  secret  doit  entrer  pour  beaucoup  dans  les 

inquiétudes  et  l'embarras  qui  se  trahissent  à  presque  toutes 

les  pages  des  Mémoires  de  miss  Burney.  Il  y  avait  sans  doute 

beaucoup  d'affectation  dans  cette  espèce  d'impatience  con- 

*  fuse  où  elle  prétend  que  la  jetait  la  moindre  mention  de  ses 


Digitized  by 


Google 


Unwpl'lHiBiBiifelBplM  légitteereiidB  à  son  Ulent.  Maison 
pourrait  y  y«r  anasi  la  fréBMMeiBaiil  intériaar  d'une  con- 
annce  «a  pen  troublée.  En  effet,  quelle  cataitroplie  pour  le 
fBaae  ékf^  de  tani  d'adaub^aliona  eatliMBiaMe*»  m,  quelque 
beau  jour,  tandis  <|B'on  céiéhraît  aulmir  d'elle  la  préeoeité  de 
«Btaient,  «ne  ▼oîx  envieuse  m  quelque  aceîdcâl  inattendu 
aiaîtlOBlèeovp  rèféièlavèrtlél  Quai  erève<xeurpeur  lïfino- 
wiijtfaaajMs  et  ami  aimable  fagaille,  recomtuas  bienet  dftaafit 
cnapablea  d'Bvair  eaeanioté  au  publie  la  tien  environ  des  an- 
néeaqne  cmnpIaîtakffal'iaAèreaiaBt  j^odige!  etquel  fendrojrant 
a  cdàn  déeenaevte  sur  une  organisaAion  dèlicale, 
I  les  drenaalaBoea  les  plus  ordinaires  de  la  vie  trouvaitrat 
cesse  intimidée^  pséte  à  s'èvasauiTy  oanfondue,  ne  sa- 
ebaai  oè  se  mettre,  ebercfaant  un  voile  à  sa  rougeur,  une  at- 
titude à  aon  déseapoiri  Les  héroïaee  de  misa  Bumey,*-^n  l'a 
défi  reaaanpié  coomm  le  déteit  capital  de  ses  remau9,-«eont 
toiqours  victimea  de  tounnent»  microscopiques  et  de  diffi- 
cultés îmaginairea,  que  deux  bk^  d'explication  franche  et 
aensée  avfiBraîeBA  à  dismper.  Il  en  est  ainsi  du  cerveau  qui 
leur  doBOB  le  jour.  S'il  iaut  l'en  croire  et  prendre  à  la  lettre 
les  exagérations  de  sa  prose,  bûsb  Burney  vivait  dans  un  état 
de  perpétuelle  détresse; — la  moindre  interpellation  troublait 
Vèc|iâttffe  desa  modestie  ;-*-e&Be  lui  adressant  pas  la  parole, 
<M  la  ptoBgeait  dans  lea  plus  vives  alarmes;  •—  un  conqpll- 
tmetà  la  frisait  rentcer  à  c^t  pieda  sou»  terre  ;*-^SHiie  d'atten- 
tîoB,  elle  secroyait  mé|>risée,  et  renfermait  dans  une  indigna- 
tkm  muette  lea  souSranciis  de  son  légitime  orgueil*  Nous  la 
voyons  dma  une  soirée  ae  refuser  à  servir  le  thé,  dans  la 
cfBinte  de  prendre  uo  réletrop  en  évidence;  — et  d'un  autre 
côté,  dans  la  crainte  de  paraître  dédaigneuse,  subir  l'agonie 
da  remonis  à  profios  de  ee  refus.  Au  fond,  tout  cela  n'est  que 
vtfiilé  phmoQ  moins  naïve,  plus  ou  meias  maladroite. 

On  s'en  aperçoit  en  décomposant  les  longs  et  fastidieux 
dialogues  qui  composent  la  plus  grande  partie  du  Journal. 
Quand  nous  voyons  tout  d'abord  ces  pages  émaillées  de 
noms  célèbres,  Cj^s  conversations  qui  ont  pour  interlocuteurs 


Digitized  by 


Google 


M  LE  JOURNAL  DE  MISS  BU&NEY. 

Johnson,  Sheridan,  sir  Joshoa  Reynolds,  Murphy^Camberlandy 
Colman,  et  vingt  autres  célébrités  du  même  ordre,  nous 
sommes  tentés  de  nous  promettre  une  ample  moisson  d'es- 
prit et  de  détails  biographiques.  Mais  peu  à  peu  cette  illusion 
se  dissipe,  et  il  ne  tient  qu'à  nous  de  supposer  aux  hommes 
remarquables  de  l'autre  siècle  les  plus  détestables  habitudes 
de  causerie  qu'on  puisse  imaginer.  En  y  réfléchissant  néan- 
moins, la  cause  de  leur  apparente  stupidité  se  montre  bientôt 
et  se  fait  jour.  Attentive  à  sténographier  tout  ce  qu'ils  dbent 
relativement  à  elle, — et  ceci,  nous  sommes  tentés  de  croire 
qu'elle  l'exagère  quelque  peu,  — miss  Burney  cesse  d'écouter 
ou  du  moins  de  redire  ce  qui  touche  à  d'autres  sujets  plus 
indifférents.  Quand  mistriss  Thrale,  sir  Philip  Jenning  et 
Johnson  se  mettent  à  discuter  le  mérite  relatif  à!EveUna  et  de 
la  Forêt  de  Windêor  (i),  nous  ne  perdons  pas  un  mot  de  cet  in- 
téressant parallèle.  Lorsque,  dans  la  même  coterie,  s'agite  la 
question  de  savoir  jusqu'où  va  l'extraordinaire  modestie  de 
miss  Burney,  cette  modestie  ne  l'empêche  pas  de  rapporter 
le  débat  tout  au  long  (2),  et  nous  lisons  avec  une  sorte  de 
stupeur  la  déclaration  suivante  par  laquelle  Johnson  conclut 
et  résume  les  arguments  échangés  : 

Le  DOCTEUR.  Je  l'admiré  (F.  B.)  pour  sa  finesse  d'observation, 
sonbonsens,  sagaieté,  sondiscernement,  Uchoix  desespersonnagesp 
le  langagequ'elleleur prête;  bref,  pour  toutesses  qualités  d'écrivain. 
Une  autre  fois,  sir  Joshua  Reynolds  et  Sheridan  sont  mis 
en  scène  tous  les  deux,  dignes  interprètes  de  la  curiosité 
publique,  qui  guettait  les  chefis-d'œuvre  futurs  de  l'auteur 
d*Evelina.  Sheridan  sollicite  d'elle  une  comédie,  et  sir  Joshua 
lui  fait  remarquer  sagement  :  a  qu'ayant  déjà  tout  le  succès  et 
toute  la  gloire  dont  peuvent  être  suivis  les  travaux  de  cabinet,  »  elle 
doit  rechercher  les  émotions  des  triomphes  dramatiques  (3). 
C'est  ainsi  que  de  tout  entretien,  de  toute  rencontre,  son 

(1)  Vol.  !•',  p.  23»  et  23e. 

(2)  Vol.  I",  p.  120  et  122. 
(8)  Vol.  !•',  p.  187  et  188. 


Digitized  by 


Google 


LB  JOURNAL  DE  MISS  B0R2fEY.  85 

industrieux  amour-propre  s'applique  à  pomper  le  miel  des 
loaanges.  Nous  dirions  la  mélatêe,  si  la  métaphore  le  permet- 
tait ;  car  ces  éloges  dont  elle  se  pare  sont  quelquefois  bien 
frdes  et  bien  peu  raffinés.  Comment  qualifier,  par  exemple,  les 
compliments  de  cette  belle  dame  du  grand  monde  (mistriss 
Cholmondeley]  qui,  venue  à  une  soirée  tout  exprès  pour  l'y 
Toir,  dit  en  fiice  à  notre  héroïne  : 

«  Chère  miss  Burney,  souffrez  que  je  vous  dise  une  seule 
chose...  et  cependant  peut-être  allez-vous  en  être  blessée... 
mais  non,  vous  le  permettez,  n'est-ce  pas? 

— Qu'estrce  donc,  madame? 

— C'est...  quey^  vous  admire  plus  qu'itueune  autre  créature 
humaineL..  Et  je  n'y  puis  que  faire  (1).  » 

Certes,  la  modestie  qui  valut  tant  .d'admirations  à  miss 
Burney  dut  se  faire  une  étrange  violence  pour  transcrire  des 
flatteries  de  cette  force. 

Du  reste  il  est  plus  d'une  occasion  où  cette  modestie  si 
vantée  n'exclut  pas  une  susceptibilité  fort  ombrageuse,  et 
nonobstant  la  perspicacité  bien  connue  de  miss  Burney,  elle 
laisse  très-naïvement  percer  une  disposition  peu  compatible 
avec  ridée  qu'elle  prétend  donner  d'elle-même. 

Sous  ce  rapport,  et  sous  ce  rapport  seulement,  nous  trou- 
verons quelque  piquant  à  Thistotre  d'ailleurs  assez  fastidieuse 
de  ses  rapports  avec  un  M.  Crutchley,  jeune  gentleman  assez 
riche,  qui  avait  été  le  pupille  de  M.  Thrale.  Après  la  mort 
de  ce  dernier,  qu'il  avait  désigné  comme  un  de  ses  exécuteurs 
testamentaires,  il  vint  passer  quelques  semaines  à  Streatham, 
où  résidait  mistriss  Thrale  en  compagnie  de  miss  Burney. 
Fut-41  très^alant  pour  la  charmante  jeune  fille,  ou  bien  celle- 
ci  prit-elle  quelques  propos  en  l'air  pour  les  manifestations 
d'un  sentiment  sérieux?  c'est  ce  que  nous  ne  saurions  préci- 
sément décider  ;  mais  nous  sommes  tentés  de  nous  ranger  à 
cette  dernière  opinion  quand  nous  voyons  les  efforts  bien- 
veillants de  mistriss  Thrale  pour  appeler  sur  sa  jeune  com* 


(1)  Vol.  I",  p.  174  et  176. 


Digitized  by 


Google 


8è  LE  lOtrmKAL  VE  mSft  B0BNKT. 

pagne  l'atleiition  du  riche  célibataire  ;  —  la  sécheresse  avec 
laquelle  cehiî^i  répond  à  ses  arances  indirectes;—^!  enfin  ta 
petite  fèrear  discrète  où  sa  résistance  jette  l'aiinable  auteier 
d^EveHnm{i).  Il  est  vrai  qu'A  l'époque  dont  nous  parlons  die 
avait  atteint  un  fige  amquel  lesdemoisenes  neplaisanlent  plus 
sûr  le  chapitre  fort  délicat  des  prétentions  à  leur  main. 
M.  Crutchley  avait  le  double  malheur  de  compter  moi» 
d'années  qu'eHe  et  de  posséder  une  fortune  beaucoup  plus 
considérable  ;  peuft-^re  aussi  s*était-il  donné  le  tort  d'avoir 
fait  concevoir,  par  des  compliments  peu  ménagés,  un  espoir 
qu'on  était  fôché  de  voir  déçu.  Par  tous  ces  motifs  il  devînt 
haïssable  :  on  le  hri  laissa  voir;  et  à  tous  ces  autres  crimes  il 
ajouta  celui  de  ne  pas  comprendre  une  colère  si  laiteuse.  Am 
moins  en  fit-il  semblant.  Que  de  gens  à  sa  place  auraient  agi 
comme  luit  Quoi  qu'il  en  soit,  cette  petite  intrigue  bien  insi^ 
gnifiante  remplit  de  longs  entretiens^  trop  fidèlement  rap- 
pelés, les  premiers  volumes  du  Journal^  et  nous  en  aurions 
cité  quelques-uns  malgré  leur  dimension  extraordinaire,  si 
l'entrée  de  miss  Burney  dans  l'intérieur  de  la  famille  royale 
ne  nous  fournissait  le  sujet  d'une  étude  plus  intéressante. 

Ce  fut  dans  Tété  de  1786  qu'elle  fut  nommée  seconde 
femme  de  la  garde^ol)e  dans  la  maison  de  la  reine  Charlotte 
de  Mecklembourg,  femme  de  Georges  111.  Sa  réputation  Ktt^ 
raire  eut  beaucoup  moins  de  part  à  cette  faveur  que  l'amitié 
de  la  respectable  Mrs.  Delany,  chez  laquelle  miss  Burney 
était  devenue  familière  après  la  mésalliance  de  mistriss  Thcule 
avec  un  intrigant  italien  nommé  Piozzi.  Mrs.  Delany ,  veuvu. 
d'un  médecin  oélèiMre  et  qui  avait  alors  |riu»  de  qnatr^^ 
vingts  ans,  avait  été  l'amie  iatiaw  de  la  vieille  duchesse  de 
Fordand  (lapetite-fiHe-  dis  grand  trésorier  Oxford,  e^e-l&f 
même  que  ^rier  a  célébrée  dans  ses  poésies) ,  et  c'est  par  fa 
duchesse  qt»  Mrs.  Dehmy  avait  été  présratée  à  LL.  MM^ 
Elles  prirent  bientôt  le  phis  vif  intérêt  à  cette  exceltante  «t 
aimable  fomme  ;  et  lorsque  la  moit  de  la  duchesse  lui  femiar 


(l)Vol.  n,  p.  24et25. 


Digitized  by 


Google 


LE  «OITR9AL  ^  «9ê  B0RN8T.  8T 

lediAtem  de  Bnlstrode,  où  elle  allait  ordinairement  tous  let 
étét,  le  roi  Georges  fit  arranger  pour  elle  une  petite  maison 
qui  loi  appartenait  près  des  portes  de  Windsor-Castle.  Là, 
ptasqne  chacpie  jour,  elle  nscevail  la  yisite  de  ses  illustrei 
liiles,  qui  TaippeUtient  en  outre  à  leurs  réunions  de  famille. 
Cstte  btenTeillanoe»  ee  eulte  affectueux  pour  un  des  tirée 
débris  qui  enbsistaient  enoore  de  l!époque  où  Pope,  Addisoft 
et  Swift  araient  jeté  lantd'éclM  sur  le  génie  anglais,  se  tro«^ 
rent  décrits  en  délall  dans  la  correspondance  de  Mrs. 
Ddany,  puMiée  il  y  a  ringt  ans^  peu  après  la  mort  de 
Georges  llf,  dont  elle  devait  honorer  la  méniofre.  Il  est  difii- 
cile  en  effet  de  parconry,  soit  cette  correspondance,  soit  le 
Jwtmal  de  miss  Bumey,  sans  ressentir  une  assesi  vive  sym- 
ptCfaîe  pour  un  monarque  dont  la  vie  privée  fiit  toujours  con-*- 
sacrée  aux  affections  les  plus  simples,  et  qui  cherchait  Toubli 
des  plus  graves  soucis  politiques  dans  les  plaisirs  de  la  vie 
champêtre.  Peut-être  le  sentiment  d'une  éducation  imparfeile 
et  d'une  diction  inélégante  entraii-il  pour  quelque  chose  dans 
les  goAts  retirés  du  monarque,  qui  affecta  toujours  d'éviter 
autant  qu'il  le  pouvait  les  exhibitions  publiques  de  sa  per- 
sonne. Adonné  à  la  chasse  et  à  ragriculture,  il  avait  ainsi, 
mérité  le  stimom  de  fermier  (Farmer  Georges),  qui  lui  taxi 
d'abord  donné  en  mauvaise  part.  L'opposition,  dirigée  à  cette 
époque  par  des  hommes  d'un  esprit  et  d'un  talent  remar- 
quables, était  parvenue  à  transformer  en  une  sorte  de  despo- 
tisme Êiroache  l'éloignement  presque  continuel  de  ce  prince 
et  la  sirfitnde  dont  il  s'entourait  volontiers;  mais  peu  à  pein 
CCS  Ciuases  impressions  s'efbcèrent.  On  excusa  chez  le  mo*- 
naïque  ce  penchant  tout  anglais  qui  porte  l'homme  à  s'isoler 
dans  la  vie  de  &miile  et  à  concentrer  sur  quelques  personnes 
choisies  toutes  les  affections  de  son  cœur;  on  le  lui  pardonna 
surtout  lorsque  Ton  vit  que  ses  préférences  privées  et  l^s 
délassements  de  son  cjioix  ne  lui  faisaient  jamais  perdre  de 
vue  le  soin  de  la  diose  publiquie.  Lorsque  les  désordres 
de  1780  édalèrent,  en  présence  d'une  population  déchaînée 
et  d'une  munidpalité  dont  les  scrupules  timides  compromet- 


Digitized  by 


Google 


88  LE  JOURNAL  DE  MISS  BURNET. 

talent  la  sûreté  publique,  le  rot  fermier  devint  tout  à  coup  un 
roi  capitaine;  sa  décision,  son  courage  personnel,  sauvèrent 
la  capitale,  livrée  depuis  deux  jours  à  toutes  les  horreurs  de 
rémeute  ;  et  à  partir  de  ce  moment  les  sympathies  nationales, 
quelque  temps  égarées,  commencèrent  à  se  manifester  en 
faveur  de  Georges.  Cette  disposition  ne  fit  que  s'accroître 
d'année  en  année,  et  il  trouva,  lors  de  la  monstrueuse  alliance 
entre  Fox  et  North,  un  puissant  secours  dans  Tassentiment 
populaire  quilui  permit  de  lutter  contre  la  majorité  factice  obte- 
nue par  ces  deux  hommes  d'état  au  sein  du  parlement  anglais. 

L'admission  de  miss  Burney  dans  l'intérieur  royal  n'eut 
pas,  à  ce  qu'il  semble,  les  résultats  heureux  qu'on  aurait  pu 
attendre  d'un  choix  également  honorable  pour  la  reine  et 
pour  l'écrivain.  A  qui  devons-nous  en  imputer  la  faute,  si  ce 
n'est  à  miss  Burney  elle-même?  Sans  autre  moyen  de  con- 
trôler ses  mémoires,  ne  suffit-il  pas  de  les  lire  pour  voir 
quelle  fut  sa  conduite  dans  cette  position  nouvelle  ?  Pouvons- 
nous  n'y  pas  remarquer  un  mélange  singulier  de  prétentions 
et  de  timidité,  d'inexactitude  et  de  gène,  et  ce  génie  tout  par- 
ticulier qu'elle  semblait  avoir  pour  se  tourmenter,  elle  et  les 
autres,  par  le  grosMsement  des  incidents  les  plus  simples? 

Il  est  évident  qu'elle  se  croyait  beaucoup  au-dessus  de  ses 
fonctions.  Nous  soupçonnons,  au  contraire,  qu'elle  leur  était 
à  beaucoup  d'égards  inférieure,  et  que,  soit  vanité,  soit  in- 
science des  choses  et  des  personnes,  soit  exagération  de  ses 
craintes  puériles,  elle  mit  plus  d'une  fois  à  l'épreuve  l'inalté- 
rable patience  de  sa  royale  maltresse.  De  là  provinrent  cette 
foule  de  petits  malheurs  que  la  femme  de  chambre  bas-bleu 
prend  un  triste  plaisir  à  énumérer,  et  qui  jettent  un  jour  A- 
cheux,  mais  assez  faux,  Dieu  merci!  sur  l'existence  tourmentée 

Et  d'abord,  notons  ce  point,  que  miss  Burney  ne  fit  ja- 
mais partie  de  la  cour  proprement  dite.  Ce  qu'elle  en  put 
entrevoir  à  travers  des  portes  entre-baillées  ou  du  haut  des 
appartements  réservés  qu'elle  habitait,  ne  constitue  pas 
Fensemble  de  cette  existence  dont  elle  décrit  les  tourments. 


Digitized  by 


Google 


LE  JOURNAL  DE  MISS  BURNEY.  89 

Admettons  d'une  manière  abstraite  que  la  vie  aristocratique, 
examinée  de  près,  n'a  pas  tout  Téclat  qu'elle  répand  au  de- 
hors; mais  reconnaissons  aussi  que  toute  manière  d'être,  mi* 
natieusement  et  strictement  étudiée,  semblera  plus  disgraciée 
et  plus  féconde  en  malheurs  qu'elle  ne  Test  effectivement.  Il 
ne  faut  pas. juger  un  décor  de  théâtre  avec  l'enthousiasme 
qu'exciterait  le  paysage  dont  il  est  la  représentation  ;  mais  il 
serait  souverainement  injuste,  pour  en  avoir  une  exacte  idée, 
de  s'en  aller  dans  les  coulisses,  où  l'on  ne  voit  que  toiles  gros- 
sières, charpentes  dégingandées,  cordes  huileuses  et  machi- 
nistes en  sueur  (1). 

Dcfinissoiis  d'abord  le  rôle  exact  que  jouait  miss  Burney. 
Appelée  à  de  certaines  heures  au  service  personnel  de  la 
reîoe,  elle  ne  faisait  jamais  partie  de  sa  société  proprement 
dite.  Jamais,  fût-ce  dans  une  pièce  extérieure,  elle  n'était  in- 
vitée à  prendre  part  aux  plaisirs  des  réunions  royales,  soit 
qu'il  s*agtl  d'un  concert,  soit  qu'une  actrice  en  renom  vînt 
déclamer  devant  Leurs  Majestés.  C'est  ce  qui  résulte  expres- 
sément de  ce  passage  du  journal  où  est  racontée  la  visite  de 
Mrs.  Siddonsà  Windsor-Castle  :  miss  Burney  ne  put  trouver, 

(1)  NoTB  DU  DiRBCTEOR.  N'est-ll  pas  permis  de  trouver  ici,  dans  le  point 
de  Tue  da  critique  tory,  un  reflet  de  la  jalousie  aristocratique  avec  la- 
quelle fat  accueillie  autour  delà  famille  royale  d'Angleterre  la  nomination 
imprérue  et  spontanée  de  la  pauvre  miss  Burney  A  une  place  sollicitée 
par  plusieurs  demoiselles,  pauvres  comme  elle,  mais  d'un  grand  nom  et 
ayant  Tappui  du  plus  haut  patronage?  Si  miss  Burney  n'a  pu  de  sa  place 
voir  la  cour,  pourquoi  la  Revue  en  appelle-t-elle  à  son  journal  pour  mieui 
prouver  les  mœurs  simples  et  la  bonhomie  du  roi  et  de  la  famille  royale  t 
Mous  avons  lu  aussi  le  Journal  de  miss  Burnsy.  Il  nous  semble  qu'elle  y 
voit  et  entend  assez  de  choses,  qu'elle  y  prouve  assez  nm  intimité,  qu'elle 
y  reçoit  asseï  de  confidences  pour  avoir  pu  tracer  une  histoire  vraie,  mais 
respectueuse,  de  la  cour  de  Georges  III.  Elle  prévient  elle-même  qu'elle 
De  dit  pas  tout  ;  mais  en  général  elle  ne  supprime  que  ce  qui  a  surtout 
transpiré  dans  Ip  public.  Enfin,  une  ou  deux  anecdotes  prouvent  aussi 
que  quelques  courtisans  n'approchaient  miss  Burney  qu'en  tremblant  et 
ne  diisimolaientpas  qu'il  y  avait  eu  quelque  imprudence  à  si  bien  placera 
U  cour  une  femme  armée  de  la  plume»  ce  terrible  inêtrument  de  publicité. 


Digitized  by 


Google 


90  LE  lOniHAL  DE  MISS  EDRiriY. 

elle  le  dit  elle-même,  nae  chambre  ou  un  cabinet  assez  voisin 
pour  entendre  la  lecture  de  la  grande  actrice  (i)  ;  cette  fay««r 
fut  accordée  à  la  première  femme  de  garde-robe  (2).  Ainsi  sa 
position  réelle  était  bien  celle  qui  dans  la  vie  privée  est  ré** 
senrée  aux  fesunes  de  chambre  (lady  maid) ,  et  bien  cpie  des 
fonctions  de  ce  genre  anprès  de  la  personne  royale  ne  soient 
pas  une  dérogation  et  n'ôtent  à  personne  le  rang  que  l'oa 
occupait  dans  le  monde ,  bien  qu'elles  confirment  au  con* 
traire  ce  qu'on  peut  appeler  la  horme  naisMuace  (gentility)  d« 
celui  qui  en  est  revêtu,  elles  Texcluent  néanmoins  du  cerclu 
royal  en  public  ou  dans  le  particulier.  Entre  autres  exen** 
pl^s  de  cette  sévérité  d'étiquette ,  on  a  celui  d'une  grande 
dame  bien  connue ,  qui ,  ruinée  par  de  fausses  spéculations^ 
refiut  en  dédonmiagement  une  sinécure  de  ce  genre,  bien  ré» 
tribuée.  A  sa  grande  surprise ,  il  lui  fut  interdit  de  paraître 
désormais  à  ia  cour ,  dont  jusqu'alors  elle  avait  eu  l'entrée, 
et  il  lui  fallut  renoncer  aux  privilèges  précieux  qu'elle  avait 
pu  croire  invariablement  attachés  à  sa  naissance. 

la  position  inférieure  de  miss  Burney, — avant  de  l'accepter 
elle  e4t  pu  la  connaître,  —  parait  lui  avoir  causé  d'assez  péa^ 
blés  désappointements.  Elle  se  trouva  surtout  choquée  en  dé- 
couvrant dans  sa  chambre  une  sonnette  correspondant  au  ca- 
binet de  la  reine,  et  au  bruit  de  laquelle  il  fallait  se  rendre. 
Voici  le  passage;  il  est  curieux  : 

«  Quand  je  vous  dis  qu'on  m'appelU,  il  faut  nous  entendre, 
et  je  vais  m'cxpliquer.  Toutes  les  fois  que  je  suis  mandéo 
pour  le  service  ordinaire,  c'est-à-dire  pour  les  toilettes  du 
matin,  du  midi  et  du  soir,  ce  qui  m'avertit  de  me  rendre  à 
mon  devoir  n'est  ni  plus  ni  moins  qn^uiM  sonnette.  Dans  les 
circonstances  extraordinaires,  on  m'envoie  chercher  par  un 
page.  Vous  l'avouerai-je?  je  ne  suis  pas  encore  tout  à  tût 
retenue  de  l'impression  que  me  causait,  dans  le  principe,  !• 

(«)  Vol.  ili,  p.  4S7. 

<B)NoTB  DO  DiRccTEUH.  Cs  puNgs  âu  jûwnoi  n'esi  pai  trét-uliir  peittk 
êure:  si  min  Burney  ne  pot,  comméMrs.  Sdiw^lftnbsrg,  entendre  Mrs.  Sid^ 
doai,  oerutparoequemisseurtieyreeeTtUelk-ftiémSMSsMàlIb.  MflBr* 


Digitized  by 


Google 


LB  KnmiTAL  VÊ  mss  vmnm.  91 

premier  de  ces  appels..  Une  sonnette  t  J'envisageais  eeci  Cimane 
ui  fiîgne  de  serrifnde  tellement  humiliant  que  je  ne  poarais 
Fentendre,  même  seule,  sans  me  sentir  le  front  couvert  de 
roageur,  et  sans  aveîr  en  quelque  sorte  la  consdence  de  ma 
d^gradatton.  » 

U  est  vrai  cpie  l'auteur  d*£reZtna  se  représente  comme  rou* 
giseant  aassi  chaque  fois  que  le  trésorier  de  Tépargne  lui 
cemptail  ses  appontements.  A  ce  compte  ou  peut  voir  com^ 
bien  diromîfiatîom  chaque  journée  lui  devait  apporter. 

KHe  s*était  ègriemeul  tml  illusion  sur  un  autre  point,  en 
prisumant  que  la  reine  réclamerait  surtout  ses  bons  offices 
littéraifes.  Le  bon  sens  de  cette  princesse,  auqoei  fe  Jounud 
rend  d'aiienrs  ample  justice,  ne  se  prêtait  pas  à  iroe  telle 
conAisîon  d'attributions.  De  plus ,  la  reine  l'avait  dit  formel--* 
loaent  aux  protecteurs  de  miss  Bumey,  4c  die  n'aimait  guère 
les  romans,  et  encore  moins  ceux  qui  les  font;  »  et  enfin,  il 
bat  bien  Tavouer,  la  femme  de  chambre  en  secmid  n'avait 
pas  à  beaucoup  près  les  qualités  requises  chez  un  conseiller 
littéraire  ;  nous  en  trouvons  la  preuve  à  chaque  page  de  see 
Mémoires.  A  part  EteHna  et  CecUiaf  peu  de  livres  existaient 
peur  elle.  Ce  fut  la  reine  qui  appela  son  attention  sur  l'O^ 
MPcer  de  Cumberland,  oh  cependant  se  trouvaient  de  £ré^ 
qaeates  allusions  è  miss  Bumey  et  à  ses  amis.  Ce  fut  le  roi 
qui  lui  parla  le  premier  de  la  Vie  de  Johnson,  publiée  par 
HawkiAs.  Enfin  elle  n'avait  aucune  idée  d'une  ballade  cepen- 
dant assez  connue  (  the  G4jtb$rlunzie  Man) ,  doublement  remaiv 
qfvable  par  sa  gr&ce  naïve  et  comme  oeuvre  d'une  tête  couh- 
Tonuée(l],  Ce  fut  encore  à  la  reine  qu'elle  dut  de  la  lire  danu 
uu  petit  traité  philologique  imprimé  en  Altemagne  pour  et»*' 
Mr  la  resBend:>lance  qui  existait  encore  entre  l'écossais  pro^ 
pfemeut  dit  et  TalleRiand.  N'eùt-il  pas  été  surprenant  que,  h 
treuvaait  aussi  m^i  renseignée,  sa-  royale  maîtresse  se  êàk 
adressée  i  elle  pour  en  faire  le  guide  de  ses  lectures,  une 
e^èee  d'aide  de  ean^  littéraire? 

m  lîMfMt  V,  TDl  d'âeoM. 


Digitized  by 


Google 


92  LE  JOURNAL  DE  MISS  BURNET. 

Peut-être  en  eût-elle  fait  une  lectrice,  si  l'extrême  mal- 
adresse de  miss  Burney  n'avait  rendu  inutiles  les  petites 
avances  qu'on  lui  fit  à  cet  égard.  Mais  voici  ce  que  nous 
lisons  dans  le  Journal,  et  l'on  va  voir  si  la  reine  est  à  blâmer 
pour  avoir  méconnu  des  qualités  singulièrement  obstinées  à 
se  dissimuler  : 

Mercredi,  17  août.  —  «  Depuis  que  la  reine  a  bien  voulu 
m'attacber  à  sa  personne,  j'avais  toujours  pensé,  à  part  moi, 
qu'elle  entendait  me  donner  les  fonctions  de  sa  lectrice  an- 
glaise; en  effet,  les  devoirs  réels  de  ma  charge  avaient  mille 
fois  la  chance  d'être  mieux  remplis  par  d'autres  que  par  moi. 
Cette  idée  rendait  très-solennel  le  moment  où  je  serais  appelée 
à  lire  devant  elle.  Cette  exhibition  m'a  toujours  été  pénible, 
et  l'on  peut  penser  que  je  ne  la  trouvais  pas  adoucie  par  l'idée 
que  S.  M.  me  jugerait  alors  digne  ou  non  de  l'emploi  qu'elle 
m'avait  conféré  d'avance. 

»  Aussi,  pendant  la  première  semaine,  je  ne  pouvais  voir 
autour  de  la  reine  un  livre,  une  brochure,  un  journal,  sans 
être  saisie  d'une  espèce  de  terreur  panique,  m'attendant  tou- 
jours à  être  mise  à  l'épreuve.  Les  journaux  surtout  m'inspi- 
raient une  profonde  terreur.  Je  pressentais  qu'il  y  avait  là 
mille  pièges,  non-seulement  de  diction,  mais  de  choix  :  par 
bonheur,  quoiqu'elle  me  les  demandât  souvent,  elle  les  lisait 
toujours  elle-même. 

»  Aujourd'hui  sa  toilette  achevée,  la  première  dame  de  la 
garde-robe  (1)  s'est  retirée,  et  la  reine,  au  lieu  de  me  ren- 
voyer comme  à  son  ordinaire,  m'a  priée  de  la  suivre  dans  son 
boudoir.  Je  l'ai  d'abord  aidée  à  préparer  son  ouvrage,  des 
dessus  de  chaises  tressés  en  rubans;  puis  elle  m'a  demandé 
de  lui  aller  chercher  un  volume  d\i  Spectator.  J'ai  obéi  le  plus 
tranquillement  du  monde.  Elle  m'a  laissée  debout  un  instant 
sans  m'adresser  la  parole  ;  puis  tout  à  coup,  mais  avec  beau- 
Ci)  La  première  dame  de  la  garde-robe rallemandeMn.  ScbveUenberg, 
a  figuré  plus  d'une  fois  dans  les  satires  du  temps:  les  libelles  poétiques 
de  Peter  Pindar  (Wolcolt)  et  VHeroie  Epiitle  l'ont  presque  popolarliée. 


Digitized  by 


Google 


LB  lOCANAL  DE  MISS  BURKET.  93 

eoop  de  douceur  :  «c  Voulez-vous ,  m'a-i-elle  dit,  me  lire  un 
chapitre  pendant  que  je  travaillerai?  » 

i>Je  me  suis  trouvée  prise  à  court  et  consternée: j'étais 
bien  loin  de  m'attendre  à  pareille  requête  ;  aussi  n'ai-je  rien 
répondu,  et  le  livre  restait  fermé  dans  mes  mains. 

)>  S.  M.  Ta  pris,  et  m'a  montré  la  page  où  il  fallait  com^ 
mencer.  Elle  lit  cet  ouvrage  pour  la  première  fois  d'un  bout 
à  l'autre.  II  n'y  avait  pas  à  choisir  :  l'obéissance  était  de 
rigueur;  mais  ma  voix  trahissait  à  cet  égard  mon  bon  vou- 
loir. Elle  devint  en  peu  d'instants  si  voilée,  si  tremblante, 
si  difficile  à  mener,  qu'elle  devait  être  fort  déplaisante  à 
entendre.  Le  chapitre  d'ailleurs  se  trouvait  assez  curieuse- 
ment choisi,  roulant  tout  entier  sur  la  position  d'un  favori 
de  cour.  Quand  ma  tâche  fut  à  bout,  je  ne  pouvais  trop  me 
féliciter,  tant  je  sentais  qu'elle  avait  été  mal  remplie.  La  reine 
fit  quelques  réflexions  sur  le  sujet  de  cette  lecture,  et  s'abs- 
tint de  dire  la  moindre  chose  qui  eût  rapport  à  la  lectrice.  Je 
sais  vraiment  flichée  de  m'en  être  tirée  aussi  mal  (1).  » 

La  mortification  de  miss  Burney  dut  être  aggravée  lorsque, 
après  ce  premier  échantillon  de  ses  talents,  elle  vit  la  reine 
ne  plus  les  mettre  à  contribution.  Ceci  dissipait  les  douces 
illusions  dont  elle  s'était  bercée,  et  la  réduisait  à  un  emploi 
dont  elle  n'accepta  jamais  sans  humeur  la  double  dépendance. 
Se  trouver  subordonnée  à  Mrs.  Schvellenberg  était  une  trop 
rude  épreuve  pour  un  amour-propre  aussi  caressé  que  l'avait 
été  le  sien,  et  jamais,  elle  ne  parut  comprendre  cette  leçon  de 
l'honnête  Dogberry,  que  :  «  deux  personnes  montant  sur  un 
cheval,  il  faut  nécessairement  que  l'une  soit  derrière  lautre.  » 
Aussi  désormais  il  nous  sera  facile  de  voir  que  la  lutte  établie 
entre  les  exigences  de  sa  place  et  celles  de  sa  personnalité  un 
peu  suffisante  dut  la  mettre  assez  mal  avec  elle-même  et 
avec  les  autres. 

A  cette  époque ,  Georges  III  et  sa  famille  n'habitaient  pas 
le  château  de  Windsor,  qui  était  eu  effet  inhabitable,  et  qui, 

(i)  Vol.  lil,  p.  117  et  119. 

Digitized  by  CjOOQ  IC 


9i  us  JtMTRIfAL  mS  ViaS  BCEUBY. 

pour  devenir  ce  qu'il  est  aojovrd'b»,  deraii  coàler  des  sosol 
mes  immenses.  Un  peu  an  sud-^t  du  chàteaa,  ùv  WilUam 
Cfaamb^rs»  le  célèbc e  ai cbitecte,  ayait  élevé  nfte  grande  mai- 
son aases  semblable  à  une  caserne  »  et  qui  a  dû  disparatire 
lors  des  embellissements  postériisurs.  C'est  ee  qu'on  dési- 
gnait sons  le  nom  de  Queens  Lodfn^.  Il  faut  dire,  à  la  louange 
du  sonTerâin  et  de  Tarcbitecte,  qu'ils  n'avaient  aoDgé  ni  l'un 
ai  Vautre  à  en  fure  «se  résidence  permanente  ;  seulement 
Georges  UI^  use  fois  qu'il  y  fut  installé,  s'y  trouva  (rfuseom- 
modément  qu'il  n'eAt  été  dans  tm  palais  poar  j  mener  celle 
existence  de  gentmimnme  campagnard,  la  aieax  «dallée  de 
toutes  à  ses  instincts  simples  et  bons. 

La  reine  et  les  princesse  se  £Bdsaient  un  devoir  de  ne  pas 
contrarier  les  goûts  du  monarque;  elles  écartaient  d'elles 
tout  ce  cpii  ressemblait  au  cérémonial  des  cours,  pareomrai^t 
à  cheval  les  environs  du  château,  et  disaient  des  visites  à  leurs 
voisins.  C'était  l'emploi  le  plus  ordinaire  de  leurs  maftinées. 
Le  soir,  elles  se  rassemblaient  autour  de  la  table  à  tbé,  pcmr 
y  lire  et  y  travailler  pendant  que  le  roi  causait  ou  jouait  au 
trictnic  avec  l'écuyer  de  service,  qui  composait  la  plupart  du 
temps  toute  sa  suite.  Assez  souvent  un  petit  concert  rompait 
la  monotonie  de  ces  plaisirs  sans  recherche,  et  û  avait  poar 
auditeurs,  avec  la  suite  des  princesses,  quelques  hôtes  de  ha* 
sard  et  les  personnes  qui,  comme  mistriss  Delany,  pouvaient 
s'appeler  les  amis  de  la  maison.  De  temps  i  autre,  afin  que 
les  enfants  royaux  pussent  changer  d'air ,  on  transférait  à 
Kcw  ce  cercle  si  étroitement  limité  :  il  était  là  plus  simple  en- 
core qu'à  Windsor.  Tout  vestige  de  la  royauté  di^araisaait 
autour  de  l'auguste  famille  ;  on  ne  s'astreignait  plus  aux  heu- 
res des  prières  et  du  lever;  il  n'était  plus  question  de  chan- 
{jer  de  toilette  deux  fois  par  jour;  le  roi  ne  gardait  pas  même 
d'éciiyer,  et  la  reine  sortait  seule  pour  ses  promenades  (1).  Seu- 

(1^  Note  du  DinscTnun.  II  nons  semble  que  le  critique  tory  admet  ici 
lui-niôinc  la  rérité  de  robservation  que  nous  lui  opposions  dans  une  note 
précédente:  on  va  voirque  miss  Burncy  recevait  aussi  àsa  lableà  thé  tous  les 
gentilshommes  de  la  chambre  et  plusieurs  visiteurs  d'un  certain  rang. 


Digitized  by 


Google 


IM  lOURNAL  M  VISft  BcmiiEir.  95 

knent,  use  on  deux  fois  la  semaine,  Georges  III  et  par  avon- 
tare  la  reine  Gbarlotie  rerenaient  à  Londres,  soit  pomr  s'oc- 
eaper  des  affaires  publiques,  soit  poux  quelque  réception  so- 
teunelle. 

On  comprendra  que»  se  vouant  à  des  habitudes  si  retirées 
et  limitant  avec  autant  de  soin  le  nombre  des  visiteurs  admis 
dans  leur  résidence,  le  roi  et  la  reine  devaient  s'attendre  à 
voir  leurs  intentions  suivies  par  les  personnes  attachées  à 
leur  service.  Miss  Burney  cependant  parait  avoir  été  très-dis- 
posée à  violer  k  cet  égard  la  règle  établie,  et  il  fallut  phis 
d'une  remarque  indirecte  jémanée  de  sa  souveraine  pour  lui 
fâre  sentir  Tinconvenance  de  certaines  admissions.  En  partie 
par  ignorance,  en  partie  par  présomption,  ellesemblait  toujours 
cbercher  à  empiéter  au  delà  de  ses  privilèges  et  à  se  mettre 
aordessus  de  la  discipline  observée  autour  d'elle.  Si  l'on  veut 
du  reste  se  faire  une  idée  des  sacrifices  qu'on  lui  demandait, 
il  suffit  de  lire  le  programme  qu'elle-même  a  tracé  de  ses 
joumées  : 

c  Je  me  lève  à  six  heures  du  matin,  et  j'attends,  en  robe  de 
chambre  et  en  bonnet,  que  la  reine  m'appelle;  ce  qui  arrive 
en  général  de  sept  à  huit  heures ,  et  presque  toujours  à  sept 
heures  et  demie  précises.  Je  la  trouve  déjà  coifFée,  cette  be- 
sogne étant  confiée  à  sa  femme  de  garde-robe  mistriss  Thielky , 
Allemande  d'origine,  mais  qui  parle  parfaitement  l'anglais. 
Mistriss  Scfawellenberg,  après  les  huit  premiers  jours  de  mon 
arrivée,  a  cessé  tout  à  fait  de  descendre  le  matin.  La  toilette 
de  la  reine  s'achève  par  mes  soins  et  ceux  do  mistriss  Thielky. 
Cette  dernière  me  passe  au  fur  et  à  mesure  les  difiérentes  piè- 
ces de  l'habillement,  et  c'est  moi  qui  les  pl»;e.  Aucune  autre 
femme  ne  pénètre  dans  le  cabinet  pendant  que  la  reine  s'y 
trouve.  A  huit  heures,  ou  fort  peu  de  minutes  après,  car  elle 
est  très-promple  à  s'habiller ,  Sa  Majesté  a  fini.  Elle  va  re- 
joindre le  roi,  les  princesses  y  viennent  de  leur  côté,  puis  tous 
ensemble,  suivis  des  gouvernantes  et  des  officiers  de  l'écurie, 

vont  entendre  les  prières  dans  la  chapelle  royale.  Je  reviens 
alors  chez  moi  pour  déjeuner,  et  j'ai  fait  de  ce  repas  le  passc- 


Digitized  by 


Google 


96  LE  JOURNAL  DE  HISS  BCENET. 

temps  le  plus  agréable  de  mes  journées.  Un  livre  me  sert  de 
compagnon  et  je  lui  consacre  environ  une  heure...  Quand  neuf 
heures  sonnent,  je  renvoie  mon  couvert  et  quitte  mon  livre 
pour  examiner  sérieusement  ce  dont  j'ai  à  m'occuper,  —  c'est- 
à-dire  les  préparatife  pour  ma  toilette,  non-seulement  du  jour 
présent,  mais  pour  celle  de  la  solennité  à  venir.  Chaque  anni« 
versaire  réclame  un  costume  à  part  ;  il  y  a  aussi  les  toilettes 
de  Kew,  plus  simples  que  toutes  les  autres  et  celles  de  Kîng's 
Lodge  qui  tiennent  le  milieu  entre  le  costume  de  cour  et  le 
simple  habit  de  la  campagne.  Ce  sont  sans  contredit  celles  que 
je  préfère.  Ceci  achevé,  je  dispose  de  mon  temps  jusqu'à  midi 
moins  un  quart,  si  ce  n'est  les  mercredis  et  samedis,  où  l'on 
m'appelle  une  heure  plus  tôt. . .  Alors  recommence  l'ennuyeuse 
besogne  de  la  toilette.  Cette  heure  de  plus  qu'elle  demande 
les  mercredis  et  les  samedis  est  consacrée  à  boucler  età  crêper 
les  cheveux  de  la  reine.  A  une  heure  moins  un  quart  commence 
véritablement  la  toilette  de  jour.  Mistriss  Schwellenberg  ne 
manque  jamais  d'y  assister  ni  moi  non  plus;  mistriss  Thielky 
à  plus  forte  raison,  dont  on  ne  peut  jamais  se  passer.  Nous 
aidons  Sa  Majesté  à  6ter  sa  robe,  nous  plaçons  à  sa  portée  la 
boite  à  poudre  avec  tous  ses  accessoires.  Le  coiffeur  est  in- 
troduit alors,  et  tandis  qu'il  fonctionne.  Sa  Majesté  lit  ordi- 
nairement les  journaux.  Lorsqu'elle  a  remarqué  que  je  suis 
descendue,  ma  toilette  à  moitié  faite,  elle  me  donne,  aussitôt 
assise,  la  permission  de  l'aller  achever.  Si  elle  est  préoccupée 
ou  se  sent  disposée  à  lire  avec  une  attention  soutenue ,  elle 
me  congédie,  que  je  sois  habillée  ou  non.  Dans  tous  les  cas 
elle  n'oublie  jamais  de  me  faire  sortir  tandis  qu'elle  se  pou- 
dre, et  cela  par  un  ménagement  pour  ma  toilette,  qu'on  serait 
loin  d'attendre  d'une  personne  si  haut  placée.  Lorsqu'elle  me 
retient,  j'ai  remarqué  qu'elle  se  fait  une  sorte  de  devoir  de 
lire  à  haute  voix  çà  et  là  quelques  articles  du  journal  qu'elle 
parcourt...  Je  suis  rappelée  quelques  minutes  après,  et  la 
trouve  alors  dans  ce  qu'on  peut  officiellement  appeler,  —  si 
tant  est  qu'il  y  ait  rien  de  très-officiel  ici ,  —  son  véritable 
cabinet  de  toilette.  Quelques  instants  suffisent  pour  donner 


Digitized  by 


Google 


LE  JOURNAL  DE  MISS  BUBNEY.  97 

b  dernière  main  à  sa  parure.  Elle  me  congédie  alors  et  je  ne 
la  revois  plus,  je  n'entends  pins  parler  d'elle  jusqu'à  l'heure 

du  coucher Nous  dînons  à  cinq  heures,  Mrs.  Schwellen- 

berg  et  moi,  dans  une  salle  à  manger  où  chacune  se  rend  de 
son  cAté...  Ce  repas  fini,  nous  montons  dans  son  appartement, 
qui  est  exactement  au-dessus  du  mien.  Là,  nous  prenons  le 
cafê  jusqu'à  ce  que  les  promenades  sur  la  terrasse  soient 
acherées  :  elles  finissent  ordinairement  à  huit  heures.  Notre 
tèie-à-téte  se  trouve  alors  rompu,  et  nous  descendons  de  nou- 
veau dans  la  salle  à  manger.  L'écuyer  de  service,  quel  qu'il 
soit,  vient  y  prendre  le  thé,  accompagné  de  tous  les  gentlemen 
à  cpii  le  roi  ou  la  reine  ont  feit  l'honneur  de  les  retenir  ; 
après  Je  thé  il  les  conduit  et  va  lui-même  à  la  salle  de  con- 
cert; il  est  ordinairement  neuf  heures.  Dès  ce  moment,  si 
Mrs.  Schwellenberg  est  seule,  il  me  faut  lui  tenir  compagnie 
jasqu'à  mon  petit  souper,  qui  est  servi  vers  onze  heures  :  c'est 
ordinairement  avant  minuit  qu'où  me  rappelle  pour  la  der- 
nière fois.  Je  passe  alors  environ  vingt  minutes  avec  la  reine, 
noe  demi-heure  tout  au  plus. 

»  Je  remonte  ensuite  ;  et  après  avoir,  par'avance,  préparé  au- 
tant que  je  le  peux  ma  toilette  du  lendemain ,  je  vais  chercher 
dans  mon  lit  un  sommeil  qui  ne  s'y  fait  jamais  attendre. 
Croyez  en  effet  qu'un  lever  matinal  et  une  longue  journée 
toute  remplie  de  soins  et  de  soucis  divers  ne  s'achèvent  pas 
sans  une  horrible  fiitigue  contre  laquelle  l'énergie  morale  ne 
saurait  prévaloir.  »  Vol.  III,  p.  27,  31. 

Il  est  difficile  au  premier  coup  d'œil  de  voir  dans  ce  compte 
rendu  la  place  de  tous  les  grands  malheurs  que  déplore  per- 
pétuellement l'auteur  du  Journal  ^  et  nous  sommes  tentés  de 
croire  que  le  mauvais  esprit  dont  ils  étaient  le  produit  chi- 
mérique dut  la  rendre  passablement  ridicule  et  désagréable  à 
ses  compagnons.  Le  grief  sur  lequel  elle  insiste  le  plus 
est  le  caractère  dominateur  et  l'oppression  tyrannique  de 
Mrs.  Schwellenberg.  Nous  ne  nous  refusons  pas  à  croire ,  — 
car  cela  est  dans  l'ordre  naturel  des  choses,  —  que  cette 
brave  dame,  compatriote,  ancienne  amie  et  favorite  de  la 

5*  SÉBIE.— TOME  XL  7 


Digitized  by 


Google 


96  LE  JOCRNAI*  BE  UlSê  BDRmT. 

reine  y  infirme  à  cette  ^Kxque  et  déjjà  vieiUe,  ei'Sftustkste 
aigrie  par  ce  double  malheur,  •—  ne  vit  pm  avec  ma  aoisîble 
plaisir  qu'on  lui  donnait  pour  aide  et  CMOpagne»  à  la  fhot 
de  sa  co0^)atriote  Mrs.  Haggerdora ,  uue  îeuse  AftglaiM  fvî 
avait  fait  de$  Hvres.  Nous  concevons  enocs'e  qu'à  cette  anvce 
d'ennuis  et  de  tracasserie,  la  maladresse  et  lenéconéeniement 
de  la  nouvelle  venue  durent  -en  4k]outer  d'autres  €ft  trouMcr 
singulièrement  le  paisible  train  de  vie  qu'arvait  •adapté 
Mrs.  Schwellenberg.  Mais,  d'un  autre  cèté,  il  aous  parakévi* 
dent  que  la  roideur  quelque  «peu  hostile  avec  laquelle  la  poe- 
miëre  femme  de  cbamlure  fit  valoir  les  cLnoiii  <ke  sa  positiodi 
et  la  loi  rigoureuse  de  l'étiquette,  vint  surtout  des  petites 
entreprises  fréquemment  réitérées  par  sa  compagne. 

Prenons  pour  exemple  le  point  le  plus  fréquemmment  tm 
litige  entre  ces  deux  dames,  l'autorité  suprême  exercée  par 
Mrs.  Schwellenberg  sur  le  diner  et  le  service  du  thé.  Il  fout 
bien  se  rendre  compte  qu'à  cette  époque  le  roi,  n'admettant 
jamais  à  sa  table  un  seul  gentilhomme  [1),  et  n'y  invitant  qu'un 
très-petit  nombre  de  dames,  avait  dû  chercher  un  moyen  de 
concilier  les  exigences  de  l'hospitalité  avec  celles  du  cérémo- 
nial. C'est  pour  cela  qu'une  table  régulièrement  servie,  et  non 
sans  un  certain  luxe,  était  attribuée  à  la  femme  de  chambre  ea 
premier.  Mrs.  Schwellenberg  en  avait  la  présidence  nominale; 
mais  cette  table  était  en  réalité  réservée  aui^  visiteurs  que  Leur» 
Majestés,  —  surtout  la  reine,  —  invitaient  on  faisaient  inviter. 
Une  autre  table,  soi-disant  destinée  aux  écuyers,  recevait  les 
h6tes  du  roi,  et  dans  la  soirée  l's^partement  de  Mrs.  Schwel- 
lenberg s'ouvrait  pour  les  deux  classes  de  convives  qui 
venaient  ensemble  y  prendre  le  thé.  Très-souvent  le  roi  dai* 
gnait  y  paraître  et  engager  hii-mème  quelques-unes  des  person- 
nes qu'il  y  trouvait  réunies  à  assister  à  ses  concerts.  Les  offres 
de  la  reine  définissaient  très-netteroent  cette  situation  des 
choses,  et  cela  résulte  du  Journal  où  nous  trouvons  (  vol.  II, 
p.  &18]  les  lignes  suivantes  : 

(1)  L'étiquette  ne  permettait  pas  qa*an  homme  s'asstl  jamais  devant 
la  reine. 


Digitized  by 


Google 


«â.  X.  me  ftopom  «de  ne  dmner  mi  tegnmit  an  palm, 
dem^Macher  i  la«iibte  de  Mre.^ekweHedberg,  «Udde  à  li^pueRe 
tans  'les  -miteurs  deS.  M.,  évèqDes,  tords,  cm  mem- 
kn  «MOBoneB,  de  ne  deimer  «n  doneetique  et  une 
I  4b  éÊsasL  tcmÊBê  livios  par  an.  1» 
roai  'Celt  ^élMl  «lair.  La  «aklei  laquelle  mns  Bomey  se 
IrmvaM  afilacbée  n'en  ÀUsH  pas-  neÎM  oelle  de  Mrs.  ^cWél- 
leabere^;  01  raUtev  dn  JoumM  j  avait  «a  plaee  marquée» 
prisqii'eile  ycenpiaçait  Mrs.  Haggeidom.  Mua  dès  le  pre- 
mier jour^rile  cssajra'de  aelwieiin  rôle  à  part  ron  lut  oiffrït 
le  boiiide  la  table  «que  sa  derancîdTe  mevpak  ;  «nia  elle  le 
Ttinsa  m»  prétexte  ide  nodeslie,  ctt  «-atlla  placer  è  Fnn  des 
dMés  (t).  Le  mène  voir  elle  «asaya  paiement  d'hinover  lora- 
qae  le  tbé  fat  aenî;  elle  avoue  elle-nènie  qoe  Mrs.  Hag- 
gerdom  vivait  lengenra  partagé  avec  la  première  fenmie  de 
dtamïfre  le  «oin  de  rofirir  -avx  eenvivea  de  LL.  MM.  Misa 
Bntiey  affecta  de  regarder  ce  aoin  eomme  un  pririlége,  afin 
de  a'en  débarrasser  mi  prafk  de  Mrs.  Sclvwellenberg.  EHe 
ordonna  qu'on  lui  servit  le  Ihé  dails  sa  chambre,  et  alla  le 
prendre  arec  me  persenne  qui  Tétait  venue  complimenter 
sur  sa  neminertion. 

txï  «toutes  «lioses,  oeCts  taferle^  son  étiquette,  ses  convives, 
twwibléfeHt  singulièremetft  Tesistenoe  de  nîiss  lumey,  et 
nmis  dvrons  le  dire,  en  dépft  de  ses  professions  d'humilité, 
de  résîgnalion,  ée  faiblesse  eaoessive,  nous  entrevoyons  à 
dhaque  instant  les  prdtentions  crt  les  jalousies  dbsm'des  dont 
de  tommeiitaît  lortt  le  mende.  CPe^  ainsi  que  sa  compagne 
diant  ionfbée  malade,  elle  se  refusa  de  propos  délibéré  à  re*- 
cevoir  les  officiers  de  l'écurie  qui  venaient,  selon  l'usage,  lui 
demander  de  présider  letvr  thé.  Elle  ne  disconvient. pas  qu'ils 
nirant  dans  leurs  rapports  avec  elle  toute  la  patience  et  toute 
la  politesse  imaginables,  tandis  >qne  ses  refus,  dont  elle  ne 
Toalalt  pas  donner  le  motif,  afin  de  ne  pas  s'engager  pour 
ravenir ,  «vaîeot  un  •caractère  tout  opposé.  Ils  amenèrent 

(l>Toiii.lII,  p.  14. 


Digitized  by 


Google 


100  LE  JOURNAL  DE  MISS  BCENET. 

enfin  des  remontrances  directes  adressées  au  roi  par  le  colo* 
nel  Goldswortby,  en  son  nom  et  en  celui  de  ses  compa- 
gnons. Miss  Burney,  en  rapportant  ce  petit  démêlé,  en  donne 
l'explication  d'une  manière  passablement  invraisemblable. 
Elle  prétend,  pour  atténuer  ses  torts,  que  son  laquais,  chargé 
par  les  écuyers  de  lui  notifier  qu'ils  l'attendaient,  les  avai| 
préalablement  avertis,  sans  prendre  ses  ordres,  qu'elle  était 
prête  à  descendre.  Un  pareil  malentendu  ne  pouvait  tout  au 
plus  avoir  lieu  qu'une  fois,  et  selon  l'auteur  du  Journal,  il  se 
serait  reproduit  à  quatre  ou  cinq  reprises  différentes. 

Mais  la  plus  considérable  de  ses  aventures,  et  Dieu  sait  que 
nous  regrettons  nous-méme  d'entrer  dans  des  détails  si  mi- 
nutieux, fut  sans  contredit  celle  du  carrosse.  La  voici  avec 
toute  son  horreur.  Dans  un  des  voyages  de  Windsor  à  la 
ville,  Mrs.  Schwellenberg  et  miss  Burney  se  trouvaient  dans . 
la  voiture  de  la  cour  spécialement  destinée  à  leur  service, 
avec  M.  de  Luc  et  miss  Planta,  tous  deux  de  sa  suite.  Ici  nous 
laissons  à  l'auteur  d^Evelina  la  responsabilité  de  son  drame 
et  des  exagérations  qu'elle  y  mêle  : 

«...  Le  voyage  fiit  très-pénible,  Mrs.  Schwellenberg  s'étant 
obstinée  à  tenir  baissées,  de  notre  côté,  les  glaces  de  la  voi- 
ture. Il  venait  par  là  un  vent  glacial  qui,  bien  avant  l'arrivée, 
m'avait  donné  les  premiers  symptômes  d'une  irritation  de 
paupières.  M.  de  Saint-Luc  et  miss  Planta  étaient  aussi  fort 
incommodés,  mais  ils  n'osaient  en  rien  témoigner;  et  quant 
à  moi,  ce  sont  là  des  maux  contre  lesquels  j'ai  fort  peu  de 
peine  à  me  roidir...  Il  devait  y  avoir  grande  réception  le 
mardi,  et  je  craignais  seulement  de  n'y  pouvoir  remplir  mes 
fonctions... 

»...  Mon  père  vint  passer  la  soirée  avec  moi,  et  l'état  de 
mes  yeux,  presque  aussi  pénibles  à  regarder  qu'ils  l'étaient 
pour  moi-même,  lui  donna  une  colère  telle  qu'il  m'enjoignit, 
le  cas  échéant,  de  relever  les  glaces  de  la  voiture,  quoi  qu'il 
pût  arriver  d'une  pareille  désobéissance.  Ma  place,  eut-il  la 
bonté  de  me  dire,  ne  comptait  pas,  mise  en  balance  avec  ma 
santé.  Ces  paroles  me  touchèrent  vivement,  et  m'ont  depuis 


Digitized  by 


Google 


LE  JOURNAL  DE  MISS  BDRITET.  101 

lors  donné  un  courage  dont  j'ai  eu  plus  d'une  fois  besoin. 
»  Le  mardi,  je  dus  foire  grande  toilette  et  paraître  à  la  ré- 
ception comme  si  de  rien  n'était. 

»Le  lendemain,  quand  nous  nous  rassemblAmes  pour  re-- 
toarner  à  Windsor,  M.  de  Luc  et  miss  Planta  semblèrent 
consternés  à  la  vue  de  mes  pauvres  yeux.  Le  premier  jeta 
sur  ma  coadjutrice  un  regard  très-significatif  et  auquel  il  pré- 
tendait bien  donner  toute  sa  râleur;  la  seconde,  sans  se  tra- 
hir aussi  complètement,  trouva  moyen  de  me  dire  tout  bas, 
en  descendant  l'escalier,  à  quel  point  elle  était  choquée  par 
nn  aussi  inconvenant  abus  de  pouvoir.  Je  ne  sais  quelle  occu- 
pation de  Mrs.  Schwellenberg  retarda  le  départ;  et  comme  je 
remontais  dans  ma  chambre,  la  vieille  Miller,  notre  soubrette 
en  chef,  vint  me  trouver,  tenant  à  la  main  une  petite  bassine 
en  fer-blanc,  fort  propre  :  «  Madame ,  me  dit  cette  fille,  voici 
une  espèce  de  cérat,  fait  avec  du  lait  et  du  beurre,  que  j'ai 
préparé  pour  vos  yeux.  C'est  le  même  dont  se  servait  Mrs.  Hag- 
gerdorn,  que  vous  remplacez ,  lorsqu'elle  voyageait  l'hiver 
arec  Mrs.  Schwellenberg...  Elle  ajouta  que  la  pauvre  femme, 
à  force  d'inflammations  réitérées,  résultant  des  coups  d'air 
qu'elle  gagnait  en  voiture,  avait  failli  perdre  la  vue.  Ce  sou- 
venir était  d'autant  plus  consolant  pour  moi  que,  selon  la 
bonne  Miller,  «je  prenais  tout  à  fait  le  même  chemin.  » 

»  SoiK;es  entrefaites,  miss  Planta  vint,  toute  joyeuse,  m'an- 
ooncer  que,  selon  toute  apparence,  nous  voyagerions  cette 
fois  sans  notre  aimable  compagne.  Elle  me  quittait  à  peine 
lorsque  Mrs.  Stainforth  accourut  éplorée  :  a  Pour  l'amouK  de 
Dieu,  criait-elle,  ne  la  laissez  pas  icil  Chère  miss  Burney,  je 
vous  en  supplie,  emmenez-la  l»  Il  s'agissait  toujours  de  la 
même  personne,  et  je  ne  pus  m'empêcher  de  rire  à  ce  double 
âan  de  deux  intérêts  complètement  opposés. 

»  Bientôt,  cependant,  nous  nous  réunîmes  derechef  pour 
molater  en  voiture.  A  peine  installés,  M.  de  Luc,  mon  vis^-vis, 
ferma  hermétiquement  la  portière  de  notre  côté,  m  Baissez 
cette  glace,  »  lui  dit-on  aussitôt.  Il  feignit  de  n'avoir  pas  en- 
tendu, et  commença  je  ne  sais  quel  propos.  L'ordre  fut  réitéré. 


Digitized  by 


Google 


102  U  JOUEVAL  mt  MU»  BIIHfKI. 

eMe  foift,  avec  colère.  H  me  regtuda  d'un  tir  de  compassmiy 
haussa  les  épaules  et  hasarda  u»  :  «  Maia«  madameu.  —  Ou- 
vrez, monsieur  de  Luc,  quaaéje  vom  1b  dia....  Je  veux  91e 
eda  Mate  ouirerê;  ti  voaa  êtes. feUeu^ tant  faa  pour  veaa» 

—  Il  ne  s'agit  pas  de  moi,  madame;  c'eat  mias  Baraejr... 

.—  Tant  pis  pour  misa  Buirnay  ;  elle  paît  bien,  seuifrir  le 
mèneaiv  que  noi,  je  pease.  Baîasea^  nonsienr  de  Lue,.,  «a 
je  fiûs  acrèier  îsmoédiateaMiié.  Cecî  eat  nm  voituee^  et  j'eai- 
ftendahieB  eBdîepoeer  «BtiÀreiaeot  Jeenîe  Utme  d-y.adMettie 
qui  beAflae*  seuibleL..  et  d'y  rifar  seule,  si^  veiuL. 

)>  Effirayée  pour  H.  de  Lue»  et  surleuA  efrayée  de  iM^  du» 
Tuir  à  son  oUtgeanoe,  j/mterviu»  aiava  en  le  priaut  de  baisaer 
les  giaces.  Um'ofoéit  à  regret^  et  je  iue  rejetai  ^laua  le  fi^ud 
du  carrosse,  eu  relevant  mon  manchon  jusque  sur  mes  yeui. 
J'étais  charmée  d'avoir  le  prétexte  du  froid  pour  aie  priver 
de  l'horrifale  aspect  qu'effirait  la  physionomie  de  Mes.  Sebwel- 
lenberg,  bouleversée  par  la  colère.  Miss  Planta  essaya  seule 
de  dire  quelques  mots  :  pour  eaoi,  qu'on  traitait  avec  si  peu 
d'égards,  je  ne  me  crus  pas  le  moins  du  monde  obligée  à  me 
mettre  en  frais  d'amabilités,  d'smtant  que  nulle  excuse  plus  ou 
moins  polie ,  nulle  expression  de  regret  ne  m'était  adressée. 
M.  de  Luc  était  trop  irrité  pour  se  servir  en  cette  occasion  ée 
sa  méthode  ordinaire,  qui  con^ste  à  tout  déguiser  sous  le 
lot  d'un  bavardage  continuel  ;  et  comme  c'était  la^urenûère 
fins  qu'il  s'aventurait  à  montrer  ouvertement  sa  mauvaise  hu- 
meur, je  me  sentis  fort  reconnaissante ,  je  l'avoue,  du  bon 
sentiment  qui  le  jetait  ainsi  hors  de  ses  habitudes.  Il  aSae4a 
nne  diatraetion,  et  releva  le»  earreaux.  Une  voix  forieuse  lui 
enjoignit  derechef  de  tout  laisser  ouvert.  <(  Mon  Uteu,  s'écria- 
t-il  sana  réf»ndre  direetemeuit,  toutes-  les  fleurs  de  Mca.  4e 
Luc  vont  être  tuées  par  cette  ^lée  I  h  Le  Aroid  était  en  eibt 
Irès-vif.  Il  meprofMsa  ensuite  de  chaucper  de  place  aveu  miss 
JMantay  qm  était  assise  en  face  de  Mrs.  SchweUeuberg,  etpur 
tonséquent  du  côté  le  mein»  exposé  à  l'air  :  «  Oui,  s'écria 
l'aimaUeMeeklembourgeoise^  miss  Burney  peut  prendre  eetle 
place,,  elle  le  devrait  même.  »  Je  r^iquai  en  fort  peu  de  naols 


Digitized  by 


Google 


LK  IMBITAC  DB  MISS  BUBUBT.  103 

ffifit  m'était  mpoeriMe,  sans  beaucoup  souffrir,  de  voyager 
à  reculons  :  «  Ohl  ne  vous  gênez  pas,  ne  dit  Mrs.  Schwel- 
Inberg,  si  cela  vo»  eostrarie.  Mais  vous  vous  y  habitueriez 
UcD  vile,  Mtm.  La  pawFre  Haggevdom  s'y  est  bien  faite...  Et 
qiaid,  s'il  vens  platt?...  Lorsqu'elle  a  vu  <iue  ses  yeux  n'y 
ÉfOMst  plus  et  finissaient  par  swgner.  » 

»  C'en  éÉnit  aussi  un  peu  trop. 

»  Fort  bien ,  m'écriai-je;  je  me  tiens  ponr  avertie  de  ee 
qfûm'altend. 

»  Après  qocri  ye  n'owrts  plus  la  bouche.  Durant  tout  le 
feste  en  voyage ,  jie  repassais  en  moi-même  les  paroles  de 
mon  pèffs  et  la  permission  qull  m'avait  donnée  de  résister  oo- 
weeîettÈenk  k  des  exigences  si  tyranniques.  Vingt  fois  je  me  vis 
snr  le  point  de  suivre  à  cet  égard  ses  intentions  formefls- 
ment  exprimées.  Pourlaart,  hélas  t  je  dus  réfléchir  aussi  au 
désappointement  que  lui  canseraR  la  perte  de  mon  emploi, 
tt  Bsa  chagrin  que  je  ressentirais  moi-même  si  je  donnais  ma 
déonssion  après  une  querelle  dont  l'origine  serait  si  aisément 
dénaturée.  Ges-réfiexions  m'empêchèrent  de  risquer  une  dé- 
marche à  laqudle  me  poussait  tant  d'arrogance  et  de  brûlai 
égoîsme.  Je  les  repassai  longtemps  dans  mon  esprit,  et  leur 
influence  fut  tdie  qu'arrivée  à  Windsor. . .  j'acceptai  sUencisu- 
•ement  un  gàieau  que  Mrs.  Sehwdlenberg  eut  tout  à  coup  la 
Imlaisie  dis  m'offrir...  » 

Maintenant,  si  Ton  d^ge  de  tous  les  artifices  de  narra- 
lion  le  fait  pur  et  simple  qu'il  déguise  d'une  manière  si  mal- 
vettlante,  nous  trouverons  que  Mrs.  Schwellenberg,  beau- 
coup plus  âgée  que  missBuroey,  fort  mal  portante,  au-dessus 
d'elle  par  ses  attributions,  et  habituée  à  regarder  comme  sien 
un  carrosse  dont  elle  disposait  depuis  longues  années ,  d^ 
aim,  ce  qui  était  assez  naturel,  qu'une  des  glaces  demeurât 
baissée  ;  -^quei  miss  Burney ,  dont  les  yeux  étaient  malades,  s'^ n 
trouva  incommodée  ;  — ^^qu'on  lui  offrit  une  place  où  elle  eût  été 
à  l'abri  du  froid,  —  et  qu'elle  refusa  ce  moyen  de  concilier 
toute  chose ,  soit  par  le  motif  un  peu  trivial  qu'elle  nous  fait 
connaître,  soit  parce  qu'une  place  de  devant  lui  paraissait 


Digitized  by 


Google 


lO/'l'  LE  JOURNAL  DE  MISS  BURNEY. 

incompatible  avec  sa  dignité.  Tout  cela  valait-il  un  réquisi- 
toire de  cette  force  ? 

Nous  en  dirons  autant  de  Tindignation  manifestée,  en  plus 
d'une  page  du  Journal^  contre  un  gentleman  de  la  cour,  dési- 
gné par  miss  Burney  sous  le  nom  de  M.  Turbulent.  Cette  épi- 
thète,  dans  le  goût  du.  Magasin  des  Enfants^  cache  un  nom  que 
nous  pouvons  sans  scrupule  livrer  à  nos  lecteurs,  celui  du 
Rév.  Charles  GifFardier  S  lecteur  français  de  la  reine  et  des 
princesses,  très-avant  dans  la  confiance  et  Tamitié  de  ces  au- 
gustes personnes.  La  position  que  miss  Burney  se  fit  vis^à-via 
de  lui  frisait  de  près  le  ridicule  ;  elle  prenait  au  sérieux  de 
prétendus  transports  auxquels,  selon  toute  apparence,  il  ne 
se  livrait  qu'en  riant.  Mais  il  ne  tiendrait  qu'à  nous  de  croire 
que  cet  ecclésiastique,  investi  de  la  confiance  royale,  marié 
d'ailleurs  et  père  de  plusieurs  enfants,  oubliait  les  conve- 
nances de  son  état  et  de  sa  position  particulière  au  point  de 
témoigner  à  miss  Fanny  l'amour  le  plus  désordonné.  Elle,  ce- 
pendant, se  représente  comme  tellement  surprise  par  la  tur— 
bulence,  le  langage  enthousiaste  et  les  façons  cavalières  de  ce 
nouvel  adorateur,  qu'elle  ne  trouvait  pas  le  courage  de  se 
soustraire  à  ses  importunités.  Nous  remarquerons  néanmoins 
que,  placés  comme  ils  Tétaient  Tun  et  l'autre,  il  suffisait  d'an 
regard  ou  d'une  parole  sévères  pour  rappeler  à  eux-mêmes 
tous  les  turbulents  de  la  terre.  En  ceci  miss  Burney  nous  pa- 
rait donc  avoir  cédé  au  besoin  qui  la  poursuit  de  se  repré- 
senter comme  l'objet  d'une  adoration  universelle.  Nous  la 
retrouvons  telle  que  nous  l'avons  vue  à  l'égard  de  M.  Crutch- 
ley  et  de  quelques  autres  :  elle  ne  s'embarrasse  pas  de  plu- 
sieurs contradictions,  plusieurs  inexactitudes  bien  évidentes, 
pourvu  que  son  rôle  d'héroïne  s'arrange  au  gré  de  ses  désirs. 
Au  fait  et  au  prendre,  toutes  les  démonstrations  de  M.  Tur- 
bulent se  bornaient  à  quelques  formules  plaisantes,  risquées 

(1)  C'est  tîDsi  qu'on  rappelait  le  plus  ordinairement,  mais,  corrcciemenl 
écrit,  son  nom  éUit,  à  ce  que  nous  croyons,  de  Guiffardière,  ihanoint 
prébeiidier  à  Salisbury  ;  il  était  de  plus  vicaire  de  Newingion  et  recteur 
de  Berkhampstead. 


Digitized  by 


Google 


LE  JOURNAL  DE  HISS  BURNEV.  105 

sans  aucun  doute  pour  amuser  le  tapis,  et  dont  Taccueil  sé- 
rieux de  miss  Burney  devait  feire  d'assez  bonnes  charges.  Il 
est  âcheux  que  nous  ne  puissions  pas  entrer  dans  les  détails 
de  cette  passion  pour  rire ,  et  feire  ressortir  dans  chaque 
scène  le  r61e  bizarre  des  deux  interlocuteurs  ;  mais  le  style 
àïJ(mrnal  a  Ténorme  inconvénient  d'échapper  à  l'extrait  par 
sa  diffusion,  et  à  l'analyse  par  son  obscurité. 

Voici  bien  assez  de  critique  comme  cela.  Quoi  qu'on 
en  puisse  penser,  le  blâme  n'est  pas  sans  amertume  pour 
celairlà  même  qui  se  voit  contraint  à  l'infliger.  Maintenant 
que  nous  avons  fait  ressortir  les  vices  essentiels  de  l'ouvrage 
qui  passe  sons  nos  yeux,  nous  reconnaîtrons  volontiers  qu'au 
milieu  d'une  masse  de  détails  puérils,  de  circonstances  sans 
intérêt,  d'anecdotes  sans  valeur,  ce  livre,  curieux  monument 
d'égoîsme  et  d'amour-propre  féminins ,  renferme  çà  et  là 
quelques  pages  dignes  d'être  conservées ,  quelques  épisodes 
dont  l'histoire  ou  le  roman  peuvent  s'emparer.  Comme  trait 
de  mœurs,  nous  citerions  volontiers  les  preuves  multipliées 
de  l'assujettissement  où  l'étrange  mode  des  coiffures  poudrées 
tenait  nos  respectables  grand'mères.  On  se  fait  difficilement 
une  idée  aujourd'hui  de  l'importance  qu'avait  alors  le  coif- 
feur ;  mais  comment  la  révoquer  en  doute ,  quand  on  trouve 
consignés  dans  les  mémoires  du  temps  des  détails  comme 
ceux  qu'on  va  lire? 

La  première  occasion  où  miss  Burney  se  trouva  chargée  du 
service  en  premier  auprès  de  la  reine  fut  une  visite  que  Sa 
Majesté  rendit  dans  l'été  de  1786  à  Nuneham-Courteney  ,  le 
château  de  lord  Harcourt,  d'où  elle  gagna  Oxford.  Nous  ne 
parlerons  pas  des  petits  chagrins  de  miss  Burney,  qui  jugeait 
très-insuffisantes  les  marques  d'attention  dont  l'honorèrent 
les  nobles  hôtes  de  la  reine  ;  mais  en  voici  de  plus  généraux 
et  qui  marquent  merveilleusement  la  date  du  récit  : 

«  Mon  plus  grand  embarras  fut  ensuite  d'avoir  un  coiffeur. 
Nunehamestà  trois  ou  quatre  milles  d'Oxford,  et  j'étais  sans 
femme  de  chambre  pour  m'aider,  sans  laquais  pour  envoyer 
chercher  l'indispensable  artisan.  Il  me  fallut  avoir  recours  à 


Digitized  by 


Google 


1D6  LE  lOURNAL  DE  HISS  BUBUBT. 

Mi»«  Tbielky,  qui  se  chargea  d'obtenir  d'un  Taletde  la  rei«e 
qu'il  mtt  cherchèi  un  messager,  pu*  reaireiiHse  duquel  je  pus 
demander  un  coiffeur  pour  le  lendeaniia  à  six  heure»  da 
nutiu...  n 

13  oetU.  ^->  «  A  six  keures,  en  effets  j'eus  le  bouhevr  de  ym 
arriver  mon  homme  :  il  s'escrima  deux  heures  durant,  et  sa 
tâche  n'était  cependant  pas  finie,  lorsque  Svarthy,lecoMiNir 
de  la  reine ,  vint  frafiper  à  ma  porte  pour  m'avertir  que  Sa 
Majesté,  complètement  apprêtée,  me  mandait  auprès  d'elle. 
Je  me  hâtai  donc  autant  que  cela  me  fut  possible ,  et  dans 
mon  empressement  je  descendis  sans  bonneL  La  reine  sourit 
eh  me  voyant  arriver  dans  cet  attirail  incomplet,  et  me  dit 
que  le  lendemain  je  n'aurais  pas  à  me  mettre  en  peine  d'un 
eoîSeur,  que  l'aide  de  Swarthy  s^ait  à  mes  ordres  dès  qu'il 
en  aurait  fini  avec  les  princesses  :  a.Yous  l'auriez  eu  dès  a»- 
»  jourd'hui,  ajoutart-elle ,  si  j'avais  su  que  vous  aviez  besoin 
»  de  lui.  D 

a  Quand  Sa  Majesté  fut  habillée  de  tous  points,  à  l'excep- 
tion du  chapeau,  elle  envoya  chercher  les  trois  princesses; 
le  roi  vint  aussi  peu  après,  le  me  sentais  assez  ridicule  dans 
mon  accoutrement  négligé,  rassurée  seulement  par  cette  cir- 
constance que  la  reine  et  ses  hlles  restent  voloniiefs  en 
cheveux»  encore  que  personne  n'ose  paraître  ainsi  devant 
elles. 

»  Lorsque  le  chapeau  fui  posé  :  «  Maintenant,  miss  Bumey, 
p  dit  la  reine,  je  ne  vous  retiens  plus;  vouis  pouvez  remonter 
»  et  finir  votre  toilette.  y>  Vol.  III,  pag.  89-90. 

On  conviendra  que  le  caractère  aimable  de  la  raine  se  fait 
j^ur  d'une  manière  charmante  dans  ces  menus  încidentf  : 
nous  voyxMfis  en  (41e  une  de  ces  femmes  douces  et  seneées, 
acquises  à  tous  leurs  devoirs,  indulgentes  sans  fiiiblesse,  pru- 
dentes sans  peliiesae  d'esprit,  bienveillantes  et  dignes  toul  à 
la  fins»  qui  font  l'honneur  die  leur  sexe  et  le  bonheur  de  leurs 
familles.  Miss  B^rney,  d^  reste  ».  lui  rend  amplement  justice 
dans  les  passages  suivants  : 

if,  La  reine  est  constamment  douce  et  gra^eieuee  ponv  sm  : 


Digitized  by 


Google 


ES  immsAL  BB  M1S6  «mrsT.  MV 

jtfMK  rfle  ne  m  lêkm  apercevoir  que  moa  serrîoe,  maiaft*- 
Itenat  ipie  je  snb  seob ,  Im  laisae  le  moins  dn  moaib 
è  éèaîret.  Nos  rapports  en  sont  devenus  phu.  fréquents  ^ 
fias  înlines ,  et  j'adaMre  plus  que  jamais  la  honlé  de  soa 
conr  et  Vétcnéam  de  son  inteUigence.  Je  m'attendais,  à 
#a«ver  en  elle-  un  grand  bon  sens,  ne  povrant  attribuer  qu'i 
cda  b  «oadnite  iMÎoiirB  i  l'abri  d»  bUùne  qu'elle  lient  sons 
k9  yen  d^nne  nniltîtiide  attentive  ;  nais  je  n'tmaipnais  pm 
qnn,  tenjnors  cnnfinée  dans  f  enceinte  des  cours.,  elle  eût  pn 
jmnAtk  ta  eennaissance  du  monde  et  du  cœur  hnmain^  ifd 
ne  révèle  dans  cliaeun  de  ses  actes ,  dans  chacune  de  se»  par 
«oie».  VÂatenant  je  rends  justice  à  l'admirable  sagacité  qm 
kii  a  peramde  snppl^or  les  leçons  de  l'expérienoe.  Durant  Le 
ne»  qni  vient  de  s'éeoéler  j'ai  passé  beauconp  d'heures  senle 
arvec  elle,  je  ne  l'ai  jamais  quittée  sans  «n  sentiment  nouvean 
d'admiration  pour  ses  hautes  facultés. 

»  Ce  qne  j'observe  en  elle  avec  le  plus  de  plaisir  est  précê^ 
sèment  sa  manière  d'entendre  les  soins  à  l'occasion  desquels 
je  me  trouve  ainsi  rapprochée  de  sa  personne  :  tout  ce  qui 
lui  échappe  dans  nos  tête-à-téte  au  sujet  de  ce  qui  nous  ocf- 
cupe  est  à  la  foie»  édifiant  et  aimable.  Convaincue  que  sa  po- 
sition élevée  ne  l«i  permet  pas  de  négliger  sa  parure ,  elle 
apporte  la  plus  grande  attention  au  choix  des  vêtements 
qn'elle  porte  dans  les  occasions  d'apparat.  Néanmoins  c'eat 
U  on  souci  qu'elle  se  donne  ou  qu'elle  accepte  sans  mur- 
murer; amis  au  fond  elle  a  parfaitement  la  conscience  de  œ 
qa'il  7  a  de  futile  dans  cet  éclat  purement  extérieur,  et  lorsr 
fne  le  moment  dm  sacrifice  est  passé,  elle  ne  peut  s'empêcher 
d'eiprimer  tout  le  plaisir  qu'elle  éprouve  à  quitter  ses  magnir 
i<pM»  atours  (1).  y> 
Elle  trace  ailleurs  ee  tableau  toncbant  et  caractéristi^iM^  : 
Dùnmmckê  6  août,  -*  a  L'intérieur  de  la  famille  royale  offre 
nn  apeetaole  si  exenq^laire ,  que  je  ne  puis  m'ea^pécber  d0 
temps  i  antre  de  le  laisser  entrevoir  ji  ma  chère  Suaanne.  €e 

(I)  Tom.  ni,  p.  169  et  170, 


Digitized  by 


Google 


108  LE  JOURNAL  DE  MISS  BURNEY 

matiUy  avant  le  service  divin,  miss  Planta  est  venue  me  deman- 
der de  la  part  de  la  reine  le  tabac  que  je  suis  chargée  de  mé- 
langer suivant  songoût  :  après Tavoir préparé,  je  Taiportédans 
le  cabinet  de  toilette  de  Sa  Majesté,  comme  cela  m'avait 
été  prescrit.  J'ai  tourné  la  clef  dans  la  serrure, — car  c'est  ainsi 
et  non  pas  en  frappant  à  la  porte  qu'il  est  d'usage  de  deman- 
der si  l'on  peut  ouvrir; — la  reine  elle-même  m'a  dit  d'entrer. 
Je  l'ai  trouvée  lisant  tout  haut  quelques  passages  d'un  ou- 
vrage de  piété,  je  n'ai  pu  savoir  lequel ,  à  ses  trois  filles 
aînées.  Miss  Planta  était  debout  derrière  elles.  Sa  Majesté, 
sans  s'interrompre  lorsque  j'entrai»  m'indiqua  seulement  par 
un  signe  une  boite  qui  était  sur  la  table,  et  dans  laquelle  je 
devais  mettre  le  tabac.  Je  n'eus  garde  de  me  dépêcher,  car  je 
trouvais  un  grand  charme  à  cette  lecture  maternelle,  dont 
elle  faisait  ressortir  les  leçons  plus  particulièrement  applica- 
bles aux  filles  du  monarque  par  les  nuances  variées  d'une 
accentuation  toujours  expressive.  Elle  lit  trè«-bien,^  avec 
beaucoup  de  force,  de  clarté,  de  discernement  (1).  » 

A  la  date  du  ^i*  décembre,  nous  trouvons  consigné  un  sou- 
venir non  moins  précieux  : 

«  Lorsque  je  me  suis  rendue  chez  la  reine  au  sortir  de  la 
chapelle,  elle  m'a  retenue  auprès  d'elle  toute  la  matinée,  me 
parlant  avec  plus  d'abandon  et  de  confiance  qu'elle  ne  m'en 
avait  encore  témoigné.  Le  principal  sujet  de  notre  entretien 
a  été  lady  C,  cette  pauvre  femme  si  fragile  et  si  malheureuse. 
La  reine  l'a  connue  de  tous  temps  et  s'intéressait  particuliè- 
rement à  elle;  elle  l'avait  fréquemment  admise  dans  son  in- 
timité et  s'était  appliquée  à  lui  montrer  toujours  une  estime 
qui  la  relevât  à  ses  propres  yeux.  Jugez  du  triste  désappoin- 
tement ,  disons  mieux ,  de  la  vive  peine  que  lui  a  causée  sa 
chute  I  Sa  Majesté  m'a  parlé  longuement  de  tout  ce  qui  s'é- 
tait passé,  me  peignant  le  caractère  de  lady  C,  dont  elle  m'a 
fait  connaître  aussi  l'histoire  dans  tous  ses  détails.  A  la  fin, 
en  me  racontant  sa  ruine  totale,  et  toutes  les  horreurs  d*une 

(1)  Tome  III,  p.  97. 


Digitized  by 


Google 


LE  JOURNAL  DE  MISS  BURNET.  109 

dégradation  aujourd'hui  complète,  elle  n'a  pu  retenir  d'abon- 
dantes  larmes  qui  Tont  forcée  longtemps  de  tenir  son  mou- 
choir sur  ses  yeux.  »  Tome  III,  pag.  2S0-351. 

Noos  allons  voir  avec  quel  bon  sens  la  reine  aida  miss 
Burney  à  se  tirer  d'une  position  assez  délicate.  Il  faut  savoir 
d'abord  que  quelques  amis  communs  à  miss  Burney  et  à  ma* 
dame  de  Genlis ,  plus  ofificieui  que  prudents ,  avaient  voulu 
établir  entre  ces  dames  une  correspondance  régulière.  Mrs.  Do- 
bny  entrevit  du  premier  coup  d'œil  ce  que  des  rapports  si 
iotimes  avec  une  personne  placée  comme  l'était  madame  de 
Genlis  pouvaient  avoir  de  dangers  pour  sa  protégée.  Ce  fut 
par  ses  conseils  cpie  miss  Burney  résolut  de  demander  con- 
seil à  sa  maîtresse. 

«  Une  occasion  s'offrit  dès  le  jour  suivant,  continue  l'auteur 
in  Journal,  car  la  reine  m'appela  de  nouveau  dans  son  salon, 
et  là  elle  me  traita  avec  tant  de  grâce  et  de  douceur  que  je 
me  hasardai  à  lui  parler  de  madame  de  Genlis. 

D  Ce  fut  en  hésitant  beaucoup  et  en  m'y  prenant  à  plusieurs 
fois  que  je  Jui  fis  part  des  instances  de  cette  dame  ;  j'ajoutai 
que  je  l'admirais  de  tout  mon  cœur,  et  pour  son  talent  et 
poar  le  bien  que  j'avais  entendu  dire  d'elle  ;  que  cependant, 
ne  la  connaissant  par  moi-même  que  très-superficiellement, 
je  souhaitais  à  peine  d'établir  entre  nous  des  rapports  que 
j'avais  jusqu'alors  soigneusement  évités  toutes  les  fois  que 
mon  aftction  ne  m'y  engageait  pas  expressément.  — Je  sens, 
ajoQtai-je,  qu'une  telle  demande  est  un  honneur  venant  d'une 
femme  comme  madame  de  Genlis,  et  que  je  ne  puis  la  décliner 
par  un  simple  motif  de  répugnance  ;  d'un  autre  côté ,  je  la 
sais  entourée  d'ennemis  puissants  que  l'on  dit  provoqués  par 
ses  attaques.  J'ignore  donc  si  je  n'aurais  point  tort  de  me 
lier  avec  elle  plus  étroitement  avant  d'être  en  état  de  répondre 
victorieusement  aux  imputations  sans  doute  calomnieuses 
dont  elle  est  l'objet.  J'ai  donc  ajourné  jusqu'à  présent  toute 
démarche  décisive;  mais  aujourd'hui  un  de.  ses  amis  renou- 
velle en  son  nom  les  demandes  déjà  faites,  et  soit  que  je  lui 
remette  une  lettre,  soit  qn'il^s'en  retourne  les  mains  vides,  je 


Digitized  by 


Google 


UO  LE  lOUHNAI.  BB  «US  WKmXEt. 

neikroweraî  «?oir  pns  mi  psitidèfisitif.  C'est  là  oeifiiicaMe 
non  embarras  actuel. 

»  La  reine  m'arak  écoalée  av€€  faiflns  gmide^tteafeioa. 

•*-Lin  a^e^-roitt  écrk  ?  «e  di^*dite;  et  qaand  j'ea»  rt- 
ponéH  que  nan  : 

— Eli  bienl  repriÉ  £a  Majesté ,  je  mas  dirai  done  met 
bcBMrcovp  de  franobise'qae  je  croîs  flueu  de  ne  pas  mgagcar 
de câofespottdaMe.  Si  k  prenrier  pas  était  Mi,  41  Uiawlcait 
lïOBtiDoer ,  àsneÎBs  de  raiscms  positives  ;  rams  il  n*7«  pafi.d'iii' 
ockiw<éBient,  n'ayant  pas  écrit,  i  rester  eu  yens  en  ^s.  Pour 
M  pas  oiienser  madame  de  Genlis,  vous  pourrez  pvétexter  de 
nombFenses  frocupations,  et  rimpossibilité  absoitiie  de  dûnner 
à  votre  correspondance  le  temps  qu'elle  demanderait. 

»  Je  la  remerciai  de  œ  ceaseil  si  franchemeat'denné,enli]i 
exprimant  cood)ien  j'étais  sensible  à  l'honneor  de  IVivoîr  re^ 
d'elle,  aussi  bien  qu'à  la  bonté  qui  me  donnait  les  moyens  dfe 
me  justifier  auprès  de  madame  defienlis. 

D  La  reine  s'expliqua  très-ouvertement  à  cette  occasion  sur 
le  compte  de  cette  personne  remarquable  :  die  l'ailmiTait 
ooniBie  je  l'admirais  moi-même,  mais  die  avait  entendu  cir- 
Cttier  tant  de  £àcheux  rs^orts -contre  elle,  qn'dle  jugent  ini- 
pmdent  et  peut-être  téméraire  d'«iitrer  en  relatieii  avec  nue 
personne  si  compromise.  Aussi  ne  hii  avait-^lle  accordé  une 
audience  qu'après  y  avoir  été  ponr  ainsi  dire  forcée  par  les 
instances  peu  mesurées  d'une  des  amies  que  madame  de  Ga^ 
hs  s'est  faites  ici.  Mais  fat  reine  regrettait  évidemment  d*aveâr 
eédé,  et,  si  je  ne  me  trompe ,  la  soDiciieBse  indiscrète  aora 
d'un  seul  conp  épuisé  son  crédit.  Après  ces  eqilicalîiam , 
qu'elle  daigna  me  donner  sans  :aacune  réserve,  la  reine  chan- 
gea de  conversation,  et  ce  sujet  n'est  pfais  revenu  dms  nos 
entretiens.  Seulement  il  m'a  étéâicile  devoir  qu'elle «^ra<»- 
vait  ma  démarche  auprès  d'elle.  »  Tome  lU,  pag.  Iâ7-i29. 

Pour  aujourd'hui  nons  bornerons  là  nos  extraits.  Bons  ré- 
servant de  revenir  une  autre  fois  avec  miss  Bnmey  dans  le 
séjour  royal  où  il  loi  a  été  donné  de  \ivre.  Kons  kû  devrons 
d'assister  jour  par  jour  à  ces  dernières  années  du  règne  de 


Digitized  by 


Google 


i^  jmmMJo.  VE  sias  BumircT.  Itl 

Geof^eB  HI,  oè  œ  priaee,  conme  un  autre  roi  Lear,  pTOme- 
nrit  dans  le  palais  de  ses  pères  uM  TÎeiltesse  privée  de  raison. 
Cest  1i  un  tableau  yraiment  original  qui  se  détache  en  relief 
dans  les  longs  récits  vides  et  verbeux  que  nous  criGquons 
aujoard'bui.  Nos  lecteurs  jugeront  sans  doute  comme  nous 
qu'il  mérite  on  cadre  à  pari  (1). 

(Qmarterly  Revim.) 


{i\  Non  00  nA^McnOÊ.  La sNoarlioa  ée  min  Bomey  écm  sa  pfae»  à 
Utoor •  éùéja^  avec  pli»  dladalgwwe  parle  Waekwaôd  Edinburfjfh 
Séoffmaim,  i(w  €Bi  eapendtni  atiwi  «n  Mtganne  ulira-lory.  «  L«  iroigiAujg 
viliuoe  ëtt/éurvial  neuf  donna,  dit4l,  on  «abieau  avisi  aiaet  ^foe  po»- 
iiUe  4e  UM  ee  ^foe  le  aïonde  -eii  curleai  de  eoDBrftiv  et  ifoi  partit  6lre 
(m  da  wiw  mooêr  été)  la  plat  enmifesse  "ikt  da  monde,  fia  17M  eam- 
neafa  pour  miaa  Bumey  eelte  eapéee  de  aenriee  qa'elle  déclaiv  bieviOt. 
mut  MrritDde.  Onaineraoït  aoa  josrnal  mofrtre  fout  un  jour  aimaMe  le 
ni,  la  raine  €l  leon  ênfanla?  elle  était  traitée  avec  beaneoiip  de  honfltf 
lareene  royale  famiUe,  dont  fl  «emble  qne  la  vie  domeeilqne  fat  naèle» 
pwe  et  affeetuenae.  Mais  la  nature  de  eette  vie  de  eour  ne  ponvait  ènv 
affiaocfaie  de  aet  Inconvénienu  par  le  eaneière  excepUemiel  des  perMaiMi 
rayales.  Sans  émmu  un  mitre  ft  vmt  natirBsae  aérères  enraient  ajouié 
beaacovp  d'aHertanae  à  la  altuafflon  de  mlia  Buraey  ;  cependant  la  mo- 
Doiane  de  cet  Islériewr,  um  ^kiœite  TONratleuBe,  la  pour  de  trop  idlm 
onde  M  pas  dire  aaMK,  et  fonvent  la  peur  de  dire  n'inporfe  ifuoi...  eaao 
inccaiante  oanniilanoe  de  eol*iwlne,  «n  on  rmH,  n'eat^ce  paf  là  me  dépen- 
danaeaaaii  toiace^iiie  l'iUMiglnailon  peut  ae  la  figurer?  et  néanmoina  oeate 
oiinie  dépendance  semble  une  néoasaltédam  lea  rapporta  dn  aouverain  «t 
deaamaiaon.  La  pveniére  lonetion  «fflMelle  de  cette  jevne  fénamm»^ 
tmty  qai  «van  étéboMWée^ela  fafeurvoyale  à  came  de  aa  qnalhé  d'nu* 
tanr,  f«i  de  préparer  le  tabae  de  la  reine  et  de  tenir  aa  tabatière  ton» 
jonra  pleinei  f  Isrent  «nflolu  Ma»  lea  embarras  de  la  toilcftte  de  Sa 
Hajcaté^.  aiaBaUaa  «nibarraa,'en  vérité,  poar  nne  femme  de  taftent,  fêlée 
et  flattée  dam  le  «onde ,  et  n'étant  pas  accoutumée  i  vivre  du  travail 
de  $ti  mains...  Une  leHe  vie,  continne  le  fflacXnrood  aprèa  une  citation, 
aaraitsalB  pour  bébéter  une  ème  raiaemiable  et  lui  faire  envier  les  tra- 
raax  les  plus  obaenra.  «  KveliBai»  en  eut  Acilement  le  dégoût,  et  elle  se 
compare  à  nne  pauvre  fille  qui  vient  de  faire  un  mariage  de  convenance 
poor  obéir  à  aeafMaealB*  Mais  la  famille  royale  n'était  pas  plus  heureoae. 
Geergea  111  fat«n  dea  plue ealimablea  bonmiea  de  son  temps;  il  n^étalt 


Digitized  by 


Google 


112  LE  JOURNAL  DE  MISS  BURNET. 

pas  sans  intelligence,  et  même  il  aimait  la  partie  pratique  des  sciences, 
mais  le  récit  de  ses  ressources  de  société  à  Windsor  est  tout  i  fait 
désolant.  Pour  passer  ses  soirées  il  était  réduit,  comme  expédient 
principal,  à  faire  une  suite  de  visites  a  une  vieille  et  infirme  mais  très* 
monarchique  dame,  a  une  Mrs.  Belany,  qui  résidait  à  Windsor,  et  à  qui  sa 
douceur  ei  son  ton  perpétuellement  plaintif  (ayant  toujours  quelque  nou- 
veau sujet  de  lamentations)  concilièrent  la  sympathie  de  la  famille  royale. 
Mrs.  Delany  était  une  Niobé  parfaite;  rien  d'insupportable  comme  soo 
éternelle  mélancolie,  sa  fatigante  résignation,  fon  infatigable  adoration 
de  Leurs  Majestés  et  de  tout  ce  qui  avait  touché  Leurs  M«ijestés.  Eh  bien , 
c'était  chez  elle  que  le  roi  faisait  ses  visites  du  soir,  c'était  là  que  la  reine 
suivait  le  roi  et  que  les  princesses  suivaient  la  reine.  Tous  allaient  là  pous- 
sés par  la  sympathie  et  l'ennui;  cependant,  dons  cette  petite  chambre, 
qui  se  remplissait  des  intimes  de  la  cour,  personne  n'eût  osé  s'asseoir 
tant  que  Leurs  Majestés  étaient  présentes,  car  c'était  l'étiquette.  Les  prin- 
cesses ne  parlaient  jamais  à  leuc  père  ou  à  lt*ur  mère  avant  d'être  interrogées: 
c'était  aussi  l'étiquette.  Tous  les  êtres  humains  étaient  obligés,  en  ce  temps 
des  robes  à  queue  et  des  souliers  à  hauts  talons,  d'apprendre  l'art  de 
marcher  à  reculons  et  de  faire  leur  retraite  sans  voir  où  cette  manœuvre 
rétrograde  les  conduisait  :  c'était  aussi  l'étiquette.  On  ne  peut  douter 
que  tout  cela  ne  fût  aussi  ennuyeux  pour  le  roi  et  la  reine  que  désa- 
gréable pour  les  sentiments  et  dangereux  pour  les  membres  des  fidèles 
aujets-écrevisses  de  Leurs  Majestés.  La  pauvre  petite  Bumey  s'en  plaint 
de  toutes  les  façons,  tantôt  burlesquement,  tantôt  sérieasement  ;  mais  Ja 
formalité  d'une  pareille  vie  contrastait  trop  avec  sa  liberté  précédente 
pour  ne  pas  la  tuer  à  moitié.  Enfin  elle  se  lamente  sur  le  ton  d'une  nonne 
prisonnière  entre  quatre  murailles,  espérant  qu'elle  s'y  fera,  mais  disant 
qu'elle  est  résolue  à  subir  sa  destinée  plutût  que  de  contrarier  les  vues  de 
son  père.  En  un  mot,  ses  sentiments  sont  dignes  d'un  trappiste  qui  creuse 
lui-même  son  tombeau.  Il  faut  espérer  que  tout  cela  est  changé  depuis 
longtemps  :  en  tout  cas,  ces  volumes  sont  un  avertissement  utile  pour  les 
ambitieuses  jeunes  ladies  qui  se  sont  donné  ou  qui  se  donneront  encore  tant 
de  mal  pour  parvenir  à  se  rendre  très-malbeureuses  :  celles  que  l'ambi- 
tion ne  tourmente  pas  encore  y  trouveront  de  justes  motifs  de  se  féliciter 
d'avoir  préféré  à  la  vie  brillante  des  cours  cette  vie  comfortable  et  libre 
qui  ne  voit  des  grandeurs  que  ce  qu'en  disent  les  gaxettcs.  » 

Il  y  a  ici  peut-être  une  discrète  allusion  aux  dames  d'honneur  de  la 
reine  Vittoria  et  même  à  l'infortunée  lady  Flora  Hastings. 

Le  Blackwood  Magazine  s'étonne  aussi  de  la  puérilité  d*une  époque 
qui  avait  cependant  produit  «  Gbatham  et  le  fils  de  Chathtm  plus  grand 
que  son  père  (Pitt;,  Holiand  et  le  fils  de  HoUand  pins  grand  aussi  que 


Digitized  by 


Google 


LE  JOURNAL  DE  MISS  BURNEY.  113 

MO  père  (Fox),  Burke  sans  rival,  et  Johnson  dont  l'originalité  humorii^ 
KfiM  est  restée  originale  après  tant  d'années,  Johnson  dont  la  vigoureiMO 
iatelligeace  a  rendu  tous  les  paradoxes  plausibles  et  toutes  ses  opi- 
nions plus  sérieuses  proferbiales...  L'époque  de  ces  graves  talents  était 
60  même  temps  une  époque  d'oisiveté  systématique  et  régulière  C'était 
l'usage,  la  mode,  d'aller  à  Bath  et  aux  autres  villes  d'eaux  thermales  ; 
pois,  on  revenait  à  Londres  se  régaler  des  caquets  de  la  saison  dés 
eiox  et  projeter  de  nouvelles  absurdités  pour  la  saison  prochaine.  La  vie 
des  hautes  classes  tournait  ainsi  dans  un  même  cercle.  D'insipides  réu- 
nions appelées  eonvenazziones,  les  présentations  k  la  cour,  auxquelles  on 
te  préparait,  tout  le  mois  d'ayant,  par  des  visites  chez  sa  marchande  de 
■odes  etqni  pendant  tout  le  mois  après  fournissaient  d'amples  provisions 
de  médisance,  enfin  un  échange  de  lettres  sur  des  riens  :  telles  étaient  les 
resftonrcesdu  monde  fashionable  et  de  ce  monde  inférieur  qui  calque  fidô- 
lement  les  folies  de  l'autre  ;  telles  étaient  les  ressources  de  nos  aïeux  et  de 
nos  aïeules  pour  se  débarrasser  du  travail  de  penser,  pour  tuer  le  temps  et 
rapporter  l'ennui  de  la  vie  jusqu'au  jour  oii  arrivant  la  goutte  pour  les 
gentfemen,  la  paralysie  pour  les  iadt'e«,ils  laissaient  leurs  équipages,  leurs 
fauteuils  et  leurs  maladies  à  une  autre  génération  de  Philandres  et  de 
Phillis,  de  lord  Butterflys  et  de  lady  Bettys.  » 


Le  second  article  à  propos  du  Journal  de  M"*«  d'Àrblay  sera  un  extrait 
du  quatrième  volume.  Quelques  mots  de  biographie  sur  l'auteur  noua 
semblent  un  supplément  nécessaire  À  celui-ci. 

Mtsi  Bumey  remplit  pendant  cinq  années  sa  place  auprès  de  la  reine, 
in  bout  de  ce  temps,  sa  santé  la  força  d'y  renoncer.  Ce  fut  bientôt  après 
qu'elle  connut  M.  Alexandre  Piochard  d'Arblay,  émigré  français,  dont 
quelques-uns  font  un  comte,  et  qui  avait  servi  avant  la  révolution  dans 
le  corps  de  l'artillerie.  La  liaison  du  gentilhomme  français  et  de  l'ex-fille 
d'honneur  devint  peu  k  peu  très-intime  et  se  termina  en  1793  par  leur 
mariage.  Cet  événement  fit  de  M"*  d'Arblay  un  avocat  des  réfugiés  que 
l'époque  de  la  Terreur  avait  jetés  avec  son  mari  sur  le  sol  de  l'Angle- 
terre,  et  elle  publia  une  brochure  à  leur  profit  sous  ce  titre  :  Bé flexions 
relatives  au  clergé  émigré  de  France.  En  1795  elle  se  souvint  que  Sheridan 
et  d'autres  notabilités  littéraires  lui  avaient  prédit  un  grand  sucrés  si 
elle  voulait  travailler  pour  le  théâtre,  et  elle  fit  représenter  à  Drury-lane 
sa  tragédie  à'Edwy  et  Mlgytha,  sujet  qui  vient  d'inspirer  un  nouveau 
poème  dramatique  à  M.'  H.  Taylor.  Malheureusement  les  prédictions  de 
Sheridan  ne  se  réalisèrent  pès  :  la  tragédie  de  M"*  d'Arblay  fut  très-mal 
reçue  du  public. 

5*  SÉRIE. — TOHE  XI.  8 


Digitized  by 


Google 


llfc  LE^^JODHNi^  DB.MIfift'MBKBi^ 

Cette.  ehoM  na  lui  enlem  pai  M^rémitfttioQ  liuénin:  eonme  miei^ 
der,  et  en  17^#  ayant  annoncé,  un  tioiiième.  to»«d,  CamiUor  eUe 
léalisauneaouaciipUonde  trois  miU6.guinte  (7MÛ0€r.)«  Il  j  »vait.Ui« 
de  ce  chiffre  à  celui  dea  vingt  guinéei  que  lui  «Tait.  TaluJEtiaJiiia,JOD  fpar 
mieT'  ouTiage»  bien  niyérieiv  au.  troisième.  M"**  dlArliiaj.  adwlaevee 
cette  somme  une.v<2ta  qu'elle  appela.  U.Coitaçfi^dê'CamUUifM  oà  elle 
Técut  conjugalement  jusqu'en  IflOX  ▲  cette  époque  U  paii  d'AmâBM 
pennit  à  son  mari  de  là  conduire  en.  France»,  oà  M.  d'Ashlej  fut  bien 
accueilli,  de  Napoléon.  Les*  deux,  épyoux  ne  retoucnisent  ea  AngleMm 
qu'après  1812.  M.  d'ArbUj  y  mourut  en  181&.M"*  d'ArbUx«  vécu  josr 
q^'en  1810;  elle  avait  à  sa.  mort  (puLtre-ving^buitans.  Depuis  1818  elle 
avait  publié,  encore. l'ITomme  mrranif  romam  qui. lui. fut  acheté  qnîaie 
cents  guinéesi  et  les  if  ^moires  de.soa  pére^£lie.a;rait.pcBdtt.ea.l8>i7 
son-fils»  qui  était dans-les  ordres.- 

Des  deux  fitéres  de>  M»*  d'Arblay^I'aUé  devint  r«mifal  Janes  Biuraif.. 
le  second»  le.  docteur  Charles  Bumey,  éuét.ua  SATaiU.heUénisU. 


Digitized  by 


Google 


€|itaoàrft  ifift  sfmnsi  ht  k  })imndiilt. 


TROIS  CBAPITRES  DE  LA  VIE  DE  MARTIN  DIEZ* 

SlWrOJmi  L'SMPfiClNADO  (1). 

SL 

V49B  EBI  WBMBOfk 

Ail  oommencement  de  la  guerre  de  1792  entre  TEspaçne  et 
hr^nblique  française,  un  jeune  homme  de  dix-sept  à  dix-huit 
tt»  s'enrAla  dam  le  régiment  d'El  Rey,  cavalerie.  Dès  la  pre? 
mièrea£EBiire  où  il  se  trouva,  il  se  fit  remarquer  par  sa  bravoure,, 
etbientôl  le  général  Ricardo»  en  fit  son  dragon  d'ordonnance. 
C'était  bien  mal  connaître  l'humeur  du  jeune  volontaire,^ 
qû  ne  tarda  pas  à  regretter  l'animation  de  la  mêlée,  lorsqu'il 
est  bit  quelques  excurnons  moins  périlleuses  à  la  suite  de 
son  général.  H  y  avait  en  lui  un  instinct  d'indépendance  qui 
le  dégoAta  même  tout  à  fiiit  de  la  discq)line  de  l'armée  régu^ 
liére,  et  à  la  première  occasion  il  se  fit  autorisera  aller  lever 
une  espèee  de  gumlla  ou  corps  de  partisans,  sur  les  bords 
du  Buero*  Sa  troupe  était  déjà  organisée  et  avait  rendu  quel- 
ques aervioes  quand  la  paix  fiit  signée.  Juan  Martin  Diez, 
c^élaitle  nom  du  jeune  Espagnol,  connu  aussi  sous  le  sobrir 
qoei  de  l'Empecinado,  se  retira  dans  son  village  natal,  à 
GhstriUade  Duero,  dans  la  province  de  Valladolid. 

Ce  fiil  là  qu'il  demeura  jusqu'à  la  guerre  de  1807,  oubliant 

(1)  ¥^  U  JlMm.flHlsna<fiir,iwi.i841,»' série,  iome  n,  p.  llfi. 


Digitized  by 


Google 


116*  TROIS  CHAPITRES 

de  son  mieux  ses  goûts  militaires,  tranquille  cultivateur,  et 
content  de  peu,  comme  tous  les  Espagnols.  II  était  surtout 
habile  à  tailler  la  vigne.  Notre  vigneron  gagna  bientôt  de 
quoi  avoir  un  âne  avec  lequel,  Thiver  venu,  il  allait  dans  les 
bois  faire  des  fagots  pour  les  vendre  dans  quelque  ville  voi- 
sine. Il  se  rendait  ainsi  un  jour  à  Aranda  de  Duero,  lorsqu'il 
fut  rencontré  par  des  ofBciers  de  justice  ou  alguazils,  qui 
avisèrent  que  la  charge  de  Tàne  consistait  surtout  en  racines 
d'arbres,  ce  qui,  d'après  les  lois  forestières  de  la  Castille, 
mettait  Martin  Diez  en  état  de  délit  et  de  contrebande.  On 
l'arrêta  lui  et  son  âne  pour  les  conduire  en  prison.  Martin 
Diez  n'avait  pas  d'armes  et  il  ne  songea  pas  à  résister,  quoi- 
qu'il eût  pu  encore  le  faire,  vu  sa^vigueur,  dont  on  jugera  par 
ce  qui  va  suivre. 

£n  dehors  d' Aranda,  au  faubourg  d'Endeduero,  il  existait 
à  cette  époque  une  sorte  d'écurie  sans  toiture  appartenant  à 
la  municipalité ,  et  dans  laquelle  c'était  l'usage  de  déposer 
provisoirement  toutes  les  bétes  de  somme  qu'on  surprenait 
chargées  de  quelques  marchandises  ou  denrées  de  contre- 
bande. Ce  fut  dans  cette  fourrière  qu'on  fit  entrer  et  qu'on 
enferma  l'Empecinado,  avec  Tàne  et  le  bois  confisqué,  pour  y 
demeurer  jusqu'au  lendemain  matin.  Il  semblait  impossible 
qu'un  homme  pût  s'échapper  d'une  pareille  prison,  car  au 
midi,  au  levant  et  au  couchant  elle  était  entourée  d'une  forte 
muraille  de  quatorze  pieds  de  haut,  et  au  nord  coulait  le 
Duero,  rivière  qui,  à  cette  saison  de  l'année,  ne  pouvait  être 
traversée  ni  à  gué  ni  à  la  nage,  tant  elle  était  profonde,  large 
et  rapfde.  Il  n'y  avait  d'entrée  et  d'issue  que  par  une  porte 
massive  bien  verrouillée  et  fermée  par  une  énorme  serrure. 
L'Empecinado,  seul  avec  son  baudet,  eut  tout  le  temps  de  se 
dire  que  le  lendemain  il  serait  condamné  à  perdre  son  bois, 
sa  bète  et  par-dessus  le  marché  sa  liberté  pendant  quinze 
jours  au  moins.  Il  regretta  d'abord  de  n'avoir  pas  eu  plus  de 
confiance  en  lui-même  sur  le  chemin,  mais  il  finit  par  s'en- 
courager à  tenter  au  moins  quelque  moyen  d'évasion.  On  lui 
avait  laissé  son  couteau  ;  |il  s'en  servit  pour  pratiquer  de 


Digitized  by 


Google 


DE   LA  VIE  PS  MARTIN  DIEZ.  117 

grandes  excavations  dans  la  muraille ,  espèce  d'escalier  im- 
provisé qui  lui  permit  de  grimper  jusqu'au  faite.  Là  il  ne  lui 
restait  plus  qu*à  sauter,  et  il  allait  le  faire,  lorsqu'un  remords 
lui  prit...  Laissera-t-il  en  captivité  son  compagnon  d'infor- 
tane?  La  pauvre  béte  tournait  justement  vers  lui  ses  yeux 
suppliants  et  lui  disait  un  muet  mais  triste  adieu,  au  clair  de 
la  lune.  L'Empecinado  s'atteudrit ,  et  d'ailleurs ,  se  dit-il,  je 
n'ai  pas  de  quoi  en  acheter  un  autre.  Que  faire  ?  Après  avoir 
bien  examiné  le  côté  extérieur  de  la  muraille  il  redescendit 
dans  récurie^prison,  détacha  sa  longue  ceinture  de  soie  tri- 
cotée à  la  mode  andalouse,  renversa  l'àne  sur  l'échiné  et  lui 
lia  les  quatre  jambes,  comme  il  eût  fait  à  un  mouton  ou  à  un 
yeao.  Ensuite,  respirant  largement  pour  se  préparer  à  un 
grand  effort  de  ses  robustes  muscles ,  il  chargea  mattre  bau- 
det sur  ses  épaules  en  passant  sa  propre  tète  entre  la  ceinture 
et  le  ventre  de  l'animal.  Avec  ce  lourd  fardeau,  il  remonta  au 
faite  du  mur.  Là  ayant  délié  les  jambes  de  l'àne,  sa  ceinture 
lai  aer\'it  à  le  faire  glisser  de  l'autre  côté  sans  trop  de  meur- 
trissures et  sans  chute  dangereuse.  A  son  tour,  il  sauta  à 
terre,  monta  sur  son  docile  roussin,  et  alla  se  cacher  dans  les 
montagnes  voisines  de  son  village  jusqu'à  ce  que  le  bruit  de 
l'aventure  se  f&t  apaisé. 

Le  lendemain  matin  les  alguazils  allèrent  de  bonne  heure 
cbercber  l'Empecinado  et  son  àne  pour  les  faire  comparaître  de- 
vant l'alcade  ;  grande  fut  leur  surprise  de  ne  plus  trouver  dans 
l'écurie  que  la  charge  de  bois.  Malgré  les  dégradations  faites 
à  la  muraille  intérieure  ,  ils  pouvaient  à  peine  comprendre 
comment  avait  disparu  leur  prisonnier;  mais  le  quadrupède 
quetaiUil  devenu?  Comment  avait-il  pu,  lui  aussi,  s'échap- 
per? Ils  allèrent  faire  leur  rapport,  et  pendant  longtemps  on 
crut  que  le  diable  s'était  mêlé  de  cette  affaire.  L'Empecinado 
passa  donc  pour  un  sorcier,  jusqu'à  ce  que  les  événements  de 
18Q7  lui  rappelant  sa  véritable  vocation,  il  leva  une  nouvelle 
guérilla,  et  se  rendit  redoutable  aux  Français  pendant  tout 
le  temps  que  dura  la  guerre  de  la  péninsule. 


Digitized  by 


Google 


liB  'TROIS  anAiPiTUffi 

H. 

XJL  MOBEilA  DE  BIAIiAGA. 

^Le  corrégidor  ^e  la  ville  de  CuellarpaTCOnraît  diverMB 
flépécbes;  il  y  en  eut  tine  qtti  parut  fi'îer  particalièrement  son 
lilieiïtion.  Après  ravoir  Itïedenx'fois,!!  agita  une  p«lile«oib- 
nette  pofsée  sur  kl  lafcle.  Un  damestiqueentni. 

*—  Va,  dit  le  corrégidor,  avertir  le  <*ef  de  laguerilla  ifae 
Jel'^tends  ici. 

Un  quart  d'heure  après,  Hartin  "Biez  fut  într^datt. 

^^^  Buenos  dids'tengay  dîMl'en  entrant. 

-^-  !FéW(?fô,  -répondit  le  corrégidor  en  l'iwrilflaitiàii'&sseofr. 
f\ii  reçu  rordre,  continua-H-il,  dcfeire^arrèter  on  de  détroîte 
nue^bande  dont  les  brigandages  répandent  depuiaplnsiems 
Jours 'la  terreur  dans  cette  provinee. 

'-^Quelques  hussards  françan,  sans  doute,  âjoiita  Martin 
Dîeï.  Je  suis  prêt,  ^eiîor  corrégidor. 

—  Kon,  reprit  le  corrégidor  •en  souriant,  ce  n'est  point -A 
Aes  troupes  firançaises  que  vous  aurez  afiaire  cette  fois,  mas 
&  tm  ennemi  qu'il  tous  ^era  probablement  phis  difficile  de 
rencontrer  que  de  VHincre.  Pour  ne  pas  vous  tenir  davan- 
tage en  suspens,  je  vais  vous  lire  mes  ordres.  Alors  suppri- 
mant le  protocole  qui,  en  Espagne,  conmence  et  termine 
toujours  de  pareils  documents,  le  corrégidor  lut  ce  qui  suh  : 

'((  Aussitôt  que  vous  aurez  reçu  cette  lettre,  vous  ebargerox 
un  officier  actif,  connaissant  pariaitement  le  pays,  de  pour- 
suivre le  bandit  El-Gitâno,  qui,  à  la  tète  de  vingt  hommes^ 
est  passé  de  l'Andalousie  dans  cette  province.  Les  voleurs  é» 
cette  bande,  sous  le  patriotique  prétexte  de  harceler  les  Fran- 
çais, dépouillent  'et  maltraitent  nos  compatriotes.  Ils  s'atta- 
quent plus  particulièrement  aux  prêtres.  Plusieurs  ont  été 
victimes  de  leur  brutalité.  Tous  avez  dû  déjà  recevoir  des 
rapports  à  ce  sujet,  et  vous  pourrez 'fecilement  connattre  la 
direction  qu'ont  prise  ces'brigands.  » 

—  Ainsi  vous  le  voyez,  seilor  Diez,  continua  le  magistrat, 
il  n'y  a  pas  beaucoup  de  gloire  à  gagner  dans  cette  afiaire; 


Digitized  by 


Google 


BB  LA "^fB  BC  'MiOtrm  DIEZ.  ff8 

nroiei  qai  va  «fimiller  «rotre  'ardeur.  BI-4Hta&o  €t  ses 
i*9e«t,  'dii-^n,  iréiies  de  btttmt  dans  toas  las  cas,  leare 
sapcilwjt  scherattx  andakraa  sereat  paarrcmstme  précieuse 
captere';  1k -^oos ' semrmit  i  inonter ' lesconragevx T6hm- 
tanes  qui  anlMttaBwetrtl^honnetir  de  maréhersoasTOs  ordres. 

'La  eenveasation  diira'qiiékiiie%eiBps'enaDre/Le  tHMrrégidar 
osranniniqiHi'UMXteBles^idioalîoiis^'n'possédftftiponr  tnm- 
Tsr  4e  vepaire  des  iièhéniieHs.  'Baas  Tapi<ès-ini8t  scrtxattte^dix 
gaerifleros,  tovs  bien  mefilés  et >éqiiipés,  sortirent  de  la'rffle 
de€adlar,««e«s  les^oidres  de  ^Martin  Diez,  lear  chef. 

te'ndimi  de  la^nvoiftagne  de  Toftwes,  dans  la  vieille' Gas- 
tiBe,  est  ^an  -petit  'plateau  éloigné  -  de  4otfte  roiHe  passagère. 
Onj  arrive  par  un  sentier  i  étroit  et  dangereux  qui  ^Moiean 
nmtt.  Sor  ceplateau,  on^yoyalt^il^a'trente^inq'ans^enyiron 
une  nFÎeille  'hAteHerie  d^une  aretiitecture  ^ossière  et  d'une 
ti4s-4naairàise  réptttation.  Lee  fenètrss  de  Tétage  supértanr 
étaient  larges  et  nombreuses,  quelque&Hines  même  '  vhrées  et 
protégées  par  desTolels  en  bois;  le  re^de^hausi^  offirait 
moins  de  passage  à  Tair  et  à  la  lumière;  la olaftéMarrivait 
par  une  demi-dottsaine  d*ouvertures  eircalaines  garnies  de 
barreaux  de  fer,  et  *par  une  petite  porte,  à  peine  assez  havie 
poor  qu'un  homme  à  cheval  pûty  passer.  'L'écarie,  qui  oecu- 
pùttoutle  rez-de-chaussée,  ne  conservait  pas  >le  même  niveaa 
que  le  sol  extérieur.  'Son  abaissement  et  les  btoos  de  pierre 
et  de  ciment  qui  en  soutenaient  le  plafond,  lui  donnaient  as-* 
sez  de  ressemblance  avec  une  cave.  A  droite,  en  entrant,  «se 
trouvait  un  escalier  en  bois  conduisant  à  un  étroit  corridor 
qat  partageait  l'étage  supérieur  ,eu  deux  parties.  La  première 
était  coupée  en  éhanlbrespetiteset  mal  tenues,  dont  leauMS 
élaieatoecQpées  par  lafiamille  de  l'aubergiste  et  dont  les^au- 
très  attendaient 'les  voyageurs  qui  prél^ht»eftt>uiie'  eoavertuie 
et 'un 'matelas  d'une  'propteDé  très^^uivoque,  plutôt  ;que  de 
passer  la  nuit  sur  nine  planche  de  ohéne,- enveloppés  dans 
Iturmaiiteau.'La'seeende  partie  consistait  enuoepièce  spa^- 
oieuse  servant-en  'même  temps  «  de  '  cuisine,  4e  «salle  à  manger 
et  de  dortoir.  Rarement  pent^re  eette  'salie  avait  coatenu 


Digitized  by 


Google 


120  TROIS  CHAPITRES 

une  société  aussi  joyeuse  et  aussi  bruyante  que  cette  nuit-là; 
il  est  vrai  qu'on  y  voyait  tous  les  apprêts  de  la  bonne  chère. 
Sous  le  vaste  manteau  d'une  large  cheminée,  pétillaient 
et  flamblaient  autant  de  branches  de  pins  que  pour  un  auto- 
da-fé.  Au-dessus  de  ce  feu  énorme  étaient  suspendues  par 
des  chaînes  deux  grandes  chaudières  noires  desquelles  s'ex- 
halait un  parfum  qui  attestait  la  nature  savoureuse  de  leur 
contenu.  Deyant  l'àtre  y  une  longue  broche  en  fer  était  gras- 
sement garnie  de  volailles ,  de  viande  de  mouton  et  de  che- 
vreau ;  c'était  un  petit  chien  maigre  qui  la  faisait  tourner. 
Ce  malheureux  animal,  perché  dans  une  cage  de  bois,  à  bar- 
reaux, fixée  contre  le  mur,  souffrait  un  double  supplice  pro- 
venant du  plus  insupportable  degré  de  chaleur  et  de  l'es- 
pèce de  moulin  de  cuisine  sur  lequel  il  était  placé.  On  ne  lui 
accordait  aucun  répit;  toutes  les  fois  qu'il  faisait  mine  de 
suspendre  leur  exercice,  un  geste  menaçant  rappelait  ses 
pattes  brûlées  à  leur  devoir  ;  il  lui  arrivait  même  d'être  firappé 
par  une  brutale  et  laide  fille  de  cuisine,  digne  pendant  de  la 
Maritorne  de  l'immortel  Saavedra. 

En  face  du  feu  on  avait  placé  une  table  composée  de  six 
planches  grossières;  tout  autour,  sur  des  bancs,  sur  des  chaises 
à  moitié  cassées  et  des  tonneaux  renversés,  étaient  une  ving- 
taine d'individus  qui  puisaient  dans  des  brocs  de  vin  la 
patience  d'attendre  le  souper.  Le  costume  de  ces  hommes 
n'était  point  celui  que  portent  les  habitants  de  cette  province 
des  Espagnes;  il  était  beaucoup  plus  élégant  et  dessinait 
mieux  les  formes  du  corps  que  les  vêtements  amples  et  dis- 
gracieux de  la  vieille  Castille.  De  courtes  vestes ,  coquet- 
tement ornées  de  boutons  brillants,  des  chapeaux  noirs  avec 
le  bord  relevé,  des  chausses  attachées  au  genou  avec  des 
rubans  de  couleur  éclatante ,  composaient  un  charmant  cos* 
tume  andalou  ;  l'accent  de  la*  plupart  de  ces  hommes  ache- 
vait de  trahir  leur  origine  méridionale.  Toutefois,  les  san- 
dales et  les  bas  traditionnellement  portés  avec  ce  costume» 
avaient  été  remplacés  par  des  bottes  ou  de  longues  guêtres  en 
cuir.  A  des  crochets  enfoncés  dans  le  mur  pendaient  de  vastes 


Digitized  by 


Google 


DE  LA  VIE  DE  MARTIN  DIEZ.  121 

manteaux  de  cavaliers  et  de  larges  capotes.  Un  grand  nombre 
de  valises,  des  selles,  des  bats,  désarmes  de  toute  espèce, 
étaient  entassés  dans  les  différents  coins  de  l'appartement. 

£n  entrant  dans  cette  salle,  un  étranger,  après  avoir  re- 
marqué ce  que  l'intérieur  présentait  de  pittoresque  et  de 
bizarre,  aurait  plus  particulièrement  arrêté  son  attention 
sur  deux  des  vingt  individus  réunis  autour  de  la  table.  L'un 
était  assis  à  la  place  d'honneur.  Malgré  le  peu  de  cérémonie 
qui  régnait  parmi  eux,  une  certaine  déférence  le  signalait 
comme  le  chef  de  ses  sauvages  compagnons.  Toutefois  au- 
cune marque  extérieure  de  supériorité  n'expliquait  l'autorité  su- 
prême dont  il  était  revêtu.  Rien  de  brutal  et  de  féroce  comme 
l'expression  de  ce  front  bas  et  fuyant,  de  ces  yeux  enfoncés, 
de  ces  lèvres  épaisses  :  c'était  le  Gitano  en  personne,  qui 
avec  sa  bande  occupait  l'hôtellerie. 

A  la  gauche  du  Gitano  on  voyait  un  jeune  homme  dont 
l'ige  ne  dépassait  pas  seize  ou  dix-sept  ans  ;  les  traits  de  son 
visage,  aussi  fins  que  ceux  d'une  femme,  n'étaient  pas  ce  qui 
contrastait  le  moins  avec  l'air  farouche  du  chef.  Son  habille- 
ment, taillé  sur  le  môme  modèle  que  celui  de  ses  compagnons, 
différait  du  leur  par  la  richesse  des  étoffes.  Il  le  portait  avec 
un  soin  qui  montrait  l'importance  que  ce  jeune  disciple  de 
saint  liicolas  attachait  à  son  extérieur.  Sa  veste,  dont  le 
drap  sortait  de  la  célèbre  fabrique  de  Ségovie,  s'ouvrait  sur 
la  poitrine  et  laissait  voir  une  chemise  de  fine  toile  empesée 
et  plissée  avec  art  ;  une  riche  cravate  de  soie  était  coquette- 
ment roulée  autour  de  son  cou ,  une  épaisse  et  longue  che- 
velure noire  descendait  sur  les  épaules  de  ce  bohémien  ;  ses 
traits  délicats  avaient  une  expression  d'audace  qu'on  rencon- 
tre rarement  chez  un  si  jeune  garçon.  Il  se  mêlait  peu  à  la 
conversation  joyeuse  et  bruyante  des  bandits,  mais  il  adres- 
sait de  temps  en  temps  quelques  questions  au  Gitano  ou  à  un 
jeune  honoune  faisant  partie  des  vingts-deux  et  assis  à  ses  cô- 
^«  ({ni,  à  en  juger  par  la  ressemblance,  devait  être  son  frère. 

—  Egta  pronta  la  cena,  nnores!  Messieurs,  le  souper  est 
prtt,  dit  la  Maritorne  en  s'approchant  du  feu 


Digitized  by 


Google 


IS2  imOIS  GHAPIIVES 

..^  Aicmarl  A  laUel  orièrent  une  doinsaîne  âeiFois.  Aqsbh 
Un  me  soppe  grossière,  Bonfllée  de  vin,  «est  étendue  sur 'la 
table  ;  deux  ou  trois  de  ces  .faommes  quittent  leor  «Mége  poiir 
aider  à 'servir  le  copieux  repas.  On  délivre  ausii  le  toarae- 
brodhe  de  sa  «prison  ;  il  gagne  le  dessous  de  la  table,  :âaiis 
Tespérance  d'attraper  quelques  brib^  du  festin  quil  avait 
aidé  à  préparer.  Les  TÎandes  sont  placées  devant  les  convives, 
)a4)anâe'allah1es  découper,  quand  un^homme  qui  était  resté 
en  bas  pour  garder  Fécurie,  entre  dans  la  salle  et  dit  quéW 
q«es  mots 'à  voix  basse  au  Gitano. 

'«  Des  'omiletiers  ^traversant  la  montagne ,  je  ^suppose ,  Të- 
penditle  chef  après  que  cet  homme  eut  fini  de  parler.— ^oicî 
Blas,  x^ontinua-t-'il,  qui  a  entendu  le  hennissement  de  chevam: 
eu  demtfles;  «ilcroitqu'ils  yiennent  de  ce  côté. — Retourne 
là-bas,  et  vois  si  tu  peux  découvrir  quelque  chose. *Mais-non  ; 
re^te;  j'irai  moinméme.  Si  ce  sontdesvojageurs,  il  sera  temps 
de  laisser  refroidir -notre  souper,  pendantque  nousferons  la 
visite  de  leur  bagage.  » 

'  Quittant  aussitôt  son  siège,  il  descendît  à  Técurie,  et 'les 
compagnons  commencèrent  à  attaquer  vive mertt  le  souper. 

Im  nuit  était  obscure;  cependant,  à  travers  les  déchire- 
ments d'un  nuage  moins  épais  que  les  autres,  la  lune  jeta  un 
faiible  rayon  de  lumière.  A  cent  pas  environ  de  Hiôtëlleriese 
trouve  un  ravin  large  et  peu  profond;  il  partage' la  phte-foraïc 
et  descend  d^un  pic  grisâtre  et  escarpé  qui  s'élève  précisémi^itt 
en  face  de  la  maison.  De  hautes  montagnes  couronnent  le 
côté  opposé;  pendant  qu'à  droite  le  ravin  "monte  et  disparattt 
parmi  les  crevasses  des  rochers ,  à  gauche  il  descend  vers 
leur  'base;  après  mille  détours,  îl  est  enfin  coupé  àiine  dis- 
tence'd^unquart  de  lieue,  rpar  l'espèce  de  sentier  à  troupeaox 
que  les  paysans  des  environs  appellent  improprement  'la 
gmnd'routeA  travers  les  montagnes. 

*Le  Gitano  s'avança -^sur  le  bord  du  Tavin  ^t  écouta 'atten- 
tivementpendant  quelques  instants. Hien  toutefois  nctrouMa 
le  silence  de  la* nuit,  si  ce  n'est  le  bruit  du  vent  qui  â'en- 
goufiraitdans  les  gorges  et  les  précipices.  *11  s'apprêtait àmau- 


Digitized  by 


Google 


DE  LA  TIC  DE  MAmTIH  DIEZ.  flS 

fine  les  redeUes  qai  rayaient  imitiiemcnDt  déraii96,'qQafnd  te 
hennissement  d'un  cheval  se  fit  entendre  dans  le  lainlain.'A 
rinstant  même,  on  bruit  semblable  lui  répondit.  Ce  bmit 
paraissait  venir  du  petit  sentier  que  traverse  le  ravin.  Le  Bo- 
hémien tressaillit  :  saisissant  latiranciie  d'an  wbiexpiix^roi»- 
ssit  snr.le  penchant  de  la  colline,  il  s'alloiit[ea*sur  KaMme,  at 
s'efforça  de  voir  ce  qui  se  passait  an^lessous  de  lai.  'L'ebsca- 
rité  était  si  grande,  qu'il  ne  put  rien  distingner  mi  delà  d'une 
cinquantaine  de  pas.  Les  objets  vas  aiasi'âe  haut  en  'bas  res- 
seoiblaieBt  à  une  masse  noire.  Un  ckat4uiaiit -s'enrôla  dn 
tronc  d'an  Tienx  chêne  ;  quelques  chjwvcsiMMiiîs  -vinrent 
voltiger  autour  de  la  tète  des  trois  fbandite;  mas,  à  «Ile 
exception  près,  ils  n'aperçnront  auoune  créature  vpvante. 
Tout  à  coup  la  lune  se  dégagea  du  nuage  derrière  ^lequel  die 
avait dispam,  et  éclaira  cetteseène d'un  feibhenrayon'de  lu- 
mière. Blas  toucha  le  bras  de  son  cfaef. 

a  Onkhol  un  loupl  dit-il  en  désignant  du  doigt  ipielqns 
ehose  qui  s'agitait  dans  l'ombre  an  fond  du  ravin. 

—Des  loups,  oui,  et  en  grand  nombre,  mais  non  de 
eeux  que  tu  penses,  d  répondit  le  Gitano ,  dont  l'œil  perçant 
venait  de  reconnaître  des  hommes  armés  dans  ce  que  son 
compagnon  avait  pris  pcntrutle  bdte'ftroee.  » 

1\  n'-y  avait  pas  un  moment  à  perdre,  que  ce  lussent  des 
Français  ou  des  Espagnols  qui  s'approchaient  ainsi  myst^ 
rieasement  et  en  irop  grand  nombre  pour  que  le  Gitano  son- 
gent i  les  attendre.  En  quelques  bonds  et  sans  bmit,  il  ga- 
gna r  écurie,  éta  le  licou  du  cheval  le  plus  près  de  la  porte, 
le  brida,  et  il  pensa  alors  à  ses  camarades. 

«  A  emallo!  muehaehos!  à  choral!  s'écria-i-ll,  à  <*hevall 
f  ennemi  est  près  de  nous!  » 

Ces  paroles  retentirent  dans  la  vieille  hôtellerie,  et  les  ban- 
dits se  précipitèrent  sur  leurs  armes  ;  mais  il  était  trop  tard. 
Gomme  le  premier  d'entre  eux  posait  ^le  pied»sur  le  seuil  «te 
l'écurie,  le  Gitano  et  tes  deux'vedettes,  montés  A^îoil  ras  sur 
leurs  chevaux,  s'élancèrent  à  travers  la,porte  :  donnant  alors 
de  l'éperon  dans  le  flanc  de  leurs  coursiers,  ils  franchirent 


Digitized  by 


Google 


121!^  TROIS  CHAPITRES 

la  plate-forme  avec  la  rapidité  du  désespoir,  et  plongèrent 
tête  baissée  dans  le  ravin  ,  qui  fut  un  moment  éclairé  par 
le  reflet  de  cinquante  carabines.  Dix  secondes  plus  tard,  le 
devant  de  rhôtellerie  était  occupé  par  Martin  Diez  et  sa  gué- 
rilla. Les  bandits  eurent  à  peine  le  temps  de  fermer  la  porte 
de  récurie,  qui  était  d'une  grande  épaisseur  et  garnie  de 
nœuds  en  fer,  contre  lesquels  des  sabres  et  des  carabines 
heurtèrent  avec  fracas. 

Plusieurs  sommations  restèrent  sans  réponse. 

«  Rendez-vous,  cria-t-on  aux  Gitanes,  si  vous  voulez  avoir 
quartier;  rendez-vous,  lorsqu'il  en  est  encore  temps;  car  si 
vous  vous  obstinez  dans  votre  résistance,  aucun  de  vous  ne 
verra  se  lever  le  soleil  de  demain.  » 

Un  coup  de  fusil  tiré  d'une  des  fenêtres  porta  la  réponse 
des  bandits.  Un  feu  nourri,  commencé  par  les  assiégés,  fut  vi- 
goureusement soutenu  par  les  guérilleros  ;  mais,  grâce  à  Tobs- 
curitéetà  l'épaisseur  des  volets  qui  abritaient  les  brigands,  il 
y  eut  beaucoup  plus  de  cartouches  brûlées  que  de  morts.  Ce- 
pendant quelques  soldats  espagnols  coupèrent  un  jeune  ar- 
bre, en  arrachèrent  les  branches  et  s'en  servirent  contre  la 
porte  en  guise  de  bélier.  Mais  plusieurs  d'entre  eux  ayant  été 
blessés  à  travers  les  ouvertures  pratiquées  aux  fenêtres,  Diez, 
qui  ne  voulait  pas  prodiguer  inutilement  la  vie  de  ses  com- 
pagnons, leur  cria  de  foire  quelques  pas  en  arrière. 

Ace  moment  même,  sur  une  esplanade  à  gauche  de  l'hôtel- 
lerie, paraissait  Mariano  Fuentes,  dont  la  bande  opérait  de 
concert  avec  celle  de  Martin  Diez.  Il  était  suivi  de  vingt 
hommes  et  de  trois  chariots  chargés  de  paille  pour  ses  che- 
vaux. On  plaça  les  chariots  sur  le  devant  de  l'auberge,  de 
sorte  que  la  paille  atteignait  les  croisées  du  premier  étage  ; 
puis  on  apporta  des  torches,  et  en  un  instant,  à  l'obscu- 
rité succéda  la  clarté  la  plus  vive.  Les  volets  et  les  châssis 
des  fenêtres  prirent  feu  comme  des  allumettes.  Un  cri  de 
terreur  s'éleva  alors;  la  porte  de  l'écurie  fut  ouverte;  les  dix- 
huit  Gitanes  sortirent,  mirent  bas  les  armes  et  demandèrent 
quartier. 


Digitized  by 


Google 


DE  LA  VIE  DE  MARTIN  DIEZ.  125 

Malgré  la  réputation  sanguinaire  qu'il  s'était  acquise  pen- 
dant les  sept  années  de  guerre  contre  les  Français,  Martin 
Diez  n  était  pas  un  homme  cruel  ;  il  ne  le  fut  pas  du  moins 
atec  ces  hommes,  qu'il  aurait  pu  faire  fusiller  sans  autre  forme 
de  procès,  tout  voleurs  et  bandits  qu'ils  étaient.  Il  préféra  les 
emmener  à  Valladolid.  Une  partie  des  guérilleros  leur  lia  les 
bras  derrière  le  dos  avec  des  cordes;  d'autres  s'empressèrent 
de  faire  sortir  leurs  chevaux  de  l'écurie,  tandis  que  Fuentes, 
suivi  d'un  troisième  détachement,  s'emparait  de  tous  les 
objets  de  quelque  valeur  que  Je  Gitano  et  sa  bande  avaient 
laissés  |dans  l'aaberge. 

Ayant  appris  que  le  Gitano  était  un  des  trois  hommes  qui 
s'étaient  échappés  à  cheval,  Martin  Diez  fit  peu  d'attention  aux 
brigands  subalternes  :  il  jeta  à  peine  un  coup  d'œil  distrait 
sur  ceux  qui  se  laissaient  garrotter  sans  murmurer.  Ce  coup 
d'œil  suffît  cependant  pour  lui  faire  remarquer  le  costume 
singulier  et  la  belle  figure  du  jeune  Bohémien  dont  nous  avons 
déjà  parlé.  Diez  fit  un  pas  vers  ce  jeune  homme,  et  appuyant 
la  main  sur  son  épaule  : 

«  Tons  êtes  encore  un  enfant,  lui  dit-il  avec  bonté;  com- 
ment se  fait-il  que  vous  vous  trouviez  déjà  parmi  de  tels  com- 
pagnons et  que  vous  meniez  une  si  mauvaise  vie?  Etes-vous 
fils  du  Gitano?  » 

Le  jeune  bohémien  avait  tressailli  en  se  sentant  toucher  le 
bras  :  il  regarda  Diez  en  face  avec  fierté  : 

«  Je  ne  suis  point  le  fils  du  Gitano,  dit-il  ;  mais  vous-même, 
qui  ètes-vous,  pour  user  ainsi  de  violence  envers  des  hommes 
qui  ne  vous  ont  jamais  fait  aucun  mal  ? 

— Vous  êtes  hardi  en  paroles,  mon  garçon,  répliqua  Diez  ; 
d'autres  à  ma  place  essayeraient  si  quelques  coups  de  cour- 
roie sur  vos  épaules  ne  rendraient  pas  muette  une  langue  si 
bien  pendue;  mais  je  ne  le  ferai  point  :  il  y  a  plus,  je  répon- 
drai à  votre  question.  Il  faut  bien  peu  de  paroles  pour  dire 
mon  nom  et  ma  qualité  :  je  suis  un  pauvre  guérillero  sur- 
nommé TEmpecinado.  » 

11  se  manifesta  une  curiosité  mêlée  d'admiration  sur  le  vi- 


Digitized  by 


Google 


126  TRBMB  CHAPITKE& 

saige  âtt.x«iiAe:homiaiB,Joi9qu'iI  entendit  ce  surnom,  q^  déjà 
oélèfare  atoTOiesEipagnev.  devait  rôtro  pbui  tard  dans  tout» 
l!Biuropew 

<!i  710  9oyeuna'  pêbpc'  Gitanckf  et  mû,  je  suis  une  pauvre  bo* 
hénûieonfiy  dit  le  j^we  bandits  9fiè&  un  momenide  silence', 
et;  Toii  m'appelle  IdiMortnade  M^daga. 

—  Une  Csnmel  jNin  Bi&s.l  s'écria  rEmpeebiado.  Airèiei  ^ 
4out»-t-il.  en.sladresaant  à  ceux  de  ses>  honunea  qui  appro* 
diaientavec  déS: cordes  :  unimarehé,. gentille Giianal  voulea*» 
voua  changer  de  conditiout  et  sutirre  r£mpecinado  au  lieu 
des  Gitanes?  Dites  un  mot,  et  votre  choral  et  vos  année  vous 
anoBt  rendiia*. 

—  Le  choix  n'est  pas  difficile,  à  âdre^  réjpliqua  la  bohé- 
mienne; celui  qui  aime  Tair  pur  des  montagnes, J'ombraga 
des  forêts,  le  gaWp  dan»  ht  plaine,  pourrait-4l  vivre  à  rombre 
dhuie  prison?  Qu'ils* fassent  sortir  mon  cheval,  seîior;  dite»» 
leur  de  me  donn^  mon  sabre  avec  ma  brillante  carabine,  et 
vive  l'Empecinado  I  » 

Alors,  avec  une  joie  presque  enfantine  de  recouvrer  sa 
liberté,  laGitana  s'élança  au-devant  du  cheval  ;  elle  fut  bien- 
tôt en  sdle«  . 

Les  guérilleros  se  disposèrent  à  partir.  Laissant  rhôtellerie 
en  flammes,  ils  eurent  bientôt  gagné  la  grand'route,  oh  un 
détachement,  de  leurs  camarades  était  resté  pour  garder  les 
chevaux.  Après  une  heure  de  marche,  la  Gitana  obtint  que 
son  frère  fût  débarrassé  de  ses  liens.  L'£mpecinado  était 
volontiers  galant  pour  les  dames,  bohémiennes  ou  non  ;  le 
frère  et  la  sœur  firrent  enrôlés  comme  volontaires  dans  la 
troupe,  qui  poujisuivit  sa  marche  vers  Valladolid. 

Plusieurs  semaines  s'étaient  écoulées  depuis  l'incendie  de 
rhôtellerie,  et  la  joyeuse  bohémienne  continuait  à  partager  la 
fortune  de  Martin  Dies,  dont  eHe  était  devenue  la  maîtresse 
aveuée.  Il  fout  avouer  qu'une  pareille  maîtresse  semblait  faite 
tmit  exprès  pour  un  ebef  de  partisans.  La  Gitana  elle-même  finit 
par  aimer  l'Empecinado  jusqu'à  en  être  jalouse,  et  sa  jalousie 
fiit  souvent  trop  justifiée» par  la^fialanterie  du  brave  guérillero. 


Digitized  by 


Google 


DE  Ué  ¥tB  HB.  HJUKOir  DIEZ.  iBI 

Von  la.  fin  de  TamiAe,  ayant  eti^ré  des  papiers  inpvtiifllt 
k  no*  coimner  firaagaisv  r£mpeeinado  se  décida:  su  les  pavioB 
laMoème  à  Ciiidadr-RodrigD  :  il  laissa  donc  sa  bamia  àcAH» 
et  lonnàsi  sans  lat  coiainriemejit  de  Viicnte%  efe  part^ 
uaoÊÊfasgBé  senkamit  de  la.  lyeèèmienne  et  de' son  firève.  M 
la  tDari^é»  de  là:  nnil^  ils<  atteignant  le  fimbourg  de  San^ 
Insnciweo»  qniecften  debaisdesmwaittsftdalaiplacie^  et&'ai»* 
létènat  dâaaiuiahiMetlerÎB.  L'Empeeinade  mit  pied' à  terrer, 
et  déclara  mm  intention,  d'entser  seal  à>  Ëii]dad*^i>dri0ei 
YfliiieawBt la habémienna insisiapour. raoeoiafxagoev,  sovp- 
geaaaal  qu'elle  anatt  li  quelque  rirale.  Sbit  que  ces  sonpç<mt 
fussent  fiuidésv  soôt  cpi'il  eût  d'autrea  raisons  pevr  tenir  à 
u'aroir  pevsanne  arec  lui^  rEmpeeiaada,  ftitigué  de  ses  im- 
portanités».  lui  ordonna  formellemenit  de  Tattendre,  et  il  se 
dirigea  seul  vers  la  ville,  promettant  de  revenir  avant  la  nuiti 
Itiis  il  avait  perda  dn  temps  dans  cette  altereatton  ;  aussi  à 
peine  fuârAl  entré  dans  la  nnuson  dagouveitiear  que  le  canon 
se  fit  euteudre^  les  ponts-levis  furent  levés,  et  les*  portes  fer- 
mées jusqu'au  maim. 

Après  avoir  entendu,  le  canon^  la  bohémienne  espéra  quel- 
qne  temps  encore  que  Diez  aurait  pu  remettre  ses  dépêches* 
avant  la  fenneture  des  portes  ;  mais  ne  le  voyant  pas  revenir., 
sa  jalousie  s'exalta  jusqu'à  la  fureur  : 

d  Le  traître  1  »  nmrmura-t-elle  entre  ses  dents,  et.elle  enfon- 
gait  avec  rage  dan»  les  panneaux  de  la  chunbre  un  petit  poi- 
gnard triangulaire  qu'elle  portait  toujours  sur  elle. 

«  Puissé-je  le  plonger  dans  soa  eœur  1  »  s'écria-t-elle.  Puk 
après  avoir  fidlli  suffoquer  de  sa  propre  violence,  la  sensî^ 
bilité  de  la  fennn^  iBprit  heuceusement  le  dessus  ;  sa  tète  se 
pencha  sur  la  table,  et  elleiondit  en  larmes* 

Son  frère  resta  quelque  temps  sans  lui  iaire  aueune  obser- 
vation, sans  même  essayer  de  la  consoler;  loraquîil  là  vît  un 
peu  plus  calme,  il  rompit  le  silence. 

«  Malbeureux  le  jour  et.rhenre,  dit*il,  oil  nous  avons- suivi 
œt  homme,  ce  Diez  I  Quel  benhenr  peut-il  arriver  à  ceux^  qui 
abandonnent  la  tente  de  Isaor;  \t'ûm.  pour  vivre  parmi  das 


Digitized  by 


Google 


128  TROIS  CHAPITRES 

étrangers?  Quand  le  Gitano  nous  commandait,  nous  obéis- 
sions à  un  chef  de  notre  race,  nous  vivions  au  milieu  de  nos 
frères  ;  mais  je  crains,  ma  sœur,  que  notre  sort,  le  tien  sur- 
tout, ne  soit  bien  triste,  tant  que  nous  resterons  avec  ce 
farouche  guérillero.  Je  ne  m'explique  pas  cette  passion  in- 
sensée qu'il  a  allumée  dans  ton  âme.  La  bohémienne  de  Ma-- 
laga,  l'orgueilleuse  fille  qui  a  repoussé  tant  de  soupirants,  qui 
a  vu  le  Gitano  lui-même  à  ses  pieds,  qui  a  refusé  d'être  sa 
fiancée,  est  devenue  la  concubine  d'un  étranger!  » 

a  Quant  à  lui,  continua  ce  jeune  bandit,  il  déclarait  ne  s'être 
joint  à  l'Empecinado  que  pour  se  soustraire  à  la  punition 
qui  l'attendait,  mais  qu'il  ne  l'avait  jamais  aimé.  Cette  occa- 
sion lui  paraissait  favorable  pour  rejoindre  leurs  anciens 
compagnons  ;  mais  il  ne  voulait  pas  en  profiter  tout  seul,  il 
fallait  que  [sa  sœur  l'accompagnât  dans  sa  fuite.  » 

Ses  raisons  et  ses  arguments  restèrent  sans  réponse.  La 
bohémienne,  le  visage  caché  par  ses  mains  et  par  ses  longs 
cheveux,  était  muette  comme  une  statue.  Désespérant  enfin 
de  la  convaincre,  son  frère  prit  le  parti  d'aller  se  reposer. 

A  une  heure  du  matin  il  fut  arraché  à  son  profond  som- 
meil. Sa  sœur  se  tenait  debout  à  côté  de  lui;  ses  joues  étaient 
pâles,  ses  yeux  brillaient  d'un  éclat  extraordinaire. 
«  Lève-toi,  dit  la  jeune  fille,  et  selle  les  chevaux.  » 
Le  bohémien  ne  savait  comment  expliquer  cet  ordre;  mais 
habitué  à  l'obéissance,  il  se  rendit  à  l'écurie.  En  quelques 
minutes,  leurs  chevaux,  aussi  bien  que  celui  de  l'Empeci- 
nado, furent  prêts.  Le  jeune  fuyard  n'oublia  point  d'accro- 
cher à  la  selle  de  ce  dernier  animal  la  valise  de  son  chef, 
contenant  près  de  quatre  cents  onces  d'or.  Les  chevaux  sor- 
taient de  l'écurie  lorsque  la  bohémienne  parut,  et  s'élançant 
sur  le  sien,  elle  partit  au  grand  galop,  suivie,  â  une  distance 
de  cent  pas  environ,  par  son  frère,  qui,  d'après  l'étrange  dis- 
position d'esprit  dans  laquelle  il  la  voyait,  n'était  guère  pressé 
de  lui  avouer  le  vol  qu'il  venait  de  commettre. 

Ce  matin  même,  dès  que  les  portes  de  Ciudad-Rodrigo 
s'ouvrirent,  l'Empecinado  s'achemina  vers  le  faubourg  où  il 


Digitized  by 


Google 


DE  LA  VIE  BE  MARTIN  DIEZ,  129 

arait  laissé  ses  compagnons.  Sa  surprise  fut  grande  quand  il 
apprit  leur  disparition  ainsi  que  celle  de  sa  valise.  L'auber- 
giste ne  put  lui  donner  aucune  explication  à  ce  sujet.  Il  lui 
dit  seulement  qu'ils  avaient  pris  la  route  de  Alba  de  Tonnes, 
et  qu'en  les  voyant  partir  il  avait  supposé  qu'ils  allaient  re- 
joindre la  troupe.  Dans  son  dépit  et  sa  colère,  l'Empecinado 
s'arrêta  A  une  mauvaise  pensée  contre  un  de  ses  frères  d'ar- 
mes ;  il  soupçonna  Mariano  Fuentès  de  lui  avoir  jenlevé  sa 
maîtresse.  Il  se  rappela  son  assiduité  auprès  de  la  Gitana, 
lears  fréquents  entretiens  à  voix  basse.  Fuentès  était  un  beau 
et  fringant  cavalier,  aux  manières  franches  et  agréables,  plus 
capable  peut-être  que  Diez  lui-même  d'obtenir  les  faveurs 
des  femmes. 

Diverses  circonstances  se  représentèrent  encore  au  sou- 
venir de  l'Empecinado  et  achevèrent  de  confirmer  ses  soup- 
çons. Il  retourna  furieux  à  Ciudad-Rodrigo,  et  confiant  au 
gouverneur  ce  qui  lui  était  arrivé,  il  lui  demanda  un  cheval 
et  un  soldat.  Quelques  minutes  après  il  repassait  devant  l'hA- 
tellerie,  se  dirigeant  vers  Alba.  Dans  cette  ville  plusieurs  de 
ses  hommes  qui  jouaient  au  cane  lui  apprirent  que  Fuentès 
était  logé  dans  la  maison  de  l'intendant  du  duc  d'Albe.  Diez 
traversa  les  rues  au  galop,  laissant  bien  loin  derrière  lui  le 
soldat  qui  l'accompagnait,  et  arriva  devant  la  maison  de  l'in^ 
tendant.  Il  gravit  aussitôt  l'escalier,  et,  un  poignard  d'Alba- 
céte  (1)  à  la  main,  il  se  précipita  dans  la  salle  où  se  trouvait 
Fuentès  en  compagnie  de  plusieurs  autres  personnes. 

«Traître!  s'écrie-t-il  d'une  voix  tremblante  de  colère, 
traître  1  où  est  la  Gitana? 

—  Je  ne  suis  point  un  traître,  Martin  Diez,  répondit 
Fuentès  avec  fermeté,  mais  avec  un  calme  admirable;  quant 
à  la  Gitana,  vous  qui  en  avez  fait  votre  page,  vous  devez 
mieux  savoir  que  personne  ce  qu'elle  est  devenue.  » 

L'Empecinado  fut  frappé  de  la  modération  que  Fuentès 

(l)La  ville  d'Albacète  est  renommée  par  Veicellenlo  qualité  de  ses 
poignards,  comme  Tolède  pour  eelle  de  ses  épées. 

5*  SÉRIE. — TOME  XI.  9 


Digitized  by 


Google 


l&ettait  à  lui  répMidbpe  leraqu'il  Vavaifc  ÎAlerpeHé^  fnm-  ht 
çiMi  aussi  injorieuse.  Se»  soupçona  se  dtBnyèrôtit  ansdl  wilm 
91'ite  9'éUûeiii  fonné».  Lai96aii4i  tonber  90it*  smtef^  H  m  jetf» 
daa»  les  bra»  de  sob  cam^ade,.  liii  doMandr  pardiMy  et  lifld 
laeoBte  le»  événenteiito  de  lu  nuit  En  terminaiit  sdn  véaity^U 
déelare  «yi^ili  est  bien  décidé  à  ae  v<MMirexcki9itemeBfcàtki 
poorsuiie  de  son  infidèle.  Cette  vésoluAîo»  esè  viiiemeat  eMft> 
battue  par  Fuentèâ.  UIuiieprâsenteFaHéundité-d^iineiiareilIfe 
expédition  àia.doB'Quichoite^datt»  l'étatacturi  db  TBapagne^ 
lorsque  suvtout.  le»  fti^fe  ^0%  nti»  ai  ^ande  aRKàvcrt  «1 
^on  ignore  la  reuHe  qiai'il»  Mt  pvise  Li»»«iii#reB  penoano 
purésente»  se  joignent  èFuenti&ss;  ellesi  aappUeniBietf  àa^wat 
point  sacrifier  la  cause  de  son  pays  à  des  motiCs»peiBoaiieb 
Atts&i  puéril».  On  &'adffe9saît  à  ua  hoBUBcr  éfnib  patriottsme 
tfdeni.....  L'Empecinado  se  rendit  à  leurs  raisoABy  et  le  joor 
suiva»!,.  la  guérilla-  quitta^  Alba  poun  fleldurnef  sur  les  bonds 
du  Douro.  Les^succà»  de  TEmpecinado  finieenbpaff  attirer  aé- 
jrieoBement  rattentiom  des  g^éraus  firan^i»  sur  ce  dlNig0ve«x 
.partisan^  Presque  toute  la  cavalerie  qu'ils  avaient  daM  la 
vieille  Castillc  reçut  l'ordre  de  se  disigar  ver»  les  plaines  du 
Douro  pour  lui  donner  la  chasse.  PendanI  q^oelcpie  tempa 
Biez  put  se  soustraire  à  la  poursuite  de»  Fsaaçaisv  A  ia  fin 
cependant,  rencontré  par  treis^  cents*  hommes  de  eavalesie 
légère  dans  le  voisinage  de  San^Bomingp  de  lot  Calnadg, 
a^ès  avoir  bravement  seutenui  le  ehoc^  il  se*  vit  forcé  de  ae 
retirer  dane  Lafrmotttafpies^de  Burges.  Le» Fraudai»  n0  vouAl- 
vent  point  L'y  piHwsuîisTe^  mai»  il»  ceatiaudrent  à  balayer  le 
pays  qui  borde  le  Douro  :  telle  fiil  leutf  actiMiliéy  qu'il  était 
impossible  aux  gncBiUas  de  quittef  leur  refafir  dans  les  mon- 
tages ou.  de  s'aventurer  dans  les  villes.  A  Gaetrillo,.  la  mère 
et  les  parents  de  l'Empecifiado  forent  bhs  en\  priean^  On  uaa 
de  la  même  sévérité  à  Bnnt  enver»  le»  amie  dfrMariaAo*  Fnea- 
tès.  Uae  récompense  de  2av000  feaiie»fut  enfin  pifomisei  celui 
qui  livrerait  l'Empecinado  mort  ou  vif. 

Ltï  jour  que  Diez^  Fuentès  et  leurs  soldats  faisaient  halte 
sur  le  plateau  de  la  montagiM3  A^  Embital  de  Leima,  cpù  do- 


Dégitized  by 


Google 


DE  LA  lOBT  aa  MAAVHF  BIEZ.  |8I 

lîktpHdbrratterde  MbAbh^  îh-nisn*  i'ÉnHmU«f  à  tnvè 
rttKMipe'dttyiii||lt«niq:lioiiin«8  à»eii«faA 
r  cwhDOMMB  Imntpibft^prâB^dfaaaE;,  lie»  gmiiinënisles 
I  séksÊTB  *;  9mr  hmm  qnfîhi  tesMi  adteiraMi»*^ 
mtaÊm»9àé9^  aolBé9^Jh*n'»mIdlancaaoolfÉced^Imiffe^^ 
ynmtti  éJm  k»  BoooMuittne  amw qnriquosmi»  de  ans  «empat 
poiM^,el  il  Mtaiéna'liinitM  ame  IsttétfangvrSi  C'étaiwit  dtM 
9a;^^vs^i'K!^eInBanidé  VAndahNnie. 

IcB  ■— iiiiMiir  veowHf  mèrenlE  frietfà  lleiwi  ApnèwavroH-^pm 
iBm]paBfcdwtm«Jbi0Hpr(wti9M9<fMrl<nr  ottranml^  kas^^eril* 
leros,  ils  répondirent  aux  nombreuses  queali^M^ipiUenp  fweiit 
afawi8%.flm  «BBqniîlB  9»matttv^d^mê  kivr rmite'elaiir'rétat 
dsiai^nritt  dana  VÂnààSaoÊm,  ttdifenti  entre- aattm»  oAomb 
ifg  Aii8.hiLa«BMMHdftBD«itt  wmt  tro«p»dte*la  cayatero  i^- 
lépdite»,.  camnaKlée  pair  le  fiîÉM»*,  a^ait  emaaûw  dk» 


cCek  iBiL  i|a(hiiilBU«  omyiin^  ajimla  te  onvratear  de'  h 
4BmifR  IL  eafi  tqé  ifiidil  attiMpie  prafoifr  Im  FVaaçais^  man 
seulement  lorsqu'il  est  trois  fois  plus  fort  qu'eux,  et  encore 
«vb:M#4  i|DiB>p0iir  cBialttvnYéritaMe>pPorfil86iiMiv  ^iest 
celle  de  voleur  et  d'assassin. 

— SnoE-iwas  iiud^OBchcaî  dfwiajeiiiiefilte  qUiPaccom- 
pagnait  autrefois,  demanda  Fuentès  ;  celle  qu'ils  appelàtenl 
^JfcnnaidK  Malaxa? 

— Oai^  iBcmoBotr  aipowiilt  ïétenger;;  il  persA  qii^èllë 
iÊÊÊm  aataar  kai  naâ»  dés  BapagmiitivU.  f  w  tran  ou  qualVe 
■■îremBOiB;  c'élailleiwdtvaM  «xcninibiv  cpie  le  &iiam»  tenta 
dtan  la  CastiUfti  el(  quit  ftift  aa  firtate >  i  ae9  eiwnimgiMHis  ;  eat 
saKoè  praiviareiili i  se- sanveraveo  Ibr.  L»  Bohé-*- 
eteattafiris^aRrmtwpoBaidaivl^AiMlbtiMaie  sainnine 
ik  pn  pié^  aurni  norias  dépaariL  ft  paKaAi  qu'ella  9faî%  été  la 
«atlaean:  tfinr  oAineii  de  tai  tiiMpa  foL  a^t  siirpria  fé-  6f- 
fano;  à  la  suite  de  quelque  altaacoMÉin'  anUre  eus,  eireédhift 
il  rnotmai  ém  ceMKracai  logabiiade^  elte  déserlaH  se»  atiiânt 
aifSHaîhaqojiBdBvafttBiiiaai:  i  ffaf psbaito  éfo  eaaipement  des 
iriinMi^  iw|l  uwÉBlifc.  li iiii  I  Brtwinaiid#caa!M»at gttife«e  deffetti- 


Digitized  by 


Google 


132  TROIS  CHAPITRES 

chef,  qui  n'avait  pu  se  fiaire  agréer  d'elle,  la  malheureuse  en» 
yoya  son  frère  pour  préparer  sa  réconciliation:  le  Gitano  feignit 
d'être  charmé  de  ce  retour,  et  il  voulait,  dit-il,  aller  lui-même 
au-devant  de  la  fugitive  repentante;  il  le  fit,  mais  il  rentra  seul 
sous  sa  tente,  apportant  une  valise  pleine  d'or  sur  sa  selle.  Le 
jour  suivant,  un  chevrier  trouva  le  cadavre  de  la  Morena  et 
celui  de  son  frère  au  fond  du  lit  desséché  d'un  torrent.  La 
mort  leur  avait  été  donnée  par  trahison,  car  leurs  sabres 
étaient  encore  dans  le  fourreau  et  rien  n'indiquait  qu'ils 
eussent  résisté.  La  Morena  avait  le  sein  gauche  percé  d'un 
coup  de  couteau.» 

Parmi  les  auditeurs  de  l'étranger  se  trouvait  l'Empecinado. 
En  apprenant  le  lâche  assassinat  de  celle  qu'il  avait  tant 
aimée  et  qu'il  regrettait  encore  malgré  son  abandon,  il  se  leva 
brusquement  et  se  promena  quelque  temps  le  long  de  la 
montagne.  Quand  il  revint,  ses  traits  ne  trahissaient  aucune 
émotion.  Il  était  peut-être  un  peu  plus  pâle  que  de  coutume, 
et  l'on  voyait  une  ou  deux  gouttes  de  sang  sur  sa  lèvre  in- 
férieure. 

«  Encore  un  verre  de  vin,  mes  amis,  »  dit-il  aux  voyageurs 
qui  se  disposaient  à  partir. 

Les  montagnards  burent  à  la  santé  et  aux  succès  des 
guérilleros. 

«  En  arrivant  dans  votre  province,  dit  le  partisan  d*une 
voix  rude  et  perçante,  dites  à  vos  compatriotes  que  vous  avez 
mangé  et  bu  avec  l'Empecinado.  Dites-leur  que  ses  soldats 
ne  sont  point  des  voleurs  comme  voudraient  le  faire  croire 
les  Français  ;  mais  de  braves  gens  se  dévouant  pour  l'indé- 
pendance de  leur  pays,  et  sacrifiant  à  ce  noble  but  leurs  affec- 
tions privées,  ainsi  que  leurs  inimitiés.  Il  ne  faut  point  trom- 
per nos  amis,  ni  laisser  nos  ennemis  se  réjouir.  Cette  guerre 
finira  un  jour  :  on  verra  alors  que  nous  n'avons  oublié  ni  nos 
affections  ni  notre  vengeance.  » 

On  était  en  1816,  et  la  paix  venait  d'être  encore  une  fois 
rendue  à  la  Péninsule.  Le  patriotisme  espagnol,  puissansment 
aidé  par  le  courage  et  la  discipline  des  troupes  anglaises  et 


Digitized  by 


Google 


BE  LA  VIE  DE  MARTIH  DIEZ.  133 

rhabileté  de  lenrs  généraax,  avait  repoussé  les  légions  de 
Napoléon  an  delà  des  Pyrénées. 

Par  une  après-midi  d'été  de  cette  même  année,  six  ou  sept 
personnes  se  trouvaient  réunies  dans  la  salle  commune  d*un 
petit  cabaret  sur  la  route  de  Madrid  en  Andalousie.  La  corn» 
pagnie  était  présidée  par  le  cabaretier  en  personne,  petit 
homme  réjoui,  à  l'abdomen  proéminent;  on  ne  l'appelait  que 
El  Gordo,  sobriquet  très-expressif  qui  signifie  Le  Gras.  Les 
antres  membres  de  cette  société  paraissaient  être  des  habitués 
de  la  maison,  paysans  et  artisans  du  village  voisin.  Ils  écou- 
taient avec  un  grand  intérêt  des  histoires  de  la  dernière  guerre 
racontées  par  un  voyageur  qui  attendait  pour  continuer  sa 
route  que  la  grande  chaleur  du  jour  fftt  passée. 

Le  voyageur  était  un  homme  d'âge  moyen ,  aux  formes  athlé- 
tiques, mais  d'une  physionomie  peu  prévenante.  Quoiqu'il 
n'eût  rien  de  militaire  dans  son  air,  cependant,  à  croire  ce 
qu'il  racontait,  il  devait  avoir  servi  pendant  la  guerre  ;  il  se 
faisait  le  héros  de  toutes  les  aventures  surprenantes  dont  il 
anrasait  ses  auditeurs  attentifs.  Au  milieu  d'une  de  ses  plus 
merreilleuses  histoires,  un  cavalier  s'arrêta  à  la  porte  du 
cabaret;  il  demanda  s'il  pourrait  avoir  des  rafraîchissements 
pour  lui  et  pour  sa  monture.  Sur  la  réponse  affirmative  de 
ïhMe,  il  conduisit  son  cheval  à  l'écurie.  Ce  ne  fut  qu'après 
avoir  pourvu  aux  besoins  du  fidèle  animal  qu'il  entra  dans  la 
maison.  Aussitôt  l'aubergiste  tira  de  la  poêle  quelques  tran- 
ches de  jambon  garnies  d'œufs ,  et  les  plaça  sur  une  petite 
table  avec  un  pot  de  vin  et  du  pain.  Le  cavalier  fit  honneur 
i  ce  repas  avec  l'empressement  d'un  homme  qui  venait  de 
loin  et  qui  avait  longtemps  jeûné. 

Les  voyageurs  en  Espagne  ne  restent  jamais  sur  la  route 
pendant  la  grande  chaleur;  ils  se  mettent  en  marche  de  très- 
eraod  matin  et  ne  s'arrêtent  que  fort  tard  ;  mais  ils  ont  soin 
de  consacrer  au  repos  six  ou  sept  heures  pendant  le  milieu 
du  jour.  Toutefois  le  nouveau  venu  possédait  un  de  ces  tem- 
péraments de  fer  qui  résistent  également  à  la  chaleur  et  au 
froid,  à  la  pluie  et  au  soleil.  11  avait  quarante  ans  environ 


Digitized  by 


Google 


n» 

nait  encore  un  air  de  jeunesse,  «t  e«  «b  voyait  pas  «n  «ail 
fàiww  Bl<uii«el4)Mi  :gaisidftiisraaieheM^diBnB<étaa  nmoalache 
A»ve«..S68tvïMeaBatstèiaittDtefliisil'i]iiiiMvgeDift.  GBpandoflt 
yriqae  obMeidUndéfintsBaÉiledaiisibMite  «a  iperawane 
l|ttutle«aldidtetil'iht«tteJiabitaaéÉ  coHHHMler. 

:i(]nè6cav»ir«enKi  son  lUàte^  kt  oabanatier  f  eliranm  m 
0Oin{Migme  ^u'il  imnii  ide  i^oitter.  Iub  l>iifi  râi  de  la  I 
Mnh  pârfeHQoaat  laliàéifaiâaiigHedb  nanotten-.  iAon, 
•fuHl  «Il  dédbtré  9ie  pounair  ipos  ssiariétar  fdus  imigtempa, 
•fiMoiide  fiamifll il  le  (flàQMer;à  racoater mfxire  «iie  Ae^wm 
tmeoÊnatB.  CoU^dà  nonferaialt  ide6>détafife  si  extcaorfimms» 
qu'elle  ébranla  éaiorédulùbé  des  na«fe  ^payeaiH.  jPhis  .d'une  Mb 
-àuMλ  l'étranger  rfétonrm  les  fenc  ide  son  cUanrfmvirv^eter 
des  ncsg»rdsifiMAqtte(peM>mé|)nni^  dâos  -la  idireotiiin  ëan  bat- 
inand.  «Ce  dernier  ttermina  enfin  MnhiaiQtre^  et,  nefitanti^ 
neheval, 'cpiitta  IHiAtellerie.  dLes  pa^^sans^siiivireiii  fcioBlôt  sm 
exeniple;  l'étranger  poakn  sevl  si^c  Tikète. 

a  Vetre  Seigneurie  s'ieaft  mise  en  roule  .par  mu  tampa  i 
dhaud  «ft  bieii  altécant,  tiit  £1  fiocdo  en  cempliaBant  le  ^ 
4kl  voyageur.,  et  en  jetant  un  coup  d'oeil  sur  «es  vèleiiicBiÉB 
«couvents  ée  poussidne.  Vous  amrieGE  mieux  fiiit  m  ,  ee 
ie  digne  pereonnage  qài  vient  de  «'éloigner,  tsus 
.|)8ffti  de  tauBtUenre  heune  et  arrrvé  plus  lÀt  Les  -arkires  * 
•  Arop  Tares  dans  Qotre  pays  ipiour  qu'une  course  ;i  VÊàdi  noât 
•agréable. 

«—V  .ouB  avez  f»eu4-étre  caîaeni,  répendit  .llautse;  si  j 'aurais 
Rgi  commua  »om  rdiies,  j'en  saurais  pfobâbkment  plus  toqg 
des  aventures  de  votre  coaiemr ,  quÂ,  A  len  JMger  par  «e  i^iae 
j  (Si  entendu^  4oit  i)imi  mloir  /la  ^i»e  •d'èice  •àseuté. 

-^ie  sms  ^anooë  <|ae  ce  «sdit  là  re|hni6a  4e  Yotne  fi»- 
igneirie,  peptât  l'kAte  avee  son  isontine  iiabilueL  II  eetanw 
•^tiiil  attonge mu <peu  ie  wécél; «nais <est4einattièpe4e  raoanttir 
.M  assez  bonne  fieur  moi ,  «et  je  suis  toujoi»  ^oatfteni  iga^trl 
:U  passe  4^  id.  Les  gens  4fe  netne  vùHage  arrivent  par  doai 
SEaiee]poRv«AleRdreseslâatoÉrea;<3ar,  après  qwlquos  rasades. 


Digitized  by 


Google 


BE  LA  V»  Hi  m^fOUIf  DIEZ.  tM 

£t.aviBc  ittu  i0eslej»y6itt  £1  Kiordo  bti^ifA  id'aœ  onain^iir  le 
Aanc  alors  vide  de  Toutre,  et  de  llanlne  aar  la  latoadîfté  A  te- 
qMfllle  U^denraii  aoa  «mtmvu 

c  £i  igwl  ^Bsi  Q»t  th^nam» ?  «demmda  Téteaiif or  ditn  idr 
indifférent.  —  A-t-il  réellemenjt  «0iwî  <p€iii4aQlt  la  ^uance  ? 

—  Servi  et  mm  laecvl;  de  &it  est  <quUl  a  lOOfunMttdé  «ne 
bande  de.jpipiniUaroSf  let  pill  a  iw  ^ar-ci  fiainlà  (peJ^jiea^s- 
pFWoafibes  )a«ac  -{es  Ftim^aÂi.  ie  d^ule  tcep^ndaot  ^'11  lai 
aiH  jaiaaiB  obancliés.  JU  •peA2#i«l)attait  vol(M|tiw^.^i}iie  laraQii'il 
avait  la  perspective  d'un  riche  butin.  Si  les  Français  ne  kli 
aafawuiisaiQBt  {M(s  lleoqa^ion,  il  lûHait  tonaieeitK  4a!il  xtn- 
cofiisaft,  £^p«lgnels  anautses.  En  Andalousie,  oa  caoonie  léa 
loi  des  'Chosea  ifud  v#ii6  ifor^ent  dpesaer  les  cbeveiiK  aw*  la 
Uie.  0  est  ceitain  (^'il  s'^st  vii  pliis  d'une  fois  .pourohaadè 
par  aosiroupes^ans  )e  4aai|is  de  la  guerre-;  maîsâ  la  fMMk 
OB  a  accordé  une  amnistie  géoécale,  et  alors,  oonuae  bea»* 
Map  d'aulres  nanirieaSy  il  est  devenu  boomôle  bocune.  Main- 
tfiaaiit  il  ^t  tovjOiKs  en  roUfte,  et  l'on  prétend  qne  «sas 
vajilgfls  4*iiu0mnteirf  pas  JM^uconples  Tovennsde  6a  ttbi'' 
jesté. 

-*Soa  Aon?  demanda  vivement  Téteaager^ 

-*Soo  vrai  ncun?  ^  oe  l'ai  jamais  cenAU,  seuat,  ifépoaâît 
Je  cabareti^y  surpris  de  rinténrôt  que  manifestait  ^0Mdaia  la 
voyageur.  £1  Giiano  est  celui  qu'il  a  toujours  porté,  «ar  il  •ert 
de  lace  bobémiani^e,  et  voa  le  dit  -chef  d'4iuae  tribu.  s> 

Ces  paroles  étaient  à  j^eioe  |)rooioHcées  que  rétraxvger,  H^. 
raat  lui  à:u  4e.sa  pocbe,  le  jeta  ^ur  la  table.  Avant  qiie  ThÀta 
fàt  revenu  de  son  étoonemeoi,  il  sortait  4iu  Qaiof^  mooté  <^ar 
OBi  «cheval  noir  d'^uie  grande  vigueur. 

41  C  est  étsaajge!  dit  ]E1  Gardo  en  le  suivant  des  yeux^  il 
est  venu  4u  côté  4u  nord  ei  il  retourae  v^rs  :1e  nord.  Après 
tant,  «e  n'eot  pas  mon  afiaire  ;  c'est  vjx  djgae  bomine,  car  41 
paye  biea.  ^  -] 

la  wjf^gWT  suivait  la  même  direction  que  le-conteur  d# 


Digitized  by 


Google 


136  TROIS  CHAPITRES 

tout  à  l'heure.  Malgré  Theure  d'avance  que  celui-ci  avait  sur 
lui,  il  aperçut  le  Gitane  au  moment  où  il  commençait  à  gravir 
la  montagne  que  traverse  la  route.  Après  dix  minutes  de  ga- 
lop forcé,  il  l'atteignit  enfin. 

«Vous  êtes  le  Gitano?»  demanda  brusquement  le  cavalier. 

Le  ton  et  la  manière  dont  cette  question  lui  était  adressée 
ne  rassura  guère  le  Bohémien. 

«  Je  réponds  à  ce  nom,  dit-il  d'une  voix  faible. 

—  Lâche  assassin  1  s'écria  l'étranger;  souviens -toi  de 
la  Morena  de  Malaga  et  prépare -toi  à  mourir,  car  nous 
sommes  seuls  sur  la  crête  de  la  montagne  et  je  suis  l'Empe* 
cinadol» 

Le  Gitano  trembla  comme  un  oiseau  devant  son  terrible 
ennemi;  mais  son  instinct  de  ruse  et  de  trahison  ne  l'aban- 
donna pas  dans  ce  moment  décisif.  Par  un  mouvement  rapide 
et  assuré,  passant  les  rênes  dans  sa  main  droite,  de  la  gau- 
che il  tira  un  couteau  de  sa  ceinture  et  en  porta  un  coup  vio- 
lent à  l'Empecinado  ;  mais  ce  dernier  se  tenait  sur  ses  gardes  : 
saisissant  la  main  du  Bohémien  dans  la  sienne,  il  la  serra 
avec  tant  de  force  que  les  doigts  s'ouvrirent  involontaire- 
ment; le  poignard  qu'ils  tenaient  tomba  à  terre;  à  l'instant 
les  épées  se  croisèrent  et  le  combat  commença. 

Quoique  le  Gitano  ne  fût  pas  un  homme  courageux,  il  sa- 
vait dans  l'occasion  cependant  montrer  de  l'audace  et  du 
sang-froid.  Forcé  de  se  défendre  dans  cette  circonstance,  il 
prouva  qu'il  n'était  pas  un  ennemi  à  mépriser.  Toutefois, 
pendant  qu'il  ne  songeait  qu'à  parer  les  coups  terribles  de 
l'Empecinado ,  et  à  épier  le  moment  de  les  lui  rendre  avec 
succès,  il  ne  sut  pas  se  garantir  d'une  antre  espèce  de  danger. 

Ce  point  de  la  route  était  le  plus  large  et  le  plus  uni  qu'il 
y  eAt  sur  le  côté  de  la  montagne  :  à  gauche ,  le  terrain  obli- 
quait graduellement  vers  une  hauteur  considérable ,  mais  i 
droite  il  y  avait  un  affreux  précipice  de  près  de  trois  cents 
pieds  de  profondeur  qui  dominait  une  riante  vallée.  L'Empe- 
cinado poussa  rapidement  son  adversaire  vers  cette  pente. 
Le  Bohémien,  sans  y  penser,  retint  les  rênes  et  fit  ainsi  re- 


Digitized  by 


Google 


DE  LA  TIE   DE  MARTIN  DIEZ.  137 

Ciller  son  cheval.  Soudain  l'Empecinado  donne  de  l'éperon, 
et  s'élançant  sur  son  ennemi,  il  lui  porte  un  coup  violent  sur 
la  tête.  Celui-ci  pare  avec  peine,  et  en  ce  mom  le  pied  de 
son  cheval  commence  à  glisser  sur  la  crête  du  précipice.  Corn** 
prenant  alors  le  danger  qui  le  menace ,  le  Gitano ,  avec  une 
agilité  extraordinaire ,  saute  en  bondissant  de  sa  selle.  Au 
même  instant  le  malheureux  animal  roule  dans  le  gouffre,  et 
va  se  briser  contre  les  rochers  et  les  pierres  an  pied  de  la 
montagne. 

Hais  la  position  du  Bohémien  était  des  plus  critiques.  Lors- 
qu'il s'élança  à  terre ,  les  jambes  de  derrière  de  son  cheval 
avaient  déjà  dépassé  le  bord  de  la  pente ,  et  l'effort  qu'il  fit 
mk  dégageant  son  pied  des  étriers  ne  fut  pas  assez  puissant 
pour  le  jeter  sur  la  route  :  il  resta  donc  suspendu  sur  le  pré- 
cipice, dont  la  crête  arrondie  et  oblique  n'offirait  à  ses  pieda 
qu'un  point  d'appui  glissant.  Force  lui  fut  de  se  servir  de  ses 
mains  pour  saisir  quelques  rares  poignées  d'herbe  et  de  ga* 
zon  que  produisait  la  terre  du  rocher.  Ces  herbes  se  brisaient 
dans  ses  doigts  ;  il  en  prenait  d'autres ,  qui ,  après  l'avoir 
leurré  d'un  faux  espoir,  se  brisaient  à  leur  tour.  Le  misérable 
vit  bientôt  que  son  heure  venait  de  sonner. 

L'Empecinado  avait  rengainé  son  épée  ;  il  regardait  d'un 
air  sombre  le  Gitano,  dont  les  traits  contractés  par  l'horreur 
de  la  mort  avaient  pris  dans  son  agonie  une  expression  qui 
n'avait  plus  rien  d'humain. 

«  Miséricorde ,  sefior  1  s'écria-t--il  ;  grâce ,  grâce  1  et  puis- 
sent Dieu  et  les  saints  vous  assister  à  votre  dernière  heure  I  » 

Il  y  avait  quelque  chose  de  si  horrible  dans  l'accent  qui 
accompagnait  les  paroles  de  cet  homme  au  désespoir,  qui 
allait  mourir ,  que  l'Empecinado  dégagea  son  pied  droit  de 
Fétrier  et  fit  un  mouvement  comme  pour  descendre  de  cheval 
et  aller  secourir  son  ennemi.  Si  telle  fut  son  intention ,  elle 
arriva  trop  tard. 

«  Malédiction  Id  s'écria  le  Gitano  au  moment  où  la  dernière 
poignée  de  gazon  échappa  sous  ses  doigts  crispés  et  couverts 
de  sang. 


Digitized  by 


Google 


VMmpemmàà^  écouta*  Au  amlieu  4u  .calme  ^esto  à!wèe 
4iâda.&oirée  4'^é,  .vu  bruit  aourd  vint  frs^per  «on  4u?eiUe  .al^ 
ieiAkte.  U  te r.cna  la  «tète  de  son  i)beY.al  vfics  Je  juoinI  et  «'éla^ 
jfiaa  Jeatfweiil. 

Le  matin  ja  deiatinatioA  .ÀUit  t'AadaleHftie  ;  ma»  il  n'axais 
l^his-diBjraisoBs  pouf  jpMtff uivre  «(N)  va«i^;;  il  awit  atteîiit 
fbon  Jbvyi»  .la  Mo]Be«(a4e  Malaga  était  mughe. 

ni. 


L'attda«e<de  rSo^pecMiado  eemptait  4tiiseBM«it  .le  nombce  4^ 
lues  teunemis^  la  «apidité  de  «es  moweaneat»  éqwfalait  â  «uaa 
jèUfuété  yéntable,;  on  pouvait  cpoire  f)arfeiB  ^41  y  aurait 
guntre  £mpeoiii«dk>s  ,au  tteu  «d'un,  aotàwfi  aussi  que  quatre 
tondes  diffàrautefi  lattaquaicat  le  même  jour  sous  «es  onlraa^ 
LtdB  Fi-auçaifi,  «après  Tavoir  vaiuement  poursuivi  ^pendant  wm 
imuée.,  se  décÂdèreiit  à  fiaire  an  deraier  effort  f^our  se  déha»- 
tasser  d'^Mi  ipartiaan  si  inoommode.  Desibalailloas  et  des -a»* 
cadf'Oas  furent  ^envoyés  simultaaémant  .coatro  lui  de.Soria,ii# 
la  Rioja ,  de  Vittocia  «t  d'auioes  liaux.  L'ËinpeiQiaaidto  -eoê^ 
ji^gea  «}OA¥«iiat)Ie  de  dispacattf e  ^fteadan^t  ^[ueLpie  tenqys::  il 
d^psFsa  sa  iroupe  par  dotacifeemients^de  Jj?ois  ou  qusilveiioa^ 
•  mes,  leur  oi^lonoaat  d'aller  ijolndoe  Msunafio  iFu^ntès  <dans^ 
province  de  Palencia,  et  lui-méipe,  a^ec  ^Hkq  Gompagaaas 
dévoués,  il  f>esta  eaobé  au «vifiage •d'Ootorio dd  P4aar^  pour 
j^liteadra  4'.ooGasioB  favoraJxle  dei-epriondre  l'offsnsive* 
;  iMalbe^ireuseuient  paur  itiy,  au  iboutd'uAe  semaine  ou  deux, 
p^e  oiaû^alié  lui  pesa  :  il  éprouKca  «m  vif  besoia  de  4iatrao^ 
^a.,  -at  se  souvenaai  ^u'ii  avait  £ait  autr.e£ois  ia  courÀ  la 
pûèûe  d'au  ^banaiae  d^  JBuiigo  de  Osma^  il  eut  ia  faAtaîai^ 
^'aller/TOudr^  une  visite  .i  la  demoiselle  eXà  Toocle.  LeAurgo 
de  Osma  n'avait  pas  alors  de  garnison  régulièius,  mais  le  jf^ffiR 
^àlaîtsi  reinpli  de  tjcoupes  fraoçaisesy  :(}u'il  ne.se  paisaitrguère 
de  jour  sana  gue  Ja  villie  £ùJl  iraversée  par  .uu  détachement 
D'ailleurs,  le  corrégidor  et  les  autres  autorités  esp^gaolf^ 


Digitized  by 


Google 


DE  LA  VU  OC  JCAAXUr  DIEZ.  AM 

élaieaUles  afrancie&mia»»  ayant  j^içtt  ieuKs  JLitres  id<is  «Mmiii^ 
raDlâ.  Au&si  Jes  avaU-on  pcèveiMt  j>oar  xittUl»  .eiuseat  à^uoU 
ier  r£iiyieciiiad9^  ibI  à  le  .pDBodre  iiiort  .mi  rif.  Sa  itéto-ét^ 
nifieij[>m:  bref,  c'était  pour  liû  use  grande  ÂaipcudeaQe4f 
bttfifir  ses  «cinq  bonuiMw  àOnUirJD^  «t  4e  slanaUfinseuI,  ai|^ 
ion  chf9M49  aalufir  uoeanciaoBe  matoian 

il  i&taii  une  iieore  de  i^pràHOiidi,  JoEsqn'uit  «cM^er,  Jhi«| 
numlé  ai  hian  arm4  an  *co6tu4ne  4e  Qav)p«|goar4,  fiiais  j^yant 
jn  i^ett  Fair  4'jui  ^ontrahandiec^  antara  dans  ia  ville  duSiir|^ 
de  X)8iaa.  Au  moment  aà  il  jiafiftait  aouB  nn  ^eîl  asoeau  4(14 
Aersait  d'aaicée  «à  «oe  rne^  un  JiamBie  oottché  4aas  un  aagU 
delà  juuûUe  ae qred^essa 4out  à^ceiy)»  et  i'aocoiU  jpour inî 
dwH>mler  Ilaum&nei 
.   — -Xna  iMvwao,  a«ât>r,  j^^r  si  ampr  de  JDim» 

la  ca¥alierjata  iquel^ne  .menue  mooaaie  au/meadiant,  at 
|ii»v  ce  laiie,  ilaa  tourna  de  Aon  eôiè. 

-^  Santa  Virgên,!  ^  En^puinadol  s'éccia  le  mendiant,  fowaf 
xelevantiout^à  tait,  vint  ^nontrer  de  iplus  près  au  guerillara 
la  fignse  |iau  avenaïUe  d*nn  boiteux  surnommé  Nicolas  À 
Coco,  qu'il  avait  connu  autrefois  à  ia  poi^  dcl'églisedeCai^ 
irilie,  au  il  loi  avait  fait  Taumûne.  .Soupçonné  de  quelquai 
peiits  larcins  9  Nicahsal  Cooo  avait  depuis  Vij^bondédaQf 
kwisini^,  continuant, à  vi^re  aux  dépens  desikmes  cbaci^ 
iaUes.  H  y  avait  jub  mois  qu  M  sonblait  s-ètne  fixé  au  Sar^ 
d*Qsma.  LT.nyefinadotaefut  nullement  charmé  de  octteranr 
xumtre;;  mai&,  sans  soupçonner  aucune  tcahison,,  il  nuit  une 
pièce  d*or  dans  la  main  de  sa  vieille  tcannaissance.,  et  lai  dit^ 
a  Pas  un  met  >aur  moi,  Nicolas  I  Que  personne  ne  saclie  que  tu 
m'as  TU,  et  ai  jamais  iu  as  faim  et  soif  xdans  le  voisinage  4$ 
4BnB  bivouac,  ta  y  irou;vei:as  toi^ours  ta  pitanceu  ^>  ^^ 

.  ie  mendiant  .suivit  des  yeux  i'£iapecinado^  qui  conlinnf 
■0B4:l)eBnn.  . 

.  «  Toi^Qura  le  même.,  ;gramela-tt-il  :  toigours  la  main  prâbe 
iWttttvcir,  jtoii}Ours  un  mot.bonnôte  pour  îles  pauvres  gens»^ 
^•«ittiie  lui  plus  d'un  rco/ùe  lorsqu'il  n'était  4[ue  le  meilr 
JsBr  ngnenon  «et  le  plus  adroit  bûcheron  de  la  pnovince  d^ 


Digitized  by 


Google 


lU)  TROIS  CHAPITRES 

Yalladolid.  Les  temps  ont  bien  changé  depuis,  et  l'or  parait 
être  aussi  abondant  aujourd'hui  dans  sa  bourse  que  les  quar-- 
108  autrefois.  Cela  doit  être,  après  tout  le  butin  qu'il  a  fait  sur 
les  Français.  On  dit  qu'il  leur  a  pris  des  chariots  remplis 
d'or,  de  bons  chevaux ,  de  beaux  habits  et  de  riches  armes. 
Ah  1  Nicolas  I  il  se  passera  du  temps  avant  que  ta  vieille  car- 
casse d'estropié  ait  sa  part  des  biens  de  ce  monde.  Et  ce- 
pendant ,  il  y  aurait  un  moyen ,  continua-t-il  en  changeant 
de  ton  dans  son  monologue ,  comme  frappé  d'une  pensée 
soudaine...  il  y  aurait  un  moyen...  Mais  non,  ce  serait  une 
trahison ,  quand  je  tiens  encore  son  or  tout  chaud  dans  la 
main. . .  Cependant  la  somme  est. .  .d  Le  mendiant  n'acheva  pas» 
comme  si  ses  propres  paroles  lui  faisaient  peur  à  lui-même. 

Sur  le  soir,  plusieurs  habitants  del  Burgo  d'Osma  remar- 
quèrent Nicolas  el  Coco  honteusement  accroupi  contre  un 
mur  voisin  de  la  maison  du  corrégidor  :  quelques-uns  lui  je^ 
tërent  leur  aumône  en  l'invitant  à  aller  chercher  un  meilleur 
gîte  pour  la  nuit  ;  Nicolas  ne  profita  ni  de  ces  bons  avis  ni  de 
ces  aumônes,  laissant  sur  le  pavé  les  maravédis  tombés  à  ses 
pieds.  Enfin,  lorsque  l'horloge  sonna  onze  heures,  le  men- 
diant tressaillit ,  se  leva  brusquement ,  et  alla  saisir  d'une 
main  frémissante  le  marteau  du  corrégidor  :  il  frappa  plu- 
sieurs coups  avec  les  mouvements  d'un  homme  qui  se  hâte 
de  triompher  d'un  remords.  Le  domestique  qui  vint  ouvrir 
recula  d'abord  en  se  trouvant  à  cette  heure  en  présence  de 
cette  figure  hideuse  ;  mais  après  quelques  mots  échangés  entre 
eux,  Nicolas  fut  introduit. 

Pendant  ce  temps-là,  l'Empecinado  avait  été  joyeusement 
accueilli  par  le  bon  chanoine  et  sa  nièce ,  non  toutefois  sans 
subir  leurs  reproches  sur  son  imprudence  à  venir  hasarder 
sa  tète  dans  la  gueule  du  lion.  Notre  hardi  guérillero  ne  fai- 
sait que  rire  de  leurs  craintes,  et  par  sa  bonne  humeur.il 
avait  fini  par  leur  fme  partager  sa  sécurité.  Il  fut  même  con- 
venu qu'il  resterait  leur  hôte  tout  le  lendemain,  et  ne  parti- 
rait qu'à  la  brune.  Le  souper  se  prolongea  jusqu'à  dix  heures, 
et  alors  Martin  Diez  alla  s'étendre  dans  un  bon  lit,  où  il  s'en-» 


Digitized  by 


Google 


DE  LA  TIB  DE  MABTIN  BIEZ.  141 

dormit  bientôt  d*un  sommeil  profond,  si  profond  même,  grâce 
h  fatigae ,  qu'il  n'entendit  pas  à  minait  qu'on  frappait  à  la 
porte,  lui  qui,  au  bivouac  ou  sur  une  paillasse,  se  réveillait 
au  seul  bruit  de  la  détente  d'un  mousquet  ou  du  cliquetis 
d'un  éperon.  Le  chanoine,  plus  vigilant,  mit  la  tète  à  la  fe- 
iiètre,  et  apercevant  au  seuil  de  sa  porte  un  groupe  assez 
nombreux,  il  se  douta,  sans  distinguer  personne,  que  cette 
visite  nocturne  menaçait  Diez  de  quelque  danger  :  il  se  glissa 
i  la  hâte  dans  une  vieille  soutane,  et  courut  pour  avertir  son 
bote;  malheureusement,  un  domestique  était  allé  déjà  à  la 
porte  pour  demander  qui  était  là. 

—  Genudepaz,  répondit-on.  Et  le  domestique,  reconnais- 
sant la  voix  du  corrégidor,  ouvrit  à  ce  fonctionnaire,  qui  entra 
suivi  de  deux  autres  magistrats  subalternes  et  d'une  vingtaine 
d'alguazils.  Le  corrégidor  fit  poser  deux  sentinelles  à  la  porte, 
et  monta  l'escalier.  Il  se  rencontra  justement,  dans  le  corridor 
de  l'étage  supérieur,  face  à  foce  avec  le  chanoine,  que  Tàge 
et  l'embonpoint  ne  rendaient  pas  très-^le. 

«  Seigneur  chanoine,  lui  dit-il  avec  un  sourire  sardonique, 
nous  voos  remercions  d'avoir  bien  voulu  garder  jusqu'à  la 
nuit  un  voleur  et  un  traître  que  nous  n'aurions  pu  arrêter  de 
jour  sans  causer  beaucoup  de  bruit  et  de  scandale.  Allons , 
ayez  la  bonté  de  nous  précéder  jusqu'à  sa  chambre  ;  »  et  ce  di- 
sant, il  poussa  devant  lui  le  pauvre  chanoine  stupéfait. 

Martin  Diez  dormait  encore.  Son  sabre  et  .ses  pistolets 
étaient  sur  la  chaise  près  de  son  lit  :  un  alguazil  s'en  empara 
prudenunent,  et  néanmoins,  telle  était  la  terreur  qu'inspi- 
raient la  vigueur  et  le  courage  du  fameux  guérillero ,  que  le 
corrégidor  tremblait  encore  en  posant  la  main  sur  cet  homme 
qui  allait  se  réveiller  nu  et  sans  armes  au  milieu  de  vingt  en» 
nemis.  Martin  Diez  crut  Caire  un  rêve  lorsqu'en  se  dressant 
sur  son  séant  il  vit  quel  cortège  remplissait  la  chambre. 

«  Au  nom  du  roi,  Martin  Diez,  vous  êtes  mon  prisonnier, 
lui  dit  le  corrégidor. 

—  Au  nom  de  quel  roi?  répondit  l'Empecinado  :  je  n'en 
connais  pas  aujourd'hui  en  Espagne.  »  Ce  n'était  qu'une  pro- 


Digitized  by 


Google 


Mit  mMl^  CBKPITflESf 

dMtationt  du  pstriotîeMe  y  car  1  VmpecnMRlb*  avait  eoiiipri^Umt 

;d'iÉMi0d«  qfue  h»  lésistane»  étaM  ikiotife. 

/  <K(Alioii»,  lefWff^-'mm,  MÉitfit  Bfev,  dit*  k^  eofrégHfenr; 

:tt«S'  sfamm»  p»  h^  ftemp^^de  stMil^mir  «ree^voas  une*  Wkésm 

-pAiAcfae, 

'    •—  Vili  atfttaaaesaé»  t  ^'écria  Bim,  t^u»  arae  raîaoïf  avjmDE^ 

:41i«iv.  J^  vm9  nHBsi  dame  en>  sii«n«e  ;'  maïs  on  jovr  Id  6o«nfe 

naameitir'ù»m^BT9s,etfsv  ^mù»  èfSm  aloiv  ré^reilK^  fonrne-  mm 

'"fln  milÉRK  dft*  ho  nuit,  E^agnof  incfigire ,  fiwfe  ne*  niaiHjheroiL 

duisez.  D 

•  i^oonégidDP  iicr  itt  aueane  oivs^rvaden*,  ^estfmmt  heu- 
nonne  éa^  trouver' Harlàii  l^îes  sr  Tésîgifé.  Celtiv-ei  sfliabflla',  et 
SB  plaça  de  Iuî-iiiènfe«aa  milfem  des^  afg^senls^»  aprè9  ayciîir  tSA 
.fw  boii>  ehanome  on-  sahif  qui  signifiiût  rCe*  n'est  pss^  voir 

c    Vendaae  que'  tmt  oeev  se  paesaiît  chez  FBoimAe  eorMSsiasfr- 
que,  un  certain-  mwBbre  âf&  perseimes^  s'étaient  rassemblées 
rdan»  las  TOes,  attir-ées  d^éjà*  par  fe  broîl  d^nne*  arrestalibn  im- 
rportante  ;  c'étaient  pvescpie  tSM»de8  artisans  et  d^^jovma- 
ciietS)  citose  plus  fidèle  à  l'Kspapre*  que  b- classe  élevée,  qni 
c^étailf  généralement  prononeée  penrles^  TVairçaîs  aflfi'  de  ga* 
-rantir  se»  prepriiétés.  Dan»  ce  raesembfcment  éteiiV  aassî'  TSR- 
colaS'Blt  eoee^;  cehiî^  se"  gardait  bien  de  répondre  aux  que»- 
:lionr  qu'échangeaient  enfre  emr  tous-  ce»  hommes*  qtrr  t^no- 
iMient  ençoi^  quel'  personnage  avait  motivé*  ce  déiploroment 
"ér  tbults  I^  ftyrces  diffponîMes^d^  Fii  polfee.  Il  notait  inqutiet 
qne»  de  te  manière*  d^iit  iT  réefameraîf  leprirt  de  se  détran- 
«Mion.  N>fantf  pu  iiMJRqner  dknsqndfe'  demeure  Pffimpeci* 
'iKidb*  s'était  rendn,  i(  avait  survî  le  corrégidbrpar  èè  pa»,  nmts 
.  tl^n'éClnt  pas  entMl  eKez  le  cKanome,  n'osant  pas  braver  lè  re- 
gard' de  Fhomme  trahr  par  M.  ■  (Hssonna  quand  Hartïn 
tWes  dteseendit  dansla-rue,  et  cpi'Fsteban  Ueboncher;  en  le 
reconnaissant,  dit  aux  autres  :  C'est  rEmpmnaid! Ace  nom, 
î  ttmnvBitmttve  se*  fit  entendre  diins  le  rassemblement,  et  If  cor- 
'  fégidov  piarml.  craî»Are  qu'o»  ne  eherehéft  à  délivrer  son  pri- 


Digitized  by 


Google 


DE  LA«  m  M?  mjixfm  diez.  M 

sonnier,  car  il  pressa  le  pas,  et  les  alguazils  marchaient  aussi 
avec  une  hâte  qui  indiquait  la  m^me  inquiétude  ;  mais  ni  Es- 
teban  le  boucher,  ni  BlaB  le  mercier,  ni  aucun  de  ceux  qui 
étaient  là,  ne  bougèrent,  trop  saisis  par  la  surprise  pour  tenter 
I»  coup  tatfdi  r  anqwil  îb  m  s^étaiena  pt»  frépmi».  Mai»  Ës- 
teban  remarquable  pffmiiev  qne  KicoiaffBI  Coeo,  «pvès  s^AM 
«bè  hoalessemnill  derrière  htit»  se^prAciyitei  ffonâ  à  tmupi  la 
sttile  ésB  aigdasibi  Eststtan  M  deim  pas  en< avant;  sa  targi 
■an  aivètai  par  If  épaule  le  meadiaiit  bofteas.  GeliàîHsv  w  r^ 
Inrw  terrer  ^iimn^dtias  les  joiordo  boudtcrle^soitpçra 
ipÉVaplEiiti  tmim  aasoiRH  l  »'éeria^l^  ao'geooan,  sdlor  eoorè- 
(pdoT.^Maôr  la  maiir  dfSstebn  Veufl  bieniAtr  sain  ài  ht  govgB  : 
cKateikle^  lui  dit4i^  en  étoaiEnili  awaié^.  e'afll.dime  mil  ^p^ 
49  neadurEanfecioado  l  » 

fiei»  01»  arot»  lanfteme»  fîmnt  approchiasv  etileair  biMr 
ttoitra  la  face  hidease  du»  mencUaiat  boaleTeisée'  par  omb 
honftle  terrew.  <i  Cesttoi  qui  a8vaMhi>rEiiip€ttiBari»  iMé^rftta 
le  btiKher  son  làcheB  sa  Tictîma,  mais  eni  loîi  loiasant  ( 
ie-  settOe  pour  vépoadhe; 

e  Ifaa,  MiiHV  ^aiai  ai'eat  pas  ;  p'ig|u>raÎB  oAiit  étaiH. 

-^Àhl  ta  tas»  eaeore  nier  !  dii  Esteban  enr  sevrant  dto^ 
veaa  le  mendianti  à  lai  gerg^  de*  namèm  à  linr  faim  fendse  d|i 
mf  pu  labottéhe;  ^^  Hienteur,  c'eittjoi. 

—  Pardon y  pardon,  dit  enfin  le  misérable ,.  espAmiftaii 
ÈtoinB  obtenia  la  pitié  dku  bouefter  *r  pfifà»ut^.mmféad*f.  <)'est 
vail 

-^  Une*  cordel.  aae  cbrde  l  deannda  Bitefaanv  »  et  îk  baii  an 
ht  appotté  deiiK  ou.  taote«. .. 

Lejom irefws.Ie^paenier  ebyei qm.frapp»  loi  tnedar eané- 
«îdor,  lefaq/ei'ilr  se  mU  àf  la>  fenéfire,  fut  Ir  eoaper  dr  Nimrihs 
JilIGoco  pendhiàiHOiariire  devant  aa<peirtei  Uaefpanaaiaa  ie 
popiev  attachée  aneo-  une^  épin^  sur  sa  poitrinv  éarit  IteiiHe 
du  sang  qui  avait  coulé  de  sa  botehe*^  naisF  eeisang:  net  poii- 
^teaipèebër  le  aiagitltBÂt  afrancesiaiD  drliae  l/insenitiion 
suivante  : 


Digitized  by 


Google 


Hk  TROIS  CHAPITRES 

LOS  YBNDBDORBS  DSL  EHPBaNADO  : 
NUMERO  UNO, 
YBN6ANZA  (1)  I 

Le  corrégidor  ne  put  retenir  un  mouvement  d'effroi  et  se 
détourna  de  la  fenêtre  en  rêvant  au  numéro  2. 
/  Cette  démonstration  hardie  et  significative  dont  les  auteurs 
se  gardèrent  fidèlement  le  secret  alarma  les  fonctionnaires  de 
Burgo  de  Osma,  et  leur  premier  soin  fut  d'envoyer  au  village 
de  San-Esteban  de  Gormaz,  où  il  y  avait  trois  cents  hommes 
d'infianterie  française,  pour  demander  une  garde  destinée  à 
protéger  la  prison.  Ces  troupes  marchèrent  au  complet,  puis 
d'autres  furent  expédiées  pour  les  appuyer,  et  telle  était  Tîm- 
portance  de  la  capture  qu'il  y  eut  bientôt  jusqu'à  trois  mille 
hommes  dans  la  ville.  On  pensait  que  l'intention  des  vain- 
queurs était  de  faire  passer  l'Empecinado  à  un  conseil  de 
guerre  ;  mais  il  avait  été  arrêté  par  les  autorités  civiles  et  Ton 
jugea  plus  politique  de  le  foire  juger  par  un  tribunal  civil  qui 
le  condamnerait  comme  bandit  et  voleur;  la  procédure  serait 
plus  longue,  mais  elle  frapperait  davantage  les  imaginations,  et 
c'était  un  coup  départi  d'enlever  au  courageux  et  populaire 
guérillero  une  partie  du  prestige  qui  s'attachait  à  ses  prouesses. 
Le  corrégidor  reçut  donc  l'ordre  de  tout  préparer  pour  le  ju- 
gement du  prévenu. 

Quelques  jours  s'étaient  écoulés  depuis  l'incarcération  de 
l'Empecinado;  il  était  un  matin  étendu  sur  sa  paillasse,  réflé- 
chissant à  sa  position,  qui  devait  lui  paraître  désespérée. 
Aucun  ami  n'avait  pu  parvenir  juqu'à  lui ,  il  pouvait  très-bien 
se  croire  abandonné  de  Dieu  et  des  hommes;  mais  il  était 
dans  son  caractère  de  ne  jamais  se  désespérer,  comme  il  le 
prouva  bien  quinze  ans  plus  tard  lorsque  conduit  au  supplice 
il  osa  tenter,  nu  et  sans  armes,  l'évasion  la  plus  hardie  qu'ait 
Jainais  tentée  un  condamné. 

Quant  au  moment  présent,  il  méditait  sans  doute  quelque 

(1)  Les  traîtres  qui  ont  vendu  l'Empecinado  :  numéro  1,  Teogeance  ! 

Digitized  by  VjOOQ  IC 


DE  LA  VIE  DE  BIAETIN  DIEZ.  It^S 

entreprise  digne  de  son  audace,  lorsqu'il  entendit  prononcer 
son  nom  très-distinctement,  quoique  avec  l'intonation  con- 
tenue de  la  prudence,  et  levant  les  yeux  vers  le  seul  endroit 
d'oa  pouvait  provenir  un  son ,  il  vit  une  tète  d'homme  à  la 
petite  ouverture  grillée  de  sa  porte. 

«Martin  Diez,  ne  me  reconnais-tu  pas?  »  dit  la  voix. 

L'Empecinado  se  leva,  et  s'approchant  reconnut  les  traits 
d'an  cordonnier  nommé  Cambea,  natif  d'Aranda  et  qui  avait 
servi  avec  lui  dans  la  guerre  de  1792.  Logé  dans  la  prison 
pour  quelque  peccadille,  il  pouvait  aller  et  venir  tout  le  jour 
dans  la  cour  et  les  corridors;  il  pouvait  même  exercer  son 
état  avec  la  pennissisn  du  geôlier  en  chef  ou  alcayde.  Il  avait 
guetté  le  moment  fovorable  pour  venir  visiter  son  ancien  ca- 
marade et  lui  offrir  les  moyens  de  feciliter  son  évasion.  Après 
quelques  mots  échangés  rapidement  entre  eux,  Cambea  se 
retira  prudemment;  mais  il  revint  le  soir  avec  un  morceau 
de  cire  et  prit  l'empreinte  de  la  serrure  du  cachot  pour  se 
faire  &ire  une  clef  par  un  ami  qu'il  avait  en  ville  et  qui  était 
serrurier  de  son  métier. 

Be  deux  jours  l'Empecinado  ne  le  revit  plus.  II  commen- 
çait à  croire  que  leur  intelligence  avait  été  découverte  et  que 
Cambea  avait  été  condamné  à  une  réclusion  plus  étroite,  lors- 
qae  la  porte  du  cachot  s'ouvrit  doucement  et  son  ami  le  cor- 
donnier entra  une  clef  à  la  main ,  la  face  radieuse.  Les  deux 
prisonniers  eurent  bientôt  fait  leur  plan ,  et  il  fut  convenu 
qu'ils  en  essayeraient  l'exécution  le  dimanche  suivant,  pen- 
dant la  célébration  de  la  messe. 

Le  jour  fixé  arriva  :  à  dix  heures  du  matin,  la  femme  et  la 
fille  du  geôlier,  leur  domestique  et  le  tourne-clefs  étant  allés  à 
l'église,  il  ne  restait  plus  dans  la  prison  que  les  prisonniers 
et  le  geôlier  en  chef,  qui  fut  adroitement  enfermé  dans  son 
appartement.  Sans  perdre  une  minute  et  observant  le  plus 
e^and  silence,  Cambea  se  rendit  au  cachot  de  Martin  Diez, 
Tanna  d'un  tranchet  à  son  usage,  le  chargea  sur  ses  épaules 
et  le  porta  ainsi  à  la  porte  du  geôlier. 

Celui-ci  n'était  pas  seul  ;  avec  lui  était  l'homme  de  loi  aiT- 

5*  SÉRIE.— TOME  XI.  10 


Digitized  by 


Google 


1U  mots-  cBAPivBEa 

^pilétoH  oMifiéd  laipnMédure  dto'jug^aiaiit  d^Hastifi  Dm» 
eA  oeadtittx.  hnamê^étûmù,  toanfwîllgmont*airi8  autMvid'i 
mille  kraieillft  de  Xérèa^.  qu'ils  vMatfMfc  en  s'enltfei 
peai^étiwr^ia.flentenca  etide  reKéQKtiMF.dtt-ftiBic«ft  |f*ia«ft* 
nier.  Tout  à  coup  on  frap|ie  à  la  p^rte*:  Àdikuâêi  ecie  V^ 
eayde,  et  C^amtea  se  ppésaoli»  : 

«  Seigiwucalca^'de,  di(-il,  lecerrégidor  estàlafierUyde  la 
ypi8on<et  déaire  vous  parler.  ))L'akayde.s6.1ève<âMr6e  eoipreie^ 
fliyeat  et  va  pouE  recevoir  le  premier  mag^trat  de  la  vittes; 
mais^à  peine  a-^il  franchiila  j^te  derrière  laquelle  l'Ei^ 
cûaado  était  cadié^  qi^e  celui-ci  £aiiua.boad,  ^eiq^'ileùien^ 
core  les  fers  aux..pied8^  le  saisit  d'uae  majsk  par  les  chevevx 
.et  de  Fauire  lui  serre  la  gorgf).  Au  même  moment,  Canbea  se 
jetait  sur  le  légiste  et  Tenveloppait  de  son  manteau  comaie 
un  paquet;  il  le  porte  au  cachot  de  Martin  Diez  où  il  Ten^ 
ferme  ;  puis  revenant  au  secours  de  Diez,  il  l'aide  à-  garrotter 
les  mains  de  l'alcayde  et  à  le  Milionner  pour  aller  le  déposer 
aussi  au  même  lieu  de  sèreté  que  le  légiste.  Cela  Sait,  il  s'a^ 
gissait  de  délivrer  TEmpecinado  de  ses  Cer«,  ce'cpii  devint 
assez  facile  avec  les  instruments  trouvés  dans  la  chambre- du 
geôlier. 

Mais  le  plus  difficile  ou  le  plus  dangereux,  restait  à  £aiire  : 
ce  n'était  pas  tout  que  d'ètrc'los  maitrcs  des  clefs  dela>  pvi* 
son^  il  fallait  en  sortant  traverser  un  corps  de.  garde  de 
factionnaires'  français.  Cambea  et  Martin  Diez  a;vaieiit 
songé  à  ce  dernier  acte  de. leur  petit  drame.  Le  cordonnier 
mit  bravement  sur  sa  tète  le  chapeau  à  trois  cornes  de 
L'homme  de  loi  et  son  manteau  susrses  épaules  ;.le  hardi  gpe- 
lillevo  se  coifiEn  et  se  drapa  de  même  nvec  le  chapyean  et  le 
manteau  de  l'alcayde.  Ainsi  accoutrés,  ils.  eurent  le  hoo» 
heur  de  s'éloigper  sans  ôtre  reconnus,,  sans  mène,  qu'ott 
fit  beaucoup  attention  à.eux^.et  ik  étaient .déj^  prés  de  la 
porte  de  hi>  ville»  lorsqu'il»  aperçurent  un'dragyAnrd'or.doa^ 
nance  qui  gardait  deux  chevaux.sellisietibridés,,attcadaatj; 
selon  toute  apparence,  q^velque  officier  qpi  allait,  faire  «ne 
proG&enade.  Getterue  était.  d'aiUeuca  solitaice  oomme.tontes 


Digitized  by 


Google 


[de  la  vie  de  MARTIN  DIEZ.  12^7 

lesautres/vu  l'heure  de  la  messe.  LTmpecinado,  fouillant  une 
des  poches  de  son  maotenilteimrapÉ,  y  avait  trouvé  une  ta- 
batière pleine  de  ce  tabac  si  fin  qu'on  appelle  en  Espagne 
\mearnado  de  los  frayles.  II  en  vida  tout  le  contenu  dans  une 
main,  et  marchant  droit  an  si^Mâl,  lui  demanda  la  demeure 
deTofficier  commandant.  Tandis  que  le  soldat  lui  répondait, 
Martin  Diez  lui  jeta  tout  le  tabac  dans  les  yeux,  puis  lui  as- 
séna un  coup  de  poing  si  vigoureux  qu'il  le  renversa  par  terre 
étourdi  et  aveuglé.  Alors  lui  Atant  son  sabre,  il  s'élança  sur 
la  selle  de  l'officier,  et  Cambea  prenant  pour  lui  le  cheval  du 
dragon,  ils  partirent  ensemMèr  av  galop. 

n  y  avait  à  peine  cinq  minutes  qu'ils  étaient  hors  de  la 
ville,  lorsqu'ils  entendbent  battre  les  «tambours  et  sonner  les 
trompettes.  Ils  virent  même  derrière  eux  un  nuage  de  pous- 
sière; on  les  poursuivait;  mais  ils  étaient  bien  montés.  Us 
gagnèrent  les  montagnes  :  trois  jours  après,  l'Empecinado 
avait  rejoint  Mariano  Fuentès,  et  se  trouvait  encore  à  la  tète 
de  sa  guérilla. 

[l/la(hjcood'$  Edinburgh  Magazine.) 


Digitized  by 


Google 


£Simtiianits. 


ROMANS. 


LES  PREMIÈRES  AMOURS  D'UN  FAT  (1). 


CHAPITRE  PREMIER. 

Les  biographes  aiment  assez  à  attribuer  aux  qualités  de 
leurs  héros  des  origines  héroïques.  Puisque  c'est  ma  destinée 
d'écrire  moi-même  ma  propre  histoire,  je  veux  la  raconter  à 
ma  manière,  et  je  suis  libre  d'avouer  que  le  trait  distinctif  de 
mon  caractère  provient  du  premier  coup  d'œil  que  je  pus 
donner  à  ma  personne  dans  la  psyché  du  boudoir  de  ma  mère  : 
je  n'avais  qu'un  an  lorsque  je  me  vis,  et  je  devins  un  fat  pour 
le  reste  de  mes  jours.  On  me  permettra  bien  d'ajouter  que 
j'étais  un  joli  enfant.  J'avais  anm  mes  petits  caprices  et  mes 
moment  d'humeur  :  heureusement  on  découvrit  bientôt  com- 
bien 'je  me  plaisais  à  moi-même,  et  quand  mes  cris  ou  mes 
pleurs  importunaient  ma  mère  :  «  Nourrice,  disait-elle  pour 
m'apaiser,  mettez-le  devant  la  glace,  le  pauvre  enfant  1  )» 

Admis  de  bonne  heure  dans  le  sanctuaire  de  la  toUette, 
mes  premiers  joujoux  furent  les  fleurs,  les  bijoux  et  tous  les 
riches  colifichets  d'une  lady  à  la  mode.  Telle  était  lady  Or- 
mington.  Je  dois  dire  que  j'étais  le  premier  de  ses  enfants 
qui  obtint  ce  privilège,  partagé  d'ailleurs  avec  quelques  co- 
lonels des  gardes  et  de  jeunes  membres  du  parlement.  J'avais 

(1)  Note  du  dibectbur.  Cet  article,  comme  les  autres  de  la  ReTue,  ne 
pourra  être  reproduit  sans  l'autorisation  expresse  de  la  direction. 


Digitized  by 


Google 


LES  PREMIÈRES  AMOURS  B'Ulf  FAT.  U9 

cependant  an  frère  et  une  sœar;  un  frère  mon  atné,  destiné  à 
bériter  des  titres  de  la  feunille;  une  sœur  qui  avait  les  mêmes 
droits  à  l'attention  de  sa  mère  ;  mais  l'honorable  (1)  John 
Danby  louchait,  Thonorable  Julia  avait  des  cheveux  rouges, 
et  lady  Ormington  était  aussi  honteuse  de  ces  deux  enfonts, 
que  s'ils  lui  eussent  été  envoyés  de  l'hospice  des  enfants 
trouvés. 

Depuis  le  jour  de  ma  naissance,  au  contraire,  les  nourrices, 
les  bonnes,  les  JFemmes  de  chambre,  etc.,  furent  unanimes 
i  déclarer  que  j'étais  l'image  vivante  de  ma  belle  maman,  et 
comme  ma  belle  maman  était  la  fille  d'un  gentilhomme  de 
province,  n'ayant  eu  pour  toute  dot  que  sa  beauté,  elle  pou- 
vait bien  être  excusable  de  montrer  quelque  partialité  ma- 
ternelle pour  son  portrait  en  miniature. 

La  vocation  instinctive  de  ma  mère  était  la  toilette;  elle 
semblait  croire  qu'elle  ne  pouvait  trop  donner  de  soins  au 
culte  de  ces  charmes  qui  lui  avaient  valu  le  cœur  ou  pIutAt 
la  main  d'un  lord.  A  force  de  tourmenter  son  imagination 
pour  inventer  des  ornements  nouveaux  à  l'usage  de  l'objet 
exclusif  de  son  culte ,  elle  eut  l'honneur  d'en  mettre  plu- 
sieurs à  la  mode  :  tel  fut  le  pou^  Ormington,  qui  eut  la  vo- 
gue pendant  un  mois.  Si  les  Ànnuaîs  et  les  Keepiokes  eussent 
akro  existé,  elle  y  eût  figuré  comme  la  plus  délicieuse  vi- 
gnette du  volume  :  mais  son  portrait  peint  parCosway,  gravé 
par  Bartolozzi,  a  excité  l'admiration  aux  vitres  d'étalage  de 
tons  les  marchands  d'estampes. 

le  dirai  peu  de  choses  de  mon  noble  père,  lord  Op- 
nington  ;  car,  personnage  influent  à  la  chambre  des  pairs, 
il  était  i  peine  question  de  lui  dans  le  boudoir  où  je  passai 
ma  première  enfance.  Plus  tard  je  dus  l'accuser  seul  de  mon 
^1,  lorsque  je  fus  envoyé  au  pensionnat  de  Cheswick,  véri- 
table purgatoire  où,  comme  dans  un  hôpital  de  fous,  on  com- 

1)  NoTB  DU  DniBCTBOE.  L«  fils  et  filles  de  pairs  n'ont  droit  qu'au  titre 
^honorahU,  et  ne  peuvent  être,  même  par  courtoisie,  qualifiés  de  lord  ou 
^  lady,  à  moins  que  le  pair  ne  soit  aussi  duc,  marquis  ou  comte. 


Digitized  by 


Google 


«Dttita  parine «Miper «âsgraeien  ^eyeiixbliMids pour «e 

iivvétir  ensttiie  d'an  affreux  uuifoniie.  Odieia  «ouveoir  Zijis 

,viesefaisfoit,pettf -àraoÎHnteie  si  j'avais  tu^aon  apparUkm 

daas  la ,  psyché  de  19a  mère.  Quelle  iriaie  eûgteace  ,fot  ki 

iBÎeAQe  jusqu'à  ce  qu'on  ■  me  tmaslévàt  au  collège  d'Eton  IMûs 

liai  encore  Je  ne  fosrguère  noÎAs  à  plaindre.  Lacly  Onningtea 

avait  vainement  protesté;  elle  protesta  encore  lorsque  je. ^ 

Mpaatriculé  ^à  Toinvecsité  d'Ckfonl  :  une  «éducation  lunhrer- 

tiaîpeéiait  bonne  ponr  nionffrèiealjié  ;.nms,7C[uVivais;ieibfSMi 

fdu^grecet  dalatiA.ponrètre  nn  jouTxOfiîcier/^iux^gaTd^?  .Vov- 

r4raÂiTi>n  àîre  de  niai,:.par haaard,  an  miniatrei de) paroisse  7^. 

.Se.voir  la  mère  d'un, prédicateur  babillé  de,noirret«4Qf)aai,liB 

. dfott«  de.  débiter  en  chaireuu^sennon.nasiUard  «ur  lesvnniAéa 

du  siècle  1 . . .  quelle  horreqr  pour .  Ia4y  Ormingtoa  l  CeUe  -îdé^ 

*$m\e  lui  cansa  un^vanottissementcont^eilequAl  îli&Uat  em- 

iplqyer  tous lessels  deMn:bondoir..On'Con)p«9ndqn'eUe«ii0 

4t.pas  «ne-aenlefois  le  voyage  dfOxfi^rdponr  venir  ^y  voir^^sM 

(infortuné  fils  Cecil  :  il. est  .vrai  gu'alle  y  avait  kîsié  .peii4* 

!dmt  quatre. ans  )alin».nion  .frère  atné,  crokre .péniblemnat 

jm -seience-et  en  sagesse,  et  «que  «a  sonvr  Julie, était  égaln- 

.jnenl  oubliée  dans  ]a.penston  où  eUeespéiait  qu'avec  le  fw^pa 

Mfiifibeveox  rooges^passeraient  à  la  nuance  blonde. 

'Fortder^antîpathiedenanière.pouple  régime  univevsUatfc^ 
leaus  abréger  nion.sé|our.>sur  les. bords  de  rrlsis,  la  claaaifpie 
/ffivière  d'Oxford^enne  foisanten^pulaerau  bouidetlawsecondrs 
année*  Je  rentrai  sous  le  toit  .paternel  presque  «triomphiUt 
dei  cette  diatinctian  négative.  Afa  mère,  en  effdl,  merefat  à 
merveîUe  en.ve^ittnt  sa  miniature  devenue  un  ohaïuiantrAiEleMB 
*davingtaAs;<maiS'moivpèfeiie  vit  pas  duwmèmeœileetîumn 
étourdi  qni^  entperdant>ses>  titra»  schdaire»,ryrdait7en  wOip 
.temps  un  .bé*éfi<9e  «eeolésiaatiqne  réservé  (depuis  des^sià^lea 
an  frère  eadet  deik*fiunille»<at  qpiirue  valait  jpas  tmeîns  id» 
2,000  £  (25,000  fr.)  par  année,  outre  la  perspective  de  con- 
duire un  jour  le  titulaire  sur  le  banc  des  évèques  à  la  cham- 
bre des  lords,  tl  ne  daigna, plus  s'occi^perde  mon  sod 
lui-même  et  m'adressa  à  ses  hommas  d'ai&ire^»  MM.  .lian- 


Digitized  by 


Google 


seret^SiHitdi,  HamemniK  énm  ce  qnaftî^rtrès-pea  «mf^ 

flK'WMI,  de  ine  Taîi t 'ConiHrttre  ^aon  tihhifafdiin.  '9e  làe  ptn 
itfVwpéehgr^fte'  tf  wiiMw  'ini  pe«i  tte»eé(te  'meMce^-etwe  'voo- 
kttt  fms  Tc^r  |»kis  tonglstiips  >mi  ^Mispeiis,  J'iliai  le  jour 
mtmt  «iierdicT'Via  '•eAtence  t^lvec»  c«b  liomiéteB  ipr<H«i«im. 

Vii'dvrc  «a'UR'iaquaÎB,  «ces  4eoK>oréfftiimc«e  feseemMeitl 
dns  (es  QiitMB#e  fa*  ciHeAiie  (nan^vehii-^,  jê'cre'fs,  *evniiH 
Ut),  "are  Nen'de^^mliltfoànreéMis'I^éiliide,  nne  prm«cle  pmeer 
dtnie^OB^  pfcnnier^élaçe':  leaHBm!'«es'geii94à  Aseilt 
appeler  salon  une  grande  pîjiee  prrafne  «aiiMi  «œ  'ifi%in» 
enage.le  jetâUABtttoorde'inoi'wi-Tegntl  amtz'iiiMaigiieiny 
lonqie'j^qpepv»  ^%  ine  '(Élble'prèB'de  Jla^fAienmiée'^n'élait 
Si«H»4^Bi^l)iHK')«Bne<éuierMail'«eflî9e  et1millRit...4to* 
■at^qve  e'éMt  'la  meMé  i*mn*  éee  tmamiioum  <4e  mm  ouiblB 
iHne,  je  flevairtrap  m  Tnsprmma*  deoMD  ttfikâimVritoit  fm 
MieéaaxîfMsyteiinpcrtiiMate'ettmm...  naMa^jeinedaflB 
tana'IaJfete,  «tjeiiiie'«eiiliS'di^iotéià»ètmBaiiioiM«C^^ 
oi  «TOjwt  'la  'figure  la-  pl«apoétix|Be  du  »oiiéa.><^aIa '7«iua 
9MbciieY«Kl  qMHe.|NMal  «tifin  qade  rttsBiwe^tbmailK 
aMpiirilél<ipMl'OhasMelle;ioaf«»eveft*qnHBllÎ9KM 
<l*ètre  écrasée  par  mon  affiad)ilité  protectrice ,  par  WwoeÉl 
div«fc  awcikqHl  fe  Iniidia::  «  Qwg—iil— p  ■■■■wrtanwiaitte 
■e!te'déniB||;Bf)aa,D<e'fat«elle.i|n  m'iinrilia^enan^dîaant': 
t liUwjuiincimi,  BWMCTt,  i»A'ptttJ|iiABtcaDnBlady>OfaNH||^ 
In  ranait  4tté  «an  -aqpotiiiDam*  ^fcprèt  «oes paobs^eUeifliB 


fpanid(eU)e»AitrpavliB,ihit-<le>nii 
npfÉar-dflns  kqghiae,  nBan:|diinpanr«i^adHHraritoalidSahi^ 
•ÉaB  nMn  hsMlfldB, '■MMB  piynrjne'dvaiaBdar'SPQC  doute  lai 
une  femoie  quelconque  avait  réellement  pu  braver  les  gràaw 
hnÉndcB  «de  oHaB  «àndividu.  Nos  :  :  'ie  JMmd  «de  uua  «omvilte 
tattafefine,  moafAotdlhBCioeniaM  Mi9a,tetc«,<dto«  Ilrô( 
la  dame  n'avait  pu  être  insensible  sans  *inMiloir  Ibisii  vpoM^ 

Mes  réfiexions  furent  interrompues  par  Ventrée  du  vieux 

Digitized  by  CjOOQ  IC 


152  LES  PREMIÈRES  AMOURS  D'UN  FAT, 

Hanmer  :  il  se  frottait  les  mains,  il  aspirait  son  souffle  ;  entrée 
classique  des  dentistes,  des  procureurs  et  antres  bourreaux 
du  corps  humain  ou  de  la  pensée.  Mon  salut  devait  lui  témoi- 
gner toute  ma  répugnance,  et  il  eut  beau  me  tendre  la  main 
avec  la  franchise  nonchalante  d'un  homme  qui  se  sentait  in- 
vesti par  mon  père  d'une  sorte  d'autorité  sur  moi,  la  mienne  se 
refusa  à  son  insolente  étreinte.  Il  n'en  fut  pas  décontenancé: 
ces  gens-là  digèrent  à  merveille  tous  les  affronts  de  notre 
classe;  et  le  vieux  procureur  continua  à  me  regarder  avec  le 
sourire  de  pitié  que  Togre  dut  adresser  au  Petit  Poucet  avant 
de  le  mettre  sous  la  cage  à  poulets. 

<(  Mon  cher  jeune  gentleman,  me  diUil,  j'ai  le  regret  d'a- 
voir à  vous  exprimer  le  déplaisir  qu'éprouve  mon  noble  client 
lord  Ormington...  »  J'épargne  à  mon  lecteur  le  sermon  qu'il 
me  débita  et  que  je  résume  en  ces  termes  :  a  Vous  ne  pouves 
plus  être  homme  d'église,  M.  Cecil  Danby  ;  votre  père  ne  veut 
pas  que  vous  soyez  homme  de  guerre  ;  mais  si  vous  voulez 
embrasser  la  carrière  diplomatique,  le  ministre  avec  qui  nom 
sommes  en  bonnes  relations  consent  à  vous  attacher  à  ses  bu- 
reaux, et  si  vous  vous  y  conduisez  bien,  nous  vous  y  ferons 
toucher  les  quatre  cents  guinées  dont  vous  avez  jusqu'ici  joui 
à  Oxford.  » 

Je  fus  agréablement  surpris,  moi  qui  m'attendais  à  toutes 
les  rigueurs  paternelles,  entre  autres  à  être  exilé  dans  nos 
propriétés  d'Irlande,  au  moment  ou  les  salons  du  beau  monde 
allaient  s'ouvrir;  mais  voulant,  débuter  en  vrai  diplomate,  je 
dissimulai  au  lieu  d'accepter  cet  ultimatum  avec  enthousiasme, 
et  répondis  que  j'y  réfléchirais.  «  Dans  quelques  jours,  dis-je, 
je  viendrai  vous  porter,  monsieur,  ma  résolution. ..  Il  me  reste, 
monsieur,  à  regretter  d'avoir  tout  à  l'heure  dérangé  Mrs.  Han- 
mer. » 

Il  n'est  pas  de  vieux  barbon  de  soixanto-cinq  ans,  marié 
ou  célibataire,  qui  ne  soit  enchanté  qu'on  lui  attribue  une 
jolie  femme  de  dix-huit. 

«  Mrs.  Hanmer  I  s'écria  le  procureur  évidemment  flatté.  Miss 


Digitized  by 


Google 


LES  PBEMIÈRES  AMOUBS  B'UN  FAT.  153 

Emily ,  vous  voulez  dire.  Oh  1  c'est  bien  sa  faute  si  elle  8*est  trou- 
vée ce  matin  dans  le  salon  :  elle  savait  que  je  vous  y  attendais.  r> 
Sa  faute  1  péché  moins  que  véniel  à  mes  yeux.  Sans  doute 
miss  Emily...  n'importe  son  autre  nom,  avait  entendu  parler 
de  l'élégant  Cecil  Danby  et  désirait  savoir  si  la  renommée  ne 
le  vantait  pas  trop.  Cependant  pourquoi  avait--elle  été  si  froide? 
fêtais  curieux  ;  mais  je  dus  continuer  à  feindre,  me  proposant 
de  revenir.  Je  saluai  donc  sans  ajouter  une  phrase,  et  je 
partis  avec  Tair  de  la  plus  aristocratique  indifférence. 

CHAPITRE  IL 

Mon  père  était  un  homme  tel  qu'on  n'en  voit  guère  hors 
de  l'Angleterre  :  réservé  sans  être  contemplatif,  de  bonne 
compagnie  sans  être  sociable ,  nullement  méfiant  sans  avoir 
confiance  en  personne;  froid,  très-peu  expansif,  et  démon- 
stratif encore  moins;  remplissant  les  plus  petits  devoirs  de  la 
vie  81  gravement  qu'il  faisait  croire  qu'ils  avaient  de  Timpor- 
taQce;par  sa  gravité  comme  par  son  avarice  de  paroles  prê- 
tant on  air  de  mystère  à  son  insignifiance ,  il  semblait  avoir 
pear  de  laisser  deviner  ce  qu'il  voulait  foire,  et  cependant 
qa'avait-il  à  craindre?..  Dieu  sait  s'il  fit  jamais  rien  qui  valût 
la  peine  qu'on  en  parlât  1  C'était  d'ailleurs  un  homme  moral. 
Sesa&ires  avec  Hanmer,  avec  son  banquier  ou  avec  le  mi- 
nistre, auraient  pu  se  traiter  sur  la  place  publique  sans  faire 
tort  à  sa  réputation  ou  à  sa  vertu  politique;  cependant  il 
semblait  redouter  que  son  valet  de  chambre  sAt  le  mardi 
qu'il  avait  le  mercredi  un  rendez-vous  avec  l'un  des  trois  ; 
et  quant  à  sa  femnie...  il  est  vrai  qu'auprès  de  celle-ci  il  avait 
des  motifs  suffisants  pour  être  réservé. 

Lorsqu'au  bout  de  deux  jours  de  réflexion  je  l'abordai 
avec  rinteution  de  lui  signifier  que  j'acceptais  son  femeux 
«^tmatimi,  je  ne  fus  pas  surpris  d'être  renvoyé  une  seconde 
fois  à  son  procureur  :  «  Pour  tout  ce  qui  est  affaire,  me 
dit -il,  je  désire  communiquer  avec  vous  par  une  tierce 
personne.  y>  A  dire  vrai,  si  je  n'avais  pas  compté  sur  cette 


Digitized  by 


Google 


rifmae ,  tje  «e  «e  .Amw  fn  v^l^ntiMs  •olirassé^  ioiil'Op- 
«111(101),  et  je  me  MBdbidraE'Haiimcr  (;»ès-«aneax'de  Teroir 
ottas  £nilf . 

M.  UHMMr  était' sorti,  son  «B«eié  ^éteHi^n  TojE^ge  «hepns 
lafveîUe.  «c  Yeuillez  bien,  dis-je  aa  elerc,  informer  iBÎ9s%DÎly 
qMj.*ai  à  hii  patler  de  la  part  de  lerd  Omningten.  d  dpiioiiiy 
le  A0ffi  dtticUent  ie<^8  inporiant  de  Tétnëe,  predvnsttson 
effet}  onne.ooariniflitffU'Saioi). 

Cette  eeoeMie  «rinle,  attendue  m  fmrtteiKhie,  tieJéwncefta 
pas  encore  miss  Emily  :  ce  fut  avec  une  hauteur  superbe 
qu'elle  se  leva  et  attendittma  baflan^Der;  et  moi,  ce  fut  en  bal- 
butiant un  peu  que  je  lui  dis  : 

xic  Pardonnez ,  mias ,  .si  J'oae  votts  (denamdor  ^la  ïJwrwrHie 
TOUS  obarger  d'aurnasM^e confideatieliponr  M. iTSkne^père.r» 

.Son  père  1  iAmÎB-je^étéJMNi  pci»nBiè,i«e  dont  je  éitttaîi, 
qa'elleiétait  kv&Uedu  YMU-proeMPeur,  é  «arvoiJmevc,  àiV^ 
iiiotk>n.de*«Mi.n^rd,  à  ia*flBcpnse,.à«oniindiemilmi>flitBB 
peat"ètre...  je  ^is^que  je.me.trempaâi.  Elle  ne:répenlitipai, 
et.«)oi,  Yxaîfliaàt  coofiis, .jeine :8«iaiBsi  jetdnmatrépéter  «■' 
dmande  â  ;la  fois  «i  kunible  et  ai  knpettiiiBnie.  «e  Mnteii 
que  Je  davais  avoir  l'air  d'miireoafd  pna.mipîége. 

«  Que  déairez^vens  qae  je  .conaïuiiiqve  A  M.  -Bmier  -û 
San  retour?  dit-elle  anin  aptàa  aae  «lîante  de  -sileMe ,  ^ét 
d!iin  ton  ai  madérécqnfi,  si  j'ainM»rexoîlé«aniiadi|fnaitioii,*6tti 
Atoit  d4îà.apaî0Ae. 

— ^Sia)pleaienttqtte«voi]B»TeuiHîez  bien  <lni  «ppienére  qm 
jfafiQapteJesiCoadîiioaB  qoi  mi'ontiélé  propoaAseqMr  «on  «- 
tennédiake,  .répeadistfe,.  n'étant  paai  étneq^faBeKpKcte,  «i  thd 
niveler  la.aitiiaiiûn.aii|0iiIiàreqiii  fa.vendaît,ialfe(«tflf.  ÊSaa^ 
mer,  Tunique  moyen  de^«o■nlaaRal•8n  qnitpftteaiiHiir  mtWm 
un  jMÛr  du^foyannerat  •efijfikirésîdnitvaaBilBunêne:*!»!. 

<«,J'ai  Ulianmar  de  paaler  ià  M.  Jtenfay  Uy  > 
fitBÎdflaienL 

/Je  fia  «n  saint  afirsatif . 

•«Jb  ne 'manfineBai  pas  de4épAlernratfe«aBHige,% 
naa4-aUe  an  avangant  hiimin'vieffB  Inaonnalte,'^ 


Digitized  by 


Google 


MIMMM  •fou  MT.  1116 

«e'finpe  eMoprorfre^e  mon  aHdMoe  étohttwBriiiée.  Iltn'j 
arait  plus  qu'à  me  retirer,  et  je  le  is  la  tête  basse,  n'iajwM 
•ftgaéÀoioan^iiertinMte  mlrBMOA  qne  de  deaesmlretncord 
an  peu  plu»  1m»  dans  IVstioie  d  «fittily  -et  dans  fat  nîtntte. 

>La  fille  on  la'sièee  il'ua  firocavtiii'l mmaaim^e  oanan 
fooroeffimeT  par  l'accent  népriaafttMec^tqnelj'eswyaMée 
prononcer  ces  motsi  et  j'allai  meniii^jjer  datts  letbiMéeir  de 
«B Bière. flétaal  pmdaotinoaiflégottràrBtoB  ét^fOifoiiiyJes 
années  avaient  marché  pour  elle  :  la  brillante  lady*Oniringtaii 
4iaii«De  coquette  aar  le  tetonr  ^^HeYeDemt  >c0core  iiae<  pe- 
itile  coar  4  «a  toilette,  «Mia  ^aoti  «^pignodle  y  >élait  aoa)e«qHi^ 
^luetoisiafrecaariiiaHfoaae.  Je  lui  5is.pattidoa<kileiitio«(Aa 
'VMNi  fke  at  dermon  4ttce|»taiion. 

ff  Aion,  dittoHe,  onijonri^u  ronti»  toim  poiarez.Aloe  4fli 
ambassadeur,  fin  atkadwit,  Tousinoatorez  'en  )iîile;>ieivott 
doDMiai «ne deaMa/cntDéea.i  l-âpém  «tArowjpféNittorai  à 
b  dachesse  ^  ilhmejmntk.  aMieiMBille^)roiHfdéonMtrde)hi 
fwmiiti  oni^erskaîf e  ;  nais  «évitea  'svriauii  àmx  «abasaa ,  iIb 
tmM  kpoKtiqm.  «Le  jeutirt  la  ipolitii|HetMint  l^apaaage  das 
IHs  aines.  ël^Min  ta'éiaittpafi  «i^  slapide,  il  .poumit-finrorpaiv 
'lar'dehi.AiicâriBailietimiflii(parlanieat;  nattis  Jofan  nettU 
que  lire;  jamais  il  ne  fut  destiné  à  jouer  le  rMe<d/itn  i 


••^AoemmeiittfiM  Taoonnandoa^TOiiB  »de  ipaswr  naon 
teoipa?  hi  .damaadfflije  ipo«r  rine  rptéicr  à  «ms  Mlaa  idéaa;; 
ÊÊm  aD*ae«ioineot  qnelqui'on  «ntfëitdAns.iebaiidoir. 

^  Ah!  WÊÊL  lébète  lady  dianrîfit,  lOoaHWfit  '«Mos^voiis?  'dit 
mtbtaère  ;  tTOUfitraneB  vie  ohordbarrpoiindlei^alnD  larduuhaaaii, 
.itje^fkîai'pas.BiAniefaoMKeMéinia  tetiaile. 

-^■^IHptdwa-^v^atts  donc  1  répondit ane  joiiiie(dani&i|piii{ilit 
JW6'eliaMeuet«'asattrprèa.d«  feu  oMMae«i  «Heiéteitjéh«K^élIe  : 
Vous  avez  OHMîé  »notre  (Teiid«a^.voii8  ^m  iputehaiit  ^yoIib 
<fik;<e'a»t  un  jplaisirfaoDiflie«nfiiutre..4e*Aroiia(«nipnf%,  «aran- 
M^nr^Bie^dit^lle  àfOiôi»  enira6tfot«Mt4in  ^laterqvi  mdiqitdt 
-V^'Me^mefdmKmMilL  ua*ia«am^té»4voHfl  le^^miBtpmUmBtÊk 
4»  sfaai  Ait.OYpidaer  d'Qifoid?  i> 


Digitized  by 


Google 


156  LES  PREMIÈRES  AMOURS  D'UN  FAT. 

Je  reconnus  alors  la  figure  d'une  jeune  lady,  plus  jeune  de 
douze  années  que  ma  mère. 

c(  Oui,  madame,  c'est  moi-même,  répondis-je,  et  je  ne  re- 
grette pas  ce  brusque  congé ,  qui  me  procure  l'honneur  de 
me  présenter  aujourd'hui  à  lady  Harriet  Vandeleur.  »  Ce  di- 
sant, je  lui  remis  l'écran  avec  un  air  de  galanterie  que  je 
me  persuadai  être  irrésistible. 

Elle  le  reçut  avec  un  éclat  de  rire,  et  me  toisant  de  la  tète 
aux  pieds  : 

<(  Est-ce  que  le  style  des  compliments  à  la  Grandison  est 
encore  en  vogue  dans  nos  universités?  me  dit-elle....  Ma 
chère  lady  Ormington ,  allez  vite  passer  une  autre  robe ,  je 
vous  prie ,  et  je  continuerai  votre  rôle  auprès  de  ce  jeune 
homme...  Il  n'est  pas  mal,  pour  un  ourson  universitaire. 
Confiez-le-moi,  je  verrai  ce  qu'on  en  peut  feire.  » 

J'allais  encore  me  lancer  dans  un  compliment  académique 
pour  lui  exprimer  le  plaisir  de  tomber  aux  mains  d'une  telle 
institutrice  ;  mais  un  coup  d'œil  malicieux  m'y  fit  renoncer. 
Lady  Harriet  était  une  Irlandaise  d'une  naïveté  qui  frisait 
l'eifronterie.  Oui ,  c'eût  été  de  l'eifronterie  chez  une  femme 
laide  ;  mais  chez  la  jolie  et  piquante  lady  Harriet  c'était  un 
charme  de  plus. 

«  L'ourson  doit-il  rester  debout  ou  s'asseoir  ?  ou  bien  lui 
permettez-vous  de  s'agenouiller  à  vos  pieds?  lui  dis-je  quand 
ma  mère  eut  quitté  le  boudoir,  et  m'agenouillant  en  efiét. 

—  A  mes  pieds  1  dit-elle,  pas  mal,  quant  à  l'attitude,  mais 
c'est  une  bévue  quant  à  l'intention.  En  me  faisant  une  décla- 
ration burlesque ,  vous  semblez  me  dire  que  vous  ne  m'en 
ferez  jamais  une  sérieuse.  Allons,  relevez-vous...  avec  grâce» 
et  tâchez  de  ne  pas  paraître  trop  empesé  dans  votre  cravate.  » 
'  Cette  étourderie ,  calculée  ou  non ,  chez  une  jeune  veuve, 
me  rendit  muet;  je  fus  dompté  comme  le  sont  les  lions  et  les 
tigres  par  le  sang-froid  de  leurs  gardiens.  I^dy  Harriet  me 
laissa  le  temps  de  me  remettre  en  faisant  une  sortie  contre 
l'ameublement  du  boudoir  maternel ,  qu'elle  trouvait  en  ar- 
rière d'un  siècle  sur  la  nouvelle  mode;  puis  elle  daigna  s'in* 


Digitized  by 


Google 


LES  PmBMIÈEES  AMOUBS  B'UN  FAT.  157 

former  de  la  carrière  que  j'allais  suivre ,  et  n'eut  pas  trop 
d'objections  à  exprimer  contre  la  diplomatie. 

«  Yenez-vous  avec  nous  chez  la  duchesse  ce  soir?  mede- 
manda-t-elle. 

—C'est  vous  qui  pouvez  me  l'apprendre,  lui  répondis-je  : 
aarai-je  cet  honneur  ?  J'attends  vos  ordres,  mylady.  Et  je  la 
regardais  avec  une  galanterie  maladroite. 

—Mes  ordres  I  en  ce  cas,  je  vous  ordonne  de  rester  :  bien 
mieai,  je  vous  ordonne  de  rester  chez  vous^  jusqu'à  ce  que 
TOUS  soyez  propre  à  aller  en  société.  Votre  éducation  est  tout 
entière  à  faire;  vous  êtes  à  mille  lieues  de  la  plus  petite  des 
choses  qai  sont  indispensables  pour  être  souffert  dans  notre 
monde  :  vous  feriez  peut-être  sensation;  mais  faire  sensation 
est  on  triomphe  vulgaire  ;  il  s'agit  d'entretenir  cela,  et  pour  y 
réussir,  il  vous  faudrait  toujours  marcher  sur  la  tète  (mora- 
lement parlant);  or,  cette  attitude,  comme  tout  ce  qui  est 
forcé,  deviendrait  fatigante  pour  vous,  ennuyeuse  pour  les 
antres.  Se  maintenir  en  faveur,  comme  il  convient  à  un  homme 
bien  élevé,  voilà  l'essentiel,  et  c'est  ce  qui  exige  simplement 
une  certaine  dose  de  bon  sens.  Avez-vous  du  bon  sens?  Pour 
le  savoir,  pour  en  être  sûr,  commencez,  mon  jeune  ami,  par 
TOUS  dépouiller  de  votre  présomption  :  Il  faut  apprendre  à 
vouîffutr. 

—J'apprendrai  tout  ce  que  vous  daignerez  m'enseigner, 
lai  dis^'e;  mais  comment  parvenir  à  être  humble,  quand  la 
simple  faveur  de  vous  inspirer  quelque  intérêt  ne  pourrait 
que  centupler  cet  amour-propre,  dont  vous  me  faites  un 
crime 

—  Mais  c'est  de.  la  logique,  je  crois.  Allons,  vous  n'avez 
pas  perdu  tout  votre  temps  à  l'Université,  mon  jeune  étudiant  ; 
et  moi  qui  croyais  que  notre  jeunesse  n'allait  à  Oxford  que 
ponr  y  oublier  le  peu  qu'elle  pouvait  savoir....  Néanmoins, 
non  pas  pour  vous ,  mais  pour  moi-même,  je  consens  à  me 
charger  de  vous;  car,  puisqu'il  sera  de  ma  destinée  de  voir 
beaucoup  le  fils  fevori  de  ma  meilleure  amie,  ce  serait  un 
fléau  sérieux  que  de  vous  trouver  toujours  aussi  présontp- 


Digitized  by 


Google 


IM  UBS  FKBMI AHK  AMOm»  B'OIT  VèX^ 

fliflorvwisiiAculUet^aiMsi.&ique  œ  so».  AUoos,  ne  bém*- 
sez  donc  pas  yos^phunescoinMi  unicoqieik^olère...  Vou6  n'y 
gigowez  TÎM  ((M  ctoiYiM»  tiîfe  vmtfmt  de  vmb^  Je  tous  le 
répète,  cette  franchise  un  peu  brusque,  qui  me. -m  si  bîfio  i 
BHiî^ jeuie  vevrci,  o'iesUàMUre  à  mes  à$auxi  sufiiâP  et  wx  6m«x 
ytw  ie  nwcoiM/U^:  celte»  fraiidnse^  serait  dé(es4able  da»un 
jeune  homme  dont  Icsyeuxae  svai  paspl»  beaw  qneoeuK 
dlua  avtfe,  et  dont  la  eaMette:  est  >un«  cassette  de  eaèet  de 
bmille,  c'esiràHUreirèsKSontostable.  PourcéassirfanoLoeHSv 
mMs^devea  tédtiire  votre  rire  à-uvisenrire,  votre  grosee  roias 
k.wm  demi^toix^  vo&aMeitioas  à  des  suppositioM.  Pendant 
qoalqiMB  années  e&core,  vous  n'av«E  aueun  droit  d'«?oiT-iiiie 
opinion  à  tous;  une  petite  toux  de  vos  aines  veus  couperait 
la<paroie.  Le  jury  se  compose  de.eeox  qin  ont  dix  ans  de  ploe 
cpie»yoiis.  Leshenvnes  de  trente  ans  sont  toni  à  LoAdresî, 
hommes  assez  âgés  p^iM*  aivYMr da  t»ct, pas  asseapoivavoir  de 
lasagesse.  Auss»tèitqucineiis:devenoasTéelleineaè  saçes,  neos 
dnrenons  indnigevirts...  téamn  umm,  q»  ai  trente^roisans... 
Ausst,  tout  envoussigttalant  vos  déâMvtsy  je  s»s  'assez  bonne 
pe«r  souhaiter  que  von»  vou»  corrigiez',  et  lâKlesBua,  benu 
aeir.  J'enteads-le  frohBM«t<de<la  n»bede  seie  de  lady  Or^ 
mington^  et  j'^eo  suis  d'ianianiphis  aise.qne  voiisvoit^  prêté 
éclater...  Je  n*aimepas  les  explosions.  » 

BapS'iefait,  j'ava«9:jbit  pins  d'unteffort'peavi^nteivotnpTe, 
stais  seins  succès.  Il  n'y  avait -pae' moyen  de. fance  baiser  pih 
iidavnHon  à  cette  ohareaaeiAe  andeee. 

«  BeMoir^ajeiita-t-^Ie,  en  portant  fab  main  à^eslèvree»  à 
la  mode  d'Italie  ;  vous  n'êtes  pas  encore  suffisamment  dane 
M»  boAMs  grAoes  panr  qiue  j  accepté  yet#e>bras  jnsqn'à 
mn  voiAvre.  Prowec-mcM  vutne docilM^n^veetant  icipendasl 
qpe  nmn  «tiiena  cfae^  1»  dueheete  pevdve  netreiemps,  notre 
acgent  et  notre  biMfiiie.  hnownr.  Lieee  cppelqaelivre  utUe*. .. 
fa»  UtémMfùê^  A  GnmmlfmK  cm  un  roman*  de  madMie  de 
SkraBa^.pfffievMipies  W<ieyappineeéctz.iei)e«  feai^taie  et  lee 
benMes^mawëretç  D 

fin^éi^ld^eoAiinjjfiMtien^  îe^anomdtiifÎBiJu^       porte 


Digitized  by 


Google 


de  rhôtel  ;  je  lai  serrai  même  la  main  lorsqu'elle  Tappuya  sur 
la  mienne  pour  entrer  duis««  THîlife;  mais  après  cela,  je  me 
trouvai  presque  hors  d'haleine,  à  force  de  lutter  contre  mon 
dèpâl  et  ma  surprise* 

Quoi  doBcI  mail  un  des  j^umb q^qs  left-pbis  «finUonaUts 
df  rrniïrrniff  j'fitiin  linrihuffmié  pnrunfi  jilii)  frmwM  Afvài 
tout,  ellfr  avait  daàgoi  me^iomnerqNhelcpie-eftpoîrt..  eH&s!6C^ 
c&()efiiit  de  moî.^  elle  Dem'aimait  pas  eoeoDe,  mais  eU^sfa* 
lait  pas  dit  qrfelleae  ro^'aimerafk  jjBWiis  Ab  1  e'ékiît  peuÉ-èto 
sa  dé&l  Oui,  j#  la  {Mcerai  de  m!aiflMffi..cwi,  je  te  j«v«V'«U« 
flùdmeca,  elle  m'adûr^ca»  efc....  roèmd'eU» «'éywiaara.  Je»  m 
sùs-pas  sis  de  m'étfie  senri  ce  seiir-là4iftTerbe  ip$mer:mÊm 
cefiit  au  moios>  d'un  tenue  équwralent.  La  feii  est  epi'àrm^ 
aas  et  six  mois»  ua  frère  cadet  A'esA.{ia»  encoie  très'^Ar  de 
bire  insi  riche  Buxia^, 

Le  lendemain,  j'iètais  ^eacoro  dana  les  mètms  dispiestèioiis\ 
loisqne  je  reçus  une  letlce  qmrémUa  en  bmh  vMantte  senlN 
ment:  c  était  dtt  vieux  Haïuner.  Je  ne  pettraja^  espérer*  cpw 
oe  digae-procaKur  meatiauiierait  le  nom  d'Emily,  el  oepHiw 
dtat  je  fiis  àéuffioisUé  conaie  si  je  feosse  eapéré',  lorsqaa 
j]arriiraiàia.si{[iNiture..ËoiiH»  dia^wt^ee  Halic::  Jrneistiw.jMM 
lATête»  nm$faifiécik4ivee  eUê.  h'éfUne  d'«ii  hooime  d'aAâfeat 
esl-y  rien  de  iuqîjw  peétiqurs  au  monde,  lien  de  pli»  seo,  rîMt 
de  plus  seftlencieux?£bLbieBl  coUe^i^avantqiMrJe  Touirrîase^ 
avait  pour  moi  on  parfum,. un -battquet^.ttiieémaiMitfoii'cA* 
leste.  Q«a]idj^l!ett&paicourue,  il^  trouva  ipi/eUaafaimiih 
çfii  tout  ainiplemiwi  que  j;ayais.à  ma^disposilio»,  chezte'liaii** 
quier  de  mou  père^ie  preaûer  quartier  de  ma.  fienaioa,  et  qaa 
kmiaisiredaB^a&ir^ètraog^nes,  lordVoteilab^ja'atleodiali 
la  lundi  suivant  dajuases  bureawLppurm'y  iaataller  lUMutoit; 
Cent  goiaéea  à  toucher!  la  patte,  des.  hauaeursc^  sTmitt^ 
pour  voua.  Ahl  q|iiietî;^èftais.byùen.ttii«écoIier.de.vii^(t«ai»^^^ 
BOUC  ne  pas  votriàplus  dei^oisie.qua  daoa  tauslesiOuviiatM 
réunis  de  Crabbe,  ScoU^%uui^.Wordswoi:th,MQ<H«>iate.,^^ 


Digitized  by 


Google 


160  LES  PREMIÈRES  AMOURS  B'UN  FAT. 

CHAPITRE  III. 

Le  lundi  suivant ,  je  fus  donc  enrôlé  parmi  ces  esclaves  de 
la  nation  qui  passent  cinq  heures  de  la  journée  à  tailler  des 
plumes  ou  à  dessiner  des  chevaux,  des  chiens,  des  caricatu- 
res, etc.,  etc.,  sur  le  papier  de  Sa  Majesté  dans  Downing- 
Street.  J'avais  avec  moi  jeunesse,  santé,  espérances;  je  crus 
que  je  devenais  mon  maître.  Ces  cinq  heures  étaient  bientôt 
écoulées.  Après  mon  jour  de  servage  officiel  commençait  mon 
jour  de  servage  amoureux  ;  car  je  me  rendais  au  moins  trois 
fois  la  semaine  des  bureaux  de  Son  Excellence  aux  char- 
mants salons  de  Grosvenor-Place,  où  présidait  lady  Harriet 
Yandeleur.  Cet  aimable  tyran  n'était  jamais  visible  avant 
quatre  heures.  Elle  ne  se  levait  qu'à  midi  (Y aurore  de$  jo- 
lies femmes).  Je  me  demandais  quelquefois  comment  elle 
passait  le  temps  depuis  son  lever  jusqu'à  l'heure  où  ses  salons 
étaient  ouverts.  J'avais  bien  vu  dans  mon  enfonce  lady  Or- 
mington  consacrer  six  heures  consécutives  à  divers  détails  de 
9a  toilette  ;  mais  c'était  une  époque  où  l'arrangement  de  la 
parure  d'une  dame  n'était  pas  une  petite  affaire;  il  ne  fallait 
pas  moins  d'une  heure  alors  pour  se  lacer  ;  tandis  que  lady 
Harriet  était  à  la  tète  de  cette  école  du  Déshabillé^  qui  im- 
provise une  beauté,  avec  tous  ses  atours,  en  trente  minutes^ 
Lady  Harriet  portait  invariablement  une  robe  de  mousseline 
d'une  finesse  exquise  et  d'une  blancheur  irréprochable  :  ses 
cheveux  étaient  toujours  noués  avec  la  plus  grande  simpli- 
cité, sans  colifichets  ni  rubans.  Enfin,  à  l'heureux  moment  où 
j'étais  admis  en  sa  présence,  elle  montrait  un  air  enjoué,  qui 
annonçait  le  contentement  du  cœur...  des  yeux  rayonnants 
d'intelligence,  des  lèvres  fraîches,  des  joues  animées  parla 
conscience  de  sa  beauté  :  non,  avec  une  figure  si  expressive , 
une  femme  ne  saurait  cacher  à  des  yeux  jaloux  si  elle  a  été 
trop  tendrement  occupée  en  votre  absence. 

Je  n'avais  aucune  occasion  de  résoudre  mes  Routes.  Le  ha- 
sard m'avait  favorisé  d'un  tète-à-tète  lors  de  notre  première 


Digitized  by  VjOOQIC 


us  PREMIÈBE8  AMOURS  D'uN  FAT.  161 

entrevae;  mais  depuis  je  ne  la  vis  plus  seule.  Nous  nous  ren- 
contrions  dans  la  foule  du  inonde  ou  chez  elle  ;  mais  je  ne  pou- 
vais jamais  arriver  dans  son  salon  qu'entre  quatre  et  cinq 
heures:  il  était  déjà  plein.  Un  jour,  que  j'avais  dérobé  un  quart 
d'bemie  sur  mes  fonctions  officielles,  et  que  je  mettais  le  pied 
dans  Grosvenor-Place,  cinq  minutes  avant  c|uatre  heures,  je 
me  trouvai  devancé  par  un  certain  colonel  Morley,  le  plus 
laid  des  officiers  de  la  garde,  mais  très-aimable  et  très-sédui- 
sant. Je  ne  veux  pas  dire  qu'il  me  séduisit,  mot  ;  au  contraire, 
il  y  avait  dans  son  regard  perçant  une  sorte  d'ironie  de  bon 
ton  qui  me  glaçait  le  cœur.  Sous  l'influence  de  ce  regard,  je 
seniaôs  mon  esprit  s'évaporer,  et  mes  plus  piquantes  anecdo- 
tes échapper  à  ma  mémoire  :  comment  n'aurais-je  pas  détesté 
an  pareil  homme?  c'était  mon  mauvais  génie. 

Ne  pouvant  arriver  le  premier,  je  m'arrangeai  pour  rester 
on  jour  le  dernier,  et  ma  petite  manœuvre  pour  garder  seul  le 
terrain  fut  si  discrète  et  si  calme,  que  lady  Harriet,  qui  ar- 
rangeait ses  vases  de  fleurs,  me  récompensa  par  le  don  d'une 
branche  d'héliotrope. 

a  Yons  avez  fait  des  progrès,  M.  Cecil  Danby,  me  dit-elle, 
il  est  joste  que  vous  receviez  un  gage  d'approbation  et  d'en- 
couragement. Franchement,  vous  possédez  presque  par  cœur 
la  plus  difficile  des  leçons,  celle  de  vous  contenter  d'être  une 
des  fractions  du  grand  tout,  un  des  mille  anneaux  de  la  chaîne 
sociale.  Ceux  qui  prétendent  à  davantage  ne  deviendront  pas 
même  cela.  Vous  n'avez  à  présent  aucun  droit  de  vous  tndtvt- 
dualis^^  vous  devez  vivre  de  la  vie  de  la  masse,  agir  de  son 
action,  sentir  de  sa  sensibilité. 

—  Sous  un  rapport,  répondis-je  avec  chaleur,  je  sens  en 
effet  ce  que  sent  la  masse ,  c'est  lorsque  je  vous  adore... 

—  Ma  voiture  est  à  la  porte,  interrompit  lady  Harriet ,  et 
si  voos  n'avez  pour  me  remercier  de  ma  gracieuseté  que  de 
pareilles  platitudes... 

—Votre  gracieuseté  1  m'écriai-je  avec  le  soupir  d'un  tendre 
rqproche. 

—  Ne  traitez  pas  la  chose  trop  légèrement,  répliqua-t-elle, 

5*  SÉEIB.— TOME  XI.  11 


Digitized  by 


Google 


m.  us  PBUnÈBi»  Mtiowm  s^un  Fivr. 

mr  jeTouftlone  «Koeiv  plus  p«r  YeÊei  d»  m«i 
ipief  par  svitrdeTO&fliérîle».  Vo«  été»  tm bo» ehanM:  ymoé 
svea  apprift'  i  rom  baUllar  sinpieBieiii  et  à  vmm  tonr  siar  1« 
gMond  ptanidiilablea«;;mai»Touft  af«iein«Diti  de»noadn 
de  sagesmr  à»  acquérir;  Vm»  parles  liop'  et  ¥««9  ries  iMp. 
¥od  dents  90at  berik»,  inMw  anreH  de  Veeprit*;  mne-  celu  se 
Mrffit  paâ'povi  vdfW'TeiidfraieiisaUBde  iriwieiir  donriaer  par 
hi  yfotjt  dung  ua  (Soton,  eiJB  vetie  vetbiage  rériiift  a»  sileMce  do» 
fvreoMMs  qai  avec  pli»é-€9priili  qneringus  ont  br  vus  mM» 
Ibfte...  Regairdez.  leGoteoiel  Iforiey. 

-^  Grand  metci,  modaflde  ijfùvMÊM  mîta»  Véeouler  qw 
le  pegovdef . 

*-  Ceat  tout  Toppoeé  de  vous, .  me  dié-elle  peur  lélorqnec 
mon  impertinenee.  Voue  feviez  bieib  to«itefeis<  de  l'étudier  ta 
de  ptendre  modMe  9«r  Ymsowiimne€  d*hoiMiiebiett  Mevé  «rec 
bofoeHe  il  consent  à  lesler  îniafiarçu  pour  laisser  la  cairii^ 
ewerte  à  u«  spîntiicd  étourdi  qui  a  son  début  à  iaire  dana  le 
monde.  )» 

J'euB  quelque  peine  à  me  contenir  aprè»  cette  iasulte  ;  hmms 
lodlf  Harriet  avait  un  aourive  si  ykpiaiit  dans  son  sarcasme, 
et^pour  aj!0iilerq«eh|iie  emfhaeeàaes-poroles-mordantes,  elle 
fil mi  geste a:rec  une mrâi' si Uoncbe etsî flûgnoniie,  que je^ia 
laissai  eoiatîiroet: 

«  Oè  est  la  fleur  cpie  je  vîea»de  toob  doiuier?  >^  demoflKk^ 
t«-eHe  en  pensant  penU-Moe  ifa'elle  n'avait  pon  assez  ménagé 
mon  amonr-pvoproc 

Je  sépnndi&onpoTtBnlJaniainaiip  foen^eeeiir. 

K  Ayez  la  bonté  de  la  placée  il  \«s4re  boutonnière,  oonli^ 
nwa  t  f!iUe  froidemant^.  Siq)p€>sen*-vo«s  qoo  jo  vous  aime  aasex 
pour  vono  donner  une-  ileof  dont  je  ne  voudrais  pas  vouo¥oir 
v«ns  parer?  ie  vous  Vai-donnée  eomme  Napoléon  donne  une 
désoration  :  la  croix  d'honneur  cesserait  d'en&nter  des  béios 
si  on  la  portait  en  cachette.  » 

A«  mon  retour  d'Oxford^  l'ordre^de  fake  montre  d'une  flenr 
reçue  de  sa  main  aurait  flatté  ma  vanité  ;  mais  je  n'étais  pfais 
si  novice.  Je  vis  qu'elle  n'avait  aucune  craiate  d'être  corn- 


Digitized  by 


Google 


pMBMt  pv  ttM  ;  fà  tttriiiiy  et  i  j^ne  élai^edanate  rat^  q«e 
Harriet  l'apercevrait  là  en  montant  daas  m  v^iluBe.  i 

UBJuuaim  f<m  qii»*aiineiilfMv  la^pteniièie  Cm^osI  pue»* 
(|«f  amè  sHMsplitaleH  ^  ont  pe«r  dl&  ridinle  pietf^a  antaot 
(fK  tai'wilkKd^cfn  ainitat  pour  hi  dèniière..  J^'élaM  ftrÎNHi 
de  «pit.  Êtie  le  jsiHt  A'«ne  ed^tteHe...  Ir phAftiMi  d'M  co- 
ta«k  lMb]^LPèBdMÉ  àKM  jpMm»  it*e  l«MMkti  lae  «.  IrawM 
aoBÉtailp  iioB  ^MO,  je  me  prim  é'alkv  A  GnoevMOf- 
fihee.Jh  mt  nooÉnet  à  rdpért  e*  dm»  k»  miees  lieu  eè 
je  rencontrais  lady  Harriet,  j'avais  l'espérance  seerèèe  que 
j'rikn  fseofiMi  m  ds  es»  jettv  bîikiaf  A  p«ttea  dewMlelwqai 
nfmieBifappéayecé^JMtm  adreeits  q»i  bi  «ienne  sttr  fai 
tabk  de  ton  aaten.. Ma»  j'aftendieeA  vm,  ai  je-peidis  p»- 
;  kl  MNâéti  piqMBftir  de^My  HarBÎel  m'iML  dfevtM» 


«  Depnis  quand  de  retour  en  ville,  M.  Danby?  m 
d»4«cile  d'«n  tM  praleelM*  lofafMj'eiitBaft. 

•*- Je  i^eî  pQe<i|«lttèLoMieefl^  tari  rèpolldft»-j^y  piqoèé'élM 
fmfkét  pioelaeHrioiÉft  hininik  fiaâft  deat je levaewaîe  perfû^ 

^m  îe  cn>|M.  Vowaowilè  aldade^  m'eafr^  pM? 

—  Jeme  «ns  tiAvtte&pertéveqrledy, etî'aî  m»  il  f  e  tref» 
je0%  à  rOpéiBr  que  f  IM»  jonkaieiiaigi  de  leeto  velie  Bitt, 

~ilil  4M  VOféim  «I  détealable  eeC«^  siîsonl  Si  en  w 
Doei  ëa— iiiiie  de  ainty  je  fieêreipae  miHKaytf  Mk  le^e» 
dàkbdf  ■■nèiea  ee^dvdMeittefs  le^mui^efaie  deOevereut, 
owén  neweifes  maniêede  VaMiéev. 

-^Ccsl  €v  qi^e^diâ  tei^evto^  iceMerfEet-  le  jeueemantHiae 
ee  HiwiiMil ,  ei  pei»  Foii  geneeraHé  le«iouvs  ao»  eboMM- 
.  B  leedik  ftt^ettneTpeet  ae  peaeor  deeespeeiade,  te«i 
ieat 

—On»  en  eeoMieMeneB&  et  à  1*  fi» de  le  saiao»,  teprii 


Digitized  by 


Google 


16ik-  LES  PREMIÈRES  AMOURS  D'UN  FAT. 

lady  Harriet,  €[uand  on  n'a  rien  de  mieux;  mais  en  ce  mo- 
ment il  me  faudrait  pour  y  aller  plus  de  temps...  et  de  pa- 
tience que  je  n'en  ai.  » 

L'hypocrite!  elle  ne  manquait  pas  une  seule  représenta- 
tion. Aussi  j'y  allai  ce  soir^à  et  me  plantai  en  face  de  sa  loge^ 
voulant  au  moins  exciter  en  elle  sinon  la  honte,  au  moins  le 
remords.  Comme  je  m'y  attendais,  elle  y  vint;  comme ^e  ne 
m'y  attendais  pas,  elle  y  vint  avec  la  jolie  marquise,  et  je  dis* 
tinguai  au  fond  de  la  loge  le  colonel  Morley  l  Je  fus  bientôt 
certain  que  lady  Harriet  jetait  sur  moi  un  de  ses  plus  ironi- 
ques regards.  Je  résolus  d'affecter  au  moins  l'indifterence,  et 
me  mis  à  promener  ma  lorgnette  sur  tous  les  rangs  de  loges, 
passant  eu  revue  les  beautés  présentes  avec  ^in^>ertinence 
d'un  novice... 

Tout  à  coup  j'aperçus  à  demi  cachée  derrière  le  rideau  d*ane 
troisième...  oui,  c'était  elle  ou  un  ange...  miss  Emily,  anssi 
belle  que  jamais,*  miss  Jlmily,  si  belle,  que  la  surprise  de  la 
voir  là  fut  effacée  par  la  surprise  plus  grande  encore  que  me 
causa  la  réflexion  d'avoir  laissé  passer  un  mois  sans  me  sou- 
venir d'elle  l 

Je  n'eus  bientôt  plus  d'autre  pensée  que  celle  de  la  voir  de 
plus  près,  de  lui  parler  si  c'était  possible.  Je  me  dirigeai  donc 
vers  les  troisièmes  loges,  et  me  plaçai  de  manière  à  y  vérifier 
que  M.  Hanmer  n'était  pas  là  pour  garder  celle  que,  par  une 
insolente  supposition ,  je  persistais  à  croire  de  sa  famille. 
Elle  avait  pour  chaperon  une  vieille  dame ,  vêtue  de  noir 
comme  elle.  Depuis  un  mois,  je  n'arrêtais  plus  mes  regards 
que  sur  ces  teints  fanés  de  la  vie  fashionable,  qui,  vus  en 
masse  avec  la  peinture  fraîche  de  leur  fiard,  n'excitent  ni  sur- 
prise ni  dégoût.  Mais  l'aspect  de  cette  beauté  si  jeune,  si  brilr- 
lante,  si  pure,  m'inspira  une  admiration  qui  fit  terriblement 
tort  dans  mon  cœur  à  lady  Harriet  et  à  toutes  les  autres  belles 
dames  de  la  salle.  Ck>mment  résister  ila  tentation  d'aller  l'ad- 
mirer de  plus  près  encore,  au  risque  d'être  de  plus  en  plus 
mal  reçu?  Je  me  fis  ouvrir  sa  loge,  non  sans  émotion,  et  ce  ne 
fut  pas  avec  trop  d'assurance  que  je  pris  un  air  dégagé  pour 


Digitized  by 


Google 


LBS  PBEMIÈRES  AMOURS  D'uif  FAT.  105 

demander  des  nouvelles  de  M.  Hanmer.  Les  répouses  d'Emily 
forent  aussi  froides  que  succinctes.  Elle  me  mit  à  ma  place , 
comme  on  dit  vulgairement ,  et  je  me  trouvai  si  petit  à  côté 
d'elle,  que  j'aurais  tenu,  je  crois,  dans  une  coquille  de  noix. 
Quand  elle  vit  que  je  ne  quittais  pas  la  loge,  que  je  continuais 
même  mes  questions ,  elle  se  tourna  tout  à  coup  vers  sa  vé- 
nérable compagne ,  et  elles  s'entretinrent  ensemble  dans  une 
langue  inconnue.  Ignorant  conmie  tous  les  jeunes  diplomates 
frais  éclos  des  bancs  d'Oxford,  je  reconnus  seulement  qu'elles 
ne  parlaient  ni  anglais,  ni  français,  ni  allemand;  mais  je 
n'aurais  pu  dire  si  c'était  en  russe,  en  hongrois,  en  polonais, 
en  espagnol  ou  en  portugais.  Dans  la  bouche  de  la  vieille 
dame,  c'était  un  langage  grave  et  sonore;  dans  celle  d'Emily, 
nn  langage  facile,  doux  et  d'une  mélodie  ravissante.  Je  fus 
doublement  fiasciné  par  les  yeux  et  les  oreilles  :  j'aurais  voulu 
m'éloigner  ;  je  ne  le  pouvais  plus,  et  j'osai  même,  pour  jouir 
plus  complètement  de  mon  extase ,  me  glisser  sur  la  seconde 
chaise,  à  cété  de  l'enchanteresse,  sa  compagne  paraissant  ne 
pas  se  soucier  de  se  montrer  sur  le  devant  de  la  loge ,  peut- 
être  à  cause  de  la  sévérité  de  son  costume  au  milieu  de  toutes 
ces  parures  aristocratiques  de  bon  et  de  mauvais  goût.  Ayant 
plongé  un  regard  dans  la  salle ,  et  m'étant  assuré  que  j'étais 
aperça  par  lady  Harriet  et  par  mes  amis  de  l'orchestre,  je 
sentis  une  assez  forte  dose  de  ma  fatuité  indiscrète  pour  expri- 
mer é  Enûly  le  regret  de  la  trouver  dans  une  si  mauvaise  loge  : 
«Permettez-vous,  ajoutai-je  de  mon  ton  le  plus  insinuant,  que 
je  vous  envoie,  un  de  ces  soirs,  la  loge  de  ma  mère?  c'est  une 
loge  de  balcon,  d'où  l'on  a  le  plus  beau  coup  dîœil  du  ballet.  j> 

Emily  me  regarda  d'un  air  calme,  quoique  un  peu  surprise, 
mais  sans  prononcer  une  syllabe,  et  je  continuai,  comme  pour 
loi  rappeler  la  nature  du  lien  qui  nous  mettait  en  rapport 
elle  et  moi  :  a  Si  lord  Ormington  avait  su  que  vous  aimiez 
rOpira,  je  suis  convaincu  qu'il  aurait  eu  l'honneur,  il  y  a 
longtemps,  de  l'offrir  à  M.  Hanmer.  » 

J'en  étais  trés-peu  eonr^aincu.  Lord  Ormington  n'aurait  pas 
plus  osé  disposer  de  la  loge  de  ma  mère  que  celle-ci  de  son 


Digitized  by 


Google 


146  LM  raEVlèRl»  AMOVM  9"^  PAT. 

argentem^e  fitnMi4«;  imm  je  voulais  que  iatiUe  oo  la  aite 
4ii  vteu«  procnreitr  se  soirrliit  des  égards  qm  étaîesA  4w  an 
fils  du'ptns >noUe€it du  plus  tmportai^dieot  éa  l'élude. 

JV)biins  k»  IcnsA  jwte  im  léger  «alat  et  tête,  et  pan 
Snifly  reprît  sa  ccmversaiîoa  en  langue  nieonaiie.  Avec  la 
snsceptflnîité  de  mon  ignorance,  je  me  permadaisqv'oii-pav- 
latt  denfioi,  etjeme  sentis  sîma)  àmonaisedanannepanflle 
sHnattofi  fine  je  we  4evni,  je  sertis  de  ta  le^  etredesoendw  aas 
premiièreB,  où  foyant  «qae  liorler  n'étailfihia  tawprés  de  iady 
Harriet,  je  mlnsinusî  à  -sa  ffcioe.' 

Là  dn  moins  f ol)tins  ealni  vxk  «uoeès.  Jamaîa  Iady  Harri^ 
n^avait  été  pkn  affslyle.  On  m'aratt  eert»neinent  aperçu  an 
iroisîémes...  'c'est^^^Rre  à  côlé  «de  U  beanté  la  phis  remap- 
cpiable  de  'la  srifte;  pevt^tre  aussi  parnssatt-on  à  mon  profft 
le  coloml  de  sa  désertion.  Cette  seeo«de  idée,  cette  pem 
tPétre  nn  piê^Ur  me  rendit  toute  ma  vanité  :  à  une  coquet- 
terie manifeste  je  ripostai  par  une  amabilité  inaccoutumée. 
Favais  à  cacher  d'ailleurs  mon  échec  des  troisièmes,  et  je  me 
fis  irrésistible  par  une  gaieté  fectioe ,  appelant  à  mon  secouns 
ee  jargon  fasbionable  aussi  aisé  à  apprendre  que  Tart  de 
mentir,  quand  on  veut  bien  y  appliquer  son  esprit.  Je  crois 
«miment  que  j'inspirai  Iady  Harriet  elle-nméme  :  die  était  iâ 
pomr  moi  comme  une  fée  qui  laissait  tomber  des  perles  et  des 
diamants  de  ses  lèvres;  mais  j'avais  à  venger  une  défaite,  et 
je  la  pris  pour  Tictime  en  l'admirant  beaucoup  moins  que  je 
ne  m'admirai  mot-même ,  je  veux  dire  en  restant  dans  les 
termes  de  la  plus  tendce  galanterie...  Mon  véritaMe  anov 
était  désonnais  aUleufs.  Aussi,  cinq  minutes  avant  la  fin.do 
ballet,  au  imReu  d*un  'feu  croisé  de  bons  mdis  et  ^éTaneedotes 
agréablement  brodées ,  je  me  levai  comme  si  je  me  rappelais 
m  engagement,  je  fis  'unéprofende  ré^^érence  et  je  diapnnas. 

Kien  ne  pique  -une  fcmme  du  monde  comme  de  se  voir 
ainsi  déseilée  par  le  cavufier  cpi  «vient  «de  trouver*. une  ^eon^ 
fortable  hospitalité  dans  sa  loge.  TTestH^e  ip&s  lut^dédarar 
hardiment  qu*U  dédaigne  l*honnenr  de  Toscorterjusquli  sa 
^ture?  Mme  c'eat  un  dovd^le  ufiront  quand  f 'ingrat  a  Jual^ 


Digitized  by 


Google 


um  mifiimis  àMùmê  »'tnr  pjmt.  MT 

•Mt  «nez  occvpé  raUMlioii  ée  fa  Atme  pour  teair  retp«o» 
ftesC  à  l'éoait  to«t  — tre cewilwti  de  §eB  dbmnumqêi 
t  p«  panier  à  inettîr  {Mue  preiwred'asMduilé  â  ce  iMHMOt 


Je  m  M  noMUèiDe  de  omni  ingnititade  et  me  dirigeai  vem 
f«iQalîfr  4es  troisiènes ,  ««rieux  de  voir  ««ne  qoelie  eeeerte 
masculine  sortirait  Emily.  J'eus  peine  à  faire  une  trouée  é 
limn  fa  inle  qM^etcendail  dé^,  et  eette  pxtie  delamlle 
Attt  é  flMitié  dégarnie  farsqoe  j'y  arrivai. 

TooÉe  penonne  jMsez  OMlbewmwe  yeur  firéipMûter  fas 
IhMAfes  de  l..oiid#es,  «oit  4Si  ce  tenip»4à,  seit  oujoiird^lyii,  o 
dû  remarquer  avec  indignatioa  eenlûen  est  grossièpe  oeMe 
daMe  pc^idaîre  qui  i^uplit  fae  gaiierfas,  et  co«Ql)ien  aussi  est 
incovireiiante  une  anire  ^Aaise  siieux  née  peoi-étre,  maia 
fKsqve  aussi  nai  tievée,  dont  k  gaUnterie  consiste  à  regav- 
dereffiroatément  une  fenune,  et  rhéroïsme  i  tuer  un  homan 
«adad. 

le  (roavai  la  lo^  d'Emily  assiégée  par  un  groape  de  Lov#- 
laeesdeeette  eeooade  classe,  qui  attendaient  que  la  belle per^ 
smatf  sortit,  et  qui  la  tenaient  prisonnièce  par  la  penrdea 
îasrites  asixqaeHes  ette  se  voyait  exposée.  J'eus  lun  bon  ommi- 
wamt,  et  j'offiris  1  ces  danes  de  denr  donner  le  bras  :  cetie 
oiw  fat  aooc^ée  après  qu'Eoitly  eut  adressé  qadqMesfkbcaaeB 
rapides  à  sa  compagne,  et  je  compris  qu'elle  lui  jcitaît  les 
aoDsde  tord  Ontaiiigton  et  de  IL  Hanmer  pour  iaiexpbcpier 
qai  j'iétafa.  et  Je  enaina  bien,  <dtfr*jie  alors  «n  iroyant  ^son  air 
ému,  que  vous  ayez  éprouvé' déjà  quelque  désagrément  ;4ai- 
une!  anieaieat  me  aaontrer  d'individu  qui. . .  » 

Elle  m'»A»ranipit.  <c  Si  j'acoe^te  voire  potitesse,  ne  dit 
&Biiy,  c'ieatA  la  coAdition  iqae  vousne  lérez  aucune  atten- 
lîsa  i  eeupa  a  fni(arri¥W  <ou  peut  aitriver  encere  «par  rappourt 
4910».  BfaA  ne. aie  chaqnacait  eoaime  de  devienÂr  le  siqM 
d'une  idiapvie  an  fnUic.  a 

Iwtioek'Se  passait  tarifa  senti  4^  falote,  «etd^lav»^ 
d'an  iisoleelaHr  aoeonsm  et  autorisé  4oat  on  acceptait  le  bcAS 
dispersait  la  foule  des  insolents.  Nous  desomdkakes  eyaAS  w 


Digitized  by  VjOOQ  IC 


168  LES  PREMIÈRES  AMOURS  D'UN  FAT. 

coudoyer  un  seul.  Emily,  un  peu  rassurée,  ajouta  :  a  Le  gen- 
tleman qui  nous- a  accompagnées  ici,  le  mari  de  madame 
d'Acunha  (c'est  ainsi  qu'elle  désigna  la  vieille  dame),  doit  avoir 
éprouvé  quelque  accident  qui  Tempéche  de  nous  rejoindre  ; 
il  nous  quitte  ordinairement  pendant  le  ballet  pour  aller  se 
placer  au  parterre ,  mais  il  revient  toujours  à  temps  pour 
nous  escorter. 

—  Et  vous  avez  été  exposée  ce  soir  à  quelque  désagrément» 
j'en  suis  convaincu...  Ne  le  niez  pas,  lui.db-je  en  voyant 
qu'un  dernier  groupe  formait  une  double  haie  sur  notre  pas- 
sage, fixant  sur  nous  des  regards  grossièrement  rieurs...  Sans 
doute  votre  voiture  vous  attend? 

—  Je  n'ai  pas  de  voiture,  répondit  Emily  sans  le  moindre 
embarras,  sans  la  moindre  mauvaise  honte.  Peut-être  aurez- 
vous  la  bonté  de  nous  faire  approcher  un  fiacre,  comme  au- 
rait £ait  M.  d'Acunha  s'il  eût  été  ici.  d 

Je  fus  frappé  d'horreur...  non  à  l'idée  de  faire  approcher 
un  fiacre,  un  vulgaire  fiacre ,  je  le  jure,  mais  à  l'idée  de  lais- 
ser Emily  et  sa  compagne  seules  dans  le  vestibule  du  théâtre 
pendant  que  j'irais  chercher  la  voiture  dans  les  affreuses  ave- 
nues de  Shepherd-Market,  ou  les  fiacres  stationnaient  à  cette 
époque,  a  Je  n'ose  pas  vous  quitter,  lui  dis-je;  accompagner- 
moi  jusque  sous  le  péristyle  extérieur,  et  un  porte-flambeau 
nous  procurera  un  fiacre.  » 

Le  porte-flambeau  (linkboy  )  était  dans  ce  temps-là  la  pro- 
vidence des  personnes  forcées  d'aller  au  théâtre  sans  laquais 
ni  voiture. 

«Une  voiture!  demandez  une  voiture  1  nous  crièrent  une 
demi-douzaine  de  ces  drôles  avec  leur  voix  glapissante; 

—  Une  voiture I  demandez  une  voiture!  répétèrent  en  même 
temps  derrière  nous  d'un  ton  goguenard  une  demi-douzaine 
de  ces  beaux  messieurs  à  l'insolence  desquels  Emily  me  de- 
vait réellement  d'échapper;  et  quand  le  fiacre  fiit  amené»  le 
même  cortège  l'entoura ,  après  avoir  emprunté  les  flambeaux 
des  linkboyt  pour  nous  éclairer  avec  les  mêmes  intentions 
d'insulte  ou  d'ironie. 


Digitized  by 


Google 


LES  PREHIÈBES  AMOURS  D'UN  FAT.  168 

•^  D  fimt^  dis-je  ioat  bas  à  Emily,  que  vous  me  pennetUez 
de  vous  accompagner  jusque  chez  vous ,  serait-ce  à  côté  du 
cocher.  » 

Eim]y  ne  me  répondit  pas;  j'interprétai  son  silence  comme 
un  consentement...  Si  je  n'avais  tourné  la  tête  pour  chercher 
i  reconnaître  en  parlant  un  de  ses  lâches  agresseurs,  j'aurais 
fQ  qu'elle  pleurait...  A  peine  assis  dans  le  fiacre,  où  je  m'é- 
bnçai  après  madame  d'Acunha,  j'entendis  ses  sanglots  et  la 
yis  se  presser  avec  une  sorte  d*effiroi  contre  sa  compagne. 

Je  fus  assez  mattre  de  moi  pour  ne  pas  lui  offrir  des  con* 
solutions  qui  n'auraient  fait  qu'augmenter  son  embarras. 
Mon  rMe  était  de  rester  là,  champion  silencieux  et  discret. 

la  vieille  dame  —  ou  madame  d'Acunha,  puisque  c'était 
800  nom, — ne  fut  pas  âchée  de  s'emparer  de  la  conversation 
par  on  torrent  de  paroles  que  l'accent  de  l'orateur  me  disait 
assez  être  l'expression  d'une  fureur  conjugale  contre  ce  mal- 
heureux retardataire  ou  réfiractaire  M.  d'Acunha ,  et  proba- 
blement aussi  contre  les  chevaliers  félons  d'Angleterre  qui 
avaient  menacé  de  leur  agression  deux  dames  seules.  Je  pen- 
sai qoe  le  cher  M.  d'Acunha  courrait  quelque  danger  de  la 
part  de  cette  Junon  furieuse,  à  moins  qu'il  ne  parvint  à  jus- 
tifier son  absence  par  quelque  attaque  d'apoplexie  pour  le 
moins.  Cette  idée  fit  sourire  ma  malice  de  vingt  ans  et  demi  ; 
toutefob  je  fus  bientôt  absorbé  par  le  chagrin  d'Emily,  dont 
je  devinais  tout  l'orgueil  blessé,  toute  la  délicatesse  en  souf* 
france.  Ses  larmes  s'arrêtèrent  au  moment  où,  grâce  à  un 
petit  retour  que  je  fis  sur  ma  vertu  digne  d'Amadis  et  de  Pal- 
merin,  je  pouvais  m'attendre  à  en  voir  couler  quelques-unes 
provoquées  par  la  reconnaissance. 

«  Vous  êtes  un  peu  remise,  j'espère?  lui  dis-je,  ne  voulant 
pas  être  réduit  plus  longtemps  à  mon  à-parté^  mais  en  con- 
servant le  calme  le  plus  respectueux  dans  mon  attitude.  En 
tête-à-téte  avec  la  vieille  madame  d'Acunha,  je  n'aurais  pas 
conservé  une  perpendiculaire  plus  décente. 

— II  me  reste  toujours,  répondit-elle  encore  émue,  l'amer 
regret  d'avoir  été  l'occasion  d'un  dérang^nent  aussi  désagréa- 


Digitized  by 


Google 


tTD  LB5  PUBMIÈRBS  AHeOftfi  D'HIT  PAT. 

Ue^ponr  les  persoDDes  qui  «ODt  arec  moi.  M.  Hmmer  m'a- 
vait biea  avertie  qu'il  y  avait  de  l'impnuleaoe  A  satîsfiMfe  bml 
passion  pour  ?a  musique  en  me  hasardant  à  l'Opéra  acoom*- 
pagnée  senkaieiit  d'élranepara  qui  ignorent  la  langue  anglaise  ; 
iBais  rhabitude  rend  téméraire,  et  j'ai  déjà  ei  souvent  occupé 
iamème  loge  «ans  être  reaiarquée  ou  suivie,  que  je  oMeaîa 
•d'avoir  la  moindre  apprèhensiofi. 

-^  liais  oonHaent,  lui  dis-je,  votre  pêrt,  piévoyant  le  dan*- 
ger,  B'a»t-ti  pas  iainiiéme  voulu  vous  accompagner  au  tbi4- 
4Be?i^ 

£Ue  me  répondit  avec  douc^iri 

<«  Voilà  deux  fois  que  vous  me  parlez  comme  «i  j*4taifi  la 
£Ue  de  M.  Hanmer  -:  TOtre  courtoisie  vous  donne  droût  à  des 
asfriiealioaa  que  je  n'aurais  pas  cru  devoir  à  un  étranger.  Je 
aats  sa  pupnlle,  coniée  è  ses  soins  depuis  quelques  mois,  «t 
^  m'appelle  Enuly  Carnet  » 

£nfin  elle  coamençait  à  se  faire  connaître. 

f(  J'espère,  lui  dis*je,  que,  vu  mes  relatioiw  de  fiunilleacv^c 
IL  Hanmer,  vous  v<oudrez  bien  m'aoeorder  le  privilège  de 
me  montrer  votre  champion  partout  où  vous  aurez  bosoia 
«d'un  proteetear? 

—  Vous  avez  lèté  très^Migeant,  répendst  £m% ,  <t  je  smîa 
aanaible  à  votre  courtoisie.;  mats  vous  deviez  ne  pard 
ai  je  voue  assure  qae  toute  relation  plas  Â&lîme  entre  i 
-aérait  trèsnaal  vue  de  mon  tuteur.  » 

C'était  me  jeter  legaat  de  défi  un  peu  eavaUèrementI 
îeti'avais  plus  le  temps  de  répliqaer.  Les  pleurs  d'Emily  «'é- 
iaient  prolangés  si  déraisonnaidemerà  que  nous  étions  à  la 
porte  de  M.  Hanmer  dans  Sêmtkmnpton»- BuiUUngê.  Je  m'a- 
aperçus  en  mèmctemps  q«'«n  eecoad  fiacre  «leua  «uivait,  eon- 
^eaant  saa«<  doute  des  dievaKers  moins  fliscrcAs  que  bmm. 
r«iUaie  «descendre  p«ar  damier  la  main  âmes  deux  infmtauy 
Inrsque'Emilf  m'aMta  t 

a  J'ai  une  faveur  encoite  A  «vous  demander,  me  dil-eHe^  c'«eat 
de  iiouknr  bien  accompagner  madame  d'Aeunfaa  «bez  ^lle 
iBartoa^nMoiat.  8i  elle  s'arrêtait  M  paur  vaas^Mlar 


Digitized  by 


Google 


LH  FBni*BBi  AMOBMS  0'UV  FAT.  ITl 

MUe  pane,  IL  liiMMr  «ppieadrait  ifïi\  nou»  est  survenm 
^qw  oboie  d'csIrioniîiiftiM, eltseraii  inquiet  une  avtro 
tà^  Madave  d*.AciualHi.«e  parie  pas  raQglaîft,  autiieffieai  eUa 
foiiàait  aes  nflMRteants  aux  nûmM.')) 

1  •ssflietft,  EnUy  santa  4a  ^pfcnière  hors  du  fiacre,  doot  if 
«nthepiei  awt  été  imasé  peadatttaa'ddriHèrepi}vase^.la 
eMii€r«vaitagîté  lenarÉeau  pretiaUenient.  Le  derolaqnafti 
de  MH.  Hanmer  et  Snatch  était  sur  le  sevil  aivec  lUi  flambeaiM 
iae  o»  rastadt  pfais  qu'à  me  débarrasser  dela'vieiik  dame 
aMchviéamoUkîté  q«0  la  jeune  Vétak  débarraMéedencit 
awptBVDÎrfdanJMr  om  leçon  à  ceax4]iÛA0iia  avaient  sui;^i# 


tteité«edl  dans  le-fiaone  avec  nadante  d*Àcanha«  je  veomh' 
OM  «nÉn  i^se  «e  veapeetaUe  tèiftenm,  fisimplemeot  véliii 
eibafattt  <e  déUcienx  parfont  de  yaaille  cpaî  semble  être  VMêr 
MMphère  Bafenrelle  de  ienies  les  femoMe  <ki  P^rluf^al»  et  je 
regrettais  de  ne  pas  entendre  «a  .mot  de  la  Imgne  -du  Cth 
iDOéag  ,  povr  la  firire  jaser  sor  fimily  Barnet.  Je  la  déposai 
donc  sUeacîenBemeBt  devant  ime  maison  d'assez  honorable 
qjpareaee,  dans  Bnrton-^reseent ,  et  j'allai  dana  mon  petit 
appartement  d'Haaover  Sqpiape  réfléchir  aux  diverses  av€A* 
tares  de  ma  soirée. 

le  n'avais  pas  trop  à  me  plaindre: 

Aamdoné  par  lady  Harriet  —  ajrant  eu  cm  aomrtre  de  la 
«arquise  de  Deireren  —  remeroîé  {finciensemeat  et  afihe** 
taeviement  par  Erail;  !  —  il  7  en  avait  astei  pour  faipe  éenr^ 
ner  une  tète  plus  soitdemeot  iioëe  que  la  mienne  eur  an 
«paaies. 

CHAPITRE  IV. 

tahnéimBin  nagiti,  i  neuf  faemsm,  fe  me  prtpawaîi  ft  aa»»» 
*riB lit,  nn  pn  mmlrarié  d'^4ire  tenu  d'atter^  à  dix, iEaara 
■w  «iami  dans  lni«(rmng.Btreet;  Tim,  si^n  petit  iaipam  (^en 
«e4eaappelnit  paaMmredettigne),  TinÉMmitiri 


Digitized  by 


Google 


172  LES  PREMIÈRES  AMOURS  D'CK  FAT 

et  posant  un  petit  papier  plié  triangulairement  sur  mon 
oreiller,  me  dit  :  k  Monsieur,  le  valet  de  chambre  delady  Har- 
riet  attend  une  réponse.  )>  Lady  Harriet! — Oui,  le  voilà  enfin 
ce  billet,  messager  du  bonheur.  Elle  est  piquée,  j'en  suis  sArl 
Lisons.  Lecteur,  je  suis  un  jeune  lion  de  vingt  ans  et  sept 
mois,  couché  dans  Tédredon  moelleux  d'un  bon  lit  A  la  fran- 
çaise ;  est-ce  (pie  je  commettrais  une  trahison  en  vous  com- 
muniquant ce  qui  suit? 

«Veuillez  bien  venir  dtner  avec  nous  aujourd'hui  à  Richmond. 
Si  vous  êtes  à  ma  porte  vers  quatre  heures,  lady  Devereox 
vous  offrira  une  place  dans  son  barouche.  Nous  partons  de 
bonne  heure  pour  avoir  le  temps  de  nous  faire  un  peu  cbam- 
pètres  avant  le  dtner;  peut-être,  il  est  vrai,  les  lilas  et  les  la- 
burnums  ne  sont-ils  pas  encore  assez  en  fleurs  pour  satÎBlaire 
aux  désirs  des  rossignols  et  des  dames  du  beau  monde...  A 
propos,  j'ai  une  querelle  à  vous  faire  ;  mais  c'est  à  Richmond 
que  nous  nous  livrerons  bataille.  » 

Une  (pierelle!  mon  cœur  gonflé  de  vanité  me  disait  que 
c'était  au  sujet  d'Emily.  Lady  Harriet  savait  déjà  que  j'avais 
escorté  le  soir  une  beauté  anonyme...  et  d'ailleurs  ne  m'avait- 
elle  pas  vu  dans  la  loge  des  troisièmes!  Délicieux  triomphe! 
Je  méritais  d'être  rappelé  à  l'ordre  avec  réprimande  1 

«  On  attend  la  réponse,  me  répéta  Tim. 

—  Je  répondrai  plus  tard,  dis-je,  bien  décidé  à  ne  pas  ré- 
pondre avant  le  lendemain ,  et  à  répondre  de  manière*  à  dés- 
esp^er  ma  jolie  veuve.  Dix  ladies  Harriet  et  dix  marquises 
ne  m'auraient  pas  fait  aller  à  Richmond. 

De  même  que  l'invitation  de  lady  Harriet  me  déterminait  i 
refuser,  le  refuê  d'Emily  m'excitait  à  retourner  à  Southamp- 
ton-Buildings,  à  y  retourner  ce  jour-là  même  de  quatre  à  cinq 
en  sortant  des  bureaux  de  mon  ministère ,  juste  à  l'heure  du 
rendez-vous  donné  à  Grosvenor-Place.  En  effet,  un  peu  avant 
cinq  heures  j'étais  à  la  porte  du  vieux  Hanmer  et  iiadsais  des- 
cendre le  factotum  de  l'étude  :  «  Dites,  lui  criai-je  de  ma  plus 
grosse  voix,  dites  que  M.  Cecil  Danby  est  venu  s'informer 
des  nouvelles  de  toute  la  famille,  et  remettez  ma  cartel  »  ie 


Digitized  by 


Google 


LBS  PBBMliB£fl  AVOUBS  D'UN  FAT.  173 

ne  retinds,  bien  persuadé  que  j'avais  été  entendu  de  toute  la 
maison,  et  laissant  le  clerc  abasourdi  de  cette  singulière  dé- 
noBstiation. 

Le  surlendemain  était  jour  d'Opéra;  je  m'y  rendis,  me 
préparant  à  revoir,  avec  un  cœur  ému,  la  scène  de  mes  inté- 
ressantes aventures;  je  savais  que  lady  Harriet  n'y  serait  pas, 
elle  avait  un  engagement,  et  je  me  proposais  d'être  tout  en- 
tier au  souvenir  d'Emily,  en  allant  occuper  sa  loge  solitaire. 

A  mon  extrême  surprise,  à  peine  levai-je  les  yeux,  je  revis 
madame  d'Acunha,  conjugalement  accompagnée  de  M.  d' Acu- 
aha,  cette  fois-ci,  et  bientôt  Emily  ne  put  échapper  non  plus 
à  mon  regard,  quoiqu'elle  restât  au  fond  de  la  loge.  Je  gravis 
l'escalier  des  troisièmes,  et  me  fis  ouvrir  cette  loge  fortunée. 
«  J'ai  pris,  dis-je  à  Miss  Barnet,  la  liberté  de  venir  savoir  com- 
ment vous  êtes  depuis  les  fiatigues  et  les  ennuis  de  l'autre 
soir.» 

]e  fus  accueilli  avec  un  sourire  et,  je  crois,  un  peu  de  rou- 
geur. <c  Vous  êtes  peut-être  étonné,  me  dit-on,  de  me  retrou- 
ver ici;  mais  comme  H.  d'Acunha  nous  a  promis  de  ne  plus 
nons  quitter,  et  que  nous  partirons  avant  la  fin  du  ballet,  je 
n'ai  pas  eu  le  courage  de  me  priver  de  la  Flauto  magico.yi  Je  dé. 
bitai  je  ne  sais  quelle  phrase  stupide  pour  déclarer  que  ce 
n'était  pas  moi  qui  regrettais  qu'elle  aimât  à  ce  point  la  mu- 
sique de  Mozart.  Mais  elle  ne  parut  pas  m'écouter,  et  me  pré. 
senta  i  M.  d'Acunha  ;  celui-ci  nous  interrompit  en  m'ofirant  sa 
place  sur  le  devant  de  la  loge.  Je  me  gardai  bien  d'accepter 
et  restai  sur  la  quatrième  chaise  du  fond  à  c6té  d'Ëmily.  Là, 
grâces  à  l'attention  de  M.  et  madame  d'Acunha  pour  le  jeu 
détestable  de  Tramezzani,  j'eus  presque  la  liberté  d'un  iète- 
i^ète. 

Emily  était  aussi  simple  dans  sa  parure  que  le  mardi 
précédent;  pas  un  nœud  de  ruban  de  plus  à  sa  robe  noire, 
-—  pas  une  boucle  plus  coquettement  arrondie  à  ses  beaux 
cheveux;  c'était  donc  son  premier  sourire  qui  me  la  fit  pa- 
raître deux  fois  plus  attrayante. 

«Vous  autres  Anglais,  me  dit-elle  dans  l'entr'acteivous 


Digitized  by 


Google 


17*  IBS  vvBmÈam  a«ow»  #»»  fj». 

srez  peine  i  eompreiHftre  qoellff  pâSB»*»  dw  nwrique  fca*M>" 
tre  le  clhiMrt  et  les  impreswow  locaie»  dm  p»f» oéndiiaiu 
Pour  vbus,  la  musique  est  un  luxe  ;  pour  nous,  c'est»»  dMb»> 
sohM  delà vi«.  fc  n'ai  p»  *  TOwappPWwlwqw  te  nmoa  de 
mon  tuteur  ne  eontfentpw  grand^dio»  pour  apfiver  Imé»- 
Ration.  VoBàtro'wBioiB  que  je  «w»  priMwnièie  en  Angk»- 
ferre...  dans  ht  froidr,  uoteiinieile  ««  triste  Angleterref  co» 
patatrremeat,  teeowwM  le  plwa  au»tèrc  de  ma  tetramlBleavec 
tes  hannomes  de  se»  céréwonàe»  reUgiewe»  et  le»  peefums 
de  »oB  atmwpïkèw  «era»  encore  •■  «*re  !*•. 

—  Kè  seraft^epM,  *" lépoodiB-je,.  qoe  vow  fMMdatro^ 
«chwirement  roa  idée»  awr  yezpérience  de  SmrtAeMpÉm- 
BittlUngi  ?  No»  étés  oirt  lears  fc«ra  d'ofMffsr  conme  les  ▼*- 

très  et  nos... 

—  Non,  non,  n'ayer  pas  la  prétention  d'aveir  pw»  la  m»- 
sique  la  moitié  du  goût  qui  anime  le  plus  pauvre  port««r 
(feau  de  Lisbonne.  J'ai  saivi  asseï  eïaele«ent  k»  lefirésen- 
taftons  de  TOpér»;  impossible  de  voir  wwaaUe  plus  frMde 
etmoins  attentrre.  Peut-être  ares-rou»  trop  d'auHea  plaisifs 
poar  attacher  beaucoup  d'importamse  i  la  miisi«iiie;  vwia 
venez  ici  étaler  tant  de  hwa,  q«'il  est  aisède  deviner  qm 
rens  n'en  avea  pas  bemia  ceaw»  d'ime  coii«>latio»  ;  «ife 
n'est  qu'im  de»  Ta«Mme^'d»h:«iode  :  eeetaut»  <AeM 
pov  noos;  elle  fcit  partie  de  wtre  reliçio»...  eHeert  a» 
«?aiil-g»*l  de  notrecieL.,  uBlmnmepcmr  noB  «Mpin»,  et  pwit 
iwa»  «Miir  Me»  de  to*e»  tes  joaisaantts  de  U  vie  opiitante,  » 

le  s«ippriHiai  ma  répUqacv  R'iMmt  pw  ilMshé  de  ne  laieMar 
battre  dan»  la  diB«»sioB  :  «  Bevea-wn»  rester  hmgteiap»  à 
Londres?  M  demaBdairjB. 

Uélas!  quile  sait?  Nous  sommes  des  réfugiés.  Mon  pèrecst 

an  Régodant  de  Lirtwnneqal  kabèteCintra.  L'étaides  aAaiies 
polHiqoe»  daPortagal  Fa  dèlanniiié  i  pceBter  da  départ  de 
ses  amis,  le»  d'Acimha,  paar  me  procurer  un  aiik  «k  Aa^e- 
terre.  Dan»  la  crainte,  pentr*tae,de  kwr  ignorance  des  c««lm- 
mes  de  ce  pays,  il  m'a  adressée  par  le«»  intermédiaire  à  eoa 
eerrespoodant,  M.  Bamaer,  qui  a'est  chargé ée me  servir  de 


Digitized  by 


Google 


LBS  PBEMIÈBSft  AJIOUBS  D'UN  FAT.  flft 

tatev.  Il  y  a  vingt  ans  que  mon  p^  a  quitté  y Anglfktcrre,  il 
ne  f&W9ài  donc  appfécier  —  exaelenent  comprendre  — «4 
peanpioi  ne  le  dirais-je  pa»  Êrancbement  ?  il  ne  sftraiâ  pas 
dan^ifudle  manson  triste  il  nft*enyoyaît...  Je  lui  ai  écrit  paw 
la  opplier  on  de  me  rappeler  prè».de  luMon  de  ow  tronMT 
«I  aiite  pki»  convenable.  » 

Je  fus  charmé  de  sa  franeMse,  et  d'autant  pbisqne  «i.r^ 
stfve  prudente  me  prouvait  qu'elle  n'accordail  paa  légèrement 
aa  confiance.  A  mesure  qne  nous  devenioan  plu»  toines^  jf •- 
sai  lai  reprocher  sa  kauiêur  loi»  de  nos  deux  pi3enriéies.e»- 
faneyiiea. 

«  Eavérili^  me  dît-eUe9pe«vai9«je  me  MMaèner  aulreè  wiler 
égard?  Veaa  rendez-vous  bien  justice?  N'y  afaîi»il  pa»n» 
certain  air  de  protection  dans  voa  nnaiérea^  comme  ai  voas 
&i6itz,bean€oap  d'honneur  à  celle  qui  paraissait  être  damrfai 
éipendance  de  l'humble  procureur  de  votre  noble  pire?  Nue 
deux  orgueils  se  sont  heurté»;  mai»  le  mien  a  fini  par  céder 
leisqueiie  me  suis  vue  réellement  protégée  pur  le  jeune  cava- 
Uer  4ottt,  d'après  certaine  avertiaeements  de  M.  Hanmer,.  je 
ne  serais  pohnUement  défiée  le  plus  il  y  a  trois  joura.  GoUr 
aoitez  à  une  amnîatîe  réciproque.  » 

Accoutumé  aux  élégants  mensonges  des  salons  de  lady  Oi»- 
mington  et  de  lady  Harmet>.  je  trouvas  cette  Mive  eapUcatîoii 
Favis6aate.£Alraluémoif«iémebors  de  mon  caractère  factice, 
youbiiai  UM  eompltment»  ridicdes^  mes  ruses  de  gatmiAericv 
et  je  m  fia  avec  Eiuîly  naturel  oonme  elle;  peul<4[tcv.  ne 
finie  pa»  akiable  comme  fs^  l'étais  qucdipiefois  avec  kuty 
Barriet,  aiaie  je  le^Cos,  et  il  me  vint  à  ses  cMés  (piques  idées 
beareuses,  préférables  certainement  an  kuprempÉus  fisiita  à 
loisir  c|ae  j*échan0sai»  avec  la  verve  artifictelle  de  la  coquette 
à  qui  je  foisais  une  cour  si  assidue  dans  Grosvenop-Flace. 

II  y  aiak  dans  les  manières  d'Emily  cette  élégance  innée 
aussi  inséparable  de  certaine»  naturea  que  le  parfum  de  cer- 
taines fleura.  Offensée  y  c'était  une  veine  ;  amusée,  c'était  ua 
aA&ttt.  Elle  ne  coanainseit  paâ  grand'cfaose  des  cenvenlfcrna 
de  la  seeiélé.  Tcmtes  ses  idées  du  décorum  émanaient  de  su 


Digitized  by 


Google 


176  LES  PREMIÈRES  AMOURS  d'CK  FAT. 

modestie  instinctive.  Ma  fetuité  était  aussi  peu  comprise  d'elle 
que  le  serait  d'un  sauvage  le  ressort  de  quelque  machine  ar- 
tistement  compliquée.  Mais  lorsqu'elle  approuvait, — lorsque 
par  hasard  j'exprimais  un  sentiment  qui  excitait  ses  sympa- 
thies — ses  yeux  s'humectaient  aussitôt,  ou  si  par  quelque  sar- 
casme, quelque  saillie,  je  parvenais  à  la  divertir,  le  plus  joli 
sourire  me  montrait  toutes  ses  dents  de  perle. 

A  compter  de  ce  jour,  je  fus  fidèle  à  mon  poste  tous  les 
jours  d'Opéra.  Petit  à  petit,  les  d'Acunha  se  familiarisèrent 
aussi  avec  moi  ;  on  comprend  qu'ils  durent  être  sensibles  à 
mes  avances  dans  leur  isolement  d'étrangers  au  milieu  de 
notre  vaste  métropole.  Emily  me  fit  entendre  qu'ils  avaient  des 
intérêts  communs  avec  son  père ,  et  que  ces  intérêts  étaient 
gravement  compromis  dans  les  destinées  précaires  de  leur 
pays.  Tout  leur  temps  était  absorbé  par  des  affaires  relatives 
aux  finances  de  Portugal  ;  ils  n'avaient  d'autres  distractions 
que  les  deux  soirées  de  musique  que  l'Opéra  leur  offrait  cha- 
que semaine.  Enfin  ils  n'étaient  pas  d'accord  avec  Uanmer, 
et  leur  mésintelligence  provenait  justement  de  leur  position 
réciproque,  relativement  à  la  tutelle  de  miss  Baruet,  ce  qui 
m'explique  le  silence  qui  fut  gardé  à  mon  sujet  auprès  du 
vieux  procureur  de  mon  père.  Au  reste ,  je  ne  me  souciais 
guère  alors  d'aucune  espèce  d'explication. 

Heureusement  pour  moi  que  l'Opéra  n'était  ouvert  que  deux 
fois  la  semaine  :  autrement  c'en  était  fait  de  tout  mon  avenir 
d'homme  à  la  mode.  Plus  de  temps  passé  dans  la  société  d'une 
créature  raisonnable  eût  mis  en  danger  à  la  fois  ma  fatuité 
aussi  bien  que  mon  cœur.  D'un  autre  côté ,  ces  rares  soi- 
rées de  bonheur  me  suffisaient.  A  vingt  et  un  ans  et  demi  on 
reste  entre  aujourd'hui  et  demain  indépendant  de  l'un  et  de 
l'autre.  Aujourd'hui  contient  un  empire I 

Emily  aimait  à  me  décrire  les  habitudes  de  son  enfance,  la 
maison  de  son  père  à  Cintra,  ses  jardins  d'orangers,  ses  mon- 
tagnes, ses  bosquets  de  myrte,  ses  chœurs  de  rossignols ,  son 
désespoir  lorsqu'elle  sut  qu'il  lui  fallait  quitter  tout  cela  pour 
aller  demeurer  parmi  des  étrangers,  dans  un  pays  étranger. 


Digitized  by 


Google 


LES  PREMIÈRES  AMOURS  D'CN  FAT.  177 

dans  un  pays  septentrional,  un  pays  protestant  1  «  Et  cepen- 
dant, ajoutait-elle  avec  un  sourire,  j'étais  loin  de  soupçonner 
tontes  les  horreurs  de  TAngleterre ,  ou  d'imaginer  Tétroite 
cage  d'une  maison  de  procureur  dans  Southampton-buildings. 
J'avais  entendu  parler  à  mon  père  de  M.  Hanmer  comme 
d'an  homme  énormément  riche.  Cependant  quelles  jouissances 
s'accorde-t-il?  A  quelle  étude  intellectuelle  s'adonne-t-il  ?  Les 
livres,  la  musique,  les  fleurs,  sont  comme  n'eiistant  pas  dans 
cette  maison.  Mon  père  aussi  est  un  homme  d'affaires ,  mon 
père  est  un  simple  marchand  ;  mais  notre  maison  est  décorée 
detableaux...  nos  jardins  sont  garnis  de  fleurs  1...  Un  jour  passé 
sans  musique  ou  sans  lecture  nous  semblerait  un  jour  perdu... 
Comment  cela  se  feit-il  ?...  Tous  vos  hommes  occupés  sont-ils 
aossi  tristes,  aussi  froids,  aussi  ennemis  des  arts,  ornements  de 
la  vie,  que  ceux  que  j'ai  vus?...  La  conversation  est-elle  consi- 
dérée dans  toutes  vos  sociétés  comme  une  perte  de  paroles  ? 

—  Une  conversation  comme  la  vôtre  serait  partout  appré- 
ciée, t)  lui  répondis-je.  Mais  je  ne  pouvais  m'empêcher  de 
plaindre  cette  plante  du  Midi  s'étiolant  dans  les  prosaïques 
habitudes  de  nos  classes  moyennes ,  exclusivement  occupées 
des  soins  matériels  de  leur  existence  ou  de  l'égoïste  augmen- 
tation de  leur  fortune.  Je  cherchais  du  moins  à  l'arracher  au 
sentiment  de  son  isolement  par  mes  descriptions  de  notre 
monde  aristocratique  ;  je  lui  peignais  surtout  les  salons  de  ma 
mère  aussi  minutieusement  qu'un  intérieur  de  Miéri^  ;  chose 
étrange  !  mon  but  était  de  la  réconcilier  à  l'Angleterre,  et  de 
la  réduire  à  jouer  un  jour  son  r6Ie  dans  ce  monde  d'où  son  in- 
fluence plus  forte  aurait  fini  par  me  détacher  moi-même.  Jus- 
qu'à ce  que  je  l'eusse  connue ,  j'avais  agi  d'après  l'impulsion 
des  autres ,  je  n'avais  existé  que  comme  une  feuille  sur  l'ar- 
bre; maintenant,  j'avais  une  identité  individuelle  que  je  de- 
vais à  une  existence  aussi  douce  que  dangereuse  I 

Une  surprise  désagréable  me  ramena  à  un  autre  ordre  de 
sensations.  Parmi  notre  frivole  jeunesse  aristocratique,  mon 
frère  était  une  exception,  un  être  à  part,  qui  se  préparait  par 
Tétude  à  feire  un  jour  du  bruit  à  sa  manière. 

5»  SÉRIE.  —TOME  XI.  12 


Digitized  by 


Google 


178  LES  PREHIÈRSS  AHOCRB  l»*UN  FAT. 

a  J'ai  vu  votre  frère ,  me  dk  un  soir  Emiiy ,  lorsque  j'c 
pris  place  à  côté  d'elle. 

*—  J'espère,  lui  répondis^je  avec  un  retour  de  fatuité  «rro- 
gante,  qu'il  a  eu  l'honneur  de  vous  plaire.  Où  jHt«4l  eu  la  il- 
licite de  vous  rencontrer? 

-—  Quel  langa(;e  cérémonieux  ce  soir  1  reprit  Emtly  ;  -*  en- 
tendant dire  que  M.  Daoby  était  dans  le  salon ,  et  ignorant 
que  lord  Onnington  eût  deux  fils... 

<*-  Vous  vouliez  voir  ai  j'avais  toujours  l'air  aussi  gauche 
que  la  première  fois  près  de  la  cheminée,  n'esi*ce  pas? 

^  Mon,  certes;  qu'aurait  pensé  H.  Hanner  de  nous  troo- 
ver  en  connaissance  si  intime  7  je  cherchai  à  satisfiJre  ma  cn- 
riosiié  par  la  fenêtre  lorsque  vous  sortiriez ,  et  je  crus  avoir 
mal  entendu,  tant  vous  vous  ressemblez  peu;  mais  à  dîner 
H.  Hanmer  nous  dit  qu'en  efFet  il  avait  vu  dans  la  journée  le 
fils  aîné  de  lord  Ormington  qui  allait  entrer  au  parlement... 

— Au  parlement  I . . .  Daoby  au  parlement  I . . .  Dois-je  donc  re- 
cevoir toutes  les  communications  de  ma  famille  par  l'intemié^ 
diaire  de  Southampton-Buildings?  ))  Cette  réflexion  m'échappa 
tout  haut  après  l'exclamation ,  tant  je  me  sentais  dépité  de 
la  perspective  des  distinctions  mondaines  réservées  â  mon 
firère. 

Serait-ce  donc,  par  parenthèse,  un  effet  inévitable  de  U 
perversité  humaine,  c^ue  les  frères  naîtront  toujours  ennemis, 
depuis  Gain  et  Abel,  Etéocle  et  Folynice,  Jacob  et  Esaû,  jus- 
qu'aux deux  Chénier  et  aux  deux  Danby  ?  Je  confesse  que  dès 
mon  enfance  j'avais  détesté  ce  vilain  John...  non  parce  qu'il 
était  mon  aîné<  Oh  I  non^  non  ;  je  n'aurais  pas  changé  s'il  avait 
fallu  devenir  l'atné  avec  ses  yeux  louches,  sa  tournure  igno-* 
ble ,  ses  épaules  étroites,  ses  longs  bras  sans  grâce,  ses  che» 
veux  de  la  couleur  de  ceux  de  Judas.  Non ,  je  n'eusse  pas 
voulu  Atre  un  duc  à  ce  prix  ! 

La  nouvelle  d'Emily  n'en  était  pas  moins^  authentique,  et 
le  lendemain  «  le  ministre ,  en  recevant  de  ma  main  quelques 
copies  de  letires,  me  fit  compliment  de  mon  frère.  Je  me  con* 
tentai  de  sourire. .  d*un  sourire  significatif. 


Digitized  by 


Google 


LU  TmSXiteBi  AMOUSS  9'UV  FAT.  tW 

JLt  winMiff  ne  comprit  pmii^tie,  oar  U  répondît  (imf«- 
mtmi  à  non  aonrire^ 

«  Mab  nnw avons  das  gannties  dntdeni  de  M.  DianbgrI 

— lonl  Omiôgion  eaoB  dente  tous  l'a  recommandé ,  my- 
IndT 

—  Noo»  monsienr  ;  mais  en  me  reoonunandani  «on  cadet 
il  n'avait  oCert  d'avance  ka  servîoes  de  son  aîné»  ijpi'it  se  pro- 
posait de  faire  élire  dans  le  tMMirg  dont  il  dt^ge  rélection .  m 

Je  me  raoniîs  ien  là¥res. 

«  Nous  acceptAmes,  continua  Son  Excellence,  car  nous  sar- 
yions  qu*à  Cambridge  H.  Danby  s'était  distingué  de  manière 
i  être  un  jour  un  orateur  éninenL  a 

Je  ne  fus  pas  converti  à  l'esprit  de  famille,  lorsque  quel- 
ques joon  après  je  Teçm  les  bruyantes  ftlieitations  de  mes 
ûaliègaes  des  affaires  étrangètea.  L'honorsbie  M.  Danby  avait 
fiût  un  admirable  diseonrs.  Quel  bonnenr  ponr  moii  C'était 
hèn  la  peine  d'avoir  Mtuae  lépntatîonà  mon  bottier,  i  non 
liillenr,  à  awa  fournisseur  défauts!  ie semblats  condamné 
i  ne  ptna  briller  nutMnème  que  d'un  reflet  de  la  gloire  frn- 
terneDe.  Ce  jonr4à,  je  ne  privai  de  dtner  au  cM>  :  j'avais 
penr  qa'on  ne  m'y  jeCAt  aussi  mon  lirère  à  la  tète,  qu'on  ne  me 
snnlrAt  du  doigt  comme  le  Castor  de  ce  PoOui  poUtiqne. 
Ben  reseèa  de  ma  ftiblesse,  je  résnhis  de  dtner  en  lamiile. 

Je  a'osdiKeiai  pas  la  gaîc«é  que  fit  éclaÉer  lord  Ormington.  Il 
<(«t  fier  de  son  fils  l'orateur,  et  il  en  parla  tant,  qne  le  noble 
piir  ne  dnt  sans  doute  pas  remarqner,  lui  ordinairement  si  ta^ 
citurne  à  table,  que  lady  Ominglon  «et  moi  nevs  ne  pronon- 
cions pas  «ne  parole. 

LaAy  Onnington  était^le  aussi  faumiliée  de  l'éloqnencede 
sea  fils  ataéT  Non,  sans  doute;  mais  eUe  avait  de  son  cAtè 
aae  petite  cause  de  dépit.  Le  Boatinnèste  était  anMedu  Do- 
vonshnre  i  Londres  une  jeime  pemonne  ^j  depuis  sa  sortie 
fie  pension,  av«ît  demeuré  obea  une  taule  paternelle,  ^  «ne 
jeune  personne  mandée  probablement  powr  prendre  part  su 
triomphe  de  l'konorable  John,  et  qui  méritait  bien  d'avoir  le 
sien  dans  les  salons.  Cétait  ma  sœur  Irim,  devenue  une 


Digitized  by 


Google 


180  LES  PREMIÈRES  AMOURS  B'UN  FAT. 

beauté  depuis  cpie  le  rouge  trop  ardent  de  ses  cheveux  avait 
passé  enfin  à  la  nuance  blonde.  Il  était  évident  que  le  règne  de 
la  mère  allait  finir  :  il  fallait  qu'elle  cédât  le  sceptre  à  la  fille. 
Pour  mon  compte,  j'aurais  trouvé  Julia  digne  des  pinceaux  de 
Raphaël  ou  de  Titien,  si,  fidèle  à  ses  préférences  de  petite 
pensionnaire ,  au  risque  de  passer  pour  bm-^leu ,  elle  n'avait 
ostensiblement  été  plus  glorieuse  du  frère  qui  louchait  que  de 
celui  qui  avait  pour  lui  l'éloquence  des  yeux  et  les  autres 
agréments  refusés  par  la  nature  à  l'héritier  du  nom  d'Or- 
mington. 

CHAPITRE  V. 

Je  fus  invité  deux  jours  après  à  une  fête  de  Carlton-House 
chez  le  prince  de  Galles.  C'était  une  grande  faveur  qui  avait 
été  sollicitée  pour  moi  par  je  ne  sais  plus  que'lle  comtesse  whig. 
Mais  à  ce  banquet  encore  ce  fut  à  qui  me  parlerait  de  mon 
frère.  Un  nouvel  orateur  au  parlement  est  plus  estimé  par  le 
parti  opposé  que  par  les  siens.  Les  ^higs  se  demandaient 
avec  anxiété  :  Quel  est  ce  jeune  Danby?  —  De  qui  est-il  fils? 
—  Bans  quelle  université  a-t-il  étudié  ?  —  Quel  a  été  son  pré- 
cepteur? —  De  quel  club  est-il?  etc.  —  Enfin,  si  quelque 
douairière  ou  demoiselle,  frappée  de  la  blancheur  de  mon 
linge  ou  du  beau  noir  de  mes  cheveux,  disait  :  Quel  est  ce 
grand  jeune  homme  appuyé  contre  la  porte  ?  je  subissais  la 
torture  d'entendre  répondre  :  Ne  le  connaissez-vous  pas? 
c'est  le  frère  du  Danby  dont  tout  le  monde  est  occupé  1 

Grand  Dieu  1  être  la  partie  supplémentaire  de  John  Danby  I 
faire  la  queue  de  la  comète  t..  J'étais  sur  le  point  d'appren- 
dre à  mépriser  les  distinctions  de  convention  ;  la  noble  na- 
ture d'Emily  avait  tellement  régénéré  la  mienne  ^  que  le  vrai, 
le  réel,  commençaient  à  acquérir  quelque  valeur  à  mes  yeux. 
Hais  adieu  à  mes  vertus  naissantes  I  Du  moment  où  je  me  vis 
au  second  rang,  vint  l'ambition  de  m'élever.  Il  était  indispen- 
sable à  mon  bonheur  de  ne  plus  être  désigné  comme  le  frère 
de  l'honorable  John  Danby  aux  yeux  louches. 


Digitized  by 


Google 


LES  PREMIÈRES  AMOURS  D'LN  FAT.  181 

Hais  comment  me  distinguer?  —  comment?  —  Le  premier 
des  gladiateurs  ne  saurait  vaincre  sans  combat  ;  où  trouver, 
hélas I  une  arène?  Ni  Bacon,  ni  Milton,  ni  Burleigh ,  ni  Bo- 
lingbroke,  n'auraient  pu  se  faire  un  nom  remarquable  comme 
eommis  dans  les  bureaux  des  affaires  étrangères.  Appartenant 
enfin  à  la  clique  de  Carlton-House,  je  ne  venais  là  qu'après 
l'illostre  Brummel  et  même  après  quelques  autres  ;  j'étais  la 
goatte  d'eau  dans  l'Océan,  le  grain  de  sable  dans  le  désert! 

Une  pensée  soudaine  releva  mes  esprits  abattus;  une  pen- 
sée que  j'avais  eue  autrefois ,  mais  sans  un  but  aussi  sérieux. 
Si  j'épousais  lady  Harriet  Vandeleurl  Si  je  mettais  la  capitale 
en  révolution  par  nos  fêtes,  nos  dtnersl  Ses  8,000  £  de  rente 
(200,000  fir.)  ne  seraient  rien  dans  les  mains  d'un  joueur  tel 
qne Morley . . .  mais  ce  serait  le  Pactole  en  passant  par  l'adminis- 
tration d'un  génie  aussi  fertile  que  le  mien.  Après  tout ,  me 
disais^e  en  raisonnant  avec  moi-même  an  sortir  de  cette  fête 
dn  prince ,  après  tout ,  sans  mon  expédition  à  Southampton- 
Buildings  je  serais  resté  sérieusement  attaché  à  cette  piquante 
▼cuve,  qu'Emily  m'a  appris  à  regarder  comme  une  jolie  pou- 
pée. Ceserait  un  très-petit  sacrifice  que  je  ferais  de  devenir  son 
nian.  Elle  a  douze  ans  de  plus  que  moi,  oui;  mais  c'est  600  £ 
de  rente  par  chaque  année,  et  cela  comble  la  différence.  En  me 
fournissant  les  moyens  de  briller  dans  le  beau  monde ,  elle 
m'impose  la  plus  tendre  reconnaissance...  L'amour  ne  tardera 
pas  â  venir.  Décidément,  je  veux  me  mettre  bien  avec  elle  . 
Nouveau  lason,  je  me  voue  à  la  conquête  d'une  seconde  toi- 
aon  d'or. 

Le  lendemain  était  jour  d'Opéra;  j'avais  déjà  résolu  de 
cesser  mes  visites  à  la  loge  d'Emily,  quoique  pas  tout  d'un 
coup,  de  peur  de  causer  un  vide  alarmant  dans  son  existence. 
Je  roulais  la  sevrer  peu  à  peu  de  ma  société,  la  pauvre  en- 
fuit I  Je  ne  ferais  ce  soir-là  qu'une  courte  apparition  aux 
troisièmes.  Sous  plus  d'un  rapport,  d'ailleurs,  c'était  désira- 
ble :  les  d'Acunha  commençaient  à  savoir  assez  d'anglais 
pour  devenir  passablement  ennuyeux  ;  s'ils  allaient  foire  des 
(pestions,  mal  interpréter  les  réponses  1 


Digitized  by 


Google 


181  LES  PKEM1*RK9  AMMTIS  »*Dir  MT. 

Quant  i  Emily ,  personne  n'était  moîm  qaestiMneiir  qn'dle. 
0*119  nos  tète44ète  je  n'arûs  à  redoater  avenu  cnriosili 
décomniéMige^ce  cpi  est  défont  dans  une  fevine  est  om 
délicieuse  cpuiUléde  CMiyersatîM  dans  one  aaùe;  esprit  à  h 
fois  naif  et  origmal ,  qai  tirait  tout  de  son  propre  fbiMfe, 
BniUy  n'avait  jamais  la  un  )oneBal ,  jamais  eatenda  une  né- 
dlsanee. 

£lk  me  trouva  FairlangiiîflBant. 

«  J^ai  été»  Int  répandis^je,  ceAta  miii  à  an  ha)  BMiyifiqye  à 
Cnritoi»-Ho«se. 

— Qa'esl-ce  que  CariHcMi-Mottas  ?  mm  iMfttrerî 

— Non ,  le  palais  d»  l'héritier  da  trAne  ^  dv  prima  da 
Galles. 

«--Le-  prittce  de  GaUest  J^ai  entendu  dire  i  U.  Hananv 
qne  (/étaitt  nn  noble  prince.  I)  eatîeaneeibeaB,  n'estnsepaaî 

-^  A«  contraire»  il  est  (pras,  il  a  qnanmta  an»,  il  porta  un 


—  Quelle  désiUm$km!  s'écria  Emëy;  nais  camment  4te^ 
resté  si  longtemps  au  bal  de  œ  prince ,  qui  est  gras  eC 

qui  a  quarante  ans? 

—  Parce  qne  le  bal  était  jevme  et  cbannant ,  répliquaî-j8 
8i«e  un  entlxMisLasme  ajffecté.  Un  profond  soupir  écbappa 
«ns  doute  à  la  pawre  Emily,  car  M.  d'Acunha  tourna  ds 
notre  côté  son  risage  plombé,  comme  pour  savoir  de  quoi  il 
était  question. 

UndeseliamieslespIu8séduisants.d'EmilyBametétaitFétfr* 
gance  de  son  cou  de. cygne,  un  peu  long  comme  celui  d^Aana 
Boleyn,  et  qui  prêtait  une  gvftee  particulière  à  tous  ses  mouve- 
ments. Que  dis-je  !  tout  en  ette  était  élégance  et  grâce.  Se  ne 
la  voyais  jamais  qai'à  son  désavantage,  toujours  an  même  IsfOy 
taojoars  avec  la  même  toilette  »  toiqoura  daus  la  même  att& 
tude,.  et  cependant  cette  situation  avait  aussi  son  attrait.  Celln 
logtt  sombre  et  sileociense»  —  le  costume  noir  des  troîs.  pe«* 
aesines  que  y* y  rencontraisy—les  partiealarités  de  leuns  pbyi* 
nanomies  ei  an  leur  langue^  to«t  oehi  avait  quelque  cheas^de 
solennel  et  de  monastique  qui  contrulait  avec  les 


Digitized  by 


Google 


LES  PftBUIÈRBS  AMOVHg  B'Olf  PAT.  18S 

bruyanti  et  n  bien  éclairés  que  je  fréquentait. -Quand  j'avais 
ftanchile  seuil  de  cette  loge,  j*éproQvai8  eomme  Tinfluenoe 
d'nn  sortaége  :  il  me  semblait  entrer  dans  un  tableau  de  Ye^ 
fitoqoet,  o«  dans  les  secrets  d*un  vieux  roman  espagnol. 

«  Non,  non,  n  me  dis-je  pour  me  justifier  à  moi-même  eil 
dsieeadant  lentement  de  cet  autre  monde,  la  loge  des  d'A<> 
«aoka,  «  il  n'est  pas  possfl>leqQ'£mi)y  ait  rêvé  un  avenir  danf 
Isqad  nous  ayons  un  intérêt  coma».  Elle  déteste  TAngle* 
Ine,  cUe  M  petse  q«'à  retourner  en  Portugal.  Ses  lamentai 
tiens  me  rapprileat  sans  cesse  la  cbanson  de  Mignon  : 

Du  knd  wo  die  citronen  blubn  I  (1) 

iQu'est-ee  qui  pourrait  associer  les  destinées  du  fils  d'un 
pair  d'Angleterre  et  de  la  fille  d'un  marchand  de  Lisbonne, 
dn  diplomate  de  Doiming-Street  et  de  la  pupille  du  vieux  pro- 
omeor  de  Southampton-Buildings?  Je  ne  remonterai  pas  au* 
près  d'elle;  je  ne  lui  donnerai  pas  le  bras  pour  qu'elle  y  ap- 
puie son  corps  si  gracieux  dans  les  couloirs  et  les  escaliers 
dn  tbé&tre.  Il  est  temps  que  je  brise  un  lien  qui  ne  doit  pas 
mm  enchaîner  à  jamais,  rf  £n  me  parlant  ainsi,  j'entrais  dans 
Is  loge  de  lady  Harriet. 

Le  mardi  suivant  on  ne  me  vit  pas  une  seule  minute  dans 
eèBe  des  d'Aeunba  ;  j'évitai  même  le  parterre ,  de  peur  d'y 
rencontrer  le  vieux  Portugais ,  qui  aurait  pu  me  dire  :  Eh 
Utn!  vtms  ne  montez  pa$? 

Cette  manœuvre  eut  pour  effet  d'amener  Emily  sur  le  de^ 
vant  de  la  loge  pendant  le  ballet  :  c'était  la  première  fois 
qu'elle  reprenait  cette  place  depuis  la  périlleuse  nuit  où  je 
i^^éiais  jEiit  son  chevalier.  Je  pus  suivre  ses  yeux  qui  me  chef* 
chaient  dans  toute  la  salle,  et  qui  empruntèrent  même  la  \ot^ 
foette  du  vieux  d'Aeunba. 

Toat  cela  ftit  très^vorable  à  ma  politique;  car  j'étais  né*' 
tosairement  insCaHé  à  côté  de  lady  Harriet  Yandeleur,  -^M 
s^nt  à  roreilk  d'Eve...  et  auprès  de  eelle^î  l'attention  gé^^ 

W  Geus  MnPi  oè  iM  sUfonaîsrs  flsivriMSAi^  (Geatai*) 


Digitized  by 


Google 


ISi*  LES  PREMIÈRES  AMOURS  D'UN  FAT. 

nérale  excitée  par  la  beauté  d'Emily  ne  me  fit  aucun  tort.  On 
en  parlait  malgré  soi,  car  elle  était  à  la  fois  une  beauté  et  un 
mystère.  Tout  le  monde...  c'est-à-dire  le  monde  fiashionable, 
ne  la  connaissait  que  sous  la  désignation  de  Vanonyme  de  CtcU 
Danby;  j'étais  le  seul  homme  admis  dans  sa  loge,  le  seul  qu'on 
eût  jamais  vu  lui  adresser  la  parole;  enfin,  grâce  sans  doute 
à  la  bande  de  mauvais  garnements  qui  nous  avait  suivis  cer- 
tain soir,  un  bruit  vague  courait  qu'elle  vivait  dans  une  rue 
obscure  du  quartier  de  Bloomsbury-Square.  Était-ce  ma  fiiute 
si  le  monde  bâtissait  des  suppositions  indiscrètes  sur  de  pa- 
reilles bases  ? 

La  conséquence  de  tout  cela  était  que  personne  n'osait  citer 
Emily  irrespectueusement  devant  moi ,  pas  plus  qu'on  n'eAt 
cité  ma  sœur  :  quoique  proclamée  partout  la  plus  belle  créa- 
ture de  la  métropole ,  on  n'en  faisait  jamais  mention  en  ma 
présence.  Ce  soir-là ,  pendant  que  je  parlais  à  lady  Harriet, 
je  vis  la  coquette  veuve  diriger  souvent  son  regard  vers  les 
hautes  régions  où  la  gracieuse  tète  d'Emily  se  détachait  du 
rideau  rouge  de  sa  loge  comme  une  tète  de  Vierge  au  milieu 
de  son  auréole.  Je  comprenais  bien  que  son  orgueil  était 
flatté  de  m'avoir  avec  elle...  de  me  rendre  infidèle  à  une  si 
ravissante  figure  ;  ou  peut-être  c'était  moins  orgueil  que  va- 
nité... l'orgueil  est  un  sentiment  plus  élevé;  mais  elle  était 
vaine,  très-vaine  de  penser  que  dans  le  bataillon  de  fats  qui  fai* 
saient  la  revue  de  la  salle  on  se  disait  à  l'oreille  :  «  Âh!  ah  I 
Cecil  a  déserté  ce  soir  la  compagnie  des  dieux  1  —  Cecil  est 
descendu  aux  divinités  de  ce  bas  monde  i  » 

Oui,  Cecil  avait  déserté  la  compagnie  des  dieux;  mais,  hé- 
las I  si  Jupiter ,  en  se  d^-déifiant ,  se  changeait  en  cygne ,  le 
moderne  Jupiter,  en  voulant  l'imiter,  n'était  qu'un  oison. 

((  Je  suis  tout  à  fait  inquiète  au  sujet  de  lady  Ormington, 
me  dit  tout  à  coup  lady  Harriet  en  voyant  que  mes  yeux  sui- 
vaient la  direction  des  siens  ;  elle  redevient  indisposée  et 
nerveuse.  J'ai  voulu  l'entraîner  à  l'Opéra,  je  n'ai  pu  y  par- 
venir. » 

Je  hasardai  quelques  allusions  filiales  sur  la  chaleur  de  la  sai- 


Digitized  by 


Google 


LES  PREMIÈRES  AMOURS  D'UN  FAT.  185 

son,  qaoiqae  je  n'ignorasse  pas  que  Tindisposition  de  lady 
Onnington  devait  durer  tant  que  sa  fille  Julia  resterait  en 
fille. 

«  J'ai  voulu  aussi  y  continua  lady  Harriet  froidement,  Tin- 
yiter  à  notre  partie  sur  Teau  de  samedi  prochain. 

—  A  une  partie  sur  leaul  remarquai-je,  persuadé  que  c'é- 
tait une  manière  de  m'engager  à  pétitionner  une  invitation 
pour  moi-même,  et  résolu  de  foire  le  cruel  ;  à  une  partie  sur 
Teau  1  Autant  proposer  ce  divertissement  à  une  Française,  la 
plus  hydropbobe  des  créatures  de  Dieu ,  ou  à  la  femme  de 
Loth  après  sa  transformation.  » 

Lady  Harriet  fut  piquée  :  <c  Vous  êtes  extrêmement  spiri- 
tuel ce  soirl  répliqua-t-elle  sèchement. 

— Ma  mère,  lui  dis-je,  est  une  de  ces  dames ,  nombreuses 
en  Angleterre,  qui  se  confinent  si  longtemps  dans  les  salons, 
qu'elles  y  perdent,  comme  Latude ,  le  baron  de  Trenck  ou 
tout  autre  prisonnier  d'état ,  la  faculté  de  respirer  l'air  des 
champs  et  de  taire  de  l'exercice.  Dans  $a  jeunesse ,  les  jolies 
femmes  n'étaient  jamais  invitées  à  fiaire  usage  de  leurs 
jambes!...  »  De  maladresse  en  maladresse ,  j'oubliais  que  la 
jeunesse  de  lady  Harriet  était  plus  rapprochée  de  celle  de  ma 
mère  que  de  la  mienne. 

«On  ne  marchera  guère  dans  notre  expédition,  répliqua- 
t-elle;  cependant,  peut-être  lady  Ormington  a  bien  fait  de 
refuser,  car  votre  frère  et  votre  sœur  seront  de  la  partie. 

— Ahl  dis-je  avec  amertume,  lady  Ormington  doit  se  sen- 
tir fière  des  miracles  opérés  par  le  succès  de  son  filsl  II  sem- 
ble que  les  triomphes  parlementaires  ont,  comme  la  foi,  le 
pouToir  de  rapprocher  ou  d'écarter  les  montagnes.  Je  me 
rappelle  très-bien  que  vous  me  dites  un  jour  avoir  renoncé  à 
un  dtoer  où  vous  deviez  vous  trouver  avec  Danby...  n'ayant 
pas  le  courage  de  confronter  un  homme  qui  louchait. 

—Oui;  mais  si  M.  Danby  n'est  pas  beau  à  voir,  il  a  prouvé 
qu'il  vaut  la  peine  qu'on  l'écoute ,  et  cela  fait  oublier  ses 
yeoi.  Je  croyais  alors  qu'il  tenterait  de  réussir  auprès  de 
nous,  comme  son  jeune  frère,  par  des  avantages  superficiels. 


Digitized  by 


Google 


186  LKfl  PREMIÈRES  AXOCmS  D'CH  FAT. 

Qu'importe  la  figare  attachée  i  la  proue  d'un  nayire  qai  fend 
Lm  onde»  arec  une  riche  cargaison  T 

— Eh  mais,  mylady ,  Téloquence  devient-elle  contagieusot 
Vous  fiâtes  aussi  des  tropes  oratoires  l  Que  n'avons-nous  ici 
un  des  sténogni|^Ks  de  la  chambre  l  vous  seriez  une  terrible 
nvale  pour  nos  poètes  comme  pour  nos  orateurs. 

*--Et  TOUS  n'avea,  tovs,  d'autre  rival  qne  vous-même: 
Criêfm  rival  de  Criêpin!  » 

Je  fos  étourdi)  Yenaii^lle  donc  de  former  une  ligne  offm- 
aive  et  déiensiTe  avec  mon  Irère ,  au  moment  où  je  ne  faisais 
plus  le  cruel  que  pour  avoir  un  peu  plus  de  mérite  à  me  lais-' 
ser  apprivoiser?  Se  conteQlait<*elle  de  se  venger  de  la  partie 
de  Richmond,  juste  au  moment  où  j'allais  rompre  pour  elle 
«rec  Scnoithampton^Buîldîttgs?...  Espérait^lle  que  je  consen- 
tirais i  m'ivtrodoiie  avec  la  foule  des  animaux  sans  nom 
dans  Tarche  de  sa  partie  aquatique?...  Non,  non!  elle  m'isK 
vitera; 

«  Il  est  fâcheux,  lui  dis^e,  qoe  vous  ne  persuadiez  pas  4 
locd  Ormington  d'être  des  vétres  :  vous  auriez  ainsi  toutes 
les  fractions  de  la  très4HUDite  et  très-puissante  maison  des- 
Banbr. 

—  Pas  tous  encore,  remarqua  lady  Harriet,  se  prfcparaiity 

.  remme  un  chat  ndalteieux,  à  me  donner  nm  antre  coup  de 
fitte. 

—  Et  qiielle  fraction  vous  manquerait,  je  vous  prie? 

•^ Celle  qui  s'estime  plus  que  le  tout,  rèpKqua-tr^lle  caus- 
tîqaenieat;  et  me  voyant  aflèciev  Tignorance  la  plus  oMose, 
Me  ajouta  :  Vecs-MftHB  l 

•—Ah  l  m'écrîa»«je ,  je  n'y  étais  pas.  Ne  snis'je  pas  le  vrai 
^to  de  hfe  finnUe?  D'ailleurs,  ne  savez-voas  pas  qos  tous  te» 
amis  du  prince  de  Galles  sont  justement  convoqués  pour  sa* 
medi  à  Greenvieh?  0«  m'a  fait  l'homieur  de  me  comprendMi 
dans  la  Uate.  » 

Lady  Harriet  fnt  piquée ,  croyant  qu'en  eflet  il  y  auruM  ee 
jl^r-lè  qoelifue  joyeuse  partie  présidée  par  le  prince,  et  elle 
nfélaitpas,  k  se»  grand  déplaisir,  de  la  cHque  de  Caritmh' 


Digitized  by 


Google 


LBS  nniÈin  AMomm  »'irv  fat.  Iflt 

BioQse.  0«i,  elle  fol  piiquée  eonne  un  cafiini  gâté  i  qn  oft 
dit  qu'il  oiste  loie  poupée  plut  grande  que  h,  rieune. 

«  Tous  étiei  d^ji  ^  me  dit-elle ,  an  bal  de  la  semaine  der- 
nièffe.  Tniuieiit,  GeeiU  coauneui  eoneittes-vous  ces  écbrtanftt 
flta  de  eanr  arec  Tutare  goM  pour  les  ttmîdea  bergères?  »  El 
elle  ajouta,  e»  braqnanl  sa  lorgnette  sur  la  loge  des  d'Acunba  : 
I A  pvopoa,  voudries^roua  me  dite  le  nom  de  rHIustie  in- 
coDDue  de  là-haut,  qui  semble  nous  sarveiUer  airee  tant  d'io^ 

tMt?B 

h  ne  m'atAendaîsr  pas  i  une  interragatkni  aussi  direete. 

«  Cette  belle  personne  en  noir?  lui  répondi»je;  c^eat  une 
Portugal»,  je  eroîa;  OBais  trous  feriez  mieux,  poot  le  saroir 
nu  jnsie,,  éa  le  demander  à  mon  honorable  frète  ^  qns  est 
mieox  accueilli  que  moi  dans  la  maiaou  oft  j'ai  Tencoritié 
pour  la  ppemière  fois  celte  beauté  qui  semUe  tant  yens  oc- 
cuper, mylady.  » 

Lady  Harriet  s*attendait  encore  moins  i  me  voir  la  ren- 
toyer  à  mon  frère  pour  ce  renseîgneannt.  Le  eetonei  Moiisy 
entra  en  ee  moment  dans  la  loge,  et  je  me  retirai,  ne  sachant 
trop  si  j'arais  è  me  Mliciter  de  la  fin  de  ma  journée. 

Le  lait  est  <pi'i]  n'en  fut  pas  de  la  partie  sur  Teau  comme 
de  la  partie  de  liehmond  ;  il  ne  me  vint  aucnn  billet  pour  ma 
sonmer  de  la  prëCirer  i  ma  prétendue  partie  de  Greenwich  : 
j^étais  eesnpléteaoent  remplacé  par  mon  frère  le  louche  l 

Le  lendennin ,  c'était  un  dimanche ,  je  passais  devant  la 
porte  du  boudoir  de  lady  Ormington,  lorsque  je  distinguai  le 
Ma  de  sa  roiv,  qui  me  parut  très-animée.  Je  pensai  qu'eHi 
grondait  son  épagneule,  et  j'entrai  pour  jouir  de  la  disgrâce 
ds- cette  irilaéne  Bibkhe,,  la  pins  capricieuse  et  la  ph»  grom^ 
fcne  des  fevevites.  Mais  non  ,  étend»  sur  le  divan,  rép#' 
gncnie  semblait  le  témoin  désintéressé  de  la  seène  quv  venait 
f  aroir  lien.  A  mon  aqppartion,.ee  fot  mon  frère  (encore  mon 
frkrel)  qui  se  levn  et  sertit  en  m'honorant  d'un  de  ses  inkià 
aalats  à  la  Grandissons  un.  de  ces  saints  pour  lesquels  on  en* 
iMid  lepîedse  tratier  eésénBoatieaseraent  sur  le  tapisv  L*hon(^ 
rable  membre  de  la  chambre  eût  salué  ainsi  mon  ministre  eii 


Digitized  by 


Google 


188  LES  PREMIÈRES  AMOURS  d'UN  FAT. 

signe  d'humilité;  mais  adressé  au  petit  secrétaire  de  Son  Ex- 
cellence y  ce  salut  témoignait  d'une  supériorité  impertinente. 

Le  rouge  me  monta  à  la  figure. . .  Ce  ne  fiit  pas  le  rouge  de  la 
colère  ;  non . . .  j'étais  positivement  accablé  par  le  sang-froid  de 
l'honorable  John  Alexander  Danby  !  Avant  que  j'eusse  recoa- 
vré  la  parole,  il  était  de  l'autre  côté  de  la  porte. 

«  Une  jolie  affisiire  que  vous  avez  faite  làl  me  dit  ma  mère 
quand  nous  fûmes  seuls. 

—  Une  affaire  1  moi,  coupable  de  faire  uneaffiaire,  et  le  di- 
manche encore  l  m'écriai-je  en  tâchant  de  reprendre  ma  légè- 
reté moqueuse. 

-—  Il  ne  s'agit  pas  de  faire  le  mauvais  plaisant,  Cecil!  j'ai 
les  nerfis  assez  malades.  Je  vous  déclare  que  vous  avez  mor- 
tellement offensé  votre  frère  1 

—* Mortellement?  à  la  bonne  heure!  Je  n'aime  pas  à  feire 
les  choses  à  demi. 

—  Persistez-vous  à  être  absurde,  Cecil?  Oubliez-vous  que 
vous  dépendez  totalement  de  lord  Ormington  et  de  son  fils 
atné?  Faut-il  vous  répéter  que  le  chiffre  de  votre  légitime  ne 
peut  être  fixé  que  par  eux?  John  vient  de  se  plaindre  à  mot; 
s'il  allait  se  plaindre  à  votre  père...  croyez-vous  que  lord  Or- 
mington prendrait  comme  moi  le  parti  d'un  jeune  fou? 

— •  En  vérité,  madame,  vous  avez  raison.  Mais  qu'ai-je  tait 
à  ce  grand  enfant?  Est-il  venu  pleurer  parce  que  j'aurais,  par 
mégarde,  déchiré  son  cerf-volant  ou  brisé  quelque  joujou!  » 

Ma  mère  exprima  son  impatience  par  un  air  d'autorité  si 
peu  usité,  qu'elle  me  réduisit  enfin  à  un  silence  respectueux. 
(  <c  Cecil,  me  dit-elle ,  avec  toutes  vos  prétentions  de  bonoes 
manières  et  d'esprit ,  Danby  en  a  montré  ici  plus  que  vous. 
n  m'est  venu  trouver  comme  votre  meilleure ,  votre  seule 
amie,  pour  que  je  vous  engage  à  avoir  envers  lui  la  même  ré- 
serve dont  il  use  à  votre  égard.  Il  désire  —  et  il  en  a  pris 
l'engagement  avec  moi  —  que  vous  vous  rencontriez  en  pu- 
blic comme  deux  amis,  et  qu'en  particulier  vous  gardiez  vis- 
à-vis  l'un  de  l'autre  la  déférence  mutuelle  du  frère  aine  et  do 
frère  cadet. 


Digitized  by 


Google 


LES  PB£MltBES  AMOUES   D'uN  FAT.  180 

—  Mais  voyons  d'abord,  je  vous  prie,  à  quel  article  de  ce 
traité  extraordinaire  j'ai  manqué  par  anticipation. 

—  Vous  avez  fait  tort  à  sa  considération,  Gecil,  et  compro- 
mis ses  sentiments. . . 

—  Comment  cela  ? 

—En  le  représentant  à  lady  Harriet  Yandeleur  comme  com- 
plice de  vos  liatêons  vulgaires... 

—  Je  vous  jure,  dis-je,  non  sans  éprouver  un  peu  de  remords 
de  la  réponse  évasive  et  équivoque  faite  par  moi  quelques 
joars  auparavant  au  sujet  d'Emily;  je  vous  jure  que  lady  Uar^ 
net  a  prêté  à  quelques  paroles  une  interprétation  peu  chari- 
table.. Mab  quoi!  c'est  auprès  de  lady  Harriet  que  j'ai  atta- 
qué la  considération  et  compromis  les  sentiments  de  mon 
honorable  et  galant  frère  atnél  ajoutai-je  avec  un  sourire  qui 
dissimulait  cependant  un  peu  de  dépit. 

—  Oui,  auprès  de  la  folle  lady  Harriet,  qui  en  a  fait  une 
querelle  à  votre  frère  devant  lady  Susane  Theydon,  à  qui 
Danbyiait  la  cour... 

—  Danbyfait  la  cour  à  Susane  Theydon!  Le  fat!  mais 
c'est  une  des  plus  jolies  héritières  de  l'Angleterre  ! 

—  Oui,  Cecil,  et  qui  probablement  avant  six  semaines  sera 
lady  Susane  Danby...  si  John  parvient  à  effacer  l'impression 
fâcheuse  des  plaisanteries  de  lady  Harriet  sur  la  mère,  la 
femme  du  monde  la  plus  puritaine...  Ainsi  donc,  Gecil,  mesu- 
rez â  l'avenir  vos  paroles  quand  vous  parlerez  de  votre  frère.  » 

Je  ne  sais  ce  que  j'aurais  répondu  si  un  laquais  n'était  venu 
à  la  porte  du  boudoir  me  prévenir  que  lord  Chippenham 
m'attendait  en  bas  pour  me  conduire  à  Putney. 

CHAPITRE  VI. 

Se  ftnor  non  è,  cho  danqae  sento.  (PmàicA.) 

Comme  les  premières  contrariétés  de  la  vie  nous  poursui- 
vent longtemps  encore  dans  nos  souvenirs  !  j'ai  eu  depuis  ma 
part  de  chagrins  :  j'ai  bu,  moi  aussi,  le  vinaigre  et  l'hyssope. 


Digitized  by 


Google 


fM  UES  PBEXI*EB6  ÀlieiJES  ll'iTN  FAT. 

Cependant  je  n'ai  pa  orioUer  jamais  rtrrkaUon  que  me  caa* 
sèrent  en  oe  ieii|p»-làct  rûnpertinence  de  iady  Harriet  Tan* 
delenr,  et  les  mépris  dn  coionel  Morley,  mais  par-deasns  tout 
la  froide  réserve  de  mon  frère  I 

Il  est  des  moments  où  les  petites  contrariétés  sont  plus 
dures  à  «apporter  qu'une  douleur  sérieuse.  On  cHe  des  hemmes 
qui  sont  morts  de  la  piqûre  d'un  moustique.  Eh  bien,  chose 
fitrange,  la  seule  pecuome  sur  qui  je  me  Tengeai  de  mes 
Vexations  iut  oetle  qui  ne  m'ayuil  jamais  offensé...  Emily  de- 
imt  ma  victime,  le  ne  fus  pas  même  touché  de  oe  yisage  pAle» 
tleces  yeux  inquiets  qui,  pendant  deux  représentations  con- 
-nécutives,  ne  cberchaîent  partout,  depuis  le  premier  acte  de 
fopéra  jusqu'à  la  fin  du  ballet.  Elle  était  là,  triste  comme  une 
vose  blanche  sur  un  tombeau...  le  restai  impitoysdrfe...  im- 
pitoyable comme  un  grand  inquisiteur  ou  une  femme  jalouse. 

Je  n'allai  plus  dans  sa  loge.  «^  Pauvre  Emtly  1  —  Quoique 
j'eusse  à  peu  près  renoncé  à  mes  projets  sur  lady  Harriet, 
mon  amour-propre  ne  pouvait  pas  si  facilement  battre  en  re- 
traite et  s'avouer  vaincu  en  revenant  à  celle  que  je  n'avais 
pas  eu  honte  de  lui  sacrifier  tacitement.  D'ailleurs  elle  était 
toujours  là,  à  ma  portée;  il  dépendait  de  moi  de  la  retrouver 
•quand  il  me  plairait.  Tel  fut  le  secret  de  ma  lâche  insensibi- 
4{té.  Nous  devenons  indifférents  aux  bienfaits  dont  la  con- 
tinuation nous  est  assurée,  —  à  la  lumière  du  soleil,  —  à  la 
parure  du  printemps,  —  à  tous  les  plus  brillants  phénomènes 
■delà  nature.  Peut-être  j'aurais  pris  la  peine,  laquatrîèmesoirée, 
4e  monter  à  la  loge  des  d' Acunha  si  j'avais  su  que  je  n'y  verrais 
plus  Emiiy...  En  effet  elle  n'y  reparut  pas  :  la  loge  resta  vide. 
Ce  fut  une  consolation  pour  moi  de  ne  pas  la  voir  profanée  par 
des  étrangers,  surtout  par  ces  tournures  qu'on  aperçoit  or- 
dinairement à  ces  ignobles  troisièmes.  Mais  elle  avait  été 
louée  pour  Ja  saison  aux  d'Acunha,  qui  n'y  revinrent  plus  et 
ne  la  sous-louèrent  pas. 

A  compter  de  la  soirée  où  je  ne  les  aperçus  plus  à  l'Opéra, 
ah  !  comme  je  me  mis  à  épier  cette  même  loge! ....  Un  astronome 
n'attend  pas  avec  plus  d'anxiété  le  lever  de  sa  planète  ré- 


Digitized  by 


Google 


LSS  PRBMIÈBBS  AMOUBS  D'CN  FAT.  IBl 

eenoieiit  décourerte.  Je  perebUii  k  m'asseoir  au  parterre  dans 

eetfe  altitude  pendaat  une  semaine quinze  jours;  potait 

d'Emily .  La  Maison  toucfaut  à  sa  fin  ;  absorbé  par  cette  attente. 
Je  restai  étranger  i  tous  ses  plaisirs...  Lu  dernière  représen- 
tation de  rOpéra  eut  lieu.  Tout  ce  qu'il  y  a  d'habitués  as- 
siste à  cette  dernière  représentation  :  j'étais  sikr  de  l'y  yoir. 
le  me  munis  d'une  de  ses  flears  favorites.  Je  sentais  que  mea 
joues  étaient  brûlantes  lorsque  je  levais  les  yeux  comme  tou^ 
jours.  J'ose  dire  que  Horley  était  dans  la  loge  de  lady  Harriet  : 
je  oe  regardai  seulement  pas  de  ce  e6té  :  je  ne  pensais  qu'à 
Emily. 

liais  la  loge  était  encore  vide  !  --  Ce  soir-là  elle  me  parut 
semblable  à  une  tombe.  Je  savais  que  je  perdais  ma  dernière 
cbaoce  de  la  rencontrer.  Pendant  six  mortels  mois  plus  d'O- 
péra. Pendant  six  mortels  mois  cette  loge,  qui  (ut  si  longtemps 
BU  paradis,  devait  demeurer  un  petit  réceptacle  poudreux,  hu*- 
mide  et  obscur,  livré  aux  araignées.  Je  montai  pour  m'y  placer 
encore  une  fois.  Je  m'asûs  sur  la  chaise  d'Emily  derrière  le 
rideau,  le  déposai  même  mon  magnolia  sur  le  coussin  rouge, 
comme  si  elle  eût  été  là.  L'odeur  de  vanille  parfumait  encore 
la  loge  comme  si  les  d'Acunha  ne  feisaîent  que  de  la  quitter. 
Mon  imagination  évoqua  leurs  images,  et  je  crus  un  moment 
qu'ils  y  étaient  encore. 

Je  ne  pus  rester  davantage  en  suspens.  Le  lendemain,  e* 
sortant  des  bureaux  du  ministère,  je  courus  tout  droitàSoutb» 
amplon-Buildings.  Bien  plus,  en  parlant  au  clerc4actotum, 
je  demandai  sans  hésitation  où  était  miss  Barnet.  J'étais  dés- 
espéré. 

Ma  demande  n'étonna  pas  ce  garçon-là.  Il  semblait  y  être 
préparé,  il  semblait  presque  avoir  parié  qu'un  des  clients  de 
M.  Hanmer  viendrait  frapper  à  la  porte  et  demandera  voir  sa 
papille,  et  il  y  eut  un  air  de  satisfaction  dans  sa  figure  lors- 
qu'il me  répondit  :  Mi$$  Emily  n'y  est  plus, 

c<  Est-elle  chez  monsieur  d'Acunha? 

—  Peut-être  oui, peut-être  non...  je  ne  saurais  dire.  »  Irai*je 
le  demander  au  mattre-clerc? 


Digitized  by 


Google 


192  LES   PREMIÈRES  AMOURS  D'DN  FAT. 

Il  m'était  naturellement  plus  agréable  d'aller  m'en  infonner 
chez  M.  d'Âcunha  lui-même  :  je  courus  donc  à  Burlon-Cre»- 
cent!...  Un  écriteau  à  la  porte  :  Maison  a  louer.  Profon- 
dément mortifié,  j'avais  déjà  tourné  la  nie,  quand  je  revins 
sur  mes  pas  et  demandai  à  voir  la  maison  :  la  femme  chargée 
de  la  montrer  fut  interrogée  par  moi  sur  les  précédents  loca- 
taires... Tout  ce  qu'elle  put  me  dire,  c'est  qu'ils  étaient  partit, 
retournés  dans  leur  pays. 

Je  rentrai  bien  malheureux.  Tant  qu'avaient  duré  mes  illu- 
sions j'avais  à  peine  remarqué  les  progrès  de  la  saison.  Mes  il- 
lusions envolées,  je  découvris  que  j'étais  seul.  Tout  était  fini; 
non-seulement  il  n'y  avait  plus  d'Emily,  mais  plus  de  Lon- 
dres. Au  club,  le  soir  de  ce  jour-là,  à  peine  une  âmel...  Je 
ne  m'étais  pas  jusque-là  aperçu  qu'un  employé  du  gouverne- 
ment était  exclusivement  un  citoyen  de  Downing-street,  que 
le  reste  du  monde  chassait,  faisait  un  tour  aux  lacs,  ou  se  ré- 
fugiait sur  les  sables  argentés  de  l'île  de  Wight,  tandis  que  ma 
plume  officielle  continuait  à  se  plonger  dans  l'encre  du  gouver- 
nement. Boudant  seul  sur  le  sofa  du  club,  monarque  unique 
de  tout  ce  qui  m'entourait,  boudant  comme  un  ministre  qui 
a  reçu  une  mercuriale  de  son  souverain  ou  du  souverain  de 
son  souverain  la  chambre  des  communes...  je  songeais  à  en- 
voyer ma  démission.  Le  souvenir  des  conditions  auxquelles 
lord  Ormington  m'accordait  mon  petit  budget  me  fil  heureu- 
sement suspendre  l'effet  de  ce  mouvement  d'humeur  contre 
le  genre  humain.  Et  puis  mon  père,  comme  tous  nos  gouver- 
nants et  tous  nos  hommes  politiques,  avait  pris  le  chemin 
des  champs  :  sans  ma  singulière  préoccupation,  cette  absence 
seule  aurait  dû  m'avertir  que  je  faisais  partie  du  mobilier 
inamovible  de  Downing-street. 

{Cecily  or  the  adventures  ofa  coxeomh  (1).) 

(i)  NoTK  DCDiRBCTKUR.  Ce  roman,  dont  nous  publierons  la  suite daniU 
prochaine  livraison,  est  attribué  généralement  en  Angleterre  à  la  colli- 
boratlon  anonyme  de  sir  Edward  Litton  Balwer  et  de  Mrs.  Gorc. 


Digitized  by 


Google 


REVUE  ASIATIQUE. 


DERNIERES  NOUVELLES  DE  L'INDE  ET  DE  LA  CHINE. 


Septembre  1849. 

Presque  toutes  les  réflexions  que  nous  faisions  le  mois  dernier 
rar  la  situation  des  Anglais  dans  l'AfTghanistan  s'appliquent  en- 
core aux  nouvelles  qui  arrivent  en  Europe  par  les  derniers  jour- 
naux de  l'Iude  et  les  correspondances,  tant  cette  situation  semble 
être  restée  la  même,  VOverland  Courrier  a  quitté  Bombay  le 
i»  juillet.  Dans  la  disette  des  faits,  quelques  avantages  remportés 
parles  Anglais  du  côté  de  Candahar  ne  suffisent  nullement  pour 
leur  permettre  d'espérer  la  soumission  des  rebelles.  Mais  il  parait 
que  le  gouverneur  général  de  l'Inde,  ayant  reconnu  qu'il  avait  trop 
tôt  ordonné  l'évacuation  du  Caboul ,  cherche  à  donner  le  change 
SUT  la  teneur  de  ses  instructions.  Les  troupes  que  commande  le 
général  NoU  ont  été  plusieurs  fois  attaquées  par  des  forces  supé- 
rieures, et  les  ont  toujours  repoussées  victorieusement.  Il  est  donc 
à  regretter  qu'il  n'ait  pas  chassé  l'ennemi  devant  lui  jusqu'à  Ca- 
boul même,  de  concert  avec  un  mouvement  analogue  du  général 
PoUock.  Au  coniraire,  il  a  retiré  les  garnisons  de  Khelat-I-Ghil- 
zie  et  de  Gherisk,  en  faisant  détruire  les  fortifications  de  ces  deux 
places  qui  sont  si  importantes,  la  dernière  surtout,  si  l'armée  ne 
devait  pas  évacuer  le  pays. 

Voilà  ce  qui  prouve  qu'avant  la  victoire  de  Jallalabad  et  avant 
que  le  passage  du  Kybour  fût  forcé,  lord  Ellenborough  avait  résolu 
de  retirer  les  troupes  anglaises  de  l'AfTghanistan.  On  veut  persua- 
der aujourd'hui  qu'on  a  par  suite  d'un  malentendu  appliqué  à  toute 
l'armée  des  ordres  qui  ne  concernaient  que  le  général  Sale.  Mais 
on  assnre  d'autre  part  que  les  troupes  anglaises  auraient  déjà  com- 
mencé toutes  leur  mouvement  rétrograde ,  si  le  général  PoUock, 
moins  pressé  d'obéir  que  le  général  Nott,  n'avait  par  ses  hésita- 
tions donné  au  gouverneur  général  le  temps  de  revenir  sur  sa 
détermination.  Au  reste,  il  semblerait  que  la  retraite  avait  été 
commandée  par  le  ministère  whig. 

5*  SÉBIE.  —TOME  XI.  13 


Digitized  by 


Google 


19&  DERNIÈRES  NOUVELLES  DE  L'INDE 

VAHatic  Journal  rappelle  dans  une  noie  que  lorsqne  sîr  Ro- 
bert Peel  s*est  vu  reprocher  en  plein  parlement  Tévacuation  de 
rAflghanisUn,  il  a  répondu  que  les  whigs  devaient  bien  pren- 
dxc  ganic  avant  de  lancer  oeite  accusation,  parce  qu'elle  pourrait 
retomber  sur  d'autres  que  sur  lui. 

Enfin,  tout  en  faisant  honneur  an  général  Pollock  de  son  refus 
de  battre  en  retraite,  on  ajoute  qu'il  lui  serait  tout  aussi  difticile 
de  reculer  que  d'avancer,  faute  d'un  nombre  suffisant  de  chameaux. 
II.  n'eu  aurait  que  trois  mille  pour  une  armée  de  quatorze  mille 
bommes^.etll  ne  lui. en  faudrait  pas. moins  de  sept  mille. 

Maintenant  qy'a-t-il  transpiré  de  ces  discordes  civiles  qui  con- 
tinuent heureusement  à  occuper  Tenncmi  dans  la  ville  de  Caboul? 
U  se  conûrme  qu'Akbar  khan  s'est  emparé  du  Bala  Ilissar  et  de 
la  citadelle,  ce  qui  Ta  mis  en  possession  des  munitions  de  guerre 
ei.de  vingt  laks  de  roupies.  Si  le  souverain  nouveau,  Fallah  Jung, 
était  réellement  favorable  aux  Anglais,  que  leur  sertirait  cette 
lymne  volonté  d'un  prince  qui  ne  peut  conserver  son  ombre  de 
pjoissance  qu'en  devenant  l'humble  instrument  des  projets  d'Akbar^ 
soit  que  celui-ci  le  gouverne  comme  son  vizir,  soit  qu'il  lui  im- 
ptpse  brutalement  son  influence  de  vainqueur?  Étrange  complica- 
tion de  ce  drame  si  obscur  où  l'on  nous  représente  deux  des  fîls 
du  shah  défunt  combattant  sous  deux  bannières  difTérentes,  et  ce 
terrible  Akbhar,  le  fils  de  Dost  Mahomet,  faisant  bon  marché  des 
purélenlions  de  son  père,  peut  être  par  feinte,  de  peur  que  les 
Anglais  n'attachent  trop.de  prix  à  la  possession  d'un  pareil  captif, 
qa.'il  est  toujours  question  d'échanger  contre  les  personnes  an 
pouvoir  d'Akbhar. 

Au  milieu  des  contradictions  de  toute  espèce,  quand  les  uns 
hlâment  le  gouvernement  d'avoir  eu  la  pensée  d'une  retraite  sans 
représailles,  quand  les  autres  lui  disent  avec  la  franchise  de  l'op^ 
position  ou  de  l'intérêt,  qu'ayant  eu  tort  dans  l'attaque  il  n'a  rien 
demieuxàfaîrequede  renoncer  sans  condiiion  à  une  guerre  injuste, 
il  s'est  trouvé  no  tory,  assez  confiant  dans  la  fortune  de  l'Angleterre 
pour  pioppser  la  conquête  sérieuse  et  la  colonisation  du  Caboul.  Il 
ne  faut  pas  tant  se  récrier. sur  cette  hardiesse  :  qoî  sait  le  secret 
de  la  politique  anglaise  dans  Tlndc?  Ce/tes,  il  y  aurait  eu  une  bien 
plus  forte  dose  de  témérité  à  proposer,  il  y  a  soixante  ans,  à  la 
compagnie  des  Indes  dé  fonder  un  empire  la  moitié  seulement 
aussi  éleodu  que  celui  qu'elle  doit  à  l'audace  d*un  dé  ses  commis. 


Digitized  by 


Google 


Vbîcî  la  lettre  de  ce  lory,  qtii' n'est  encore  un  second  Robert  Clivé* 
que  sur  le  papier.  Cette  lettre  est  cnrîeii^e  et  remarquable  sous  plus 
d'un  rapport' (1).- 

f  INnintnoi  né  pits  colontscr*  lè/'Caboul?  Le  clitnat  de  la  partie 
péninsulaire  de  l*lhdcf  diéfènd  toute  colonisation  européenne  per- 
nfanente.  Les  en ranis  d'Euro (lèens  qui  y  naissent  sont  d^unc  santé 
firîHc;  ils  y  meurent  m^mc',  si  on  ne  les  envoie  en  Europe  se  re- 
tremper dans  un  climat' pftis  c6nf6rintre  à  leur  origine,  ou  s*ilssnN 
ffvpni  et  continuent  de  ré^dcr,  ils  y  ont  rarement  une  postérité! 
Je  pois  bien  assnriEfr  qu'il  ne  faudrait  pas  le  laps  d'iin  siècle  pour 
Toir  s'éteindre  toute  la  génération  an^lâl^e  acWellc  de  Tlnde  si' 
on  l'abandon  riait  à  elle-même.  Xbus  ne  pouvons  occuper  le  pays 
qu'en  y  envoyant  des  renforts  d'cini^ranls  de  temps  à  autre,  lant' 
il  est  vrai  que  dans  la  péninsule  de  l*lnde  les  Anglais  ne  sont  et  ne 
petiTent  être  que  des  oiseaux  de  passage. 

>  Ce  n'est  pas  là  un  état  de  choses  naturel  ni  sûr,  les  maîtres 
de  ta  meilleure  partie  d'un  pays  étant  étrangers,  n'ayant  aucun  lien 
d'origine  avec  le  sol,  et  par  conséquent  étant  incapables  d'éprouver 
pour  les  habitants  d'autres  sympathies  que  celte  d'une  aride  hu- 
manité philosophique.  Xous  pouvons  bien  aller  là  nous  enrichir  et 
puis  nous  en  rct«)urner,  mais  nous  né  pouvons  communiquer  au 
peuple  nos  sentiments,  nos  coutumes,  notre  religion.  Nous  sommes 
de  simples  gouttes  dans  l'oc^'an  de  cette  vaste  population,  et  it  nous 
est  impiïssiblede  nous  y  mêler  pas  plus  que  ne  feraient  des  gouttes 
d'huile. Si  ce  peuple  se  levait  et  nous  expulsaildemain,  il  ne  resterait 
pas  plus  d^'  trace  de  nous  qu'il  ne  reste  ici  de  traces  des  hirondelles  eh 
octobre.  Madras,  Bombay,  Calcutta...  que  sont  ces  villes,  sinon  des 
caravensérails,  des  lieux  de  balte,  où  nous  nous  arrêtons  le  temps 
nécessaire  pour  ramasser  dé  l'or,  et  fuir  bien  vite  après  de  peur 
d'être  atteints  par  lé  démon  de  la  maladie. 

»  Dans  toutes  nos  autres  colonies,  même  dans  la  plus  insalubre 
des  Indes  occidentales  —  (à  rcxceplion  de  cet  hôpital  des  mers, 
Sierra  Leone,  ce  cimetière  qôî  n'est  pai  une  colonie),  —  dans  tou- 
tes nos  autres  colonies,  nous  avons  pu  nous  implanter  dans  le  sol 
d'une  manière  permanente.  Dans  toutes  nous  voyons  fruclificr  les 
semencesdela  nationalisé  anglaise,  l'industrie,  la  liberté,  le  christia- 
nisme. Dans  léè  États-Unis  d'Amérique,  TenfanCs'esl  fait  homme 

Digitized  by  CjOOQ  IC 


196        DERNIÈRES  NOUVELLES  DE  L'INDE. 

et  rivalise  avec  son  père  —  dans  le  Canada ,  jusqu'à  l'embouchure 
du  Saint-LaiirenU  une  communauté  libre  et  prospère  travaille,  dé- 
friche et  convertit  le  désert  en  terrain  fertile,  animée  par  l'énergie 
britannique,  et  dans  sa  jalousie  même  de  la  Grande-Bretagne,  gui- 
dée par  nos  propres  principes  Notre  constitution  répand  sa  lumière 
sur  le  pauvre  Hottentot  et  le  Bushman  du  Cép  ;  ce  sont  nos  frères, 
parce  que  des  hommes  de  sang  anglais  vivent  avec  eux  et  parmi 
eux»  uotre  mère-patrie  les  rattachant  également  à  elle  par  le  même 
patriotisme  instinctif.  Le  New-Zélandais  a  oublié  ses  horribles 
banquets  et  voit  déjà  des  familles  d'Européens  civilisés  prenant 
racine  autour  de  lui;  il  apprend  rapidement  leur  langue,  leurs  arts, 
leurs  belles-leltres;  il  a  adopté  déjà  cette  religion  qui  leur  a  révélé 
leur  humanité.  Partout,  excepté  daus  l'Inde,  la  liberté,  l'intelli- 
gence, la  doctrine  chrétienne  croissent  côte  à  côte  avec  la  race 
sauvage  du  monde  barbare,  la  supplantant  ou  se  Tasssimilantpeu  à 
peu.  Dans  l'Inde  seule,  le  vieux  esclavage,  la  vieille  civilisation  asia- 
tique, se  transmettent  de  génération  en  génération  sans  aucun 
mélange  de  liberté  morale  ou  civile. 

»  Mais  est-ce  notre  faute  ?  Non.  C'est  le  résultat  forcé  d'une  cause 
sur  laquelle  nous  n'avons  aucune  influence.  Le  climat,  que  nous  ne 
pouvons  changer^  nous  défend  d'y  séjourner  assez  longtemps  pour 
inoculer  au  peuple  notre  caractère  ou  l'habituer  à  notre  genre  de 
vie  et  à  nos  opinions.  Il  n'existe  à  présent  aucun  centre  plus  à  por- 
tée que  l'Angleterre  même  d'où  nous  puissions  propager  notre 
influence.  C'est  ce  centre  plus  rapproché  qu'il  s'agit  d'établir,  etsi 
Tayaut  trouvé  nous  le  négligions,  nous  encourrions  une  grande 
responsabilité. 

»  C'est  le  Caboul  qui  nous  l'ofifre,  ce  centre  désiré;  il  faut  donc 
occuper  le  Caboul,  et  nous  le  pouvons  faire  d'une  manière  perma- 
nente ;  car  là,  aucun  empêchement  physique,  aucun  du  moins  que 
la  puissance  anglaise  ne  puisse  surmonter.  L'Angleterre  ne  peut 
lutter  contre  le  soleil  qui  brûle  et  rend  inféconds  ses  enfants  sur  la 
péninsule  hindoustanique,  pas  plus  que  le  Cypaye  ne  peut  résister 
aux  vents  froids,  aux  neiges  et  aux  frimas  du  Caboul.  La  pénin- 
sule est  essentiellement  le  pays  des  teints  noirs,  le  Caboul  celui  des 
teints  blancs.  Cependant  la  transition  de  Fun  (en  regardant  le 
Pendjab  comme  la  continuation  des  plaines  de  TlndeJ  à  l'autreesi 
presque  aussi  rapide  que  la  transition  des  Lothiânê  diuxff igMands 
(hautes  et  basses  terres)  de  TÉcosse.  Le  Cypaye  est  un  soldat  à  AC- 


Digitized  by 


Google 


DEBXIÈRES  NOUVELLES  DE  L'INDE.        197 

tock,  une  femme  à  Ali-lfusdjid.  Eh  bien,  la  dislance  entre  ces  deux 
points  n'e^t  pas  plus  grande  qu'entre  A berdeen  et  Edimbourg.  Mais 
ce  qui  tue  le  Cypaye  ressuscite  en  quelque  sorte  le  fils  du  n  rd  aux 
yeux  bleus.  Au  pied  du  Caucase  indien ,  nous  nous  retrouvons 
dans  le  berceau  de  notre  race.  Ce  fut  de  ces  sommets  que  descendit 
le  Goth.  A  travers  ces  défilés  émana  le  sanscrit.  Les  muts  que  j'é- 
cris, sons  primitifs  de  tous  les  idiomes  de  l'Europe  occidentale,  reçu- 
rent ici  leur  première  forme  articulée.  Rien  ne  saurait  empêcher 
une  colonie  anglaise  de  prendre  racine  ici  avec  autant  de  succès 
que  dans  toute  autre  partie  du  monde.  Le  climat  est  aussi  convena- 
ble aux  résidents  anglais  que  le  Cap  ou  l'Australie.  Situé  à  six  ou 
sept  mille  pieds  au  dessus  du  niveau  de  la  mer,  le  sol  produit  toutes 
les  récoltes  de  la  zone  tempérée.  Par  le  fait,  la  vallée  de  Jellalabad 
peut  être  considérée  comme  la  continuation  de  la  vallée  de  Cache- 
mire, dont  la  salubrité  est  proverbiale ,  sur  la  rive  opposée  de 
rindns. 

»  Toute  nation  qui  expulserait  les  tribus  maîtresses  de  la  région 
entre  Caboul  et  Peshawour  serait  justifiée  d'ouvrir  ce»  défilés  au 
commerce  de  l'Asie  centrale.  Un  seul  défilé,  ou  une  série  de  défi- 
lésj  comme  le  Kybour,  seules  issues  d'une  chaîne  d'ailleurs  inac- 
cessible^  appartiennent  à  tous  les  peuples.  Y  lever  un  tribut  de 
péage,  c'est  une  piraterie  comparable  à  celle  de  faire  contribuer 
on  navire  franchissant  le  détroit  de  Gibraltar.  Mais ,  outre  les 
exactions  régulières  exercées  à  l'entrée  du  Kybour,  les  barbares  de 
ces  montagnes,  pillant  tous  les  voyageurs  trop  faibles  ou  trop  peu 
nombreux  pour  leur  résister,  ne  sont  que  des  voleurs  de  grands 
chemins,  qu'il  est  méritoire  de  châtier  et  de  chasser  de  leurs  re- 
paires. 

a  Nous  pourrions  facilement  stipuler  avec  les  peuples  de  l'Hel- 
monde,  que,  pour  prix  de  notre  évacuation  du  C4andahar,  ils  don- 
neraient aux  tribus  du  Kybour  les  moyen  de  subsister  dans  l'inté- 
rieur. Nous  pouvonsaujourd'hui  concentrer  vingt  mille  hommes  sur 
la  ville  de  Caboul  :  n'est-ce  pas  une  force  su fiisan te  pour  dicter  des 
conditions  pareilles?  Or,  nous  avons  acquis  assez  d'expérience  à  nos 
dépens  pour  savoir  que,  si  nous  n'obtenons  pas  l'abandon  d'une 
partie  du  territoire  ennemi,  il  ne  peut  y  avoir  de  sécurité  pour 
aucun  de  nos  établissements.  L'automne  dernier,  la  garnison  de 
Caboul  comptait  plus  de  cinq  mille  baïonnettes  :  c'est  plus  que 
nous  ne  pouvions  en  maintenir  à  une  telle  distance  de  notre  fron- 


Digitized  by 


Google 


^ièr^;  et  J'qn  a  yu  si  cipq  mille  baîonneUes  <^t  pu  Cûniq(\ir  jj^te 
l^opulation  fanatis^. 

»  Nous  ne  pQuvons  çoi^s^rver  le  Caboul  par  inoitié  :  il  ffifit  fe 
fjàïdçT  lout  eniier,  ou  laisser  I^  clef  de  riode  aiLx  mains  d'eoncmis 
i|fip1acables.  Un  seul  fort  solitaire  à  Tent^rée  du  Kyjbour  serait  af- 
fa^mé  ou  emporté  par  surprise.  L'occu,pfilion  d*un  lel  po^ieavapçé 
serait  pire  aue  Ve^iil  dans  un  étahlissement  pérsitentiaire;  ]es  irqa- 
fp  n'auraient  aucune  sccuriléçn. dehors  des  ^urs,^e  leyr  prison. 
Çftinle-Jlêlène  n'est  rien  compajali^ye^eM^-  -Ce  serait  gjif^.qr^ejpc 
d'^llsa  au  milieu  d'une  flotyte  hosti,)e.  ,Ces  jslpi^i,tcs  ^e  fpnt^^  n\ir 
ri ^e,^'ex terminer  Içs  Ferjngbis,  quocuj!^qjue  mod^o.  Ce  S9,pt  dfîj 
hypocrites  par  patriotisme,, et  héroïquement  perfides.  Nous  devons 
^eur  faire  yi^er  les  liçujc,  .et  rt-mplarer  les  indigènes  j>ar  une  po- 
pulation à  no|ys  dé^vouée,  ou  bien  rebrousser  chemin  jusqu'à  Fa- 
rçzepoury  avec  la  certitude  d*y  être  devancés  pa.r  la  rébell  on. 

»  Mais,  dira-t-on,  où  trouver  des  colons  assez  hardis  pours'ei- 
l^oser  aux  dangers  de  fixer  teur  habitation  au  milieu  d*enaemis 
aussi  implacables  que  le  deviendront  tous  les  AjÇTgba os,  auprès  une 
spoliation  pareille,  et  qui,  jrayanlpas  craint  daUa^uer  six  mille 
hçmmes  de  troupes  disciplupées  dans  Je  Koord-Cabçul»  ne  crait^ 
draieat  pas^  à  plus  forte  Raison,  d'assaillir  une  population  dissé- 
minée d'agriculteurs  et  de  commerçants  ? 

»  A  cela  je  ré;ponds  qu'il  ne  fois  chassés  au  delà  des  monts  qui 
eptourêipt  de  leur  barrière  les  provinces  en  questiçn,  JesKybou- 
ries  n'auraient  aucun  moyen  d'y  rentrer  que  par  leurs  défilés,  et 
certes,  s'ils  les  ont  si  longtemps  défendus,  nous  pourrions,  nous,  ^ 
jamais  les  en  exclure.  Ces  montagnes  son^,  en  effet  inacces^i^Ie$ 
par  tout  autre  district;  et  entre  cette  muraille  de  pierre,  d'une  part» 
e(,la  branche  aflghanc  de  rindusdeTautre,  s'élepd  ,une  région  fer- 
tile et  salubrç,  de^ux  fois  plus  vaste  que  le  plus  vaste  des  con)ié$ 
d'Angleterre;  tandis  qu'au  delà  du  déûl.é  de  K.çordCaboul ,  au? 
tour  de  la  ville  même  de  Caboul,  s'étefid  u^e  autre  région  égale- 
ment clôturée  pa|r  les  défilés  de  Koord-Caboul  au  nord,  et  parceu;^ 
qui  conduisent  à  Ghuznie,  au  couchant.  C'eçt  de  fait  un  jardin 
^rand  coipme  upe  de  nos  provinces,  eutoyré  d'une  muraille  à^ 
deux  ou  trois  mi)le  piids  d|e  haut, avec  des  portes  principales, c)ia- 
cyne  desquelles  pourrait  être  défendue  par  un  s/e^l  régiment  conlFÇ 
toute  la  population  de  l'Asie  centrale. 

»  {('avons-pous  pas  en  Angleterre  iinç  population  plus  consiae- 


Digitized  by 


Google 


Yihfe  (^  ne-petit  en  iHNiirrir>ii«tre9i»l'et'l*ètat'-«cl««l'de  Dagiécul»* 
tore?  Ne  sommes-nous  pas  en  même  temps  plus  rioiMB*i|«'aiiculi 
tmtre  ndioD'ra  'bitineiifs  tit'ên  mi^•irs^«p|?mMpott^L?lmiBs  na- 
«figiible  cmMaît  t)irette«imit«irpM'Cle»^éfiMsifaîVotivrent«ir/la 
^yëOk  tie  9«1MÉbad  ,  'nwigtfiion  'kidVile  fpDQr*ii<MiS'taiis'iii»  dépôt 
«iffft(vifeà'Son-*teraie'^BS'lfSH«iVM,'t;VKsMMliael  GabcnL,  cetie 
^lle  en  étmft  '4e  pomt  *e«tffi9m^  ;  «Mtîon  *  kidiiprte ,  '«nr,  «Mcare-iè 
présent,  tl>e9t  le igninfQ  tmnpehé  coumNfiroial  tpearl^Jl^ie'caBlmle. 
'QtR  ne-5erâlt-^11e*pBSy^b#té«pffrd«»»artlHiwi8ian^laK4e8  m»- 
'MCKtariers  et  itfes' tenquien-iingiais,' HMfe'ftOf  tdut  »vee  dcaTOuM 
OTfeftes'par'êes  inFgènîeurs  «nf  laîs  ! 

»  Maîfftenatit,  «frppeaez  à  •Gaixyal  les  lois  tt  ta  iibei^téB  anglais 
ses,  un  gouTernemenl  représentatif,  «nre  presse  ^bre,  nrntystèflia 
Ifédocfffmn  poMique,  etc.,  etc.,  truelle  «aivroe  abcmëante'ieban- 
«esinlhieaces  «et.  de^bcms'OKmples  «enfît  Cvbaul,  etpaur  les  tMt- 
^Ki»s4e^apènhi9Me  hfdmiM«ifq«e,  èttp«ir'M^onleB4njo«Mft^kiifi 
ièsorganîséesile  l'AlTiiffaaimtanl  €les<dMlés,  <ygi  laaBnU'eweB^*' 
Traîem  que  prmr  -venri  fleurs  bandes  êe  fMMWvdevrs  et  dlasMsriîAi^ 
Oetiendraien t  «e  Tivia^anai»  Ae  ch4IiMrtiion ,  «liant  smmweÊêe  •  n^ 
pandre  avIoiditnirtropplein'A'mdufttrie,  d^ntdlîgviiceet  AeiièiKfté 
«Misiituffomiéne.   Le  tyaan  de  Bokbara ,  k  l'approdae  4e  ^tle<  in^ 
fwnee  nonif«Hie,  tfemMemt  iaaalesptdaiawQslasqaelB  aoDt  crotté 
lès  tes  cachots  à  v«nmne(i}.  lie  Russe,  en  «'avançant  wm  Aatraèad 
wi¥bffa,  vespînrit  d^à  l^anr  féoend  de  la  IIImtM.  A  l'aot,  letfCy^ 
bour,  le  redoutaMe  Kybour,  ne  lifferaît  pltts  paisii^e  qu'à  Tia»* 
TisJon  du  comneroe,  Abs  arts,  4e  k  littératme.  Les  idées  eur^ 
pêennes  fraient  féconder  et  le  Pendjaib,  et  Pethi,  «t  Agra  ;  enAn  les 
ânglo-Indiens  ne  seraient  ^Ins  de  simples  oiseaux  de  passage.  A 
kvrs  pénibles  tre? erséea  de  Itkéan  fils  svbalîUieiaient  des  visîtesA 
Imatnmtvtih^pahrit  de^leltatabadet  de  Caboul  i ne  seraient  là  peut 
eux  des^exenraioBa  qui  exigeraienti  péîneqttidqttes  jours  et  i 
tnaadépenses  de  ptua^'iHioieuT  enfautponrt^eun  | 
annuelles  aux  montagnes  nord  du  Sutleje.  Les  gaandas  InulIcB  de  In 
péninsule,  au  lieu  d^enva^r  leurs -enfbftls  par  •eamgaiaanaen  An^ 
tHlerre,  les  garderaientprès d'elles  dunslaa mantagncs, jysfu'à 


(1)  Cedaspole-ealtetiant  ome  rétenre  de  vermine  :  puces,  punaises  et 
Irai  insectes d^ignûUDts,  au«queU.lI  liTre  Je«ytctimet  de  ton  déplaisir. 
I^aa  demi-heure  dans  ce  cachot  ptfd<ci«{airs  suffit  pour  tuer  un*  homme. 


Digitized  by 


Google 


900  J>ERNIËR£S   NOUVELLES  DE  L'INDB. 

ce  qu'ils  fussent  assez  robustes  pour  supporter  Fardeur  du  soleil 
dans  la  plaine. 

)>  Nous  avons  une  grande  dette  à  payer  aux  peuples  de  l'Inde  :  nous 
avons  extrait  de  leur  pays  beaucoup  d'or,  et  en  retour,  qu'avons-nous 
fait,  si  ce  n*est  d'administrer  leurs  affaires  d'une  main  assez  ferme 
pour  maintenir  la  paix  entre  eux?  C'est  un  bienfait  sans  doute; 
mais,  hommes  libres  et  chrétiens,  nous  leur  devions  davantage,  et 
si  nous  ne  pouvons  directement  les  admettre  à  la  participation  de 
nos  idées  politiques  et  religieuses,  montrons-leur  en  grand  l'exem- 
ple d'une  société  chrétienne  complètement  organisée,  dont  Ti mita- 
lion  les  tente.  A  tout  événement,  ne  perdons  pas  l'occasion  de  créer 
une  nouvelle  sauvegarde  à  la  puissance  qui  nous  a  permis  de  faire 
déjà  quelque  chose  pour  eux. 

»  L'Indus  est  la  grand'route  naturelle  entre  l'Asie  centrale  et  le 
Teste  du  monde;  c'est  la  seule  issue  praticable  pour  les  produits 
d'une  portion  du  globe,  aussi  vaste  que  le  continent  occidental  de 
l'Europe.  Caboul  est  la  clef  de  la  navigation  de  Tlndus  du  côté  de 
rAffghanistan,deBokhara  et  de  la  Tartarie  indépendante.  Tout  ce 
qui  descend  l'Indus,  provenant  de  ces  pays,  traverse  ce  grand  eo^ 
trepôt,  dont  nous  avons  l'occasion  de  faire  une  ville  entièrement 
anglaise.  Là  est  une  contrée  que  notre  légitime  défense  nous  force 
d'usurper  sur  ses  occupants  actuels;  là  est  un  nouveau  champ 
pour  l'industrie  agricole,  pour  l'industrie  manufacturière  et  poar 
les  entreprises  du  commerce;  là  un  climat  analogueà  notre  consti* 
iution  physique  et  une  localité  parfaitement  adaptée  à  nos  besoins 
politiques  :  c'est  une  belle  occasion  de  faire  le  bien, 

»  Je  ne  justifîe  pas  la  guorre  de  l'Aiïghanistan  :  au  contrai re,  au- 
tant que  je  puis  juger  la  questionne  la  blâme  ;  mais  si  elle  avait 
été  entreprise  pour  arracher  ces  brigands  de  l'Asie  centrale  à  lears 
forteresses,  et  déclarer  la  route  de  Caboul  à  Peshawour  ouverte  aa 
commerce  paisible  du  monde,  je  la  déclarerais  légitime,  £h  bien  ! 
l'occasion  se  présente  de  faire  sortir  un  bien  du  mal;  un  homme 
juste  ne  peut  hésiter. 

»  Que  les  Kybouries  s'en  aillent  en  paix,  au  nom  du  ciel  !  Il  y 
a  en  assez  de  sang  versé.  La  vengeance  est  un  mot  qui  ne  doit  pas 
être  connu  dans  les  conseils  d'une  nation  magnanime.  Point  d'in- 
cendies! point  de  ravages!  La  leçon  morale  qu'il  s'agit  de  donner 
sera  bien  plus  frappante.  La  machine  à  vapeur,  l'institut  pour  1'^ 
ducation  des  ouvriers,  les  leçons  de  musique  gratuites;  voilà  les 


Digitized  by 


Google 


BERNiiRES  NOUVELLES  DE  L'INDE.  SOI 

monnmenU  qu'il  faot  fonder  en  Thonneur  des  morts  au  pied  de 
ces  montagnes  ensanglantées;  et  si  le  massacre  de  Sugdaluck  pro- 
duit toot  cela,  nous  pourrons  vraiment  dire  que  jamais  sang  ne  fut 
plus  utilement  Tersè.      Gilbert  Young.  » 

L'atenir  nous  dira  si  ce  n'est  ici  qu'une  utopie  individuelle. 

En  Chine  (les  dernières  nouvelles  sont  du  27  mai),  la  guerre 
traîne  toujours  en  longueur,  soit  qu'on  négocie  de  bonne  foi,  soit 
que  les  Anglais  attendent  des  renforts  pour  leur  grande  eipédition 
SUT  Pékin.  D'après  les  rapports  des  missionnaires  français  (dont  les 
Anglais  reconnaissent  volontiers  l'exactitude),  le  Céleste  Empereur 
se  disposerait  à  faire  sa  retraite  en  Tar tarie.  En  se  transportant  de 
l'antre  côté  de  la  grande  muraille,  le  monarque  chinois  rendrait 
illusoire  tout  traité  conclu  à  Pékin  par  les  autorités  que  les  An- 
glais trouveraient  dans  cette  capitale. 


Digitized  by 


Google 


9ie(J»VBIjLË6  »m  'SCiEI>M}B8 , 


JBB  (LA   dalTmBIU'rWB  ,    BM   BBAmL-ABflW,  B«J 

DE   L'INDUSTRIB» 'OB  I.1ACRICULTQW  y  1BVC. 

DE  LA  REVUE  BRITANNIQUE. 

EdiQbount,  1$  fqptembK. 

jiA  IWigs  jiQT  icQSSB.  ^  ^ucoàs  nu  criscge  auuat.  —  juss  aamis  ti>!iitfi|p- 

APUHG.  .—  I4A  6I1ASSB  iBN  fiBPTSII>RE.  -«^  UN  MOT  DB  HETVOOD.  «—  QN 
ROHAN  DE  CIIASSBUR.  —  PBRCIVAL  KBBNB.  —  LA  LIBRAIRIE  d'ÉDIMBOUIIG. 
—  LA  RRTUE  BT  LE  HA6AZ1ME ,  BTQ.  —  NOUVELLES  DES  SUENCBS.  CONGBiS 
PB  MANCHBSXBB- 

Vous  allez  me  croire  devenu  tont  à  fiait  courtisan,  n 

TOUS  ne  me  classez  pas  même  parmi  les  amoureux  de  la  reine. 
J'ai  en  effet  suivi  Tauguste  voyageuse  en  Ecosse,  mais  par 
hasard  et  non  avec  l'intention  de  vous  raconter  le  voyage  royal, 
the  Royal  progress ,  comme  on  écrivait  dans  l'ancien  style. 
Je  venais  ici  faire  une  partie  de  chasse,  voir  si  le  capercalzye^ 
ou  coq  de  bruyère,  était  devenu  aussi  rare  que  le  prétendait 
naguère  un  illustre  poète  de  France  qui  avait  besoin  d'aug- 
menter son  catalogue  d'ornithologie  apocryphe.  Je  venais 
aussi  rafraîchir  mes  souvenirs  de  Walter  Scott,  et  grâces  à 
la  coïncidence,  j'ai  pu  voir  comme  vous,  en  1822,  le  gathe- 
ring  des  clans.  Gomme  vous  je  suis  forcé  de  dire  qu'on  a 
donné  à  Sa  Majesté  la  reine  \  ictoria  une  édition  illustrée  de 
la  pittoresque  Calédonie  ;  mais  il  en  est  de  ces  éditions  comme 
de  toutes  les  réimpressions  les  plus  riches  :  les  amateurs  ai- 
ment mieux  Veditio  pr inceps.  Autant  voir.  l'Ecosse  à  l'opéra 
que  de  la  voir  ainsi  remise  à  neuf  avec  ses  montagnards  en- 
dimanchés 1  Ajoutez  qu'à  ces  cortèges  de  théâtre  se  mêlent 
même  des  comparses  fort  mal  exercés.  Les  seigneurs  écossais 
se  piquant  tous  d'exhiber  à  leur  souveraine  une  grande  queue 
(  a  tail  ) ,  c'est  le  mot  local,  quelques-uns  y  ont  enrôlé  tous 


Digitized  by 


Google 


C(|ix quiontibiAD  vcmtu ^ 4aire ^^o^i^jg^acda^epacade.  ^41 
fidpe  chose  n'était-elle  pas  i^\;ée  pour  .Georges  IV,  ^pui^ 
(ne  le  jnaltre  des  cécémonies  Cjkt  ^l«rs  w  Wia^t^  Scott  J^ir 
oiAmey  qui  de^it  pourtant  ^e  souvwirxl*<avoir  £^Tire  ses  le€«- 
Iqpis  avec  la  ûmattsenrovue  4u <«bAteau,de  la^tf J^Uendeo  (^}. 
Qa  n!a  paa  vu  du  moifls  cette  fois  )a.^Qpiûde.4ii.€oat)ii|ie  l^ghr 
\fakdai»  ^iler  jusqu'à  en  faite  reinôtir  ^Q  v^^^aldermau  d^ 
l^lMces»  ieff^  b9#q^ier  «ouiAiw»»  sÂt'W.  Cm^,,  de  boi^ 
foone  et  gafiti:oi^<piû}He  méwuEe.  Après  .(ofit,  ^acwiea  W 
^boQiVie^^  de  paraître  partout  epp^biinli^e.  fhsim  Qbii, 
le  pe«pie4'E€osse,  ce  peuple^  griiv.e,#Â(diciie9 «si puritain» 
a^èbi€fitA|t  epthouiiiaAiiié  de  cette  japne  seiiie^w  ae.^é^a^ 
ù  firacie^seiuent  à  4<Hites  les  fôtes  ^c^^saîses,  y  xh> wiiis  J9 
«0niioo  doot  «Q  Va  récrée  un  dWMK^  (tiW^Me  J^^çm^fmt 
i  .£ût,aisactéristi9ae. 

Quoiqu'on  eût  annoncé  que  la  reine  VÂfliyweîa  WldaÂtfWPr 
9Maiir  io^  l^s  sites  càtebcés  9/^  ru^ipqiiiren^oiiiamîer  «de 
IJBcoss^^  ieWe  s'.es^  çoutootée  de  vieLvies  weimîtiie  pw> 
tieUe^,  réfflMnravit  ^«#s  ^4^  le  riasjle  poiv  TAiMMie.i^oelM^M» 
fl^/90 lapas  «9wan&  da^Miiter  qti'eUeMaît#i  ehainiée  à0 
90  j)eaji  royaime  iW>4e  pffMeodait  y  «eimr  *nwelJbiVM(t. 
V»  iurim^  Al^ft  o'4t  pee  eu  «mm^s  de  finocès  qi^e  son  aji^sale 
twynae;  a«ipràs4es.dMMs  d'atiard  il  a  ^  a«iei  AiMbU 
q/^i^n  peut  rAtre^pwid  deM  k^  wéoAge  regrel  on  m  p«rte««i 
les  «flottes  ni  le  s<)epU:e.  Hm  U  eà  tf  »M¥^vfi  loueeee 
9e|ctts«  U  o^  il  a  niarclié  dnwea  («Miee  et  ea  libïirtti,  c'est  i 
KuwajvwsM^  d'Ë^binbourg.  Vous  sarepi  ^Bdifubouig  a  tue 
IpéVBalioas  ^mékmkvmt  ^Qpie  (lemiive  «n  Puisse  ;  c'eal 
«l[tppe«Mie  uritte  »n  pew  pM«««e»  e^Jes.daJiKes'ae  piipiept  de 
mw  tto  peu  de^iihysiqwe,  4in.peii  de^ckwie,  ub 'fwi'd'bisr 
foire  naturelle,  un  peu  de  géologie,  etc.,  etc.,  etc.,  c'est-à- 
4pm  un  peu  de  tout  :  le  prince  Atfaert,  a^ec  Bon  Miwatton 
iBurerskaire  allemande,  en  sait  au  moins  autant  que  les  dames 
^Edimbourg.  Il  a  donc  étonné  les  professeurs  de  la  classique 

il)  OH  MforffUUyf 


.    Digitized  by 


Google 


20V  NOUVELLES  DES  SCIENCES. 

Edina,  de  VAthènes  du  nord,  comme  un  autre  Pic  de  la  Mi- 
randole,  ou  plutôt  comme  un  autre  mirabiles  Chrieton,  car 
c'est  surtout  ici  qu'il  faut  citer  cet  Écossais  qui,  dans  notre 
siècle  à  romans,  est  devenu  le  héros  d'un  de  ceux  de  M.  Har- 
risson  Ainsworth.  Vous  comprenez  combien  un  pareil  aide 
de  camp  ajoute  au  respect  que  les  loyaux  sujets  de  Sa  Ma- 
jesté sont  si  disposés  à  avoir  pour  la  reine.  Avec  le  prince 
Albert  i  ses  côtés,  Victoria  Regina  est  une  autre  Elisabeth, 
en  état  de  tenir  tète  à  tous  les  hellénistes,  latinistes,  etc.,  de 
ses  trois  royames.  C'est  lui  qui  parle  grec,  latin,  sciences  et 
ie  omni  re  scibili  pour  elle.  Cependant  elle  a  daigné  planter 
de  ses  jolies  petites  mains  un  petit  sapin  et  un  petit  chêne 
dans  un  parc  avec  une  petite  bêche  d'ébène  que,  suivant  les 
Journaux,  écho  de  l'admiration  générale,  elle  a  maniée  avec 
l'adresse  d'un  jardinier  consommé.  Il  y  a  de  quoi  rendre  ja- 
jalouse  Mrs.  Loudon. 

En  attendant  au  milieu  de  ces  (%tes,  vous  devinez  bien 
que  ma  partie  de  chasse  a  été  impossible  :  tous  les  proprié- 
taires de  châteaux  et  de  parcs  espérant  que  le  prince  pour- 
rait taire  à  leur  gibier  l'honneur  de  l'abattre,  se  gardent 
bien,  depuis  le  premier  septembre,  de  laisser  tirer  un  coup 
de  fusil  qui  risquerait  d'appauvrir  leur  réserve.  Plaisanterie 
à  part,  ie  fait  est  que  le  noble  ami  chez  qui  j'étais  venu  s'est 
tenu  religieusement  en  ville  ou  sur  le  passage  de  Leurs  Ma- 
jestés. C'est  un  whig,  mais  de  ceux  qui  pardonnent  à  la  reine 
d'avoir  un  ministère  tory,  pourvu  qu'elle  daigne  ne  pas  leur 
faire  tort  de  son  sourire.  On  en  est  ici  à  compter  combien  de 
fois  on  a  vu  Sa  Majesté,  ce  qui  veut  dire  combien  de  fois  on 
croit  avoir  été  vu  d'elle,  sans  l'avouer  aussi  franchement  que 
le  fit  le  vieux  Heywood  i  Mary  Tudor  (1).  Jusqu'ici  donc,  en 

(1)  Le  poCie-eomëdien  Heywood,  revenu  d'eiil  à  ravéoement  de  Maiy 
Tudor,  se  présenta  à  sa  cour,  ei  la  reine  l'ayant  reconnu,  lui  demanda  quel 
bon  vent  le  ramenait:  «  Madame,  répondit-il,  deux  choses  principaUl 
m'ont  ramené  :  la  première,  le  désir  de  voir  Votre  Majesté.  ~  Je  vous 
remercie,  monsieur  Heyweod  ;  mn\$  quelle  est  la  seconde?  -Le  dénircf  din 
vu  par  Votre  Majesté.»  Marie  lui  donna  la  direction  du  théâtre  de  la  eour. 


Digitized  by 


Google 


NOUVELLES  DES  SCIENCES.  305 

fait  de  chasse,  bien  m'a  pris  d'apporter  de  Londres,  pour  les 
loisirs  de  la  soirée,  deux  romans  dont  le  premier  m'a  fiiit  dv 
moins  chasser  en  imagination  :  c'est  le  Old  Engluh  Gtntkman^ 
par  John  Miller  («  le  Vieux  Gentilhomme  anglais»),  dont  je 
ne  crois  pas  vous  avoir  parlé  quoiqu'il  ait  un  an  de  date.  Il 
appartenait  à  l'Angleterre  de  créer  le  roman  du  ifort ,  après 
avoir  créé  le  roman  maritime.  Sans  doute  dans  la  plupart  des 
romans  anglais,  depuis  le  Sqydin  WttUrn  de  Fielding,  il  y  a 
toujours  une  scène  ou  deux  de  chasse  ;  mais  M.  John  Miller  est 
le  premier  qui  ait  fait  une  partie  de  chasse  en  trois  volumes. 
Ici  nous  avons  bien  des  amants  et  des  scènes  d'amour,  mais 
les  véritables  héros  et  héroïnes  sont  le  renard,  le  lièvre,  les 
perdreaux,  le  cheval,  le  chien  surtout,  entre  autres  Buttan^  le 
fidèle  ButtonI  Ce  sont  eux  qui  m'intéressent,  quoique  M.  Mil- 
ler ait  donné  ses  beaux  rôles  à  Tom  Bolton ,  le  piqueur ,  à 
Péter  Bumstead,  le  garde-chasse,  et  que  le  Squire  Scouriield 
soit  le  vieux  gentilhomme  campagnard  du  titre  ;  mais  on  voit 
bien  qu'il  n'y  a  pas  encore  des  peintres  parmi  les  lions,  ^et  si 
le  chien  Button ,  à  qui  il  ne  manque  que  la  parole,  pouvait 
écrire  ses  mémoires,  le  roman  serait  peut-être  supérieur;  j'en 
demande  pardon  à  M.  Miller,  qui  a  la  juste  gloriole  d'être 
aussi  original  que  possible  dans  la  nouvelle  mine  qu'il  a  ou- 
verte aux  romanciers.  Tel  qu'il  est  écrit  par  un  bipède,  ce 
livre  offire  dans  un  cadre  très-simple  une  suite  de  tableaux 
piquants  de  la  vie  de  ces  gentilshommes  campagnards  dont  le 
type  ne  saurait  se  perdre;  vous  avez  là  en  relief  Old  and 
■lerry  Englandj  la  vieille  et  joyeuse  Angleterre  avec  ses 
moeurs  provinciales,  ses  mœurs  antiques,  ses  mâles  amuse- 
ments; toutes  les  descriptions  sont  d'après  nature,  car  l'auteur 
est  un  squire  de  la  vieille  roche  comme  son  squire  Scourfield. 
Je  ne  sais  pas  assez  la  langue  du  sport  pour  oser  vous  en 
donner  aujourd'hui  un  extrait  sans  un  de  ces  vocabulaires 
qui  sont  indispensables  aux  profanes,  même  dans  ce  mois  de 
septembre  où  il  n'y  a  pas  un  cockney  de  Londres  ni  un  ba- 
daud de  Paris  qui  ne  se  donne  les  air$  et  Uê  paroUs  d'un  Nem- 
rod  aussi  terrible  que  M/Apperly. 


Digitized  by 


Google 


JM^  NÔtVfetLlËS  DBS  âtîIEKCES. 

j0'ne*iD»'diMi«  pà8*ntni'plii9  pcmr  uiraëepte  de  Ift  UttétÀ»' 
tÉtomantîne^  oepeirdatitîe  powrris;  je  croie,  très-pftseaMe»* 
ment  voue  traduire  d^oii'bMt  à  l'anlre  le  novresa  roman  do* 
eËpîlanie  Mmryaifti  le  aeconé  d^srdeux  que  j-ai  pri»*  comme 
Iltomibn  de  voj^iaga  PemwUSktn  (Mrchral  le  fin,  le  rasé)»* 
aétasi'  intitulé  suns'devte  par  opposition  h  Pierre  le  Simple, 
du*  mène-  afuâèor,  se  lame  Iîib  sans  dîotionnaîre  nautique, 
bien' que  le  capitaine  nous  fasse  naviguer  dMis  les  trois  qvarC^ 
d«*ronufii,  elt^notis  fosse  vivre  à  terre  avec  dés  marins.  Maf# 
dMord^n^'ètes-vons  pas  de  oem  qni  ont  assez  de  la  liltéraH'' 
tnre  maritime?  Ne  penset^vous  paaqne  M.  Marryat  lui^nvèiM 
devrait  finir  pa^  jeter  Faitcre,  soit  dit  sans  prétention  an  ca^ 
lemkioiiv' déjà  fiait  à*  la  Chambre  des  députés  de  France  (1). 
Veïi  veiix^  pour  ma^part,  àM.  Marryat,  de  son  ffah^eau  fim^ 
Hme^et  de  quelques-  akitres'  mystifieations  navales;  mais,  je 
vous  en  prie,  li^ez  Percival  Keen^ei  vous  pardonnerez  an  en-* 
pitaitte  tous  ses*  péchés;  Ce  roman  m*a  prod^effseinenl 
amusé,  réjoui,  intéressé,  par  son  style  facile  avant  tout;  pnisi 
par  les  bone  teur^  de  son  béros^  qui-  mérite  dès  Féoole  le 
Dom  qu'il  porte.  Par  exemple,  si  vous  avez  un  écolier  en  va- 
oanees  auprès  de  von^,  cachez  bi«in  ces  volumes  :  le  petit 
FercivaMui  apprendrait  à  révoltitionner  tous  les  collèges  de 
Baris,  et  à  faire  même  sailter  un  professeur  comme  un  bàt>* 
meart  qui  laissa  prendre  le  fe^^^dans  là  sainte-barbe.  D'écolier 
plilsrqn'eàpîè^,  Percivnl  -devient  u»  mid$kipm(m  encore  tré»» 
teceu^;  mais  ce  qui  le  distin^jfoer  de  ses  camarades,  c'est  qu41 
n»se  laissejamais  prendre,  et  fant  raipidemeÉit  son  chemivdV 
vanoement.  Dans-  ce  grade  de  novice,  il  lui  arrive  maintes 
«ventureBj  doaH  il  sort  à  son  •honneur;  oeanme  lorsqu'il  est 
aHMidonmé  en  pleine  mer  dans- un  canot',  avec  une  canti- 
nière  poar  tout 'équipage;  ou  lorsque^  tomber  ans  mains  d'un 
pirate  nèg^e,  il  apprivt)îaa  par  son  sang-froid  ce  maître  itH 

(1)  Note  du  directbur%  Notre  correspondant  fait  sans  doute  allusion  ici 
à  Tamiral  Lalande,  qui,  ayant  renversé  l'encrier  dé  son  bureau,  fit  dire  an 
spirituel  président  de  la  cliamliré  élective  que  dànïsôàméÀen'aôEllràl 
était  forcé  de  temps  en  temps  de^jé£6ii1mef«.' 


Digitized  by 


Google 


nmi  et'  s*emtàit  muann*  Vous  TnrmTrnuinrn  rtwrn  m  Manmi 
M  dneK  (lW€lns6M(  sur  mw,.  dis»  frégatest  pnm»  àU'^cMi^ 
dqpjdninmfavgeft^bra^  toa^teineidesteidiriaiTio'laipUvf 
aHilift;:iiiûstbi9ini0afdiiimbl€n^   rae(l1l4é9^ satts w^si 
éHk^B  de  iiioltit«^l*riqii«B;.e^.eMCNn  in0îii».9ai'oe*le.  fbnr  * 
séologie  sentiiMMlBlefel  aiif»mU0'qiii^lisB>n>iHBrioMrs^é^ 
dmoe;.  àaam  Vtcotk  frangwe;.  amalgaMMt  si  ^  ski^ttU^neh t 
amc  le  jav^m^pInsK  oni  moin»  bten^  goodrmmé  '  de»  conteimi 

A«ui|]  dft! quitter* BdfdiboiirG^,  je  dob^ v^m»  dire qtvc'esb 
taiynn»  le  seoottdimaveMHlilévaire  de  lai  Gituid^-Bvelagwi 
Lee  file  BlackwoHod  céffliniieotswr.iine»  ttèe^llvge  éoheUetlai 
librairie  paternelle.  Voilà  YHiitoire  de  l* Europe  d'>AUeon,>«Bi 
iê  gn»  volMies, .  acberée.  On  trovre  daiie  lèiir  catakq^  nie 
linre»  lUMnreaia  un.  etcelleiit  Fbyefs  emdréet  qiie  voue  ayead 
cité  dèrafciwcBi,  celui  de  M«  Mure  de  Oaldwetl;  la  JVoih 
t€ttt  :Siai»#f<fm  i£0  V'Btomê',  de»  Elémmtê^  de  eAîmt»  du  pt(V 
fesseur  Johnson,  rival  de  Liebig;  une  Nouvelle  théorie  de  Un 
iwpitetioiv,.  eoecim  pffr?  Alison  (2vd;  i»«8''),.^       etc.  Le 
BlatàmKfi  Magasin»  ert.  loigèfurB^  dirigé  par  le  professeur 
h  Wibon^  quiola  rien^perdode  ses  humour,  de  son  énergie;» 
de  «a  rerve  de  poète  et  de  cniiqne.MM.  Bla€k:wood  réioh 
pnwDt  à  pavt!( 3^  voL  j  qnekpies^una  des  principaux  articles^ 
de  cet  benBe  rare  qviin'avaiii'qa''ua  rival  dans  la  littérature' 
périodiqwi,  le^doolëurMàgixin^  6|iC6HH-«i' vient  de  mourir. 
Ces  messieurs  réimpriment  encore,  à  six  shillings  le  volume, 
les  romans  de  leur  fonds  qui  ont  survécu  à  la  vogue  ordinai- 

(i)  Note  du  dirbctbqr.  Ce  roman  sera  probablement^tradait  par  M.  De. 
fauconpretet  publié  i  la  librairie  Charles  Gosselin.  En  attendant,  il  a 
paru  eo  anglais  chez  M.  Baudry,  et  par  un  vrai  tour  de  force  typogra- 
phique, iJ  n'a  fallu  à  cet  éditeur  que  soixante-une  heures  pour  réimpri- 
laer  les  trois  volumes  de  l'édition  anglaise.  Tant  qu'il  n'y  aura  pas  un 
droit  européen  pour  proléger  les  droits  des  auteurs  français,  tout  en  ap- 
pelant cette  loi  internationale  de  tous  nos  vœux,  nous  applaudirons  aux 
représailles  qni  finiront  par  en  démontrer  le  besoin  à  l'Angleterre  et  a 
rAlleougne. 


Digitized  by 


Google 


a06  NOUILLES  DES  SCIENCES. 

renient  éphémère  de  ce  genre  de  littérature  :  tels  sont  Jte- 
ginald  DalUm  et  Valerius  de  Lockhart  ;  les  ÀnnaUê  de  la  Pa- 
roiae,  et  les  autres  romans  deGalt,  et  Tarn  Cri/ngW$  Log^  dont 
la  Reme  Britannique  a  publié  autrefois  des  fragments.  Ce 
'  roman,  longtemps  attribué  an  professeur  J.  Wilson>  se  trouye 
être  de  Michael  Scott  ;  Tautre  Scott  Teût  avoué. 

La  Retue  d'Edimbimry  appartient  à  HM.  Longmann  de 
Londres;  mais  c'est  bien  toujours  la  Hemie  d'EOmbfmrg^  im- 
primée à  Edimbourg.  M.  Macaulay,  Tauteur  des  beaux  arti- 
cles sur  Clive,  Haetings,' Frédéric  le  Grande  est  d'Edimbourg, 
ainsi  que  la  plupart  des  rédacteurs,  quoique  aujourd'hui 
comme  de  tout  temps  les  auteurs  de  Londres  y  soient  par- 
foitement  accueillis. 

A  l'autre  extrémité  de  la  presse  littéraire,  vous  avez  ici  le 
Chambere'  Edinburgh  Journal  qui  parait  toutes  les  semaines,  et 
dont  rimmense  circulation  égale  celle  des  SiUurday  et  Peimy 
Magazinee.  Un  tirage  a  lieu  à  Londres  et  un  autre  à  Edim- 
bourg. 

Je  m'arrête,  mais  je  pars  demain  pour  Glascow,  et  traver- 
serai à  mon  retour  le  Lancashire.  Je  pense  trouver  à  Lon- 
dres,  entre  autres  publications  annoncées,  deux  volumes  de 
Charles  Dickens  qui  ont  pour  titre  American  Notes  ;  je  ne  pense 
pas  que  ce  soit  un  roman.  Nous  verrons  si  l'auteur  a  observé 
les  classes  populaires  des  Etats-Unis  avec  cette  sagacité  dra- 
matique qui  nous  a  valu  OUver  Twiêtei  Nickolae  NidMbg. 


Digitized  by 


Google 


BULLETIN 
DBS  SOCIÉTÉS  SAVANTES  D'ANGLETERRE. 

PIUlliRB  BÉUiriOFT  DE  L'ASSOGIATIOIT  BRITANNIQUE  POUl 

l'avancement  de  la  science. 


Suite. 


PUHIÈMI  SECTION.  —   SCIBNCBS    MATHÉMATIQUES  ET   PHYSIQUES. 

Changemmii  proposés  dans  la  dénomination  et  la  valeur  despoidi, 
des  mesures  et  deg  monnaies  en  Angleterre.  Une  commission  a  été 
chargée,  0  y  a  quelques  années,  d'examiner  quelle  serait  la  meil-- 
kore  méthode  à  suivre  pour  remplacer  les  étalons  des  poids  et  me- 
sures (le  jard,  la  livre,  le  gallon  et  leurs  multiples)  qui  ont  été 
détruits  dans  l'incendie  du  palais  des  chambres.  M.  Peacock,  le  pré- 
sident de  la  section,  et  l'un  des  membres  de  la  commission,  fait 
connaitre  l'opinion  qu'elle  a  exprimée  au  gouvernement  sur  quel- 
qocs-ODs  des  points  de  cette  question.  Elle  a  demandé  d'abord  que 
les  étalons  pour  les  poids  et  les  mesures  fussent  indépendants  les 
UDsdes antres,  ce  qui  n'était  pas.  I.a  livre  troy  (375  grammes]  ne 
démit  être  conservée  que  pour  un  petit  nombre  de  transactions,  et 
senit  remplacée  dans  l'usage  général  par  la  livre  avoir- du  poids 
(SOO  grammes),  qui  serait  la  seule  ayant  cours  dans  toute  la 
Grande-Bretagne.  Les  mesures  de  capacité  devraient  être  détermi- 
nées par  celles  du  poids  :  cette  méthode  étant  beaucoup  plus  con- 
venable, puisqu'on  détermine  avec  bien  plus  d'exactitude  la  pe- 
santeur, qu'on  n'arrive,  par  exemple,  à  la  formation  d'un  cube 
parCitt.  La  commission  ayant  rec«inou,  à  la  presque  unanimitéi 
qu'on  ne  pourrait  apporter  le  moindre  changement  dans  la  détermi- 
nation des  premières  unités  sans  amener  une  grande  confusion  et 
des  troubles  multipliés  dans  les  transactions  les  plus  ordinaires  de 
la  vie,  a  demandé  qu'on  conservât  strictement  toutes  les  unités 
déjà  employées,  savoir  :  la  livre  sterling,  le  yard,  le  pied,  l'acre,  le 
gallon  et  la  livre  impériale  ou  avoir-du-poids  ;  cependant,  voulant 
introduire  dans  les  poids  et  mesures,  autant  qu'il  serait  possible, 
5«  SÉRIE.  —  TOME  XI.  i^ 


Digitized  by 


Google 


filO  NOUVELLES  DES  SaERGBS. 

réchelle  décimale ,  elle  a  ptopmë  an  f  •«▼ernement  de  soumettre 
d'abord  à  cette  échelle  la  division  des  monnaies,  qui  serrirait 
ensuite  lAe  teÉe  jpaiir  niffciiHuiiB  H»  aiHu  «Mirite  Itan  la 
division  des  autres  poids  et  mesures.  Ainsi,  la  livre  sterling  étant 
fNse.conuae  ruaitè  ipiinslive,  i»  frapperait «uae  monnaie  4»  Jn 
Taleur  de  2  shillings  (le  10*  de  laJUse  ateclii^g),;  une  autre  qui 
aurait  le  lO*  de  la  valeur  de  cette  dernière  (20  centimes  et  une 
fraction  )y  et  serait  en  argent  ou.eBJjronze»  enfin  une  troisième,  qui 
aurait  une  valeur  dix  fois  moindre  encore.  La  première  de  ces 
pièces  serait  appelée  Victoria,  du  nom  de  la  reine;  la  seconde, 
cent  (le  lOO*  d'une  livre),  et  la  troisième,  millet  (le  looo*). 
Dans  cette  disposition ,  la  demi-couronne  disparaîtrait  ;  mais  on 
CMnerveraît  *te  ^hMtng»^  le  êias-fmw9^  Ises  ^ 
nîeDTt  ees  ^rnooificatioBB  ^mncwt  'noDBiaCTilNCS ,  ii  l'on  ^n  * 
V.  Feaeodk.  A  'h  Imqne  d' Angtetenre ,  «pvr  «aenpte ,  vk  Vmm  «» 
cenvi^te'puB  uioius  'ùt  iunii!.(en|]lo940s,1tvpp1iuiiîra  de  celle 4ybMe 
flecfmale  TOCiiftefwt  Bingniiefeineitt  leS'tipénimiB^^âe  tmvvI  'M  te 
tonne  des  lifrw.  Ainai,  en 'éonrimt  les  ^nHClM,  «ar  tteatMnqoHi 
iié^tgefrt«Qjmrrd%ifi'Ain»lennvom]Mns4e8«mi»'MmiaHn<^ 
(to  oenlimesf) ,  la  sonmie  *âe  T7  livres  '8  victmm  1  moH  mmÊt 
fepTésenftée  par  T7|7T. 

ILa  commission ,  srppliquant  le  «lême  principe  «nz  *poiiB ,  d»» 
■iaDde'qiiele*Aene,'«nlieQ'H^M«'de  6 -lîvresidvns  mieHflnil,  ût 
f2  ^  même  de  14  dams'un  «ratTO,  so^tpartoittMle  «o4m«s.  <jV 
nodifi^tioiis,  ifue  les  4liéonoinns  *titiu!f  ewmt  yen  iiwpiiilanlM,  i^ 
fefift  déjà  vn  grvnd  *progrèB  ponrtRi  pvyv'vuiii  fiidÛque  ^Ui  1 
g|pt«rre,  et  %n<nienbneata  eengrès,  qoi*«%tleHdai«Mtàii»  < 
gomenii  i^Kii  giww  <A  :0hR  pertoitaleiiM.,  %nt  Twn  'UMii 
Mlle  ff^rnrns  «e  imtwk  «pas  mpgwièe  ipar  le'pnrImMit 

mm/th  p0nêmM*Pit»imé0  ]«4i,'fior  Jif.  ttarph.  iiam 
mnie'âes^flcieiiin  «n  ^piogi^ ^'desquelles  lo^Mgièi  «  toploaapi^ 
iMetuuut  I0iinu<ifi  ww^flé#ls^  wwii'tuifM  'leaiiMMMnrienlHni  iiM 
tt  Mjoi  oiA  %té  remuées  wve  ^une  ^MeiMiQ 
■.§n«irfl8rrl§MiHmwe'i|M<la  te'devB49*4i 
Ii0RMlnMe  ^oe  la  mm  «VAnarfilfioRB  viAéonile 
i^hrai^  M  «Mm  fOBiaittJe  <)«iir  «lia  mdt,  wnnifl 
liim,  iMênft  iOk  «iwéBi^dl'SBtenmfMUMnijftis  à  | 
te  slgrtlai  B<É6wil<His  iiihiWii«ew*h>WBailiiyn  «aMaililii 


Digitized  by 


Google 


diDteinq  années  consècntÎTes,  de  1887  à  I84i,  et  quelques  re- 
étoAM  YOtles  vents,  faites  avec  ranèmomètre  du  professeur  Whe- 
well.  Ces  observations  ont  élé  reeueilltes  à  la  hauteur  de  76  pieds 
au-dessus  do  niveau  ide  la  mer,  et  réduiles4outesi  la  température 
de  a%  diigrés  Fahr.  Les  moyennes  de  chacune  de  ces  années»  r^pré- 
kdUss  par  des  lignes  sur  «ne  carte,  offamit  une  coïncidence  re- 
marqoable  dans  leur  mavabe  gèhérale.*,  it  un  ^irés^putit^nimibre 
leolement  de  déviations  importantes  :  résultat  bien  digne  de  Ûxer 
PlHMtion/staltDtft  siTôn  tienl  compte  des  nombreuses  variations 
ittiqtrétlesl'atmost^hêfe  eéi  sujette  dans  cette  latitude.  La  pression 
rnsfOOit  âte  ces  années  correspotid  exaciement  avec  celle  qui 
Mit  tté|l  été  obstsWèe.  La  ligne  qui  Yeprésentait  cette  pression 
fMsatt  eiftl^n  heureet  (lemie,  puis'?  et  8  Su  matin ,  entre  niidi 
él  1  beim^,  puis  6  et  7  du  soir.  Le  maximum  de  la  pression  ho- 
Mfh^alfaft  été,  à  une  setïle  excefjtion  près,  pendant  six  années,  à 
tlieitm'dn  maffn  et  du  soir,  et  le  minimum  à  4  heures  du  matin 
et  du  soir.  l;a  ligne  de  h  pression  moyenne  était  dépassée  quatre 
fMs  dafns  Y4lieures,  et  sans  aucune  exception  pendant  six  années. 
Aintd  donc  Wréalisait  ifiltdre,  même  au  milieu  de  nombreuses  et 
iXhportaiites  varia'tioifs  atmosphériques,  le  phénomène  qui  a  été 
dhservé  h  première  fôiï  par  le  baron  de  Humboldt  dans  les  tropi- 
fin»,etqti'il  a  appelé  oscillation  ^horaire.  M.  Airy,  auquel  ces 
ifeafl^  onrt  'été  soumis,  a  p(»nsé  qu'en  continuant  les  observations 
tu  ddà  de  l'année  fir42,  on  n'arriverait  probablement  pas  à  un  ré- 
sultat plus  important.  Les  o'bservations  horaires  sur  la  pression 
fitoumétrlquesontau  nombre  de  48,Oûo,  et  celles  sur  la  tempéra- 

ttttkêrehes  9ifr  4a  tfteêse  du  vent  TLe  même  H.  Snow  àarris, 
pissante  ifti  sujet  qui  a  quelque  analogie  avec  le  précédent,  fait 
àmnaftrb  qtl*t1  avait  cherché  avec  ranèmomètre  de  Whewell  d'ar- 
iHèr  liiiièltiuês  donhées  approximatives  sur  la  vitesse  et  la  direc- 
t»n  des  fetrts  insés'Ctrade  winds),  après  avoir  établi  pourtant  que 
^and  %  ctaytm  qtii,  dans  l\inémomètre,  retrace  l'efiTet  intégral 
<b  vetfty  marréhe  arec  une  i^pidité  d*un  dixième  de  pouce  par 
tan«,  le  éêfiiÊceafêûi  de  la  masse  d'air  est,  en  moyenne,  de  onse 
ffMs-ptrsetondè.^^oici  le'tifbleau  dès  résultats  qu'a  fournis  la  vi- 
iltoeiuoytittfe  dtt>totft  (en  pied^  par  secondé)  pendant  chaque  mois 


Digitized  by 


Google 


212  KOUVELLES  DES  SCIENCES. 


Pieds  par  seooDde. 
Avril 13 


Mai 12,6 

Juin 10,9 


Pied*  par 

Octobre 15,29 

Novembre 14.06 

Décembre 12,54 

Juillet 9             II       Janvier 12.76 

Août.  '. 12,87         I        Février •  13,97 

Septembre 15,42        |       Htn 14,63 

La  vitesse  moyenne  du  vent  pendant  l'année  serait  donc  environ 
de  neuf  milles  par  heure.  Cette  donnée  sur  la  vitesse  et  la  direction 
du  vent,  obtenue  directement  par  la  voie  de  rexpérimenfalioD , 
est  un  fait  nouveau ,  et  qui  semble  devoir  accélérer  beaucoup  le 
progrès  des  études  météorologiques.  Après  cette  communication» 
un  membre  exprime  Tespoir  que  M.  Harris  ne  discontinuera  pas 
ces  observations  tant  qu'il  n'aura  pas  accompli  au  moins  le  cycle 
de  dix-huit  ans.  Un  autre  membre,  le  Dr.  Horsby,  désirerait  qat 
ces  observations  avec  l'anémomètre  pussent  être  faites  sur  mer,  afin 
qu'on  n'eût  point  à  tenir  compte  du  frottement  et  des  antres 
causées  de  retard  qu'éprouve  le  courant  d'air  sur  la  terre.  Le  colo- 
nel Sykes  dit  que  les  heures  du  maximum  et  du  minimum  de  pres- 
sion observées  par  M.  Marris  à  Plymouth  sont  à  peu  près,  sinon 
exactement,  les  mêmes  que  celles  qui  ont  été  observées  dans  rinde, 
à  une  élévation  de  2,000  pieds  au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  eC 
que  celles  qui  furent  aus>i  observées  à  Mexico  par  M.  de  Humboldl, 
à  10,0('0  pieds  au-dessus  du  même  niveau. 

Jppareil  mécanique  destiné  à  enregistrer  avec  une  grande  éeo* 
nomie  les  opérations  de  tous  les  instruments  de  météorologie.  Le 
colonel  Sabine  donne  lecture  d'une  lettre  du  professeur  Wheai- 
stone,  qui  propose  de  faire  pour  l'observatoire  de  Kew  un  appareil 
qui  enregistrerait  avec  une  immense  économie  les  observations  de 
tous  les  instruments  météorologiques  dont  le  congrès  a  doté  cet 
observatoire.  L'un  de  ces  instruments,  destiné  à  mesurer  la  forco 
et  la  dirf  ction  du  vent,  pourrait  être  placé  sur  un  ballon  captif,  et 
tenir  compte  avec  une  exactitude  minutieuse  de  tous  les  courants, 
à  une  élévation  de  8  à  10,000  pieds.  Tous  les  essais  que  l'on  a 
fails  pour  obtenir  que  le  baromètre,  le  thermomètre,  etc.,  en- 
registrent eux-mêmes,  par  un  moyen  mécanique,  leur  marche  et 
leurs  variations,  ont  échoué  jusqu'ici,  parce  que  la  force  mécani* 
que  qui  fait  monter  ou  baisser  le  mercure  dans  les  tubes  ne  peut 


Digitized  by 


Google 


HOUVELLES  DES  SCIENCES.  213 

vaiocre  les  frictions  qu'en iraiae  tout  mécanisme^  ou  ne  le  fait 
qa'arec  des  pertes  qui  ne  permettent  pins  de  compter  sur  Texacti- 
tode  des  résultats.  «  Le  principe ,  écrit  M.  Wheatstone,  sur  lequel 
repose  la  conslruclion  de  mon  télégraphe  météorologique,  savoir, 
k  détermination  (au  moyen  d'un  faible  courant  éleclrique)  de  la 
force  mécanique,  développée  par  le  simple  contact  du  mercure  du 
tube  a?ee  un  fil  mince  de  platine,  me  permet  d'éviter  cet  obstacle. 
Je  propose  donc  de  faire  construire,  sous  ma  direction,  pour  l'ob- 
serratoire  de  Richmond,  un  appareil  de  ce  genre,  et  dont  le  coût 
ne  doit  pas  s'élever  au  delà  de  50  £.  Si  après  trois  mois  d'essai  on 
trouve  qu'il  répond  exactement  à  C4S  que  je  me  crois  fondé  à  en 
attendre,  un  des  plus  grands  obstacles  au  progrès  de  la  météoro- 
logie aura  disparu.  Il  est  peu  de  localités  où  l'on  ne  trouvflt  une 
persoone  an  moins  qui  consentirait  à  consacrer  quelques  minutes 
par  jour  à  l'entretien  de  cet  instrument,  tandis  qu'il  en  est  peu 
fn  pourraient  ou  voudraient  se  charger  de  faire  elles-mêmes  des 
observations  toutes  les  heures  ou  toutes  les  demi-heures.  )» 

Rayporiiuir  le  grand  iyUéme  coopératif  d'observations  tnagné» 
tiques  et  météorologiques,  par  M.  7.  EerseheL  C'est  au  congrès 
adeniifique  qu'est  dû  rétablissement  de  ce  vaste  système ,  qui  a 
appelé  sur  tant  de  points  du  globe  l'attention  des  hommes  spéciaux, 
et  leur  a  fourni  les  instruments  indispensables  pour  recueiller  si* 
ntullanémen  t  les  observations  magnétiques  et  météorologiques  appe- 
lées par  ce  moyen  à  s'éclairer  mutuellement.  Aussi,  depuis  trois 
années  que  cette  entreprise  a  été  commencée,  et  que  le  congrès  a 
pu  intéresser  à  son  succès  la  plupart  des  états  civilisés,  tous  les  ans 
nn  rapport  est  fait  au  congrès  sur  les  progrès  du  système  et  sur  les 
obstacles  qu'il  rencontre.  Le  savant  baronet  chargé  de  ce  travail 
pour  c(ftte  année,  entre  sur  les  conditions  de  cette  vaste  entreprise 
dans  des  développements  que  nous  ne  pouvons  reproduire,  mais 
qni  prouvent  tout  ce  qu'on  peut  attendre  de  tant  d'efforts  réunis 
tànsi  sous  une  même  direction.  Il  a  rappelé  surtout  l'utile 
coopération  du  capitaine  Ross  dans  son  voyage  commencé  en  IS40, 
et  qni  n'est  pas  encore  terminé.  D'après  une  lettre  de  ce  hardi  na- 
vigateur, datée  de  la  Nouvelle-Zélande  et  du  22  novembre  1841 ,  il 
parait  qu'il  devait  mettre  à  la  voile  le  lendemain  pour  reprendre 
son  investigation,  et  qu'après  avoir  traversé  l'aval  isodynamique 
au  milieu  duquel  se  trouve  le  foyer  de  la  plus  grande  intensité,  et 
qn'il  suppose  exister  sous  le  60*  latitude  sud  et  le  286*  de  longi- 


Digitized  by 


Google 


I«de  eslv  iMefiit iedlrigcp dlfwtwoiit>¥^r»-ll^ M|iie dè^gllMMi *»- 
•ooaaitre  le  nouvotu  contîiieDt  FHùêoriû,  dëtwaverl  llamiée  pié«è^ 
«tote,  ei'ohercbep  à  tr«f«raer  la  barrière  q«e  lin  •▼ftièotoppotèe 
iw»glaQ6»i  lit  seml  dono  faroè  de  ptaser  •noere'  un-  bfver  son»  Ifc 
■dlie  a  Diurétique;  9*11'en  était»  autreneiay  on  ne  tarderatt'pn  â  ap^ 
prendre  son  arrivée  aii>llee'FalklHid(;  ^fttisl^oaseentrftil^,  une 
«BDé*  eoiière  poovait  ^èeouler  avani»  qu'on-  eét  d'aulK»  Boa^to 
d»reapWî«M>D. 

11  rèsvUe  d^a  dociMDentaprébeDiiaparerrJ;  ANMbelt  ptrtMi 
iiBobaeiwafloîreaaiiglfti^etélraogers»  etdeHo»le»te»9taii0iiBMcMtai 
•eil^en'Aoefltoterre»  sok  a«»  Indes,  à«l<e«eeplioo'd^eelleatd'Aéta, 
^jÊrn-  let<  pvifteipauiLr  A|abH9aenMirt»dU'  OMiAilMni  dtatitaés  aov^  m^ 
lÉterohee-  mMrèolbgiquea  seiK*  presque  parlettt<eB^<pleineactMlè. 
le'gomvenMimeiit  rviae'  Mirtaitt'a  fcwrM  de  to«e^  sea  eflbrfs  l^e»- 
If^piîie  dtt'  oeD9«èa:deê^  obierfinteîrea  onfélé  éNMIs  à  aeswfMI 
èTilli^  il  Nkolaje^  à  MosoMii  Lea^^lrvraim  de'Gonalmelion-eti  éN^ 
tablissemeot  ont  demandé  beeucoup^dMemp»,  ei'lè  terne' de*  irofc 
MM^  aooefdé'prinniivementi  parlé  geuf>emenwni  angftiia^eHliCoiii* 
pagme'dfâ  llides,  aHiit  eap!)nep  an- «omevt  oè  towlès  amng» 
menlB  étaient  aolfevés  Burlb  pltis  grande  panfedU*§plobe,  et  où  on 
allmt  oonnenoer  iréoolier  les  ftvîta  de  tant  d^  Iravavx;  mats  H 
faii?emeoient  aoglai»  vient'de  déeîder  qo^M  eentMiueraît'see  a»- 
oeiirs  pendantune  nouvelle  périededetreis  annéeS)  jusqti*^'  i»4<», 
eC^  le  gouvernement  rnsBe,  deeen  oôtéi  appris  l^èngagement  deraov*- 
tettil*  les  observatoires  établis  en  Rnssîe  pendant  l«mt ie- temps  q«a 
eaux  de  TAngieierre  seraiont'  sonienns,  le  eont»  Bninow  ayant 
fermeHement'  assnré  q«e  cette  période  était*  la  plna  courte  dans 
liquelleon  pftt^espérerd^arri^er à  quelques fféaetta ta impor^antSi 

des  trais  aniiéea  n'ont  offi^ndampas  été  perdues  peur  laseietieet 
nen*seulement  les  observatoires  ont  étéeenstruÉtaetentreçu  les 
instriNàienta  qui  leur  étaient  néeeesaites»;  mais  on  a  trouvé  «n 
moyen  de  eorrecttompeur'la  température  des^aiinantay  ce  qui  étnil 
l'un  des  peint»  lespHi»  ilnpertan4»de  ces  reeherebcs;-  en  outrer  on 
a  eu  l'oceasion  de  eomtater  IHibiquité  de-ees  singulières  pertuabn» 
tion»  quVm  S' appelées  lH?>p#»a  mciy wéf lyues ,  cequ%n-n<avaYt'pu 
ftrire  avant,  et  deeonsiater  jusque  un^certaili  poibc  rexaetiAude-él 
ftrthéorfe  de<Sauss%  La  grande pei>iurb#îon' dtt ab&-dé(>embrei s et^ 
qui  tai  observée  à  Glreennvieii-,  Pft  été'  aussi  è^  Vorente,  à  Sèftnte» 
Hélène»  au  Cap  et  k  Trevrandrum  en  T¥avancere*  Toutes  ces  ob» 


Digitized  by 


Google 


rperturëttton  ntr  dtes  pefhtê  9i  êlbifpiés  sont 
r  ài  fvmp»  peur  tfti*ëllto*aiefrtfm  dlre^publlèes-dmif  Ib 
^TNoMictten»  d^^PlTMORiMmr  pour  Faimèb  194t.  CM 
flU'fltJt  M0VI€iiiiii|umM%,  (|iivoo* ]H^MiiiiDèno' flociâëiilBl  obseryé'à 
B«i*9lmipe»y  eniliie»  ai*i)^frNfii»6i'mi  Amérique,  tiransmik 
véitaîtt,  mfprknë<,  paie  puMiéf  en*  moihs  ûb  trail 
IvitpfMNM^myu»  àbpmê'êm  dlfUlmim  st» 
eci»pui<mfctwii§<wwet  Mé^génèralèf;  et-qne 
•B^MMli  jMitéU^sitrallanée'tBr  tmia^  Hs 
toof «i'  yarllNrtl  dkn»  h  n§M»  joarnéë 
«rtMomliiNiiffn» ,  lesfmfc  teneni'  csractértstt 
éiîiiimilioii*  fHk»  •u-  meta»  owiBiilëra  M»  éte  I4li* 
b,  el  pnr'  lé  mon^nmeaV  d^tfèilrtotié^noni'dii 
'  «0m<  IImmI..  €ilto'  oHwrvaliëB*,  âàiw  laqaeUe  on  a  pv 
wqvi^tèraitr^'dto  MlUeiicf»  lëoalc»,  ei^oequi  ttatt'lb 
iU  Mftflkmcfl»  fèlièralèss  e<r  où  l*ènr  •  pn-smirre  les  chocs 
otoMvalMl»,  d^  slaiioB  en  tl«lidn,  jusiiii*lr  oe 
^  AMiMIà^poHr  élM'e  ■iMqvés  perrhyfltiefiGe  cvoili^ 
de*  poifrtS'pIWipBèii  éseeliiî  eè  éUit  Pobservatoire; 
B^  m^m^J^  BersoM^  es»  de  lit  plbs-  iMute  portée» 
;  dWtkHer  PihflteencB'dee^éisteoees  et  des  IbeM^ 
iÉKSBrksiwwîàtiowmigiiétiiiaes,  et  panftdèmrêtreféiDORdb  en 
VMnsi  meofwqveSk 
i^etl  emcmmvemêmê'cmrémêXi  aymmt'  rapport  à  ImphoHfgrapki^ 
pmt> M{  Momn  db/gwwfèbry»  ei oofmflnmtqnë  par- lé 
Isssel  à-sîr  David  Irewster.  Q»  f^it,  qui  aétécom*» 
Buniqoé  à  peu  près  à  la  môme  époque^à  rilMtkBl  de  Franei',  est 
asMi  InptFlMii  peur  que  noa»  iie<cmgiiioii»  pas  de  lui  donner 
■senoufellepedifeité'daB»  ce  bollelin.  La»  discussion  mtéressanie 
qB^»  s«iv4  celte' cMMiNiiiioaliitm  au  eon^rèè,  el'  les*  détails  dam 
ksqvds  est*  entré  M.  Bssseï;  qui*  étati' présent  à  cettediseussion^ 
ifeotHit  enoasc'  h*  Hnlérèl  du  fàtt  hri-raème^  9k  on  plaee  mie 
pbqne*  noire  dé-  oome  ou'  d'agel»  an*-  dessous'  d'tine  snrfaee 
dlNfeaipeNé^  â  la  dtslMic»4i^aQe  ^ngtième  de  pouce^  et  qti'oft 
ly-  laisse-  feadvii  dix  nûiulM,  la  plaque  d'argent  neçoit  une 
ittapde'ln  i^nrev  de*  Péeriiure  en  de  Pimpreesion  qvt  ponmiit 
s»tttnter  à<liPiMiiee>de!lli^eeiiie  onde-  Fagnie.  Ces  flgnres  ne- 
nnl  pa» fiaibise any  r-argent  itewnéMiatement  après  les dii  minute» 
I  ledempoeat'qnapd'On  «  exposé  la  plaque  d'argent 


Digitized  by 


Google 


316  NOUVELLES  DES  SCIENCES, 

à  de  la  vapeur  d*eau,  d'ambre,  de  mercure  ou  de  tout  autre  liquide 
Il  paraîtrait  que  les  vapeurs  des  différents  Quides  produiraient  des 
effets  différents  et  analogues  aux  différents  rayons  colorés  du  speo- 
ftre^  et  qu'ils  peuvent,  en  conséquence,  produire  une  couleur  rouge, 
bleue  ou  violette.  On  peut  faire  tomber  l'image  delà  chambre  noire 
sur  une  surface  soit  de  verre,  soit  d'argent,  soit  même  ^ur  la  sini* 
pie  couverture  d'un  livre,  sans  aucune  préparation,  et  on  obtiendra 
les  mêmes  effets  que  si  on  avait  agi  sur  une  plaque  d'argent  cou- 
verte d'iode.  M.  Bessel  avait  vu  plusieurs  dessins  obtenus  de  celte 
manière,  et  qui  lui  ont  paru  à  peine  inférieurs  à  ceux  préparés  par  le 
procédé  Talbot.  — Sir  David  Brewster,  en  terminant  sa  commani- 
cation^  dit  que  ce  fait  contient  le  germe  d'une  des  plus  importantes 
découvertes  de  l'époque  actuelle;  qu'il  semble  démontrer  dans  la 
substance  noire  une  influence  thermaIequiyseraitGxée;bien  pins 
même,  il  paraîtrait,  d'après  d'autres  faits  que  M.  Bessel  avait  rap- 
portés à  sir  David^  que  les  différentes  lumières  n'agiraient  pas  de 
la  même  manière  sur  différentes  vapeurs,  comme  s'il  existait  an 
moyen  de  rendre  la  lumière  latente;  circonstance  qui,  si  elle  ètail 
constatée,  fournirait  sur  la  nature  physique  de  la  lumière  des  don- 
nées fort  remarquables  et  toutes  différentes  de  celles  qui  sont  gé- 
néralement admises  aujourd'hui.  La  théorie  de  l'émission  pourrait 
probablement  rendre  compte  de  ces  phénomènes,  tandis  qu'ils  pa« 
raissent  inexplicables  dans  celle  des  ondulations.  Les  expériences 
que  sir  David  a  faites  lui-même  sur  le  gaz  nitreux  lui  paraissent 
venir  à  l'appui  de  cette  manière  de  voir,  car  elles  lui  ont  démontré 
qu'à  certaines  températures,  ce  gaz  devient  aussi  imperméable  à 
la  lumière  qu'une  pUque  de  fer. 

Deuxième  Section.  —  Chimie  et  Af inèralogib.  De  Vaeiian  de 
ïair  et  de  Veau  sur  le  fer^  par  M.  Mallet.  Ce  rapport  est  le  troi- 
sième que  M.  Mallet  présente  au  congrès.  Dans  les  deux  premiers, 
il  s'était  borné  à  déterminer  la  perle  occasionnée  par  la  rouille 
dans  un  temps  donné;  la  rapidité  avec  laquelle  s'opère  ce  travail 
de  destruction  dans  les  fers  fournis  par  les  principales  usines  de 
l'Angleterre,  et  les  circonstances  qui  retardant  ce  travail,  con- 
tribuent k  prolonger  la  durée  du  fer.  Les  expériences  que  Tautear 
présente  dans  ce  troisième  rapport  démontrent  que  la  marche 
suivie  par  la  rouille  est,  dans  le  plus  grand  nombre  des  cas,  dé- 
croissante. Des  expériences  comparatives,  faites  sur  quarante  es- 
pèces de  fer  forgé  etd'acier,  ont  égalemeut  prouvé  que  l'oxydation 


Digitized  by 


Google 


NOUVELLES  DES  SCIENCES.  217 

du  fer  batla  s*opère,  en  général,  avec  beaucoup  pins  de  rapidité 
qae  celle  de  la  fonte  ou  de  l'acier.  Plus  le  grain  du  fer  forgé  est  fin, 
plus  sa  textnre  est  uniforme  et  homogène,  et  plus  la  rouille  map> 
che aveclentenr  et  uniformité.  L'acier  se  détruit,  en  général,  plus 
lentement  et  d'une  manière  plus  uniforme  que  le  fer  battu  et  la 
foDte.  H.  Mallet  examine  et  détermine  chimiquement  les  résultats 
de  l'action  de  Tair  et  de  l'eau  sur  les  différentes  espèces  de  fer,  et 
décrit  la  plombagine  comme  un  produit  de  l'action  de  l'air  et  de 
Veau  sur  l'acier  fondu.  Une  masse  de  plombagine,  retirée  de  la 
mer  lors  du  sauTetage  du  Royal  Georges,  aussitôt  qu'elle  fut  à  l'air 
absorba  l'oxygène  avec  une  telle  rapidité,  qu'en  peu  d'instants  elle 
airiva  presque  à  la  chaleur  rouge. 

BÎTers  moyens  ont  été  essayés  pour  protéger  le  fer  contre  la 
ronilleqni  le  détruit  si  rapidement.  Celui  que  propose  M.  Mallet 
eansûte  à  revêtir  le  fer  d'une  couche  de  zinc*  Mais,  dès  le  point  de 
départ,  on  éproave  un  grand  obstacle  :  c'est  que  le  fer  n'ayant  au- 
cune affinité  pour  le  zinc,  ces  deux  métaux  ne  peuvent  adhérer  l'un 
à  l'autre.  Il  faut  donc,  dans  le  procédé  de  M.  Mallet,  commencer 
par  nettoyer  la  surface  du  fer,  et  enlever  la  couche  d'oxyde  qui  peut 
le  recouvrir,  et  ensuite  le  plonger  dans  une  solution  d'un  double 
dilomre  de  zinc  et  d'ammonium ,  dans  laquelle  il  se  trouve  en 
coDiact  avec  une  couche  mince  d'hydrogène ,  lequel  augmente 
beiDconp  l'affinité  du  fer  pour  le  zinc;  puis  on  couvre  le  fer  d'un 
amalgame  triple  de  zinc  et  de  mercure.  Plusieurs  échantillons 
de  fer,  soumis  à  cette  préparation,  sont  mis  sous  les  yeux  des  as- 
«sUdIs,  et  entre  autres  un  boulon  de  fer  destiné  au  carénage,  et  un 
boulet  de  canon,  qui  étaient  dans  un  état  de  conservation  parfaite, 
«près  être  restés  à  découvert  sur  le  toit  d'un  bâtiment.  Les  bou- 
lets de  canon,  lorsqu'ils  sont  exposés  à  l'influence  atmosphérique , 
s'oxydent  si  facilement,  qu'ils  ne  peuvent  plus  servir  au  bout  de 
cinq  ou  six  ans.  Une  commission,  formée  de  membres  de  l'Instl- 
tei»  qui  avait  été  chargée  de  faire  des  recherches  sur  ce  point,  a 
voulu  employer  le  zinc,  mais  elle  fut  obligée  d'y  renoncer. 

(La  suite  au  ftochain  jitimdra.} 


Digitized  by 


Google 


CnRONIQtrE  UTTÊRAIRF 


MX  BlUaaLXLN.  BIAXJJOQEARAJUIUS^ 


Les  pluies  de  septembre  n'ont pMawM  FéngnÉter  dm Ihk 
nondftfiiatîâieft;  Ifénn^mtimii  dft>  tonfecoqui:«l»MMf».o«^4#!tiNit 
mii4iiî»dfMh?aivrD0eaè  înges.efa awwato,. écoliwtafe purfiimniK « ii» 

hirriftiwi  éeftiinéeft.  i  dîeoipiÂneK  la  queue*  gmlnHa>  la. 
iftyifito).eilQnÉMdea  qneaaa  passibles  dn  snoBèsîOv  de-1a*0Ma 
faa.aiiiaii»>.ptffeoD8è^piani».éonfveiil  dévà»am  dÊraalMaB^pimiè^ 
alMsanifiMfvtoQi^éa'foiiaiin.oa  daflftaadQcwna'lHta^  caroolV 
aORMO  sa.  piàea'  i«hlièe  pira»  la  forane  ^  qn'oir  s^appeM»  Biigèaa 
Sanba«o  ideaaidtoa  fiinBiaB».vtt!qiui«^esbà1a  faplMn»yi'ertiirttili 
tafe«la  prima*  abëneifîfoamoDb  linnearé»  p«D  Mt  imeelofc  daaadaa 
Antit'Mrat.  Saiis  pan  da- jonn^  M-.  S..  Soribe  amwi*d9aa»aMlb> 
AaannP  2* on  a  (eaanrqiitad»€anbaade8:lionMies  d^pnli),  «aw 
la:niaDiiflaB»C  dis  Jlfisin*  omiMi^  JiMaiiraiiotii  il  umm  appavUent 
d'aïuioiicenaeUe.Qamédîa  britanoiiiBa*  qat  fioralapaBdaiit  da  Mê^ 
tntmêt  U  RmkmK  NO110  w>ilàf  oW^  da  relîte,  criUqvaa  ai  pvMi^ 
iMieèîttQiBa4'Angla«aive^oarnou»vailaBa^  aair  làniBS  penanaagffs 
a«|Aiti^'aiiMMillii8son'aiiOBiie  :  AAaiidksanubîao.lB^  'vaaii  MêmU,  êm 
diAibanaalev  at  Cimenàtmy.  la  «rai  H^e,  ooatia  de  Clbra«laii| 
•Ma  Bonamlilfcr  m  Ifusn  llautta  i<amii  da*  m^m  géoènMi»  a« 
diplaflsataftda  la^Av  paapltta.qae  leaoïBtB  da  hiMinmm»  ^tm&nm* 
blait  à  aaasMi  da*  eea  dernier»»  aiali^ré  la  parraqua  fPMi^sa  ^pia 
prétèBeiWUlaaaataiini^de  bonilrea.à^  personnage,  en  le  tradaisant 
sur  leur  scène  pendant  l'ambassade  même  de  M.  le  prince  de  Tal- 
leyrand. 

Ln  attendant,  mademoiselle  Rachel  estreyenue  de  ses  voyages 
d'èié,  toujours  avec  son  même  répertoire,  mais  promettant  d*y 
ajouter  prochainement  un  ou  deux  rôles  nouveaux ^  ce  qui  ne  si- 


Digitized  by 


Google 


f^SÊÊ  pwqo'Mle'lès  draMMideni  à  li  géBéMttoii'  tétante  &t  nm 

JpMidiiDi  (ffi^  M**  âMliiif  BfelàvigiM'porto  mra  tfagèdl6  lyri<fii6 
mt^tÊné'Byéfnr^  od  »  repril^  tu-  7Mâff«-/¥(fiKHit>  sa  oomédlè  éà 
Ik  PbfukiHié.  Màii'ceito^  pièce  f  dfiMepotîlicriie  trop.iteptrtiriè 
Hflt'éU^  poitr-iKilre  ptibHo'  ptftffl^  mit  surtimlid^in  ihtéfèt  trop 

MRMHI  pOVV*MV6''nC9*^[MR9&  PM^'CO  pHOlNb  .^Mlf^Orf^  aUSM*  (BOtM 

■Hitfttoa»  — dolMWB t  BRI  taltaifr  tt  èaniranl^,  mélw*  Mfiiolre  toi^ 
nia)  IL  Q;  IMlivHfne  a  par-lfop»  (rnsér-  iM^  OMptu*  poifliqim  <lli 
MagMiiie&  lfo«»>  pcumiNMi  faMivar  je  n^MiIft'eaMbieB  àe  êeUfi^ 
ëiaie»  «iBi«D'  la  fènlé'  Mlam^nié  dtaw  aetouvragè*,  oè>  dta^lerdl 
»f wait  de»  lifyq»  daloa»anaè>a^1  4'alllMMMi>  eumaM^M  IfreM 
il-lMiidni  ehabiBeai»  ▼oilwlâèrs'  sesi  awtoiHih  maaieipalee  dîna 
mnwiaiie  da  lHig'M*de*BaiiMiaeei  Ifëveafaot-sar-aotre  bareen 
aa^flna  des*  laraj^flHMrsa*  depuis*  ifM^  t  nous*  y^  ▼oyons  Dieiî  QueF 
foes  baronets  (et  encore  des  baronett  dfeeréfcton  persoiweite)  (ij^ 
«isde  lord»,  pas  an  seuP.  (P^st  }l»tenwiitlè  f oh)^  ce  mois  qu'a 
Mmt  l'éteeliba'  aanuellè  da  tbrd^nai^  ;  qvfl  nom-  soit  parmiâ 
vippisaOTOvw.  Cl  DerafTii^nei  et  k  Bps*  auteurs  de  pièces  d^  tIraBh 
IM  M  dfr  maam,  qm-  esptoHenr  ▼olbntlèrs  tes  Ibrdt,  fes  ban^ 
■sis y  kssqairesv etc., que  Tob  esttrès' aèrètetn  Angteterre sur  Ife 
eaapv  aes^  tNics  et  des  preMÉnces*.  L^  nynp'Bsaire  n  est'  lOf^  qaa 
pHHMil^F^Mraéa  db*  ses  IbactiiNis*  Sét  fennaoy  pendant  cette  anoé^ 
■k  wt'aassfrtfailée^  lémy-mayoress-;  mai*  avec  V»  fbnctions cessa 
iilt»«llnbation,  et-  leVord-matre-  sortant,  qvi-  estorditoairemenf 
fasifa»  laareltaHid'  de  fti-  €ité^  retoume^  à  sa  bontique  ou  à  son 
isaiptoir.  Belord»  Dnfty  d^  ^^  PoptikirHé  n'étant  pas  alderman*, 
si  a'^Éfant  p«i>  él*<sbéft'ii$  est  donc  Mn  eoiilre-  toas  tesprébédents. 
^MÉant  oelte<  reinarqae>  noas  nous  a^ouono^à^  nensHnéaselfr 
aassMNpae'piiMler  dans* nos '  procflMaoa^  lllwaisons  qncfque9  es^ 
feails^  moine  d^»  lta«^Nmeiis  inHilalè^  :•  jéMwnmai'  of  dif^fi^ 
■■^  p9iwUêff$ê4HÊ^'pi^$êdéêHttf  M^re  Imo  uInHb,  mnons  IhqBicaB*» 
q«t*veat  parier  de»  Anglais  ot  dè>  l/Anglbterre^sana  trop  choqner 
ks  anglomanès. 

^rssle,  «entas le» fanées  dè^oesliHne)  nensefroon?enon» Tolon- 
tÎM^  a»  aniaentqnc  févC  penà  rfntéïél^'to'dranie  et  d'un  roman^, 


(li  (MnatfepaAnt  la  laidiaitiret  sa  Css^tisa*  tafa  àhêê  aiÉusann  élm 
ViiicieL  de  Galles  ettcréë  liaïaaeL 


Digitized  by 


Google 


220  CBBOVIQUB  LITTiftAIBB  DB  LA  BBYUB  BRITABHIQUB, 

témoin  les  Mystères  de  Paris  de  H.  Eugène  Sue,  où  entre  antrei 
personnages  apocryphes  figure  un  M.  Afurph,  qui  est  tantdt  un 
squire^  lanlôl  un  kaighty  tantôt  un  baronet^  sans  cesser  d'être  ori- 
ginal et  tendre  comme  un  vrai  boule-dogue  (ce  que  nous  disons 
sans  admettre  le  fait  rapporté  par  tous  les  journaux,  qui  font  dévo- 
rer  une  jardinière  par  le  boule-dogue  d'une  de  nos  plus  célèbres  actrî- 
oes).  Certes»  ce  ne  sont  pas  les  gentilshommes  anglais  qui  forceront 
M.  £.  Sue  de  déclarer  publiquement  qu*il  n'a  pas  voulu  les  insul- 
ter en  les  conduisant  dans  les  plus  mauvais  lieux  de  Paris,  comme 
ont  fait  les  gardes  nationaux,  auxquels  il  a  paru  très-désagréable 
de  fréquenter  les  ckourinmêrs,  les  goualeuses^  les  princes  de  la 
confédération  germanique  et  autres  gens  de  mauyaîse  compagnie, 
^e  M.  £ng.  Sue  lui-même  n'a  étudiés  qu'en  achetant,  dii-on, 
une  blouse  à  la  friperie  pour  garder  son  incognito  chez  la  Chouette. 
Cette  blouse  est  suspendue  dans  Tantichambre  du  romancier,  comme 
une  enseigne  des  Mystères  de  Paris. 

Ayec  le  tome  premier  des  Mystères  de  Paris,  M.  Charles  Gosse- 
Un  publié  aussi  le  tome  premier  de  Paula  Monti.  Cette  double 
publication  n*a  fait  qu'ajouter  à  la  popularité  du  romancier.  Noos 
en  rendrons  compte  avec  plus  de  détail  «juand  les  tomes  seconds  de 
chaque  roman  auront  paru.  Les  Mystères  de  Paris  sont  un  yrai 
voyage  dans  ces  quartiers  dt  Paris  que  le  lecteur  ne  peut  connattie 
que  par  procuration.  M.  £.  Sue  a  fait  en  artiste  ce  voyage  de  dé» 
couvertes,  et  en  est  revenu  avec  des  tableaux  fort  curieux*,  il  a  eo 
l'aimable  complaisance  de  nous  mellre  en  note  la  synonymie  de 
la  langue  que  parlent  ses  personnages,  sans  que  nous  ayons  besoin 
d'avoir  recours  aux  Mémoires  de  Fidocq  pour  la  comprendre.  On 
trouve  aussi  dans  les  Mystères  de  Paris  un  prince  mystérieux  qui 
mange  au  tapis  vert  avec  le  cbourineur,  et  boit  du  cassis  cbei 
les  portiers.—  Dans  Paula  Monti^  roman  de  salon,  le  crime  et  le 
Tice  gardent  leurs  gants  jaunes  et  leurs  robes  de  soie.  La  bonne 
société  est  encore  là  très-mauvaise;  les  Mystères  de  Paris  sont  le 
roman  Yidocq,  Paula  Mantif  le  roman  Fronsaç.  Tous  les  deux 
ont  un  immense  succès. 

On  va  croire  que  nous  allons  faire  dans  notre  chroniffne  ane 
critique  à  mort  aux  théâtres  et  aux  libraires:  non  certes,  nous  te- 
nons à  notre  bonhomie,  et  surtout  quand  nous  venons  de  liie 
deux  volumes  qui  prouvent  que  les  arisUrques  sont  exposés  à  de 
cruelles  représailles.  L'histoire  des  idées  littérairu  m  France 


Digitized  by 


Google 


■T  BULLmiV  BIBUOGftAFBIQUB.  SU 

au  XIX*  nécle^  par  H.  Alfred  Ifichiels  (i)»  nous  prouve  à  tons/ 
gnnds  et  pelitSy  que  nous  sommes  les  vèri  tables  chacals  de  la 
presse»  dépeçant  depuis  trois  cents  ans  les  auteurs,  les  mutilant 
pour  assouvir  notre  rage,  et  nous  prenant  pour  des  anatoraistes 
qui  disséqueraient  êecundum  ariemf  c'est-^-dire  pour  des  criti- 
qoes.  Sans  abuser  de  la  métaphore  comme  M.  Alfred  Michiels,  ce 
qui  est  peut«étre  un  double  abus  dans  le  style  de  Tanalyse  litté* 
nire,  nous  reconnaissons  volontiers  son  talent  et  l'abondance  de 
ses  idées;  il  a  un  grand  mérite  dans  cette  époque  de  fictions  par« 
lementaires  et  de  mensonges  académiques  ;  il  est  sinoéte  et  coura- 
geux jusqu'à  être  un  peu  tranchant  peut-être.  Son  admiration  et 
ses  dédains  ont  delà  yalenr.  Il  a  un  culte  trop  exclusif  pour  rAUe*" 
magne  et  son  esthétique  ;  il  ne  rend  pas  assez  justice  à  cet  esprit 
français  si  éminemment  propre  k  la  critique ,  et  devant  lequel 
tout  F£nrope  littéraire  s'indine  pour  recevoir  les  couronnes  défi- 
DÎlives  de  la  gloire  ;  mais  enfin  M.  A.  Michiek  sait  aussi  faire 
QDc  part  ï  son  pays.  Nous  pourrions  lui  citer  toutefois  quelques 
noms  oubliés  qui  comptent  en  critique  :  nous  lui  reprocherons 
aussi  de  prendre  au  sérieux  certains  polygraphes  qui  sont  d'une 
monUté  trop  douteuse  en  librairie  pour  être  les  bienvenus  à.prê- 
Cher  la  monlité  en  littérature;  mais  enfin  M.  A.  Ifichiels  a  aussi 
généreusement  défendu  des  victimes ,  et  il  a  arraché  le  masque  à 
des  visages  bien  effrontés.  Ce  que  nous  regrettons  c'est  que  Thy* 
percritique  ait  quelquefois  jugé  ses  devanciers  par  on  seul  de  leurs 
onvngesy  sans  s'enquérir  de  ce  qui  Ta  suivi  ou  précédé,  et  si  les 
doctrines  de  l'flge  mûr  ont  été  encore  celles  de  la  jeunesse.  Que 
M.  A.  Michiels  aime  les  Aristotes  tout  d'une  pièce,  les  auteurs 
comifutniê,  c'est  bien;  mais  avec  ses  idées  de  progrès  et  de  per* 
fectibilité,  pourquoi  n'aocorderait-il  pas  quelque  crédit  k  rexpé" 
rience  de  l'âge?  pourquoi  la  confondrait-il  toujours  avec  Timpuis- 
sauce  sénile?  Nous  l'engageons  à  compléter  son  travail  par  un 
autre  sur  les  productions  de  nos  poètes  et  de  nos  prosateurs  contem* 
porains.  Nous  proclamons  très-volontiers  l'uiilité  des  deux  volumes 
que  nous  venons  de  lire»  comme  introduction  à  un  cours  de  littè« 
ratiK  comparée.  M.  A.  ifichiels  est  très-versé  dans  les  littératu  re^ 
^Inogéres ,  savoir  qui  manque  en  effet  à  nos  critiques  hebdoma- 
daires et  mensuels.  A  ce  propos  nous  lui  demanderons  si  Tidèe  pre- 

(1)  2  toi.  in-8.  Chez  W.  Coquebert,  48,  rue  Jacob. 


Digitized  by 


Google 


mièieëe  iVbiyiniietdA  JoAphiGhèttier  A  T^M  MHW-lMe,  i|Q*il  cfbi»» 
pire  %  due  «ée  de  Ji.  ^Ipb.  Mie  teoiaplîiie,  o'appUDliest  ipm  4 
lapN  i|tti  i6t  aMii^mie  «afle  cphikiqphiqiie  4Mi.42KeH  tmwMr>W, 

ikMnwwioM  bien  vouta  rnsefoir  qndfpies  joins  plut  4àiiam 
blMbuM  qoe  ^ublto4e  i^ral4liif|eaiid  :  ^L'^AcoAiilft  ,'4l»i  iwuyii 
êf  ettmmwtt  m '^MMimri»0H«  409iffuêê^it}.  No«t>iiW«iifiiiR  li 
Milfi6<4le  âMbBM-ifii»  •it<4oiît««il^dtiitie«rMide  iapMmiae  :di 
«mfiMM  iMittHoup  de  «èrilét  «mk  iinep  i<oiiHiMB«,ioliil  «ii  nrevtti 
dlÉntnt<qii%»  genfimeor  g4adlolili»»yirit<eyl^eeninitf,  iM.èe 
gàft6iel<Biigeeiid  pet le>  aBec«mie  <wrtQri4é»4pM  4dî  ^e-bien^flgèt  4 
ge  f util  ^toft*de<4iire  |K>er  «notée  4BeleDîe-«ffrMeiBe;;*aMm  41 
dkiieaiiile<pe8*l|a)H<e'e^^eMA<eDèeiidi«  le^MivettietoeBt,^] 
IMB^  !le  puUie  ee  léeeier^'cer  H  m  iious^deniMUle 
«^  mlleihoiimei.  ma  »{Mi8«p(Mr4élniéee  nee^eosqnêM,  makip 
ki  eoBMmr ea  tuiipdMiit  4a  i0oeiee  (toit,  ««o  miile  « 
ilmfen:Mleltfpai  ftai  «le  t  mille^toK  lueesiponr  Téfbera 
tjBelBBt.à  «AAffet.  Bli  Me»»  immu  ipenseiis  *noQs<tu^  d'i^rès  wm 
pMpre6«eriettls9'te  0iiiéral.aSeii«deMende)|Me^eiicoee*aiinu  ea  onile 
hemmes  tpotir  .pioM^er  Jiee  40  BiiUe  eoliHit  eotueb-I  Je  géitlMl 
dAokiem«e4eiit«ekin  «eiMTeeu  4{itt  vieadra  aMfiaeyter  ee  Mintae 
tt:ft*evaB$etit  tans  h»  Âmens  de¥ra  étue  JniHnéaie  «Qwidtfl,et 
siohBBl  faîra  au^jneiiis  la/gnerae  en  4ifaaieBrI  «Bhtbîea»>to  gè«(bii 
a  eaisove  vaitem  dans  «o  .paye  où  4»leiiîser  «c'eit  eoniiuénr  le  sel 
pas<à  pas.  i.*Mgéne  ên^^mvd^Attii^eat  un  ««été  déseii  de4{40  lieues 
dedavge,  désert «susoeplîble  d'ôtee  fiMrUlisé,  .«n^ileilé,  bebitè,  «ms 
eu  jainaîs  la  pQpulatîoa  arabe  «se  sseoaaetlea  «noire  ileait  -de  ^se» 
fML  Noos  oit0D8  4MÔOttid'hui^daiiS'la  partie  oetalî^ftetde  la  Ri^ 
«Be  la  lelliie4*ttn  Anglais  qui  «veut  «aussi  'eiAaBÎser  le  filiiMl, 
Isqnel  AmgkMs  a^Msi  bien  raisoa^ea  Asie  fue  mas  «n  AMfae. 
Qtfsad'Ies  AB§lais4iiHN»tla>broehiive  daf èiéialrBi^;ea«diile*T««nl* 
toioiitibie&'flBeiDsde  noasa¥oir.laiss4  farder  Algse^  1*eiil«éliiei 
pièvoyaiit  Que  aobs  aiirpns  bieal^  teonilletboAnesdaM  < 
eeleBia,*se4écidereat4ils«à.pesBiettre^ttejyL.8»tJ^bD».|e«r  ( 
sellîoite  seo  exéguaiur  de  .nelne  .goiivemeaieiit.  «Cbsee  élianie! 
jM(|4i'ieî»ee  eensul  n'est  autetisénufeupeleda  gniv 
Sms  i^avens  «ntendu  aoiMnémes  4Me'jin*jl  «e  <i 

(i)  Prix  :  2  fr.  50  c  Cbes  Deala,  aa.Palais-Rv«l* 


Digitized  by 


Google 


i  lî>mf  Jim  d^Alf  ^ac  4aioMMDliift 
fmlt  mxiéélufl  Bonrmottt»  «onteniion  âoatH  mH  par  terenr  lift 
■gi|itiaulpgwiiihc  <|aUl  uêmA  montrée. 
Ifoin  pemmi  -qne  'h  broofaimB  du  général  Bugeauflira  défrayer 

lOMaps  Ja  4MiMDiii|iie4e  tai  ^RMe^pdlilifin, 


Tjadifgwatfflchai  delt'Rstim'BtmMMiQViJMfMnmii  èi».re|iroaotli 
mÊ4mt  aatoiiMUeo  ipéeiale.:  la  à$fU  mpl  «MM  M^  k 


I.  te  Ticomtf)  de  Ihrrqufttsic.  "SYdl. 
â-8*.  Chez'Ch.  Coquebert. 

L*iot6ifr'd9  ces  deimrottiDnM  Mp* 
Jftrtieiit  a  I^Aeole  iproridentielle  : 
érMeonBeiit  11  cmit  que  la  France 
en  ttn  titte  inttrumut  dvcnrllisB-' 
don  SaBAla-ttani  fle'Bieu^.  télonlui 
b  France  seule  a  nÎMion  de  po- 
fmranter  loiftet  'les  votAet  idées. 
Certes,  notre  pairiittîtine  ne  eoDtre- 
fin  pas  V.  de  HarqueMac  ;  inais 
aiu  cesser  d*«tf«  'trôna  Trançais, 
M«t  peovoBs  trouver  œ  ^tème  un 
peu  tropexelnsff.Hons  n'admettons 
fassanoot  que  parce  queDieo  nou^ 
■èDo,  Bons  dnVona  nons  jeter  en 
aveugles  dans  tonsilet  dheminr:  de- 
vrioni-DOBs  toujours  trouTer  au  but 
ibirt  on  liberté, 'les  Benz  ensemble 
liéiBe»  Botie  Jibce  nrbitre  sejrévolte 
•antre  on  fiareOifatalîsme  qui  .peut* 
aenriràijusaifier  plos^  crimes  j>o- 
fiiiqaes  qne  me  'le  «oudrnit  «sans 
dsate  riûstorien.  Ceat  fort  diam»-. 
fiipie  et  fort  épiqoe  de  f sire  ^remon- 
ter à  Guillaume  le  Conquérant  rbis* 


taire  de  f  *atf  tagonianie  Se  'la  Rmvce 
iieerilB^eteii^  a  tf  tn^jeviRBe  lewse, 
iaétiiable;  mais  nous  craindrions 
d'accuser  la  Providence  d'avoir  pro- 
laagé  de  quelques  siècles  de  trop  ce 
aw^ffifffiidu  national  qui  coûta  tant 
^eMf.à 


peupbBftépouaent  trop  facilement  Iob 
passions^e  teurscbefs  ;>robéissanc« 
passive  des'maseas«qm  se  ruent  >lea 
unes  ooiiire«t«aeniti«s  est  ub  terrible 
ibos»du  eede  militaire  appliqué  att 
8»iu«enMnient4esjiei9les.SaBs  lea 
armées  peamanentes  on  mirait  épai^ 
geé  bien  des  gneives.;  mais  nous  ne 
voaloiM  pas(ei>tser«ioi  -danstcas  tbé» 
ses qni«ari0NraieAi(deirop^  grands  dé- 
imloppommus  bii4onques.  Au  point 
de  vnemrtisie,  IkMivn^de  M.  de 
ll«n|«essac  a  éeriotdfét.  La  pas- 
sion 'de  'l'itiée  jprimitive  passe  seo- 
veut  dans  la  etylcX^^anteor  eaceile 
aussia  Imte  4es  por4faiU;.bien  on*- 
tMdisi|n*il«uberdoBae4ousleB  carae» 
téaas'*  sensystème^  récoleprovi* 
daMialle.Jlons  4i«mpreooas4Uas  eut 
éta^e  l^appréciation  4ies  «fonds  410- 
UiM|neB  enflais  «qui  ^mt  dirigé  .la 
lutte  4éienr  paMéeoentreltapoJaaik 
An  «eam,  ém  Aillais  soutiennent 
pnimammeM  la  tbéae  oontfaire  * 
oeftlo'^  M.  de  Maaqneasar.:  liaaa 
Waliar««oai,iiee8diîsen,4)'esta*Ati- 
gloiepve.qm  a  eombattn  pouria  ei-» 
siliBatsenieetffrelaANMee.  Les«d4aa 
piilaa^i^nw  anglnitis.  ''r"ïï*-*% 
étaieMieempaîsea^iiaeteanarobai»' 
JiaiJi  aUBlwioi  JanT  le  Jrtooua  oo»* 
tiaenUl.  11  n'y  a  pas  de  civili»afion 
sans  liberté  morale  et  sans  liberté 
publique.  Il  est  de  fait  que  ceci  est  an 
moins  trés-spêclenx.Tttîfi  ueuut  uune 


Digitized  by 


Google 


224 


CBAONIQUI  UTTArAIRS  M  LA  EBWB  BUTAHHIQI». 


au«S8ac«  c'est  que  l'idée  libérale, 
1  idée  philosophique  fut  toujours  une 
idée  comnerciale  chez  les  Anglais. 

BOWàNB. 

Umb  anhès  a  Pabis,  par  Au  g.  de 
BraceTich,  auteur  et  traducteur  des 
Mémoires  d'UQ  médecin,  etc.  S  yoI. 
in-8.  Chez  Ba'udry^  34,  rue  Coquil- 
liére. 

Les  Mimoireê  d'un  médecin  sont 
connus  des  Ucteurs  de  la  Revue  Bri- 
tanuique^  mais  nous  ignorons  corn- 
meot  M.  A.  de  Bracevich  peut  en 
être  l'auteur  elle  traducteur  à  la  fois. 
En  anglais,  Tauteur  est  M.  Warren; 
en  français,  M.  Philaréte  Ghasles 
a  non-seulement  traduit  la  plupart 
des  chapitres  insérés  dans  la  Revue, 
mais  encore  il  en  a  fait  et  vendu  une 
seconde  version  publiée  par  M.  L, 
DumoQt.  Ceihounételibr.iire,  il  est 
▼rai,  reconnaît  franchement  avec  le 
publie  que  M.  P.  Chastes  ne  lui  a 
▼endu  que  le  son  aprén  avoir  débité 
ailleurs  la  farine;  mais  ayant  payé 
M.  P.  ('.hasles  il  n'autoriserait  pas 
sans  doute  une  «ubstituiion  d*au- 
teur  et  de  traducteur.  EziNterait-il 
une  troisième  traduction  T  Nous  Pa- 
yons pensé  en  lisant  dernièrement 
dans  une  Revue  un  article  où  M.  P. 
Chastes  disait  que  l*on  avait  d^iénor^ 
en  France  l'ouvrage  de  M.  Warren. 
Certes  re  n^est  pas  lui  qui  pourrait 
ainsi  médire  de  la  traduction  de  la 
Revue  Britannique  ni  de  celle  de 
M.  Dumont...  On  ne  se  donne  pas 
des  suurflets  si  modestes  sur  la  joue 
de  ses  éditeurs.  Il  y  a  là-dessous 
quelque  mystère,  une  anguille  sous 
roche,  un  serpent  dans  l'herbe. 

A  en  juger  par  Une  année  à  PariSf 
M.  de  Bracevich  a  pu  très-bien  ira* 
duire  un  roman  anglai».  Il  connaît 
à  la  fois  les  mcrars  de  la  France  et 
de  TAngleterre  :  expliquons-nous 
toutefois  :  Une  année  à  Parit  ne  peint 
que  ner  laines  mœurs.  Le  héros  de 
M.  de  Bracevich  est  un  jeune  An- 
glais qui  vient  en  France  faire  un 


t  voyage  d'agrément  et  ne  fréquenta 
guère  que  ces  salons  soaperts  où  les 
cartes  sont  tenues  par  les  mains  de$ 
grâces»  Il  y  devient  épris  d'une  sî- 
rôoe  qui,  sensible  à  ses  attentions, 
lui  révèle  tous  les  dangers  auxquels 
I  il  s*espose  et  ne  s'épargne  pas  elle« 
'même,  l'bonnéte  fille  I  Hélas I  le 
jeune  Del  m  aine  n'en  est  pas  moins 
la  dope  d'un  escroc  du  grand  monde 
et  va  expier  A  Saiuie-PélaKie  son 
imprudence  de  joueur.  La  pauvre 
Adelioe,  dont  un  véritable  aoionr 
commençait  A  épurt'r  le  cœur,  est 
cruellement  repoossée  au  moment 
où  elle  est  digne  du  pardon.  On  aê 
laisse  aller  à  un  vif  intérêt  puur  cette 
infortunée,  tant  le  romancier  a  été 
vrai  dans  la  peinture  de  ses  aenU- 
ment».  Sans  quelques  scènes  peut- 
être  trop  sensuelles,  ce  ruraan  serait 
aussi  moral  qa" agréable.  Le  dënoû- 
ment  vous  laisse  dans  l'Ame  une 
tristesse  mélancolique.  M.  de  Bra* 
cevich  est  bien  sévère  pour  les  mères 
qui  élèvent  mal  leurs  Biles;  mais  il 
n*est  pas  indulgent  pour  les  pension- 
nais,  d'où,  se'on  lui,  il  ne  sort  que 
des  imaginations  perverties.  Nous 
citerons  cette  phrabC  :  «  Je  pose  en 
fait  qu'uue  jeune  pensionnaire  de 
dix  ans  est  tout  aussi  mauvais  sujet 
que  le  plus  mauvais  garn-ment  du 
collège  de  Louis  le  Grand.  Plus  tard» 
lorsqu'elle  sera  rendue  à  sa  famille» 
elle  ne  sera  qu'un  diable  aux  yeux 
baissés.  »  Vn  diah'e  aux  yeux  baissée 
nous  parait  une  expression  heureuse. 
Rare  au  mari  sur  qui  ce  diable-lA 
fixe  ses  perfides  prunelles! 

VOYAGES. 

La  LiUAH,  ou  Voyage  pittoresque, 
hikiorique,  liitéraire,  A  Genève  et 
dans  le  canton  de  Vaud  (  Suisse), 
par  M.  B  .illy  de  Lalonde.  2  vol.'  io-S. 
Chez  G.  A .  Dentu,  imprimeur-libraire, 
rue  de  Bussy,  n^  17. 

Mous  rendrons  compte  de  cet  ou- 
vrage jdans  la  prochaîne  livraison. 


Imprimerie  de  M»«  V*  Domnr-Dcnti,  me  Saint-Loub,  46,  au  Marais. 


Digitized  by 


Google 


OCTOBRE  18(3. 


REVUE 

BRITANNIQUE. 

NOUVELLE  CHmiE  AGRICOLE. 


«  L'agricultore,  dit  le  professeur  Liebig,  est  la  vraie  base 
de  tout  commerce  et  de  toute  industrie,  —  la  source  des 
richesses  d'un  état.  Mais  un  système  national  d'agriculture  ne 
peut  être  compris  sans  l'application  des  principes  scientifi- 
qaes;  car  pour  fonder  un  pareil  système  il  faut  connaître 
exactement  la  manière  dont  s'opère  la  nutrition  des  végétaux, 
rinfluence  directe  du  sol  et  l'action  des  engrais.  Cette  con- 
naissance, c'est  à  la  chimie  qu'il  faut  la  demander  ;  c'est  la 
chimie  qui  enseigne  les  moyens  d'analyser  la  composition  et 
d'étudier  les  caractères  des  diverses  substances  dont  les 
plantes  se  nourrissent.  )> 

Lorsque  sir  Humphrey  Davy  écrivait  sur  la  chimie  agricole, 
la  chimie  organique  était  presque  inconnue.  Ce  grand  chi- 
miste fit  tout  ce  qu'on  pouvait  faire  avec  les  matériaux  dont  il 
disposait,  et  il  établit  quelques  principes  de  la  plus  haute  im- 

5*  SÉRIE. —  TOME  XI.  13 


Digitized  by 


Google 


226  NOUYEI^LH  CHIMIE  A6HIC0LE. 

portance.  Mais  depuis  U.  Davy  a  paru  en  Allemagne  un  pro- 
fesseur qui  a  repris  les  travaux  de  ses  devanciers,  et  a  mis  ad- 
mirablement en  œuvre  les  moyens  plus  étendus  que  lui  offrait 
rétat  présent  de  la  science.  Ce  professeur  est  M.  Just  Liebig. 
.  La  plupart  de  nos  lecteurs  savent  que  la  plus  grande  partie 
de  tout  végétal  consiste  en  quatre  éléments  :  savoir,  le  car- 
bonne»  rbydrogène,  Toixygène  et  Taiote  ou  nitra{èDe;  très- 
souvent  on  n'y  reacontre  que  les  trois  premiers»  tandis  que 
le  reste  se  compose  de  certains  mélanges  salins,  terreux  et 
métalliques  qui  forment  les  cendres  ou  le  résidu  de  la  com- 
bustion des  végétaux.  II  existe  donc  dans  les  plantes  ce 
qu'on  appelle  leurs  éléments  organiques  et  leurs  éléments 
inorganiques.  Le  professeur  Liebig  démontre  que  ces  derniers, 
quoique  en  très-petite  quantité,  sont  cependant  aussi  essen- 
tiels que  les  premiers  au  développement  de  la  plante,  et  il 
est  bien  évident  que  dans  un  ouvrage  comme  celui  qu'il  a 
publié  sous  le  titre  de  Chimie  ^^nique  (1),  il  a  dû  d'abord 
porter  ses  études  sur  les  diverses  sources  d'où  sont  dérivés 
tous  ces  éléments  constitutif  et  nécessaires,  ainsi  que  sur  les 
meilleurs  moyens  de  suppléer  à  leur  absence. 

Quant  à  ce  qui  est  du  carbone  des  plantes ,  généralement 
tous  les  auteurs  qui  ont  traité  de  la  physiologie  végétale,  et 
les  agriculteurs  pratiques,  attribuent  son  origine  à  la  sub- 
stance appelée  humuBj  ou  terre  v^étale,  qu'on  trouve  dans 
tous  les  sols  fertiles  et  qu'on  croit  n'être  que  les  débris  con- 
fondus d'anciens  végétaux.  Cette  substance»  soit  seule,  soit 
combinée  avec  de  la  chaux  et  d'autres  alcalis,  est  absorbée» 
a-t-on  dit,  par  les  racines,  et  fournit  ainsi  directement  soa 
carbone  à  la  plante.  Hais  c'est  là  justement  ce  que  conteste 
M.  Liebig.  Il  démontre  môme  par  une  série  d'arguments  in- 
génieux que  le  carbone  des  plantes  provient  de  l'acide  car- 
bonique de  l'atmosphère.  Tout  au  plus»  —  comme  le  prouw 
l'analyse  des  propriétés  de  l'humus, —  si  dans  les  circonstances 

(1)  CktÊÊdê  wianiçm  ûfp1iqirt$  à  tê§riemitmtB  méia 
ptr  Juatus  liebîf ,  f  rofcMeiir  4e  «Umie  à  t'unimeM  4«  GfttsM^ 


Digitized  by 


Google 


NOUVELLE  CHIMIE  AfifUCOLB.  29V 

les  plus  &vorable8  Thnoiiu  peut  donner  uae  fraction  de  Tau^ 
mentation  anandle  du  carbone.  Mais  d'autres  conaidératioaf 
plu  élevées  réfuiettl  ropinion  commune  sur  ces  fonctiom 
Qvlritivea  de  Tacids  bumiqne»  et  cela  d'une  maoièrc  si  claire 
et  ri  satisfoiaante»  qu'on  s'étonne  que  cette  opinion  ait  pu  être 
si  généralement  acioptée.  Les  terres  fertiles  produisent  en  eflbt 
k  carbone  sons  forme  de  bois,  de  foin^  de  grains  et  d'autres 
prodoits  dont  las  «asses  loutefois  diffèrent  dans  un  defré  re^ 
narquable. 

IL  LiebiQ  a  calculé  la  noyenm^  4u  produit  annuel  d'uM 
acre  dn  pays  de  Hease  sous  les  diverses  foroAcs  du  bois«  de 
Tberbe  des  prairies^  dn  Mè  et  de  la  betterave  ;  la  terre  daAS 
les  deoi  derniers  cas  était  fumée,  mais  elle  n'avaii  reçu  aucuai 
eagraisxians  les  deiu  premiers,  e'est-èKlire  la  forêt  et  la  prai» 
rie.  Hbû^é  la  vante  différence  de  dimension,  de  poids  e(  de 
fonne»  ebacim  de  ces  produits  js  rendu  une  quantité  de  car** 
boas  praque  exactement  la  même,  i  savoir  mille  livres  par 
acre.  Pnar  ce  qsû  esi  de  la  forét«  ce  résultat  intéressant  a  été 
vérifié  par  la  quaiUlité  de  bois  à  br&ler  coupée  annuellement 
dans  kê  foréU  H  bien  aménagées  de  rAllemagne,  où  ta  coupe 
ne  nuit  jamais  i  la  valeur  des  terrains  boisés.  Cette  quantité 
peut  étfe  eoasidérée  comme  l'équivalent  de  la  récolte  annueUe 
d'une  plante  asmiells,  telle  que  le  blé»  là  où  le  sol  n'est  pas 
imprudemment  épufeé.  Dans  !«»  eas  du  foin,  du  blé  et  de  la 
betterave,  la  récolte  a  été  simplement  pesée  .et  la  quantité  de 
caibone  vérifiée  paor  Tanalyse. 

Que  doiA-oD  coadiife  de  ces  expériences  incontestables? 
demande  M.  Lkebig  :'-^Qiie  des  surfaces  égales  de  terre  cul* 
tirée,  d'une  fertilité  wdiiiaÂre,  produisent  d'égales  quantité 
de  caibane  ;  et  cependant  quelle  dissemblance  entre  les  di^- 
verses  oomBtioRs  de  laicroissan^e  des  plantes  d'où  ce  carbone 
aétéeKfrmtl 

fteehencfaoufs  maintenani  comment  Therbe  d'une  prairie  ou 
le  bois  d'une  forêt  reçoivent  leur  carbone,  puisque  ià  aucmi 
entrais  n'a  lété  feurm  à  la  terre  pour  les  alimenter.  Comment 
se  f/ûirû  que  le  sol  iiinsî  épttisé,  f^irn  lien  -de  s'appasvmr,  dc^ 


Digitized  by 


Google 


228  NOUVELLE  CHIMIE  AGRICOLE. 

vient  de  plus  en  plus  chargé  de  ce  principe?  Comment  se 
fiait-il,  disons-nous,  qu'une  certaine  ou  même  une  très-grande 
quantité  de  carbone  est  enlevée  chaque  année  à  la  forêt  ou  à 
la  prairie  sous  forme  de  bois  ou  de  foin,  et  que  nonobstant, 
la  quantité  du  carbone  du  sol  augmente,  et  le  sol  devient 
plus  riche  en  humus  ? 

On  a  dit  que  dans  les  champs  et  les  vergers,  tout  le  car^ 
bone  qui  a  pu  être  enlevé  sous  forme  d*herbages,  de  paille, 
de  graines  ou  de  fruit,  est  restitué  au  moyen  d'engrais.  Ce- 
pendant ce  sol  ne  produit  pas  plus  de  carbone  que  celui  de 
la  forêt  ou  de  la  prairie  où  il  n'est  jamais  remplacé.  On  ne 
peut  concevoir  que  les  lois  de  la  nutrition  des  plantes  soient 
changées  par  la  culture,  ni  que  les  sources  du  carbone  pour 
le  grain  ou  le  fruit,  pour  le  foin  et  les  arbres,  soient  difFé-- 
rentes.  On  ne  peut  nier  que  l'engrais  n'exerce  une  influence 
sur  le  développement  des  plantes  ;  mais  on  peut  affirmer  avec 
une  certitude  positive  qu'il  ne  sert  pas  à  la  production  du 
carbone,  et  qu'il  n'a  aucune  influence  sur  cette  production, 
puisque  la  quantité  de  carbone  produite  par  les  terres  bien 
fumées  n'est  pas  plus  grande  que  celle  qu'on  trouve  dans  les 
terres  sans  engrais.  Il  s'agit  ici  de  l'origine  du  carbone,  par 
conséquent  la  manière  dont  agissent  les  engrais  est  étrangère 
à  la  question  actuelle.  Le  carbone  peut  provenir  d'autres 
sources,  et  le  sol  ne  le  fournissant  pas ,  il  fout  bien  que  ce 
soit  l'atmosphère. 

«  En  cherchant,  continue  le  professeur  allemand,  à  expli- 
quer l'origine  du  carbone  dans  les  plantes,  on  n'a  jamais 
voulu  voir  que  la  question  était  intimement  liée  à  l'origine  de 
l'humus.  Or  il  est  généralement  admis  que  l'humus  natt  de  la 
décomposition  des  plantes  :  donc  il  n'a  jamais  pu  exister  un 
humus  primitif;  car  les  plantes  doivent  avoir  précédé  Thii- 
mus.  Eh  bien ,  d*où  les  premiers  végétaux  tirèrent-ils  leur 
carbone  ?  et  sous  quelle  forme  le  carbone  est-il  contenu  dans 
l'atmosphère  ?  )) 

Ces  deux  questions  embrassent  l'examen  de  deux  phéno- 
mènes naturels  très -remarquables  qui,  par  leur  influence 


Digitized  by 


Google 


NOUVELLE  CHIMIE  AGRICOLE.  329 

réciproque  et  continue,  entretiennent  la  vie  individuelle  des 
animaux  et  des  végétaux,  ainsi  que  Texistence  perpétuelle  des 
deux  règnes  de  la  nature  organique. 

Quels  sont  les  deux  phénomènes  auxquels  (ait  ici  allusion 
le  professeur  allemand  ?  On  sait  que  les  proportions  de  Toxy- 
gène  et  du  gaz  acide  carbonique  dans  l'atmosphère  sont  et 
restent  longtemps  stationnaires.  Malgré  les  énormes  quantités 
d'oxygène  que  perd  sans  cesse  Tatmosphère  par  la  respiration 
de  l*bomme  et  des  animaux,  aussi  bien  que  par  la  combustion 
et  la  putréfaction,  tout  cet  oxygène  se  convertit  en  un  volume 
égal  de  gaz  acide  carbonique,  et  il  est  restitué  sous  cette 
forme  à  Vatmosphère ,  de  sorte  que  nous  devrions  nous 
attendre  à  voir  Tacide  carbonique  augmenter  exactement  en 
proportion  de  la  diminution  de  Foxygène  ;  mais  il  est  évident 
que  les  quantités  d'acide  carbonique  et  d'oxygène  que  con- 
tient l'atmosphère  doivent  avoir  entre  elles  quelque  rapport 
fixe  et  invariable  ;  il  doit  exister  une  cause  qui  prévienne 
l'augmentation  de  l'acide  carbonique,  et  une  autre  qui  entre- 
tienne la  mesure  de  l'oxygène.  —  Ces  deux  causes  sont  réu- 
nies dans  l'économie  de  la  vie  végétale. 

C'est  pour  nous  un  fait  prouvé,  que  le  carbone  des  plantes 
provient  exclusivement  de  l'atmosphère,  et  que  le  carbone  n'y 
eûste  que  sous  la  forme  d'acide  carbonique,  c'est-à-dire  dans 
un  état  de  combinaison  avec  l'oxygène. 

Aemarqnez  bien  encore  que  le  carbone  et  les  éléments  de 
l'eau  forment  les  principes  constituants  des  végétaux,  la  quan- 
tité des  substances  privées  de  cette  composition  étant  très- 
petite.  Eh  bien,  la  quantité  relative  d'oxygène  dans  la  masse 
totale  des  végétaux  est  moindre  qu'elle  ne  l'est  dans  l'acide 
carbonicpie  ;  il  est  donc  certain  que  les  plantes  doivent  jouir 
de  la  propriété  de  décomposer  l'acide  carbonique,  puisqu'elles 
s'approprient  le  carbone  pour  leur  usage.  La  formation  de 
leurs  principaux  éléments  constitutif  doit  donc  être  suivie  de 
h  séparation  de  l'acide  carbonique  d'avec  son  oxygène,  et 
celai-ci  doit  être  restitué  à  l'atmosphère  tandis  que  le  car- 
bone entre  en  combinaison  avec  l'eau  ou  avec  ses  éléments. 


Digitized  by 


Google 


180  VODTBLLB  CHIMIE  ÂOBfCOLK. 

L'atmosphère  doit  donc  recevoir  an  volmiie  d'oxygène  égal  à 
chaque  volume  d*acide  carbonique  qui  a  été  décomposé* 

M.  Liebig  cite  les  expériences  de  Prîeatley,  de  Senndii^ 
a  de  Saussure,  pour  montrer  que  les  frfantes,  lorsqu'elles  sont 
exposées  A  ta  lumière,  possèdent  la  propriM  de  décomposer 
ainsi  l'acide  carbonique  et  de  dégager  l'oxygène.  La  vie  des 
plantes,  ajoutent*!!,  est  étroitement  asaoeîée  à  celle  des  ani* 
Aaux  par  un  procédé  très-simple  et  dans  un  but  d^une  sublime 
sagesse.  La  présence  d'une  riche  et  luxuriante  végétation  peut 
se  concevoir  sans  le  concours  de  la  vie  animale  ;  mais  l'exis- 
tence des  animaux  est  dépendante  de  la  vie  et  du  dévelop- 
pement  des  plantes.  Les  plantes  fournissent  à  l'organisation 
animale  non-seulement  ses  moyens  de  nutrition,  de  croissance 
at  de  durée,  mais  encore  ce  qui  est  nécessaire  à  rimportante 
fonction  vitale  do  la  respiration  ;  car  outre  qadlesdéponillent 
Fatmosphère  de  tous  ses  éléments  nuisibles,  elles  sont  aussi 
nne  inépuisable  source  d'oxygène  pur,  suppléant  ainsi  à  celui 
que  l'air  ne  cesse  de  perdre.  Les  animaux  expirent  le  caii>on6 
(sous  forme  d'acide  carbonique)  que  les  plantes  oêpiretu^  et 
c'est  ainsi  que  se  maintient  constamment  la  composition  de 
ce  milieu  dans  lequel  animaux  et  plantes  existent. 

L'acide  carbonique  n'est  guère  que  la  millième  partie  de 
l'atmosphère  :  on  demandera  donc  si  cette  quantité  sufSt  pour 
les  besoins  de  toute  la  végétation  sur  la  surface  de  la  terre. 
Est-il  possible  que  le  carbone  des  plantes  ait  sa  source  unique 
dans  l'air  ?  A  cette  question  la  réponse  est  facile.  On  sait 
qu'une  colonne  d'air  de  3,216,066  livres  (poids  de  Hesse) 
(1108,33  kilogrammes)  pèse  sur  chaque  pied  carré  (mesure  de 
Resse]  delà  surface  de  la  terre;  le  diamètre  de  la  terre  et  ses 
superficies  sont  aussi  connus,  de  manière  que  le  poids  total 
de  l'atmosphère  peut  être  calculé  avec  la  plus  rigoureuse  pr6> 
cision.  La  millième  partie  de  ce  poids  total  est  l'acide  car* 
bonique,  qui  contient  plus  de  vingt^sept  pour  cent  de  carbone. 
Par  ce  calcul  on  peut  démontrer  que  l'atmosphère  contient 
3,000  billions  de  livres  de  carbone  (quinze  cents  billions  de 
kilogrammes),  quantité  qui  excède  le  poids  total  de  toutes  les 


Digitized  by 


Google 


NMVBtiB  CKIIflB  AfimiGOU.  981 

piaules  el  de  lo«ie9  les  coadheB  de  chtrboa  existant  sur  la 
terre.  Ce  carboae  est  é9mc  plus  qve  suffisant  pour  tous  les 
bBfoîos  de  la  créatkm.  La  quaatîté  de  carbone  contenue  dans 
la  flier  est  encore  proportionnellement  plus  considérable. 

ParloBS  naintenant  de  l'oxygène. 

Les  sooroes  perpétuelles  et  inépuisables  de  ee  gax  sont  les 
fropiquee  et  les  climats  ebauds,  où  un  ciel  rarevent  nua^^eux 
pormet  aux  rayons  ardents  du  soleil  de  luire  sur  une  toMnense 
et  luxuriante  végétation.  Les  sones  froides  et  les  zones  tem^ 
pérées,  où  la  chaleur  artificielle  doit  remplacer  le  ééficit  de  la 
dialeur  polaire,  produisent»  au  contraire,  eu  surabondance 
Vacide  carbonique  consommé  dans  la  nutrition  des  plantes 
tropicales.  Le  même  courant  d'air  que  la  révolution  de  la  terre 
met  en  mouvement  de  Téquateur  aux  pèles  nous  apporte  dans 
son  passage  l'oxygène  de  Téquateur,  etenlôveen  même  tesaps 
Tacide  carbonique  formé  pendant  nos  hivers. 

Les  plantes  épurent  ainsi  Tair  par  l'absorption  de  l'adde 
carbonique  et  par  l'exhalation  de  l'oxygène  qui  s'applique  iuh- 

mèdîatement  aux  besoins  de  l'homme  et  des  animaux La 

enkars  végétale  augmente  la  sahibrtté  d'un  pays,  comme  aussi 
une  contrée  naguère  Irès-saine  deviendrait  inhabitable  par  la 
eessation  de  toute  culture. 

Nous  Tenons  d'abréger  la  belle  théorie  du  professeur  Lie<- 
big.  U  nous  semble  que  ses  éléments  ne  laissent  aucun 
doute  sur  le  parfeit  et  subKme  arrangement  de  l'économie  de 
la  nature.  C'est  (  pour  citer  encore  notre  savant  auteur)  une 
démonstration  directe  de  cette  sagesse  infinie  dont  il  est  ion 
possible  au  langage  himiain  d'exprimer  toute  la  profondeur. 
Quant  à  l'importance  de  ces  conclusions  relativement  à  un 
système  scientifique  d'agrieuUure,  elle  frappe  l'intelligenee 
la  moins  exercée. 

Gemment  arrive4Hlt  »e  demande  le  professeur  Liebig,  que 
Tabsorption  du  carbone  de  l'atmosphère  par  les  plantes  soit 
mise  en  doute  par  tous  les  botanistes  et  les  savants  qui  ont 
fcrit  sur  la  physiologie  végétale?  Pourquoi  la  plupart  vontrils 
i'à  nier  la  purification  de  l'air  par  leur  intermédiaire? 


Digitized  by  CjOOQ IC 


232  NOUVELLE  CHIMIE  AORICOLE. 

Ces  doutes  proviennent  de  l'action  des  plantes  sur  Tair  en 
l'absence  de  la  lumière»  c'est-à-dire  pendant  la  nuit.  On  avait 
observé  que  les  plantes  vertes  exhalaient  dans  robscurité 
de  l'acide  carbonique  et  absorbaient  de  l'oxygène.  En  effet, 
l'air  qui  environne  les  plantes  diminue  de  volume  dans  la  nuit, 
€t  il  est  certain  que  'la  quantité  d'oxygène  absorbé  est  alors 
plus  grande  que  la  quantité  d'acide  carbonique  exhalé.  Mais  il 
faut  remarquer  aussi  que  l'azote,  qui  est  d'une  natures!  indif- 
férente, ainsi  que  l'hydrogène  et  une  foule  d'autres  gaz,  exerce 
sur  les  plantes  vivantes  une  action  particulière,  fréquemment 
une  action  pernicieuse.  L'oxygène  ne  peut  être  sans  effet  sur 
la  plante  lorsqu'un  de  ses  actes  d'assimilation  se  trouve  sus- 
pendu. Assurément,  par  l'absence  de  la  lumière,  la  décompo- 
sition de  l'acide  carbonique  s'arrête,  et  une  action  chimique 
s'établit  alors  par  l'influence  de  l'oxygène  atmosphérique  sur 
les  parties  constituantes  des  fleurs ,  des  fruits  et  des  feuilles. 
Mais  cette  action  n'a  rien  de  commun  avec  la  vie  des  plantes, 
puisqu'elle  se  présente  dans  la  plante  morte  sous  la  même  forme 
que  dans  la  plante  vivante. 

C'est  une  erreur  de  rattacher  l'émission  nocturne  de  l'air 
carbonique  à  l'absorption  diurne  de  l'oxygène.  Les  plantes 
qui  vivent  sous  l'eau  prouvent  suffisamment  que  les  plantes 
cèdent  plus  d'oxygène  à  l'air  qu'elles  n'en  enlèvent  en  géné- 
ral. Observez  en  hiver  les  étangs  et  les  fossés  surpris  par  la 
gelée  :  nous  parlons  de  ceux  dont  le  fond  est  couvert  de  plan- 
tes qui  sont  ainsi,  avec  le  reste  de  l'eau  liquide,  complét^nent 
séparées  de  l'atmosphère  par  une  couche  de  glace.  Le  soleil 
venant  à  luire,  des  globules  d'air  se  détachent  continuellement 
de  l'extrémité  des  feuilles  et  des  petites  branches;  ces  globa- 
les s'agglomèrent  en  grosses  bulles  sous  la  glace  transparente. 
Eh  bien,  d'où  provient  cet  oxygène  pur?  De  l'acide  carboni- 
que dissous  dans  Feau,  et  qui  est  toujours  remplacé,  à  mesure 
que  les  plantes  s'en  sont  emparées,  par  l'acide  carbonique 
provenant  de  la  décomposition  progressive  des  débris  végé- 
taux. Si  ces  plantes  aspiraient-de  l'oxygène  pendant  la  nuit,  la 
quantité  n'en  pourrait  être  plus  considérable  que  celle  qui  est 


Digitized  by 


Google 


NOUVELLE  CHIMIE  AGRICOLE.  283 

retenue  ea  dissolution  dans  Teau,  car  Foxygène  séparé  à  l'é- 
tat de  gaz  n*est  plus  absorbé.  Les  plantes  aquatiques  nous 
révèlent  ainsi  conunent  se  composent  les  plantes  aériennes  : 
il  n'y  a  point  poqr  elles  d'exception  à  la  grande  loi  naturelle. 

La  plupart  des  botanistes  et  des  physiologistes  ne  s'adres- 
sent pas  assez  souvent  à  la  chimie  et  à  ses  labQratoires  avant 
de  bâtir  leurs  théories  et  leurs  hypothèses.  C'est  le  reproche 
qoeleur  adresse  le  proC^seur  Liebig  :  nous  ajouterons  que  les 
doctrines  qu'il  adopte  et  qu'il  professe  aujourd'hui  n'avaient 
jamais  été  établies  d'une  manière  si  logique.  Quand  Priestley, 
Sennebier»  de  Saussure,  etc.,  firent  les  recherches  sur  les- 
quelles s'appuie  H.  Liebig,  la  chimie  n'était  pas  assez  avan- 
cée pour  fournir  les  mêmes  moyens  de  décider  la  question. 

Un  des  chapitres  les  plus  intéressants  du  professeur  est 
celui  qui  traite  de  l'assimilation  de  l'hydrogène  par  les  plan- 
tes. Selon  lui ,  la  plante  décompose  l'eau  en  présence  de  l'a- 
cide carbonique ,  et  l'hydrogène  de  cette  eau  s'assimile  en 
même  temps  que  le  carbone  de  l'acide  carbonique,  tandis  que 
l'oxygène  est  mis  en  liberté.  La  végétation,  considérée  sous 
ce  point  de  vue,  est  l'inverse  de  l'action  chimique  dans  la 
formation  des  sels.  En  effet,  si  l'on  met  ensemble  de  l'acide 
carbonique,  de  l'eau  et  du  zinc,  il  se  feit  un  dégagement 
d'hydrogène,  en  même  temps  que  l'on  peut  remarquer  la  for- 
mation d'une  combinaison  pulvérulente  blanche,  qui  ren- 
ferme de  l'acide  carbonique,  du  zinc  et  l'oxygène  de 
Teau.  Dans  la  végétation,  le  zinc  est  remplacé  par  la  plante  : 
grâce  à  l'efifét  de  l'assimilation,  il  se  dégage  de  l'oxygène,  en 
même  temps  qu'il  se  produit  des  combinaisons  contenant  les 
éléments  de  lacide  carbonique,  plus  l'hydrogène  de  l'eau. 

Le  chapitre  sur  l'assimilation  de  l'azote  est  encore  plus 
important  :  cet  élément  est  en  effet  dans  les  produits  végétaux 
l'élément  essentiel  pour  l'alimentation  de  l'homme  et  des 
animaux.  Le  chimiste  Boussingault  a  prouvé  que  la  propriété 
nutritive  des  diverses  espèces  de  nourriture  végétale  était  en 
proportion  de  la  dose  d'azote  qu'elles  contiennent. 

Tout  l'azote  des  plantes  et  des  animaux  provient  de  l'am- 


Digitized  by 


Google 


tS4  HOUVBLLB  GBIIIIE  AGRICOLE. 

moniaque;  tout  cet  aoisoimqne  Mt  foarni  jMirratmospbère» 
qui  le  distribue  à  la  terre  dans  toutes  les  eaux  pluviales,  et  sa 
quantité  dans  ratmospbire  est  comparativement  très-petite, 
mais  amplement  suffisante  pour  toutes  les  exigences  du  règne 
animal  et  du  règne  végétal.  En  eflfet,  comme  tout  l'azote  des 
anciennes  gestations  de  plantes  et  d'animaux  doit,  dans  le 
cours  incessant  de  la  décomposition  des  êtres,  avoir  été  ré- 
pandu dans  l'atmosphère  sous  forme  d'ammoniaque,  on  au- 
rait pu  reconnaître  sa  présence  dans  l'air  avant  le  professeur 
liebig;  mais  c'est  à  lui  qu'on  doit  la  preuve  expérimentale 
du  fait  II  a  montré  que  l'ammoniaque  contenu  dans  la  pluie 
et  l'eau  de  neige  présente  toujours  Todeur  désagréable  de  la 
sueur  et  des  matières  putrides,  ce  qui  ne  laisse  aucun  doute 
sur  son  origine.  De  l'eau  pluviale  l'ammoniaque  passe  aux 
plantes  qui  l'absorbent;  mais  avant  de  subir  tontes  les  trans* 
formations  chimiques  qui  causent  son  assimilation,  on  peut 
le  découvrir  dans  le  suc  de  toutes  les  plantes. 

Si,  dans  une  terre  privée  d'engrais-,  tout  l'ammoniaque  pro- 
vient de  l'atmosphère,  il  en  est  autrement  là  où  l'on  emploie 
l'engrais  animal.  L'utilité  principale  de  l'engrais  animal  est 
de  donner  plus  d'ammoniaque  que  l'air  n'en  peut  fournir; 
d'où  les  meilleurs  engrais  sont  ceux  qui  contiennent  la  plus 
grande  proportion  d'anuncmiaque  on  d'azote;  de  là  encore  la 
valeur  de  l'engrais  liquide  comparé  à  l'engrais  scdide,  le  pre- 
mier étant  bien  plus  riche  en  azote  que  le  second,  «c  L'agri- 
culture, dit  M.  Liebig,  diffère  essentiellement  de  la  culture 
des  forêts,  d'autant  plus  que  son  principal  ot>jet  consiste 
dans  la  production  de  l'azote  sous  une  forme  capable  de  l'as- 
similer aux  animaux,  tandis  que  le  but  de  la  culture  fores- 
tière se  borne  principalement  à  la  production  du  carbone.  » 

Le  froment,  par  exemple,  est  composé  de  deux  élémenls, 
la  fécule  et  le  gluten,  dont  le  dernier  seul  contient  de  l'a- 
sote.  Or,  un  supplément  d'azote  sous  forme  d'ammoMiaqoe 
augmente  non-seulement  le  nombre  de  graines  obtenues  d'une 
plante,  mais  encore  la  proportion  du  gluten  relativement  i 
la  fécule,  ou,  en  d'autres  termes ,  leur  propriété  nutritive. 


Digitized  by 


Google 


NOUYBLLE  CHIMIE  AGBICOLB. 

C'est  ainsi  que  cent  parties  de  froment  venn  snr  voie  terre 
engraissée  avec  du  fumier  de  vache  (de  tous  les  fumiers  celui 
qai  contient  le  moins  d'azote)  ne  présenta  que  11.97  parties 
de  gluten,  tandis  que  la  même  quantité  provenant  d'un  sol 
eDgraissé  avec  de  Turine  bmnaine,  qui  est  riche  en  azote , 
présenta  la  phu  forte  proportion  encore  connue  de  {[iulen,  à 
savoir:  3S.1  p.  7». 

Après  avoir  abondamment  prouvé  que  c'est  ramnomaque 
qui  donne  aux  plantes  tout  leur  azote,  le  professeur  Liebig 
«iplique  le  principe  par  lequel  ie  plâtre,  VdLVgAe  cuite  et  les 
teres  fermgîneuses  agissent  sur  ta  fertilisation  d'un  sol.  Tou* 
ta  ces  substances  possèdent  la  propriété  d'absorber  et  de 
fiier  l'ammoniaque,  soit  qu'il  vienne  de  l'air^  soîtqu'il  Tienne 
et  l'engrais.  Plusieurs  autres  substances  ont  le  même  effet, 
telles  que  la  poussière  de  charbon.  L'effet  du  piètre  comme 
stimulant,  de  même  que  l'effet  du  chlorure  de  calcium ,  cou* 
«aie  à  fixer  dans  le  sol  l'azote  ou  plutôt  l'ammoniaque,  prin- 
cipe indispensable  à  la  végétation.  Une  livre  de  plaire  cuit 
fixe  autant  d'ammoniaque  dans  le  sol  que  six  mille  deux  cent 
doqaaiite  livres  d'urine  de  cheval  pourraient  lui  en  trans- 
mettre, en  supposant  que  l'azote  de  l'acide  hippique  et  de 
l'urée  soit  absorbé  par  le  plâtre,  sans  la  moindre  perte,  sous 
forme  de  carbonate  d'ammoniaque.  S'il  est  vrai  que  l'herbe 
ccmtieBl  nn  centième  de  son  poids  d'azote,  une  livre  d'asote 
que  l'on  j  amène  de  plus  augmentera  de  cent  livres  de  four- 
lage  sec  le  rapport  de  la  prairie,  et  ces  cent  livres  seront 
«ossi  le  résultat  de  l'action  de  quatre  livres  de  plâtre.  Il  est 
aisé  de  voir  pourcpioi  le  plâtre  n'améliore  pas  également  tous 
les  sois.  Dans  quelques-uns ,  il  se  trouve  déjà  une  suffisante 
quantité  on  de  plâtre  ou  d'une  substance  analogue  pour  fixer 
l'ammoniaque  qu'ils  reçoivent.  Mais  s'ils  sont  stériles,  leur 
téériiité  doit  dépendre  de  quelque  autre  cause,  car  c'est  l'am- 
aoaiaque  de  l'atmosphère  (là  où  l'on  n'emploie  pas  d'engrais) 
qui  fournit  l'azote  aux  plantes. 

Le  poussier  de  charbon  surpasse  tous  les  corps  connus  par 
«a  faculté  de  condenser  dans  ses  pores  le  gaz  ammoniaque  : 


Digitized  by 


Google 


236  NOUVELLE  CHIMIE  AGBICOLB. 

on  comprend  l'énergie  de  son  action  lorsque,  d'après  Sans* 
sure,  un  volume  de  charbon  absorbe  quatre-vingt-dix  volumes 
d'ammoniaque  qui  s'en  dégage  par  la  simple  humectation.  Le 
bois  pourri,  celui  de  chêne  surtout,  se  rapproche  beaucoup  i 
cet  égard  du  charbon  ;  car,  dans  le  vide  et  privé  d'eau,  il 
prend  soixante-douze  fois  son  volume  d'ammoniaque.  Vkumuê 
n'est  que  du  ligneux  en  pourriture  :  on  s'explique  facilement 
ses  propriétés  qui  en  font  non-seulement  une  source  continue 
d'acide  carbonique,  mais  encore  d'azote. 

L'azote  étant  partout,  dans  tous  les  terrains  et  même  dans 
des  minéraux  qui  n'ont  aucun  contact  avec  des  matières  or- 
ganiques; l'azote  se  retrouvant  dans  l'air,  dans  l'eau  de  pluie, 
comme  produit  de  la  putréfaction  des  générations  antérieures; 
la  production  des  principes  azotés  enfin  augmentant  dans  les 
plantes  avec  la  quantité  d'ammoniaque  qu'on  leur  amène  par 
le  fumier  animal ,  on  peut  en  déduire  que  c'est  l'ammonia- 
que de  l'atmosphère  qui  fournit  l'azote  aux  plantes.  Conclu- 
sion :  a  L'acide  carbonique,  Feau  et  l'ammoniaque,  contien- 
nent les  éléments  organiques  nécessaires  à  la  vie  des  animaux 
et  des  végétaux.  Ces  mêmes  substances  sont  les  produits  ul- 
times de  toute  décomposition  et  putréfaction.  Ainsi,  les  in- 
nombrables produits  de  la  vitalité  retrouvent  après  la  mort 
la  forme  originaire  sous  laquelle  ils  ont  pris  naissance.  La 
mort  donc,  la  dissolution  complète  d'une  génération,  devient 
une  source  de  vie  d'où  surgit  une  génération  nouvelle.  )> 

Maintenant  une  autre  question  s'élève  :  l'acide  carbonique, 
l'eau  et  Tammoniaque  sont  bien  indispensables  à  toutes  les 
plantes,  parce  qu'ils  renferment  les  éléments  de  tous  leurs 
organes.  Mais  est-ce  tout?  non.  Pour  le  développement  de 
certains  organes  spéciaux,  les  plantes  ont  encore  besoin  d'au- 
tres principes  qu'elles  empruntent  à  la  matière  inorganique. 
Il  est  bien  établi  que  toutes  les  plantes  contiennent,  quoique 
en  petites  quantités,  certaines  substances  minérales  qui  va- 
rient selon  les  plantes ,  mais  sont  généralement  les  mêmes 
dans  la  même  espèce.  Ainsi,  par  exemple,  les  tiges  et  les 
feuilles  de  toutes  les  graminées  contiennent  invariablement 


Digitized  by 


Google 


NOUVELLE  CHIMIE  AGBICOLE.  23T 

da  silicate  de  potasse,  tandis  que  c'est  du  phosphate  de  ma^ 
gnésie  et  de  l'aminoniaque  qu'on  trouve  dans  leurs  graines. 
Ces  bases  alcalines  ou  terreuses  existant  dans  les  cendres  des 
plantes  sous  forme  de  carbonate  existaient  orièinairement 
dans  la  plante  même  sous  forme  de  sels,  c'est-à-dire  eombi« 
nées  avec  les  acides  végétaux  détruits  par  la  combustion. 
Comme  certains  de  ces  acides  végétaux  sont  essentiels  au  dé^ 
veloppement  de  l'espèce  où  ils  se  trouvent,  et  comme  ils  y 
sont  combinés  avec  des  bases  alcalines,  il  est  évident  que  ces 
bases  sont  aussi  essentielles  aux  plantes. 

Bans  plusieurs  cas,  dans  le  froment,  par  exemple,  les  acides 
aussi  bien  que  les  bases  sont  d'origine  minérale  ;  dans  d'au-» 
très,  telles  que  l'opium  et  l'écorce  péruvienne,  les  bases  sont 
organiques,  tandis  que  les  acides  sont  en  partie  métalliques, 
en  partie  végétaux.  Bien  mieux,  il  parait  qu'une  base  ou  un 
acide  peut»  dans  certaines  limites,  en  suppléer  une  autre  sans 
aucun  détriment  pour  la  plante,  tandis  que  le  développement 
de  la  plupart  serait  entièrement  arrêté  par  l'absence  de  leur 
base  ou  de  leur  acide  propres.  Ainsi  l'opium  contient  des 
proportions  variables  d'acides  sulfuriques  et  méconiques,  et 
lorsque  l'un  est  trop  abondant,  il  y  a  déchet  de  l'autre.  Dans 
l'écorce  de  quinquina,  où  l'on  trouve  la  quinine  et  la  chaux, 
plus  il  y  a  de  chaux,  moins  il  y  a  de  quinine.  Encore  il  est  tel 
sol  où  un  pin  contiendra  beaucoup  de  chaux,  peu  de  potasse, 
point  de  magnésie;  le  pin  de  tel  autre  offrira  à  l'analyse 
moins  de  chaux,  plus  de  potasse  et  une  certaine  quantité  de 
magnésie  ;  mais  dans  les  deux,  les  bases  réunies  auront  exac- 
tement la  même  faculté  de  neutraliser  les  acides.  Enfin  un 
troisième  spécimen  contenant  potasse,  soude,  chaux  et  magné- 
sie, n*en  aura  pas  moins  la  même  force  de  neutralisation.  Ces 
faits  curieux,  tous  puisés  dans  les  recherches  des  observa- 
teurs les  plus  scrupuleux,  mais  tous  observés  sans  aucune  in- 
tention relative  aux  faits  cités,  conduisent  naturellement  et 
sans  surprise  à  cette  conclusion  que  chaque  végétal  exige  une 
quantité  définie  de  bases  métalliques  pour  la  combiner  avec 


Digitized  by 


Google 


23g  NOUVELLE  CHIMIE  AGBICOLE. 

soa  ou  ses  acides  organiques,  et  par  conséquent  que  ces  bases 
exercent  une  fonction  importante  dans  Téconomiedela  plante. 
Sans  plusieurs  cas  cette  fonction  ne  peut  être  remplie  que  par 
une  base  et  un  acide.  Ain^i,  dans  de  la  paille  de  froment,  la 
silice  est  Tacide,  et  c'est  la  potasse  qui  est  la  base;  mais  sans 
ces  matériaux  qui  existent  heureusement  dans  presque  tous 
les  sols,  le  froment  ne  peut  prospérer.  Il  se  peut  sans  doute 
que  la  silice  et  la  potasse  ne  soient  pas  associées;  la  potasse 
pourrait  être  et  probablement  elle  est  en  partie  combinée  dans 
le  froment  avec  un  acide  organique;  ma»  il  n'en  est  pas  moins 
certain  qne  la  siliee  et  la  potasse  sont  aussi  essentielles  à  l'ac- 
croidseneat  du  froment  que  Vaeide  carbonique,  Teauet  Tarn** 
moniaqœ. 

Tout  cela,  arons-ftous  dit,  est  li^ès-lucidemeat  déoooAtré 
par  le  profiesseur  liebig;  mais  il  a  été  plus  ]mn  en  préleodant 
que  c'est  par  ce  principe  qu'oa  doit  expliquer  les  bons  effets 
de  maintes  pratiques  en^iriqaes  ;  il  a  prouvé  en  ua  mot  que  le 
fumier  de  vaches,  Tengrais  animal  le  fins  commua,  le  plus 
paurro  ^i  azote,  a  son  utilité,  non  à  cause  de  ses  conteaos 
organiques,  mais  de  ses  contenus  inorganiqttes^  à  savoir  la 
potasse  et  les  phosphates.  U  est  impossible  d'imaginer  wm 
résultat  plus  inattendu,  ph»  iacoatestabje  ou  plus  susceptible 
d'une  application  immédinte  dans  la  pratique. 

fie  la  section  de  l'ouvrage  du  professeur  liebîg  sur  les  él6- 
mente  inorganiques  éeê  pintes,  nous  tirons  ces  condusiotti 
bien  importantes  : 

l""  Puisque  le  carbone  et  l'azote  des  plantes  dérivent  de 
l'almosphère,  les  causes  de  la  fiertiUlé  du  soi  doivent  être 
cherchées  dans  ses  éléments  métalliques  ou  i&orgauiques. 

2*  Puisqu'une  plan&e  exige  tds  éléments  mioéranx  et  une 
autre  plante  des  éléneafts  différents,  un  sol  peut  être  fertile 
pour  une  plante  et  «tmle  pour  use  autie,  et  i*of  eemd,  ou 
finalement  fertile  pomr  tonSes  les  <i0ux. 

»  Une  analjfie  (xaeto  des  rendras  et  chaque  pvtied'u 
plauée  nous  douneca  une  «oonuaifisaoee  exacte  de  ces 


Digitized  by 


Google 


NOUVELLE  CHIMIB  AGB1C9LB. 

Stances  méialUques  qui  soot  essentielles  à  son  déveioppementy 
et  qui  par  conséquent  doivent  être  présentes  dnns  ie  sol  où 
BOUS  voulons  faife  croître  ladite  pfaunte. 

V  Une  analyse  soignée  de  chaqoe  stA^  apiés  que  la  conn 
posilion  des  cendres  d'un  certain  nombre  de  plantes  a  été 
préalaUement  appréciée»  nous  apprendra  tout  d'abord  1»* 
fieliede  ees  plantes  peut  y  être  avatttagensem«it  cultivée, 
qneUe  antre  n'y  réussira  pas  si  bien,  et  conMnent  le  sol  peut 
iUe  leadtt  propre  à  produire  la  premîfare  comme  la  seconde. 

5*  Eaifl  nons  apprenons  de  quoi  d^nd  l'épuisement  du 
Bol,  c'est-à-dire  qnels  sont  les  éléments  mèftatliques  qui  en  sont 
(Ustnits  par  renlèrement  de  la  récolte;  car  si  ces  éléments 
ne  loi  sont  pas  rendus,  le  sol  en  conserve  trop  peu  pour  l'an* 
née  Mirante.  De  U  l'usage  de  laisser  reposer  un  cbamp  ;  car 
pendant  qu'il  reste  en  jachère,  l'action  de  l'air  et  de  rhumèdîté 
extrait  un  supplément  de  bases  dn  roc  sdQjaoent  et  prépare 
la  terre  à  une  nouveUe  culture. 

D'après  ces  principes,  le  parfiit  développement  d'une  plante 
dépend  delà  présence  des  alcalis  ou  terres  alcalines;  lorsque 
ces  sobslanoes  manquent  totalement,  sa  croissance  s'arrête  ; 
lorsqu'elles  ne  jnanqnent  qu'en  partie,  elle  a  besoin  qu'on 
vieaBe  à  son  secours. 

«Comparons  d<«x  espèces  d'arbres ,  dit  M.  Liebig,  que 
nousctterofts  ici  presque  textuellement;  prenons  deux  arbres 
doolie  bois  contienne  d'inégales  quantités  de  bases  alcalines, 
et  oous  trouverons  que  l'un  des  deux  pousse  vigoureusement 
dans  divers  terrains  oi  l'autre  peaut  à  peine  végéter.  Par 
eiemple,  IG^OOO  parties  de  cbène  donfieront  2S0  parties  de 
cendres,  la  même  quantité  de  sapin  n'en  donnera  qise  83,  la 
mène  de  tilleul  dOO»  la  asème  de  seigle  4M,  et  la  même  de  la 
partie  heibacée  de  la  pomme  de  terre  ISM. 

»  Le  pin  et  le  sapin  trouveront  des  bases  alcalines  en 
qvaitités  suffisantes  dans  oessables,  ces  landes  et  ces  terrains 
granitiques  où  le  cbène  ne  prospérerait  pan.  Le  froment  réassit 
dans  le  même  sol  que  le  tilleul,  parce  ipi'il  y  rencontre  leu 
bases  dont  son  dèveiojppement  a  besoin.  Ces  conséquences 


Digitized  by 


Google 


ikO  NOUVELLE  CHIMIE  AGRICOLE. 

si  importantes  ponr  l'agriculture  et  la  culture  forestière  se 
fondent  sur  des  faits  de  la  dernière  évidence.  ?> 

Toutes  les  graminées  contiennent  dans  leurs  feuilles  et  dans 
la  tige  une  grande  quantité  de  potasse  et  de  silice  à  l'état  de 
silicate  de  potasse.  Dans  un  champ  de  blé,  la  proportion  de 
ce  sel  ne  change  pas  sensiblement,  gr&ce  aux  engrais  sous 
forme  de  paille  putréfiée.  Mais  dans  une  prairie  il  n'en  est 
pas  de  même;  en  effet,  nous  ne  voyons  jamais  une  herbe 
riche  sur  des  sols  sablonneux  et  calcaires,  contenant  peu 
de  potasse,  parce  qu'il  y  a  absence  d'un  des  principes  con- 
stituants indispensables  à  l'accroissement  de  la  plante.  Les 
sols  composés  de  basalte,  de  grauwacke ,  de  porphyre,  sont, 
toutes  choses  égales  d'ailleurs,  les  meilleurs  pour  les  prairies, 
parce  qu'ils  renferment  beaucoup  de  potasse.  Les  irrigations 
annuelles  remplacent  continuellement  cette  potasse  et  rendent 
le  sol  comparativement  inépuisable. 

Si  par  le  plâtre  on  active  la  croissance  des  herbes  d'une 
prairie ,  ou  enlève  avec  le  foin  une  plus  grande  quantité  de 
potasse  qu'on  n'en  peut  restituer  dans  les  mômes  conditions. 
Voilà  comment  au  bout  de  quelques  années  le  rendement  de 
beaucoup  de  prairies  plâtrées  diminue  parce  que  la  proportion 
de  potasse  y  décroît.  Si  au  contraire  on  ranime  la  végétation 
prairiale  par  de  la  cendre  sèche  ou  de  la  cendre  en  lessive 
des  savonniers,  c'est  à  la  potasse  encore,  introduite  par  ce 
moyen,  qu'il  faut  attribuer  la  luxuriance  de  l'herbe. 

Dans  les  landes  de  Lunebourg  on  obtient  tous  les  quarante 
ans  une  moisson ,  en  éparpillant  les  cendres  de  la  bruyère 
qu'on  y  brûle.  Pendant  ce  long  espace  de  temps,  ces  plantes 
[erica  tulgaris)  ramassent  en  quelque  sorte  la  potasse  et  la 
soude  que  leur  communique  la  pluie ,  et  c'est  au  moyen  de 
ces  alcalis  qu'un  sable  stérile  se  couvre  d'une  moisson  d'orge, 
d'avoine  et  de  seigle. 

Il  est  d'autres  provinces  où  les  cendres  des  restes  d'un 
abattage  de  bois  recouvrent  aussi  des  semences  et  produisent 
au  cultivateur  de  belles  récoltes  de  céréales. 

Nous  placerons  ici  une  anecdote.  Un  professeur  de  chimie, 


Digitized  by 


Google 


NOUVELLE  CHIMIE  AGRICOLE.  2U 

en  AUemagney  discutait  avec  M.  Liebig  lui-même  la  question 
de  l'utilité  des  alcalis  pour  les  plantes,  et  en  particulier  celle 
de  la  nécessité  de  la  potasse  pour  l'accroissement  de  Tépi 
du  blé;  il  citait  un  sol  purement  calcaire  du  royaume  de 
Hanovre  où  Ton  récoltait  de  belles  moissons  :  «  Eh  bien, 
répondit  M.  Liebig  à  cette  objection,  vous  pouvez  être  sûr 
que  la  craie  contient  delà  potasse.  »  Son  adversaire  s'empressa 
de  le  vérifier,  et  à  sa  grande  surprise,  M.  Liebig  avait  deviné. 
Il  trouva  aussi  la  potasse  dans  d'autres  terres  crayeuses  fer- 
tiles; nous  ne  doutons  pas  par  conséquent  que  la  potasse 
existe,  n'importe  sous  quelle  forme,  dans  tout  terrain  oii 
prospère  le  blé. 

Avons-nous  besoin  de  faire   ressortir  tout  ce  que  cette 

théorie  renferme  d'indications  pour  l'agriculture,  la  rotation 

ou  l'assolement  des  récoltes  et  le  choix  des  engrais  ?  Disons 

'  quelque  chose  des  résultats  obtenus  par  le  professeur  Liebig 

relativement  à  ces  derniers. 

Quand  on  songe  que  chaque  partie  constitulrve  du  corps 
de  Vhomme  et  des  animaux  doit  son  origine  aux  plantes,  et 
qu'aucun  de  ses  éléments  ne  nait  de  l'acte  vital,  il  est  évident 
que  tous  les  principes  inorganiques  de  l'économie  animale 
doivent  être  considérés  comme  des  engrais.  Le  résidu  terreux 
de  la  putréfaction  des  animaux  devient  dans  tout  système 
rationnel  d'agriculture  un  engrais  énergique,  et  le  sol  le 
réclame,  parce  que  tout  ce  qui  lui  a  été  enlevé  sous  forme 
d'aliments  pendant  une  série  d'années  doit  lui  revenir  si  Ton 
veut  entretenir  la  fertilité  de  la  terre.  Pendant  la  vie,  l'animal 
rejette  à  l'état  d'excrément  tout  ce  qu'il  ne  s'assimile  pas 
dans  lacté  de  la  nutrition.  Après  la  mort,  c'est  à  l'état 
d'ammoniaque  et  d'acide  carbonique  que  l'azote  retourne 
à  l'atmosphère ,  et  il  ne  reste  plus  avec  les  os  que  des  matières 
inorganiques,  comme  le  phosphate  de  chaux  et  autres  sels; 
voilà  les  deux  sources  d'engrais  animal  :  les  excréments  et  le 
résidu  de  la  putréfaction. 

On  suppose  communément  que  le  fumier  de  vache  et  celui 
de  cheval  agissent  par  la  vertu  de  leurs  éléments  organiques, 

5*  SÉRIE.  —  TOHE  XI.  16 


Digitized  by 


Google 


iftâ  NOtJVEtLE  CHiniË  AGIttCOLfi. 

qui  d'un  côté  rendent  de  l'humus  ou  un  résidu  c&rlH>naté,  «t 
de  Vautre  de  l'ammoniaque.  Le  professeur  Liebig  admet  futilité 
de  l'humus,  et  il  prouve  que  celte  utilité  consiste  à  fournir, 
partie  à  l'air,  partie  aux  racines,  une  lente  mais  cotistanle 
provision  d'acide  carbonique  ;  mais  la  quantité  d'hunmâ  doti- 
tiée  par  ces  engrais  est  bien  peu  de  ckose  t^ompârée  A  fa 
•somme  de  carbone  enlevée  par  la  récolte,  et  nous  avons  dh^ 
TU  combien  peu  d'azote  est  contenu  dans  le  crottin  de  cheval 
et  la  bouse  de  vache.  Mais  en  analysant  ces  «ngrais  on  y 
découvre  un  autre  élément  :  des  substances  minérales  H 
salines. 

4,000  livres  (200  kilog.)  de  crottin  de  chex^a!  frais  ou 
1,060  livres  (500kilog.)de  crottin  sec  rendent  de  1©0  è  *n>  li- 
vres [50  à  135  kilog.)  de  sels  et  autres  substances  inorgani- 
tpies.  Ce  sont  là  des  substances  vers  lesquelles  nous  devons 
diriger  notre  attention,  car  ce  sont  les  mêmes  qui  formatent 
précédemment  les  parties  constituïintes  du  foin,  de  la  ptilte 
lèt  deravoitïCjdont  se  nourrit  le  cheval.  Leurs  éléments  prin- 
cipaux sont  les  phosphates  de  chaux  et  de  magnésie^  le  car>- 
bonate  de  chaux  et  le  silicate  de  potasse  :  les  trois  premiers 
prédominaient  dans  le  grain,  les  autres  dans  le  foin.  Aussi 
mille  livres  de  crottin  sec  transmettent  i  un  ehamp  les  sub- 
irtances  inorganiques  contenues  dans  6,000  livres  de  foin  ou 
^,800  livres  d'avoine.  C'est  une  quantité  suffisante  pour  ap- 
provisionner de  potasse  et  de  phosphate  une  récohe  et  demie 
de  froment...  L'action  particulière  des  excréments  solides  est 
limitée  à  leurs  principes  constitutits  inorganiques  qui  i^isti- 
ttient  à  un  sol  Ce  qui  lui  Ait  enle^'é  en  foin  ou  en  paille,  en 
racines  ou  en  graines. 

ïl  est  clair  que  lors  même  que  le  crottin  d'une  ferme  est 
recueilli  avec  soin  et  mêlé  à  la  paille  pourrie,  il  se  ftit  une 
perte  de  potasse  et  de  phosphate  par  les  grains  et  les  ani- 
maux qu^n  vend  tous  les  ans  ;  perte  compensée  en  partie  par 
les  substances  que  Thiver  détache  des  couches  souterraines 
et  en  partie  dans  une  grande  ferme  par  la  fie?nte  que  déposent 
les  animaux  sur  tes  prairies  sans  engrais.  En  Allemagne  on 


Digitized  by 


Google 


KOUVeULE  CHIMIE  AéGMCOlM.  H$ 

jWÊfflée  «More  par  k  cendre  des  boû  bnUé«  coBtenant  de 
h  pofane  et  d»  ^sphales.  Enfin  la  p<^e  définitive  est 
émtaimèe  nrune^i  large  aurfece  qu'elle  devieBt  pnesnitte 
iaafpréoiable.  Oa  peal  entretenir  la  fertilîié  des  tarifa  e» 
AB^anaant  tims  ies  aae  les  pertes  qu'on  leur  £iit  subir; 
mâs  ee  n'est  qu'en  leur  neodant  pkis  qu'on  ae  leur  preyatf 
qt'il  eaftpnaaîfale  d'jaeaKnter  la  fertilité  du  «al  et  le  pnoduit 

■  eat  iieile  de  oonaprettine  qu'aux  engrais  aakanux  om  peut 
acr  tonte  «obstance  iqiii  contient  leun  ingré^eaU 
En  Flandne,  la  perte  annuelle  4es  matièras  nfeoB- 
aams  à  la  lèrlifité  dn  soi  est  lépAPée  anmeUement  par  des 
cendres  d'os  on  de  «bois  dont  on  aouvre  les  ehanps,  cendi^ 
lessîTées  on  non,  et  nkakes  aorftont  en  phosphate  de  chaux  et 
de  iDa(>pésie.  Il  y  aioi^tenps  qne  les  agriculteurs  ont  i^eomm 
14nportanoe  de  faire  naage  «de  cendres  oooune  engrais.  Xd 
«it  <e  prix  qu'on  ;aittnehe  4  cette  matière  À  Mnsbouig  et  i 
WeHapeaft  (Hesae  éiectoirale)«  qu'on  va  la  «bâcher  i  sii 
^  hnlt  Henes  de  distanoe  «ans  neouler  devant  les  prix  de 
Icanspert. 

L'engrais  d'ossenenta  dent  les  «fifets  ont  tant  leKCÎté  de 
«vprîse,  agît  d'après  ie  même  principe.  Chaque  molécule 
des  m  du  hétaîl,  coaiiBe  les  antres  «latières  du  corps,  pro viesit 
de  nwrbe  4dont  il  ae  nnnrrit  et  par  conséquent  4u  sol  où  a 
poonë  cette  faeiS)e.  En  engcaissant  un  chasnp  de  la  poudre 
d'os,  nous  Ini  Temioyensoe  qu'on  lui  ^  «enlevé  sous  forme  de 
<oin,d%erbe,iiei»lé,  de  navets.  Si  le  vrai  principe  de  l'e^o^rais 
tiil  été  «onnu,  l'intpvdnetion  «de  la  taire  d'os  n'aurait  pas 
tfttendu  4e  dix««eu!vîème  siède.  Ai^urd'huî  encore;,  parmi 
4ceox  qui  en  font  usage,  combien  peu  .ont  la  moindre  idée  de 
lamsoa  qm  fai  œwverfit  en  engrais  1 8  Uvjres  d'os  oooKeaneat 
^Mià^  dephnsphate  de  dbaux  qne  fc,000  Uvres  de.foin  ou  de 
paille,  et  2  li^esen  c(mttennent  autant  que  1,000  des  ipraina 
^e  Irament  et  d'avoine.  M  livres  de  poudre  d'os  appliquées 
â  ta  acre  de  terre  suffisent  pour  approvisionner  de  phosphate 
4e  dmux  trots  iiécoltes  de  firoment,  de  luzerne,  de  pommes 
^  ^enre,  de  navels,  ^c« 


Digitized  by 


Google 


2U-  NOUVELLE   CHIMIE  AGRICOLE. 

M.  Liebig  recommande  de  pulvériser  les  os,  de  les  malaxer 
avec  moitié  de  leur  poids  d'huile  de  vitriol ,  préalablement 
délayée  dans  trois  ou  quatre  parties  d'eau.  Après  une  macé* 
ration  plus  ou  moins  prolongée,  il  <aut  ajouter  100  parties 
d'eau  et  asperger  le  champ  de  ce  mélange  avant  le  labour. 
Par  ce  moyen,  les  phosphates  sq^t  amenés  à  un  état  soluble, 
et  les  acides  libres  sont  aussitôt  neutralisés  par  les  bases 
alcalines  du  sol,  produisant  des  sels  neutres  infiniment  sub- 
divisés et  éminemment  favorables  à  l'absorption.  M.  Liebig  a 
fait  l'expérience  sur  un  sol  formé  de  grauwacke,  et  assure  que 
c'est  là  une  méthode  parfaitement  sûre  et  heureuse,  autant 
pour  les  céréales  que  pour  les  herbes  potagères. 

C'est  ici  que  la  chimie  offre  ses  nombreuses  ressources  à 
l'agronome.  Dans  les  fabriques  de  gélatine  animale,  dit 
M.  Liebig,  on  perd  annuellement  plusieurs  milliers  de  quin- 
taux d'une  solution  de  phosphate  dans  l'acide  muriatique  ou 
hydrochlorique.  'Se  pourrait-on  pas  conserver  celte  solution 
au  lieu  de  la  jeter,  et  la  substituer  aux  os?  L'acide  hydrochlo- 
rique se  combinerait  avec  la  chaux  du  sol  et  formerait  un  sel 
qui,  comme  on  le  sait  déjà,  exerce  une  action  favorable,  pro- 
bablement comme  fait  le  plâtre,  par  la  fixation  de  l'ammo- 
niaque tombé  avec  les  eaux  pluviales.  11  est  très-imporlant 
pour  l'agronome  de  ne  pas  se  tromper  sur  lés  causes  qui 
produisent  les  effets  indiqués  comme  une  influence  spéciale 
de  certaines  substances.  On  sait  qu'elles  ont  cette  action  bien- 
faisante sur  la  végétation ,  on  sait  que  la  cause  en  doit  être 
qu'elles  contiennent  un  corps  ou  des  corps  qui,  indépendam- 
ment de  la  vertu  de  leur  forme,  de  leur  porosité  et  de  leur 
appétence  pour  l'humidité,  aident  aussi  à  conserver  raclivitê 
vitale  des  plantes.  Si  ce  mystère  est  abandonné  comme  impé- 
nétrable, si  on  jette  sur  la  science  le  voile  d'Isis,  on  ne  con- 
naîtra jamais  la  nature  de  l'aide  qu'on  en  reçoit. 

D'après  ce  principe  d'agriculture  qu'il  faut  rétablir  dans 
un  terrain  tous  les  principes  reproducteurs  qu'on  lui  enlève, 
peu  importe  que  cette  restitution  soit  faite  sous  une  forme  ou 
sous  une  autre  ;  le  temps  viendra  où  au  lieu  d'employer  comme 


Digitized  by 


Google 


NOUVELLE  CHIMIE  AGRICOLE.  S&5 

anjonrdliai  des  fumiers,  on  engraissera  les  champs  avec  une 
solution  de  liqueur  siliceuse  (silicate  dépotasse),  avec  la 
cendre  de  chaume,  avec  les  sels  de  Tacide  phosphorique 
préparés  dans  des  laboratoires  chimiques,  absolument  comme 
i  présent  en  médecine  on  a  remplacé  par  des  extraits  essen* 
tids,  c'est-i-dire  des  principes  chimiques,  plusieurs  médica- 
ments ordonnés  précédemment  en  nature.  Depuis  qu'on  sait 
qaei  est  le  principe  médicateur  de  l'éponge  calcinée,  du  quin- 
quina, de  l'opium,  on  n'administre  plus  ces  substances  aux 
malades  que  sous  forme  d'iode,  de  quinine,  de  morphine,  etc. 
Depuis  que  M.  Liebig  a  publié  son  traité  de  chimie,  il  a  su  que 
les  cendres  de  la  paille  avaient  été  depuis  longtemps  em* 
plojées  comme  engrais  des  terres  à  blé  dans  certaines  parties 
de  TAllemagne.  Mais  ceux  qui  s'en  servaient  ainsi  ignoraient 
la  cause  de  l'excellence  de  cet  engrais.  Ils  agissaient  empiri- 
quement :  cette  coïncidence  ne  prouve-t-eile  pas  qu'il  n'est 
guère  de  découverte  utile  que  la  pratique  n'ait  déjà  expliquée 
par  anticipation? 

^ous  insisterons  sur  ces  deux  principes  qui  nous  semblent 
découler  des  recherches  de  M.  Liebig  :  Puisque  chaque  plante 
n'extrait  du  sol  et  ne  retient  dans  sa  substance  que  les  ma- 
tières inorganiques  qui  sont  essentielles  à  son  développement, 
le  meilleur  engrais  pour  une  plante  doit  être  la  plante  elle- 
même  sous  forme  de  paille  ou  même  sous  celle  de  cendres. 
Noos  venons  de  citer  la  cendre  de  paille,  mais  ce  principe  doit 
avoir  une  application  universelle.  Les  pommes  de  terre,  par 
exemple,  ne  peuvent  être  mieux  fumées  qu'avec  les  cendres 
de  leurs  plantes,  qui  sont  singulièrement  riches  en  phosphate 
de  magnésie,  sel  caractéristique  de  la  pomme  de  terre.  Natu- 
tellement,  dans  ce  cas  comme  dans  tous  les  autres ,  toute 
cendre  contetiant  le  même  sel,  ou  une  source  du  même  sel, 
serait  employée  avec  avantage.  Nous  avons  pu  voir  le  résultat 
de  l'usage  du  phosphate  de  magnésie  pur  comme  engrais  pour 
ce  solanum,  et  nous  n'aurions  pu  imaginer  l'abondance  de  la 
récolte.  Eh  bien,  la  chimie  peut  aisément  produire  ce  sel  en 
quantités  suffisantes  et  à  bas  prix.  Nos  couches  de  carbonate 


Digitized  by 


Google 


su  NOirVSLLE  CHIMIB  AGBIGOUB. 

de  mafnésie,  qui  tontes  sont  généralement  nuîsitde» 
|9ia»tei,  non»  fourniraient  les  mayeos  d'angBotenter  presque 
sans  frais  nos  récoltes  de  pommes  de  terre. 

Quand  nous  réfléchissons  aussi  à  rimmense  importance  de 
)'aso4e  coraoïe  în(prédient  du  grain,,  et  quand  nous  nooftrap^ 
p(ak»a  qtte  le  crottin  de  choral  et  la  bouse  de  racbe  contien» 
tient  très-pea  de  cet  élément,  nous  voyons  combien  il  est 
esscniiei  de  ne  pas  dissiper  sans  discernement  les  engrais  li- 
qnides,  source  naturelle  de  cette  portion  d'azote  qui  doit 
s'i^onter  i  celle  qui  prorieni  de  l'atmosphère  pour  que  nous 
puissions  obtenir  de  riches  moissons.  Mais  une  sowce  plas 
abondante  encore  d'azote  se  trouve  dans  le  contenu  de  nos 
latrines  et  de  ces  égouts  qu'une  ignorance  barbare  bki  otfdî<* 
mûrement  jeter  à  la  mer. 

a  Quand  on  considère  qu'avec  chaque  livre  d'ammoniaque 
qui  s'évapore  on  perd  soixante  livres  de  blé,  et  qu'avee  dm» 
que  livre  d'urine  on  pourrait  produire  une  livre  de  pur  bvh 
ment,  on  ne  comprend  plus  l'indifférence  avec  laquelle  on 
tiaite  toutes  ces  choses,  n 

L'acide  urique,  le  plus  asoté  de  tous  les  produits  de.  l'éccH 
nomie  animale,  étant  soluble  dans  l'eau,  peut  être  absorbé 
par  les  racinéis  des  plantes,  et  dans  son  assimilation  donner 
naissance  à  de  l'oxalate,  à  du  prussiate  ou  à  du  carbonate 
d'ammoniaque^ 

Le  carbonate  d'ammoniaque ,  produit  par  la  putréfiadîon 
de  l'urine,  peut  être  fixé,  c'eslnà-dire  privé  de  sa  volatilité  par 
une  foule  de  moyens  :  aussi ,  en  saupoudrant  un  terrain  de 
plAtre,  et  en  l'arrosant  d'urine  putréfiée,  on  convertit  tout 
le  carbonate  d'ammoniaque  en  sulfiate  d'ammoniaque  qui  rea* 
tara  dans  le  soi.  On  peut  encore  faire  dispaiattre  l'akalîniti 
des  eaux  de  fumier  en  y  ajoutant  du  plâtre»  du  muriate  de 
chaux»  et  mieux  encore  du  phosphate  de  chaux  acide;  ce  qm 
transforme  le  carbonate  d'ammoniaque  en  sel  qui  ne  se  vola* 
tiliae  plus. 

L'ammottiaquequi  se  développe  dans  les  écuries  et  les  latrioea 
est  toujours  combinée  l'acide  cariMMiicpie.  Le  carbonate  d'an* 


Digitized  by  VjOOQLC 


N^UYSLU  CHIMIE  A&IUGOLS.  9k1 

ino«ia(iiieeile8iilfiM«  4e  chaux  se  décoioposaiit  p«r  leur  coa^ 
««ci  à  ht  tmopéraUire  ardioaire,  oa  désinfecte  lea  lieux  indin* 
qiiée  em  y  lépandant  du  plÂire,  (pii  non-^eidement  fuit  di^^ 
jinttare  VodMr,  lorâ  conserve  encore  ranunooiaque  ainsi 
%nk  poiif  les  besoins  de  Vagricultore. 

teiia  le  rapport  de  la  quantité  d'azote,  cent  parties  d'urin<i 
hunaine  équivalent  à  treize  cents  parties  de  crottin  de  cheval 
frais  et  à  six  cents  parties  de  bouse  de  vache  fraîche. 

L'efficacité  de  l'urine  conune  engrais  est  bien  connue  en 
Hsndre,  mais  elle  est  surtout  appréciée  par  les  Chinois,  la 
plus  anmn  peuple  agricole  du  inonde.  Tel  est  le  haut  pri)( 
sttacUen  Chine  aux  excréments  humains,  que  les  lois  y  d^ 
tindeot  de  les  jeter,  et  que  Yoa  place  daus  les  maisons  dea 
réservoirs  pour  les  recueillir  avec  le  plus  grand  ^iOi  C'est  la 
nul  eagpais  des  champs  de  blé. 

La  Chine  est  le  berceau  de  l'art  d'expérimenter.  Les  Ch^ 
aeia,  dans  leur  ardeur  d'expériences,  avaient  fait,  six  sièclai 
avant  nous,  des  découvertes  admirées  et  enviées  longtemps 
par  VBurope»  surtout  dans  la  teinture,  la  peinture,  la  &bri» 
que  des  porcelaines,  la  préparation  de  la  soie,  etc.  Ils  étaient 
arrivés  à  ces  découvertes  sans  le  secours  des  notions  scientifi- 
ques, car  leurs  livres  offrent  des  recettes  et  des  prescriptions 
pratiques,  mais  aucune  explication  théorique. 

Un  demi^siècle  a  suffi,  il  est  vrai,  aux  Européen^,  non-sen- 
IsoNuit  pour  égaler,  mais  encore  pour  surpasser  les  Chinois 
daas  les  arta  et  les  manufactures  ;  ce  qu'il  fisut  attribuer  4 
PapplieaCion  des  principes  exacts  fournis  par  l'étude  de  la 
chimie.  Hais  combien  l'agriculture  de  l'Europe  est  encore 
inférieure  à  celle  de  la  Chine!  Celle-ci  esta  peu  près  parfaite, 
et  pourtant,  dans  ce  pays  où  le  climat  des  provinces  les  plu; 
fiertiles  diffère  peu  du  nôtre,  on  attache  peu  de  prii^  aux  excréi- 
msols  udid0ê  des  animaux.  Ce  sont  les  excréments  liquides, 
en  efifet,  qui  présentent  la  plus  grande  valeur  comme  engrais 
noté. 

Si  nous  traitions  convenablement  les  richesses  de  nos  latri- 
nes; si  nous  les  mêlions,  par  exemple,  avec  des  cendres  con- 


Digitized  by 


Google 


2^8  NOUVELLE  CHIMIE  AGRICOLE. 

tenant  des  phosphates  et  avec  un  léger  excès  d'acide  en  dis- 
solution ,  pour  les  foire  sécher  ensuite  de  manière  à  épuiser 
Teau  sans  laisser  échapper  Tammoniaque,  nous  obtiendrions 
le  tout  exempt  d'odeur  désagréable,  et  sous  une  forme  qui  les 
rendrait  d'un  transport  fecile.  Ce  mélange  surpasserait  tous 
les  engrais  employés  jusqu'ici,  et  nous  vaudrait  les  récoltes 
les  plus  abondantes.  Dans  un  autre  demi-siècle,  nous  aurions 
laissé  bien  loin  l'agriculture  empirique  des  Chinois.  On  a  fiait 
déjà  sur  le  continent,  en  France  même,  des  essais  dans  ce 
genre;  et  quoique,  par  l'ignorance  des  opérateurs,  une  grande 
partie,  sinon  la  totalité  de  l'ammoniaque  des  matières  sépa« 
rées,  se  soit  perdue,  eh  bien,  l'engrais  ainsi  obtenu,  et  agi»* 
sant  par  ses  seuls  éléments  inorganiques,  a  produit  des- ré- 
sultats merveilleux. 

Nous  nous  estimerons  heureux  si ,  dans  cette  analyse  de 
l'ouvrage  de  M.  Liebig,  nous  avons  appelé  l'attention  des 
agronomes  sur  une  source  toute  nouvelle  d'améliorations  agri- 
coles :  un  jour,  la  statue  du  professeur  allemand  sera  cou- 
ronnée dans  toutes  les  fêtes  champêtres,  comme  celle  d'un 

autre  Triptolême. 

(Quaterly  Revi9w.)  {i) 

(1)  NoTB  DU  DIRECTEUR.  Nous  crojons  devoir  constater  ici  un  fait  re~ 
marquable  qui  vient  à  l'appui  de  la  théorie  du  professeur  Liebig. 

Longtemps  avant  la  publication  de  Touvrage  qui  fait  Tobjet  de  eel 
article,  un  petit  propriétaire  de  Provence,  Pierre  Jauffret ,  à  force  de 
petience  et  d'observations,  était  parvena  k  deviner,  en  quelque  sorte,  le 
mode  d'action  des  engrais,  tel  qu'il  est  eipliqué  par  le  professeur  alle- 
mand. 

Abandonnant  la  routine,  et  après  de  longs  et  nombreux  essais,  il  étail 
arrivé  à  pouvoir  faire,  à  volonté,  sans  bestiaux,  des  engrais  ëgaui  et 
même  supérieurs  aux  meilleurs  fumiers  d'étable«  et  à  les  modifier  suivant 
la  nature  des  plantes. 

Pierre  Jauffret  est  mort  au  moment  où  il  pouvait  espérer  retirer  quel- 
que  fruit  de  $tB  laborieuses  et  pénibles  recherches. 

Les  personnes  qui  désireraient  connaître  et  appliquer  sa  méthode 
trouveront  tous  les  renseignements  nécessaires  auprès  de  M.  Turrel,  pro- 
priétaire du  journal  Le  véritable  assureur  des  récoltes,  rue  Montorgueil, 
n«  53,  à  Paris. 


Digitized  by 


Google 


^commit  dorîair. 

COLONIES  PÉNALES  DE  LA  GRANDE-BRETAGNE. 
EXCURSION  A  PORT-ARTHUR. 


LA  TlATiaSÉI.  ~  LA  BAIB  DB  PlléD<BIC-BBN1lT  BT  CBLLB  DB  NORFOLK.  — 
GBnn  DB  BOIS.  —  FOUT-ARTHUB.  ~  aSPBCT  DBS  DÉPORTA.  —  MAHIÈRB 
DOKT  ILS  PRBRNBNT  LBURS  RBFAS.  ^  LBCR  R^IMB.  —  LBS  CABANONS.  -^ 
DiPOIlis  CBARTISTBS.  —  STATION  DES  JEUNES  DÉPORTés.  —  ATELIERS.  — 
l'iLB  DES  MORTS.  —  ÉCOLES  —  UN  MEURTRIER.  —  LE  DOCE.  —  AVENTURE 
DU  CAPITAINE  BOOTH  DANS  LES  BOIS.  —  LES  DIVERSES  ESCOUADES.  —  OBJEC- 
TTOKS  CONTRB  LBS  COLONIES  PÉNALES.  —  LBS  ILES  FALELAND.  —  AVENIR 
DB  U  GOLONIB  DB  PORT-ARTHUR.— BNTRBTUB  AVEC  PROST  LB  CHART1STB. 


Port-Arthur,  pénitencier  de  la  terre  de  Van-Diemen,  a  servi 
de  texte  à  une  foule  de  mensonges,  ou,  du  moins,  à  des  rap- 
ports inexacts.  Cest  un  établissement  dont  l'organisation  est 
pea  comprise  même  dans  cette  colonie,  et  par  conséquent  i 
peu  près  inconnue  du  public  anglais.  La  description  que  j'en 
donnerai  ne  peut  donc  manquer  d'intérêt,  mais  elle  aura  sur- 
tout le  mérite  d'être  authentique. 

S.  Ex.  sir  John  Franklin  se  fait  une  règle  dans  son  admi- 
nistration d'accorder  toutes  les  facilités  possibles  pour  les 
renseignements  ;  j'ai  donc  obtenu  sans  peine  du  secrétaire  de 
la  colonie  un  permis  de  visite,  ainsi  que  mon  passage  sur  un 
des  bâtiments  du  gouvernement  colonial.  En  outre,  Son  Ex- 
cellence a  bien  voulu  me  donner  une  lettre  de  recomman- 
dation, écrite  de  sa  main,  pour  le  gouverneur  de  Port-Arthur. 
H'étant  ainsi  procuré  le  moyen  de  remplir  l'objet  de  mon 


Digitized  by 


Google 


850  EXCURSION  A  PORT-ARTHUR. 

voyage,  je  me  suis  embarqué  le  6  janvier  i8k%  un  mercredi 
soir,  à  bord  du  schoonerr^^/zA,  capitaine  Harburg. 

Ce  schooner  est  un  joli  bâtiment  de  cent  cinquante  ton- 
neaux. Il  a  été  construit  à  Port-Arthur  en  1835  pour  la  double 
destination  que  voici  :  servir  de  yacht  de  plaisance  à  sir 
Georges  Arthur,  et  croiser  autour  de  Ttle  afin  de  poursuivre 
tous  les  déportés  qui  chercheraient  à  s'enfuir  sur  des  navires 
de  la  colonie.  Nous  avions  plusieurs  passagers,  un  'détache- 
ment du  16"*  régiment,  et  en  outre,  une  cargaison  de  déportés 
arrivant  d'Europe  et  destinés  à  diverses  stations. 

Le  matin  du  jour  suivant,  vers  les  quatre  heures,  nous 
levâmes  Tancre,  et  à  la  faveur  d'une  jolie  brise  qui  soufflait 
de  terre  nous  œtmes  à  la  voile.  La  barque  le  lord  G^derich^ 
Sfttit  déposé  A  Port*Arthur  sa  cargaison  de  déportés,  deaoan- 
dit  la  rivière  de  conserve  avec  nous.  Il  feisait  une  de  ees 
délicieuses  matinées  qui  enchantent  le  cœur  et  les  sens.  Les 
hauteurs  dont  la  contrée  est  accidentée  se  coloraient  aux 
rayons  du  soleil  levant.  Le  paysage,  encore  humide  des  der- 
nières pluies»  étalait  une  riante  verdure.  Vers  les  huit  heures 
du  matin,  le  vent  fraîchit  et  souffla  de  la  mer;  ce  qui  nous 
obligea  de  louvoyer  et  de  courir  des  bordées  afin  de  doubler 
le  Pot'de-Fer  et  les  Iles  de  Betsey .  Deux  heures  se  passèrent  de 
la  sorte;  après  quoi  r£/ûa  put  courir  veat-^arrière,  poussé 
par  une  brise  qui  augmentait  rapidement  de  force  et  tempé- 
rait l'ardeur  brûlante  du  soleil.  Les  points  de  vue  les  plus 
agréables  s'offraient  successivement  à  nos  yeux.  L'eau  était 
transparente  comme  un  miroir.  Aucun  nuage  n'interceptait 
l'azur  du  ciel.  A  mesure  que  nous  avancions,  les  sables  du 
rivage  semblaient  glisser  derrière  nous,  le  vent  murmurait 
doucement  dans  le  feuillage  des  arbres,  l'air  était  chargé  d^ 
parfums  :  tout  dans  la  nature  était  joie  et  harmonie, 

La  brise  continuant  de  fraîchir»  nous  diminuâmes  de  voilep 
pour  longer  les  côtes  de  la  baie  de  Frédéric-Henry.  Ces  c6tas 
présentent  un  caractère  de  grandeur  qui  rappelle  celles  do 
Loch  Linhe  en  Ecosse.  Elles  ont  avec  ces  dernières  quelqui» 
points  de  ressemblance  ;  cependant  les  montagnes  de  l'AttS* 


Digitized  by 


Google 


BXGOBSION  A  POmT-AVraUR.  SU 

tralie  diffèrent  des  rochers  nus  et  arides  de  la  poétique  Hor* 
yen  en  ce  quelles  s'élèvent  et  s'abaissent  par  de  gracieuses 
ondidalîons.  Elles  ne  sont  point  éternellement  tiattues  des 
tempêtes  comne  les  monts  de  TÉcosse.  Elles  n*ont  point  de 
eeis-ei  1^  escarpements  sauvages»  la  sombre  majesté.  Elles 
sont  à  leors  flancs  et  à  leur  sommet  revêtues  d'arbres  touffu 
cpn  lenr  donnoat  un  air  de  gaieté,  et  illuminées  par  ce  soMl 
fespkendissant  dont  les  pics  glacés  du  nord  ne  connaissent 
pas  la  féconde  influence. 

Noos  longeâmes  l'Ile  Slopen,  et  aperçûmes  dans  le  lointain 
Pîtt-Waler  et  le  Carleton.  Un  peu  après  midi  nous  entrâmes 
dans  ccAle  mer  intérieure  qui  est  enfermée  comme  un  lac»  et 
que  le  capitaine  Flinders  a  appelée  la  baie  de  Norfolk.  La  vue 
que  aons  avions  de  tous  les  côtés  était  magnifique.  En  £&ce 
8*étendait  une  immense  nappe  d'eau  salée,  au  bout  de  laquelle 
•e  dressait  une  de  ces  montagnes  gradeusanent-  arrondies 
en  forme  de  pain  de  sucre»  qui  sont  si  communes  dans  la 
Tansmanie.  Nous  étions  placés  au  centre  d'un  panorama  qui 
cbangeait  à  chaque  minute  :  les  collines  succédaient  aux  col* 
lines»les  vallées  aux  vallées;  c'étaient  tantôt  de  petits  golfss 
qui  se  creusaient  dans  les  terres»  tantôt  des  caps  qui  sem* 
blaint  s'avancer  au-devant  nous.  En  un  mot,  cette  variété 
d'horiaons  était  la  chose  du  monde  la  plus  agréable;  les  der- 
niers nous  paraissaient  toujours  les  plus  pittoresques.  Peu  de 
tableaux  méritent  d'étfe  comparés  à  celui-là.  Les  eaux,  le« 
bois»  les  montagnes  et  les  vallons  composaient  un  ensemble 
parEût  :  nous  ne  pouvions  en  détacher  nos  regards. 

Nous  débarquâmes  nos  déportés  dans  plusieurs  stations 
qni  sont  pour  eux  des  lieux  d'épr^ves  préparatoires.  Comme 
J'aurai  plus  tard  l'occasion  d'y  revenir,  je  m'abstiendrai  d'en 
parier  id.  A  rapproche  de  la  nuit,  nous  jetâmes  l'ancre  prêt 
de  riie  Woody»  au  fond  de  la  baie  de  Norfolk.  La  soirée  fut 
digne  d'un  jour  sî  bean.  Le  coucher  du  soleil  nous  présenta 
OB  speotade  d'one  splendeur  et  d'un  édat  tels  que  les  régione 
tropicales  eUes^mâmes  offrent  à  peine  quelque  chose  de  pareil* 
Kien  de  doux,  rien  de  «ave  comme  la  matinée  du  lendemain» 


Digitized  by 


Google 


EXCURSION  A  PORT-ARTHUR. 

Notre  navire  flottait  sur  des  eaux  pures  et  tranquilles;  la 
terre,  rafraîchie  par  la  rosée  de  la  nuit,  souriait  au  soleil  levant. 
Aucun  bruit  ne  s'élevait  du  rivage  ;  il  y  régnait  un  repos  ma- 
gique. En  voyant  ce  calme  profond,  cette  scène  paisible, 
comment  se  fût-on  imaginé,  si  on  ne  l'avait  pas  su,  que  cette 
terre  aimée  du  ciel  était  le  réceptacle  d'une  foule  d'hommes 
perdus  de  crimes  ?  Nous  eussions  voulu  bannir  cette  idée  qui 
s'accordait  si  mal  avec  le  tableau  que  nous  avions  sous  les 
yeux.  Et  cependant,  quelque  propre  qu'il  soit  à  faire  naître 
chez  tous  ceux  qui  le  contemplent  un  sentiment  de  pieuse 
reconnaissance  pour  le  Créateur,  ne  doit-on  pas  l'admirer 
plus  encore  en  songeant  qu'il  contribue  pour  beaucoup  à 
l'amélioration  des  misérables  que  l'Angleterre  déporte  dans 
cette  contrée?  Un  jour  viendra  où  ces  convicts  composeront 
une  population  active,  industrieuse,  morale,  et  où  le  spectacle 
de  la  dégradation  de  l'homme  n'attristera  plus  un  des  plus 
beaux  pays  qui  soient  sous  le  ciel. 

A  neuf  heures  du  matin  nous  dîmes  adieu  à  VEUza,  et  nous 
primes  terre  sur  la  jetée  qui  est  construite  au  fond  de  la  baie 
de  Norfolk.  De  là  part  un  chemin  tout  semblable  à  nos  che- 
mins de  fer  ;  seulement  les  rails  sont  formés  d'un  bois  très- 
dur.  Le  chemin  en  question  traverse  un  espace  de  cinq  milles 
anglais,  et  fournit  un  moyen  rapide  de  communications  entre 
la  baie  de  Norfolk  et  Long-Bay.  C'est  le  capitaine  Booth  qui 
en  a  conçu  l'idée,  et  jamais  ouvrage  ne  fut  plus  utUe.  II 
abrège  la  distance  qui  sépare  Hobart-Town  de  Port-Arthur, 
et  l'on  y  voyage  en  sûreté  pendant  la  mauvaise  saison,  alors 
que  la  mer  est  impraticable.  Il  arriva  au  capitaine  Booth  ce 
qui  est  arrivé  à  tous  les  hommes  d'un  génie  supérieur;  il  eut 
à  lutter  contre  les  préjugés  et  l'ignorance.  On  se  moquait  de 
son  entreprise;  on  annonçait  tout  haut  qu'elle  échouerait. 
Le  capitaine  Booth  possédait  la  confiance  du  gouverneur  :  il 
ne  se  laissa  point  intimider  par  ces  fâcheux  pronostics,  et  il 
força  à  la  fin  ses  détracteurs  à  lui  rendre  justice  et  à  l'admirer. 

Le  chemin  qu'il  a  tracé  suit  les  mouvements  du  terrain.  La 
£acilité  des  descentes  compense  le  travail  des  montées.  On  n'y 


Digitized  by 


Google 


EXCURSION  A   PORT-ARTHUR.  253 

Toit  ni  chevaux,  ni  bœufs,  ui  locomotives  à  vapeur.  Les  dé- 
portés y  suppléent;  ce  sont  eux  qui  poussent  les  wagons. 
Chaque  wagon,  contenant  à  peu  près  un  demi-tonneau  de 
marchandises,  est  attelé  de  trois  hommes;  ces  malheureux 
ont  Élit  souvent  en  une  seule  journée  trois  fois  l'aller  et  le 
retour,  c'est-^àrdire  qu'ils  ont  parcouru  trente  milles,  et  que 
chaque  homme  traîne  un  demi-tonneau  par  voyage.  Certes, 
c*est  un  spectacle  révoltant  que  celui  que  présentent  ces 
pauvres  gens  réduits  à  la  condition  de  bétes  de  somme  ;  il  est 
affreux  de  les  voir  inondés  de  sueur,  haletants,  les  muscles 
tendus,  les  veines  du  visage  gonflées  par  Texcès  de  la  fatigue. . . 
Mais  quoi  i  interrogeons  nos  souvenirs  :  nous  nous  rappelle- 
rons qu*il  existe  en  Irlande  et  en  Angleterre  des  millions 
d'boiDffles  libres  assujettis  à  des  travaux  non  moins  rudes  et 
non  moins  humiliants.  Il  suffit  de  mentionner  les  mineurs, 
les  ouvriers  des  docks  et  des  ports,  et  tant  d'autres.  Quoi 
qu'il  en  soit,  et  en  dépit  de  tous  les  raisonnements,  ce  spec- 
tacle choque  et  révolte. 

Vers  midi,  le  major  Roberston,  M.  Holman  et  moi,  nous 
longeâmes  à  pied  la  chaussée.  Nous  n'y  vîmes  aucun  convoi 
de  wagons;  il  parait  qu'à  cette  heure  de  la  journée  les  con- 
victs  de  la  station  conduisaient  aux  mines  de  houille  le  capi- 
taine Sulivan,  commandant  du  sloop  de  Sa  Majesté  la  Favorite^ 
et  sa  suite.  Arrivés  à  Long-Bay,  les  soldats  s'embarquèrent 
avec  leur  bagage  dans  une  chaloupe.  Quant  à  nous,  nous  prî- 
mes un  joli  bateau  de  pèche  à  quatre  rames,  et  après  une 
traversée,  nous  entrâmes  dans  le  vaste  bassin  de  Port-Ar- 
thur. 

A  l'aspect  de  cette  ville,  des  exclamations  d'étonnement 
nous  échappèrent;  nous  la  contemplions  d'un  œil  ravi.  Quoil 
c'est  là  le  Pandemoniuml  disions-nous;  c'est  là  qu'on  dépose 
les  plus  teiribles  criminels  1  Cette  baie  gracieuse,  ces  nobles 
bassins,  cet  ancrage  excellent,  qu'on  peut  utiliser  de  tant  de 

façons,  tout  cela  appartient  à  un  pénitencier l En  effet, 

nous  voyions  flotter  près  de  nous  le  navire  la  Lady  Franklin^ 
de  210  tonneaux,  et  à  une  demi-encâblure  plus  loin,  le  sloop 


Digitized  by 


Google 


25fc  EXCUBSIOH   A   FORT-AmTHCm. 

Ht  Sa  Majesté  fai  Fcitorite,  de  18  canom,  )equ^  devnt  être  Ta- 
doabé  enttèrement. 

Nons  débarqniiwes  an  quai  du  Commissariat;  nonsy  troa- 
Times  M.  Carte,  inspecteur  des  dépwtés;  et  grftoe  à  son  in- 
leirention,  mms  pftmes  à  finstant  même  remettre  nos  lettres 
an  gouvemenr.  Le  capitaine  Boolh  nons  reçnt  avec  une  nr- 
hanité  exqnise.  H  nons  présenta  à  sa  femme ,  et  nons  toTtta 
obligeamment  à  nous  loger  chez  lui  :  nous  acceptâmes  cette 
t)flTe  avec  beanconp  de  joie,  car  îl  n'existe  à  Port-Artlinr  ni 
Mtel,  ni  maison  menblée,  ni  ancun  lien  puMic. 

Le  lendemain  était  nn  dimandie.  Bès  que  nous  eâmes  dé- 
jenné,  nons  partîmes  pour  assister  à  la  revue  que  Ton  dit  des 
déportés  avant  qnlls  se  rendent  à  Tég^isc.  Nons  les  Irovvl- 
mes  rangés  sur  trois  lignes,  formant  «ntant  de  divisions  sé- 
parées ;  les  inspecteurs  [déportés  eux-mêmes)  étaSenl  [riacés  & 
la  queue.  Ces  malheureux  étaient  vêtus  d'une  veste  jannesurla- 
quéneètaient  marquéesleslettresP.A.  en  jaune  eten  noir,  ainsi 
que  leur  numéro  d'ordre.  L'expression  de  leur  visage  était 
sinistre  et  repoussante  :  c'est  à  peine  n,  parmi  eux,  on  re- 
marquait nne  physionomie  ouverte.  A  la  manière  dotA  ils 
nous  regardaient,  on  eftt  dit  qu'ils  supputaient  dans  leur 
pensée  ce  qu'ils  espéraient  tirer  de  nous.  Le  crime  et  «es  fu- 
nestes conséquences  se  faisaient  lire  sur  toutes  ces  figures 
marquées  du  sceau  de  la  réfMt>bation.  Saisis  de  dégodrt  et  de 
pitié,  nous  détournâmes  les  yeux.  L'inspection  achevée,  les 
€onvicts  s'acheminèrent  vers  l'église  en  observant  nn  profond 
silence.  Nous  les  suivîmes.  Un  détachement  de  soldais,  ayant 
les  armes  chargées,  stationnait  sur  la  place,  prêt  à  faire  feu  au 
premier  signal.  La  présence  de  «cette  feroe  armée  Matt  a  la 
solennité  nne  partie  de  son  caractère  religieux.  On  remarquait 
parmi  les  assistants  les  matelots  et  les  ofBciers  dn  sloop  fa 
Favorite.  Leurs  figures  mâles,  on  respiraient  la  gaieté  et  la 
franchise,  contrastaient  avec  la  face  humiliée  et  Tair  abject 
des  eonvicts.  Le  service  divin  fut  célébré  par  un  de  nos  com- 
pagnons de  traversée,  le  révérend  M.  Simpson.  Le  respecta- 
We  ministre  profita  de  l'occasion  pour  solliciter  la  charité  des 


Digitized  by 


Google 


£XCrBSI01f  A  PORT-AKTHCR.  SSS 

Sdèlcs  en  faveur  des  écoles  de  rétablissement,  ayant  soin  de 
hire  remarquer  que,  comme  l'argent  était  une  chose  très-rare 
dans.la  colonie,  le  moindre  don  pécuniaire  serait  reçu  avec 
enpressement.  Ce  langage  choqua  un  certain  nombre  de  per- 
mîmes rigoristes,  qui  ne  le  trouvèrent  point  digne  de  la  chaire; 
inaîs  on  fexcusa  à  cause  de  l'intention. 

Lèglise  de  Port-Arthur  est  un  édifice  beau,  spacieux,  et 
t»nstruiten  pierres  de  taille.  H  a  la  forme  d'une  croix,  et  il 
tst  surmonté  d'une  tour  munie  de  cloches;  l'intérieur  en  est 
simple,  maïs  propre,  et  disposé  pour  contenir  au  moins  deux 
Aine  personnes.  H  n'y  a  point  d'orgue;  on  s'est  contenté  de 
thoîsirpanni  les  déportés  quelques  hommes  ayant  de  la  voix; 
tm  en  a  formé  un  chœur,  et  ils  chantent  les  psaumes  sacrés 
de  manière  à  produire  beaucoup  d'effet.  Jusqu'à  présent,  ao- 
tm  ministre  de  l'église  presbytérienne  d'Angleterre,  ayant 
qualité  officielle,  n'a  résidé  à  Port-Arthur,  et  les  cérémonies 
religieuses  ont  été  célébrées  par  ces  chrétiens  qu'anime  un 
«ète  infatigable,  les  méthodistes  vesleyiens.  Maintenant, 
M.HanleB  est  considéré  comme  le  pasteur  évangéliqnedela 
coli^ie;  c'est  un  homme  qui,  après  avoir  rempli  ces  fdnctwHw 
Importantes  dans  l'î'IabKssement  aujourd'hui  abandonné  de 
Port-Macquarie,  continue  sa  pieuse  mission  à  Port-Arthur, 

L«  service  terminé ,  nous  suivîmes  le  commandant  à  l'en- 
droit oè  se  préparent  les  aliments  destinés  aux  eonvieU,  C'est 
tt  qu'on  leur  distribue  leurs  rations  respectives.  La  manière 
dont  on  procède  mérite  d'être  mentionnée.  Les  parts,  nu  nom- 
bre de  vingt-six  à  trente,  sont  portées  dans  les  salles  du 
pénitencier,  suivant  la  contenance  de  celles-ci.  Deux  délégnés» 
i  tour  de  WMe,  sont  chargés  de  recevoir  les  rations  et  de  les 
distnbuer.  Ils  les  rangent  sur  une  table  A  laquelle  les  dépertës 
viennent  s'asseoir  :  chaque  homme  prend  et  mange  la  part 
qui  est  placée  devant  lui.  La  règle  ordonne  qu'ils  h  mangent 
sans  en  rien  laisser.  Cette  mesure  a  pour  but  d'empêcher  qae 
les  convitls  cachent  leurs  aliments  afin  d'en  Caire  provision. 
On  y  tient  la  nnin  avec  un  rigueur  extrême.  Manger  quoique 
ce  sort ,  et  n'importe  sous  ^piel  prétexte,  hors  des  heiaes 


Digitized  by 


Google 


356  EXCURSION  A  PORT-ABTUUR. 

prescrites ,  est  un  délit  qu'on  punit  sévèrement.  La  défense 
•s'étend  même  au  poisson  que  l'on  pèche  et  au  gibier  que  Ton 
attrape. 

La  nourriture  des  convicts  est  non-seulement  abondante, 
mais  encore  substantielle.  Elle  consiste  en  soupe  excellente, 
en  bon  pain  de  froment,  en  viande  de  bœuf ,  de  mouton  ou 
de  porc.  J'ai  goûté  de  ces  aliments  et  je  me  suis  assuré  de  leur 
qualité.  Combien  de  laboureurs  en  Angleterre,  combieD 
d'honnêtes  ouvriers  s'estimeraient  heureux  s'ils  avaient  an 
ordinaire  aussi  comfortablel  Les  convicts  à  leur  déjeuner  et  à 
leur  souper  ont  un  morceau  de  pain  et  une  mesure  (  une  pinte] 
de  skilley  ;  on  appelle  ainsi  de  l'eau  dans  laquelle  on  a  foit 
bouillir  une  petite  quantité  de  farine.  Leurs  vêtements  sont 
en  laine;  cette  laine  est  teinte  en  jaune  ou  moitié  jaune  et 
moitié  blanc.  Chaque  individu  est  fourni  de  deux  habillements 
complets,  de  deux  chemises  et  de  deux  paires  de  souliers.  Ces 
effets  doivent  durer  une  année. 

Les  habitations  destinées  aux  déportés  sont  propres,  saines, 
bien  aérées  ;  on  en  blanchit  souvent  les  murailles,  ils  couchent 
dans  des  lits  séparés.  La  literie,  qui  est  suffisante,  est  roulée 
pendant  le  jour.  Dans  la  première  salle  où  nous  fûmes  intro- 
duits, nous  trouvâmes  Jones,  cet  horloger  chartiste  dont  le 
procès  a  fait  quelque  sensation  à  Londres.  Il  remplissait  les 
fonctions  de  surveillant ,  et  distribuait  les  vivres  à  une  dou- 
zaine de  ses  compagnons,  lesquels  composaient  la  chambrée. 
Jones  prononça  les  grâces  ;  lui,  qui  à  son  arrivée  se  montrait 
dissipé,  arrogant  et  licencieux,  il  se  distingue  maintenant  par 
son  esprit  d'ordre  et  sa  docilité.  Pour  opérer  ce  changement, 
quelques  représentations  ont  suffi.  Il  a  su  mériter  les  fonctions 
dont  il  est  investi.  Lorsqu'il  n'est  point  employé  aux  ouvrages 
de  sa  profession,  il  travaille  dans  la  boutique  du  cloutier. 

Le  chartiste  William  est  aussi  un  des  déportés  au  Port-Ar- 
thur. Il  avait  débuté  par  affecter  les  manières  et  le  langage 
d'un  homme  repentant  et  paisible,  et  comme  il  possédait  cer- 
taines connaissances  spéciales,  on  Tavait  employé  à  l'exploi- 
tation des  mines  de  houille.  Là»  il  réussit  à  embaucher  quel- 


Digitized  by 


Google 


EXCURSION  A  POKT-ARTHCR.  257  . 

qnes-ans  de  ses  compagnons,  et  il  construisit  une  barque  au 
moyen  de  laquelle  il  s*échappa  de  la  colonie  où  il  était  tombé 
une  seconde  fois  au  pouvoir  des  agents  du  gouvernement.  Il 
fiit  renvoyé  à  Port-Arthur.  On  le  dépeint  comme  un  homme 
méchant  et  déterminé.  Quelques-uns  de  ses  compagnons  d'in- 
vasion ne  furent  pas  repris  immédiatement.  Pendant  le  peu 
de  jours  que  dura  leur  liberté,  ils  commirent  un  meurtre,  et 
ce  nouveau  crime  fut  cause  qu'on  les  condamna  à  mort.  Ils 
furent  exécutés.  Si  William  ne  les  eût  point  détournés  de  leur 
devoir,  une  fin  aussi  triste  leur  eût  peut-être  été  épargnée. 

Des  salles  du  pénitencier  nous  nous  rendîmes  aux  caba- 
nons. Les  malheureux  qui  y  sont  détenus  n'ont  pour  toute 
nounrfture  que  dû  pain  et  de  l'eau.  Nous  trouvâmes  dans  une 
de  ces  cellules  un  jeune  homme  de  dix-huit  ans  coupable  d'un 
meurtre.  Il  en  sera  question  plus  loin.  Nous  vîmes  dans  une 
autre  un  conyict  qu'on  y  avait  renfermé  parce  qu'il  cherchait 
continuellement  à  s'évader.  Quelque  temps  auparavant  on 
l'avait  rattrapé  mourant  de  faim  et  exténué  de  fatigues. 
Transporté  à  l'hôpital,  il  s'était  rétabli  non  sans  beaucoup  de 
peine.  £h  bien  ,  il  n'eut  pas  plus  tôt  recouvré  la  santé  qu'il 
recommença  ses  vaines  tentatives. 

Des  cabanons  nous  passâmes  à  l'hôpital.  Ce  fut  là  que  s'of- 
frirent à  nous,  dans  toute  leur  horreur,  les  funestes  consé- 
quences du  crime.  Là  était  confiné,  sur  un  lit  de  souffrances, 
Savary,  ce  raffinenr  de  Bristol  dont  on  a  tant  parlé,  cet  homme  • 
qui,  appartenant  à  une  famille  distinguée  et  jouissant  lui- 
même  de  l'estime  de  ses  concitoyens,  semblait  né  pour  un 
sort  plus  heureux  !  On  n'a  peut-être  pas  oublié  qu'en  1825  il 
fut  accusé  du  crime  de  faux.  Savary,  d'après  les  conseils  d'un 
magîstratde  Bristol,  se  reconnut  coupable,  et  quoique  le  juge 
GJflbrd  le  pressât  vivement  de  se  rétracter,  il  persista  opi-  < 

niàtrément  dans  son  système  de  défense.  Son  crime  ayant 
eu  lieu  très-peu  de  temps  après  le  procès  de  Fauntleroy,  il 
fiit  condamné  A  mort.  Toute  la  ville  croyait  fermement  qu'il 
serait  exécuté.  Cependant  il  obtint  une  commutation  de  peine. 
On  l'envoya  à  la  terre  de  Van-Diemen  comme  déporté  à  vie, 

5*  SÉRIE.  —  TOME  XI.  17 

Digitized  by  VjOOQ  IC 


tB8  «XCfJUSIlMr  ▲  PO&T^ARTHUR. 

et  il  fut  employé  dans  les  bureaux  en  qualité  d'expéditîoa- 
oaire.  Sa  femme,  qu'il  ayait  laissée  à  Bristol  et  qui  Taimait 
tendrement,  voulut  partager  sa  destinée.  Elle  s'embarqua  pour 
le  rejoindre,  mais  )e  bâtiment  oi  elle  avait  retenu  son  paaaage 
te  brisa  eontra  le  Aee,  à  Plymeutb.  Bien  que  Mrs.  Sctvary  eAt 
TQ  la  mort  de  près ,  elle  partit  sur  un  autre  navire  :  cette  fois, 
.  elle  fit  une  heureuse  traversée,  liais  il  paraît  que  sa  présanoe, 
loin  de  contribuer  à  la  tranquillité  domestique  de  son  mari,  la 
détruisit  eomplétement.  Savary  a  pris  soin  lui-même  de  nous 
raconter  ses  querelles  conjugales  dans  son  ouvrage  intitulé 
Quintug  S^rvinton^  qui  fut  publié  à  Hobartr*Tovn  en  1830. 
Futi-ce  par  suite  de  ces  qu^elles  que  ce  malheureux,  dans  un 
accès  de  folie,  essaya  de  se  tuer  en  se  coupant  la  gorge  ?  On 
me  sait.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  blessure  n'était  pas  mortelle,  et 
des  secours  donnés  à  temps  le  rappelèrent  à  la  vie. 

Peu  de  temps  après,  sa  femme  et  son  enfont  retournèrent 
en  Angleterre.  Savary,  ayant  lui-même  obtenu  plus  tard  une 
autorisation,  s'établit  fermier,  puis  fit  banqueroute,  puis  eut 
encore  une  fois  recours  à  des  faux,  puis  fut  jugé,  condamné 
et  soumis  aux  épreuves  de  Port-Arthur.  Il  y  a  d^à  eu  une 
attaque  de  paralysie  qui,  avant  peu  temps,  ternineni  sa 
-barrière  ai  agitée.  On  prétend  que  l'aspect  du  vice  oonvertit 
au  bien  eeux  qui  étaient  endins  au  mal.  Le  feit  est  que  ]'ai 
eontemplé  avec  un  mélange  de  pitié  et  d'horreur  ee  malben- 
reux  dont  la  blessure  était  à  peine  cicatrisée,  et  dont  le  regajrd 
terne  et  dépourvu  d'intelligence  ne  sewMait  plus  appartewr 
i  un  habitant  du  monde.  J'auraia  voulu  que  les  ecmEqfdicea  de 
aa  vie  criminelle  pussent  avoir  devant  les  yeux  ce  specti^le; 
ils  y  auraient  trouvé  un  grave  et  salutaire  enseignement. 

Moua  nous  embarquAmes  ensuite  dana  un  bateau  monté  de 
aix  rameurs,  et  nous  travers&mes  la  baie  pour  nous  rendre 
nu  Poimt^Pwr,  C'est  là  que  Ton  garde  les  jeunes  enfante  dé- 
portés, lia  étaient  en  ee  moment  occupés  à  apprendre  et  i 
répéter  leur  catéchisme.  Nous  r^oonlr&mes  en  ee  lieu  le 
lieutenant  Flyon,  de  la  marine  royale,  celui  qui  déposa  autre- 
ioiis  comme  témoin  dans  le  procès  de  la  reine  Caroline.  Cette 


Digitized  by 


Google 


SXCEJBSlOli  A  POBT-ARTHUK.  IM 

roine-priiicesse  lui  avait  fait  donner  l'ordre  de  Saiot-Ferdi- 
aiDd,  troisiènie  classe.  Plu»  tard  ce  personnage  fut  convaincu 
de  box  et  envoyé  4  Port-Arthur.  Depuis  son  arrivée  dans  la 
colonie,  il  a  reçu  des  lettres  portant  cette  suscription  :  À 
mr  Jokm  Fttfnn. 

Les  salles  où  couchent  les  convicts  sont  édairées  pendant 
toiiie  la  nut.  Ceux-ci  ne  savent  jamais  à  quelle  heure  et  par 
qsi  la  ronde  sera  Esite.  Nous  accompagnâmes  le  commandant 
pendant  une  de  ces  inspections  nocturnes.  Il  était  dix  heures 
Al  soir.  Nous  pareonrAmes  plusieurs  salles.  Dans  Tune  d'entre 
riles  «ne  légère  odeur  de  tdMC  était  répandue.  Or  il  est  ex* 
]pTessénient  défendu  aux  déportés  d'avoir  du  tabac  en  leur 
possenion.  C'est  pourquoi  on  signifia  à  toute  la  chambrée  que 
kg  bommea  qui  la  composaient  seraient  punis  s'ils  ne  dénou'^ 
€»ent  point  le  fumeur  ou  si  lui-même  ne  se  dédarait  pas.  Le 
coupable  étant  resté  inoomm,  tous  tes  homme  de  la  chambrée 
fareat  min  an  cachot. 

Od  ae  saurait  nsarcher  dans  les  rues  de  la  ville  après  la  nnîl 
fènnèe  sans  être  arrêté  à  chaque  pas  par  des  sentinelles  qui 
fxigeai  que  Ton  r^nde  au  mot  d'ordre.  Le  commandant 
hu-méme,  s*il  avait  onUié  le  mot  du  guet,  serait  consigné  an 
poste  le  plus  voisin.  Les  soldats  ont  toiqours  leurs  annoa 
chargées.  Ils  occupent  les  points  prindpaax  du  pénitencier  : 
(Mitre  cette  précaution  et  celle  des  rotides  fréquentes  qui  ont 
heu,  teHe  est  la  sévérité  de  la  disciplitte,  telle  est  la  aorvefl- 
hnce  qne  l'oa  exeree  constamment,  telle  est  surtout  la  défiance 
qieles  déportés  ont  les  unscontre  les  autres^  que  toute  oonspi* 
tatien,  toute  tentatire  de  révolte  est  impossible.  Nous  dor- 
mîmes  en  parfaite  aéeurité  dans  une  maison  dont  les  fenêtres 
n'élaîat  défendues  ni  par  des  rolets  ni  par  des  contrevents. 

La  matinée  suivante,  nous  visitâmes  les  ateliers  desjeonea 
détenus.  Six  i  sept  cents  enfieuits  y  sont  employés  et  apprennent 
le  moyen  de  gagner  hoaoïêtenient  leur  vie.  Quand  ils  entrent 
dans  rétabiîsaement,  on  commence  par  leur  enseigner  A  ma* 
nier  la  bêche,  le  pie  et  la  piodie.  On  leur  assigne  un  coin  de 
terre  qu'ils  défrichent,  qu'ils  sarclent,  nettoient,  et  où  ila 


Digitized  by 


Google 


260  EXCURSION  A  PORT-ABTHUB. 

plantent  des  pommes  de  terre,  des  choux,  des  navets  et  aatres 
égùmes.  Lorsque,  pendant  un  certain  espace  de  temps,  ils 
se  sont  distingués  par  une  conduite  régulière,  on  leur  permet 
d'exercer  un  métier  et  on  leur  donne  &  choisir  entre  cinq  ou 
six  industries.  L'établissement  est  pourvu  des^mattres  néces- 
saires pour  chaque  branche  d'instruction.  Autant  que  pos- 
sible, on  les  prend  parmi  les  Européens  que  leur  volonté 
seule,  et  non  point  la  rigueur  des  lois,  amène  dans  la  colonie. 

Nous  nous  arrêtâmes  d'abord  à  regarder  les  jeunes  gens 
qui  travaillaient  à  scier  le  bois.  Ils  étaient  au  nombre  de 
trente  à  quarante  dans  un  chantier  découvert.  Je  sais  qu'au- 
jourd'hui on  leur  construit  un  hangar  qui  les  protégera 
contre  le  froid  ou  la  pluie.  La  quantité  de  bois  que  débitent 
ces  enfants  est  considérable.  De  là  nous  passâmes  à  l'atelier 
des  charpentiers  pour  navires.  Nous  y  vîmes  une  jolie  barque 
de  pèche,  dont  la  construction  marchait  rapidement  à  sa  fin. 
Les  tonneliers  n'étaient  pas  moins  actife.  D'autres  enfiants 
faisaient  des  cuviers,  tressaient  des  corbeilles  et  des  paniers, 
roulaient  des  câbles,  etc.  Cinquante  tailleurs  découpaient  et 
cousaient  des  étoffes;  soixante-dix  cordonniers  travaillaient 
aux  chaussures  des  colons.  Les  enclumes  des  forgerons  re- 
tentissaient du  bruit  répété  des  marteaux.  Les  charpentiers 
pour  bâtisse  façonnaient  des  portes,  des  châssis  de  fenêtre, 
et  ébauchaient  des  pièces  de  bois.  Les  relieurs  étaient  aussi 
à  l'ouvrage.  Seuls,  les  tourneurs  demeuraient  dans  l'inaction. 

Je  dois  remarquer  ici  que  si  un  officier  civil  ou  militaire 
emploie  à  quoi  que  ce  soit,  pour  son  compte  particulier,  un 
des  convicts ,  une  retenue  proportionnée  à  l'importance  du 
travail  et  de  l'ouvrage  est  opérée  sur  ses  appointements. 

Nous  visitâmes  ensuite  l'atelier  des  maçons.  Ils  avaient 
préparé  des  matériaux  considérables  pour  l'érection  d'une 
vaste  caserne.  Nous  vtmes  à  la  boulangerie,  de  grandes  pro- 
visions de  pain,  qui  attestaient  l'adresse  et  l'activité  des  jeunes 
gens  qu'on  y  employait.  Arrivés  aux  cuisines,  nous  goûtâmes 
d'un  excellent  ragoût  qui  exhalait  un  parfum  tout  à  feit  ap- 
pétissant. 


Digitized  by 


Google 


EXCURSION  A  PORT-ARTHUR.  261 

La  ration  pour  les  enfants  est  la  même  que  pour  les  adultes. 
Arant  de  prendre  leurs  repas,  les  premiers  sont  tenus  de  se 
larer  les  mains  et  le  visage.  Le  repas  terminé,  on  leur  ac- 
corde quelques  minutes  de  récréation.  Dans  la  soirée,  ils 
vont,  de  deux  jours  l'un,  à  Técole. 

Quoique  cet  établissement  ait  été  fondé  pour  recevoir  des 
criminels  flétris  par  les  lois  de  leur  pays,  il  n'en  inspire  pas 
moins  un  intérêt  profond.  Ces  criminels  peuvent  s'amender; 
le  travail  peut  effacer  l'infamie  dont  ils  sont  couverts,  et  la 
peine  de  la  déportation  les  régénérer  au  bien.  Déjà  beaucoup 
de  ces  pauvres  enfants  qui  sont  renfermés  à  Point-Puer  ont 
dû  bénir  l'instant  où  ils  y  ont  été  conduits.  Plusieurs  en  sont 
sortis  pourvus  d'une  industrie  lucrative,  et  ils  gagnent  hon- 
nêtement leur  vie  dans  diverses  parties  de  l'Ile.  Que  l'on 
compare  leur  condition  avec  celle  des  enfants  des  basses 
classes  dans  la  mère-patrie  :  on  verra  que  l'avantage  n'est 
pas  du  c6té  de  ces  derniers. 

En  retournant  à  Port-Arthur,  nous  abordâmes  à  une  pe- 
tite île  noounée,  d'après  sa  destination,  Y  île  des  Morts,  Parmi 
les  condamnés  qui  les  premiers  y  ont  été  inhumés,  on  cite 
Dennis  CoUins,  celui  qui  lança  autrefois  une  pierre  à  la  tète 
de  Guillaume  IV.  Là  repose  aussi  cet  homme  tristement  fa- 
meux, May,  qui  étouffa  un  petit  garçon  italien  pour  vendre 
son  cadavre  à  un  anatomiste.  Là  dorment  du  sommeil  éternel 
plusieurs  officiers  et  soldats  de  la  garnison  de  Port-Arthur, 
ainsi  que  plusieurs  émigrants.  Quelques-uns  des  monuments 
funéraires  qui  y  sont  élevés  portent  des  épitaphes,  des  vers, 
des  inscriptions  plus  ou  moins  touchantes. 

L'Ile  des  Morts  inspire  naturellement  des  pensées  graves 
et  religieuses.  Ceux  qui  la  visitent  ne  sauraient  se  défendre 
d'un  sentiment  de  tristesse;  mais  cette  tristesse  est  si  douce, 
et  il  règne  dans  ce  lieu  une  solitude  si  paisible,  que  l'idée  d'y 
être  enseveli  n'a  rien  de  repoussant.  J'ai  connu  des  hommes 
qui  ont  demandé  par  leur  testament  qu'on  y  déposât  leurs 
^restes  mortels. 

Port-Arthur  est  véritablement  une  terre  de  merveillesl  c'est 


Digitized  by 


Google 


262  EXCUB&ION  A  POBT-ABTHUR. 

là  qu'on  déporte  les  criminels  les  plus  redoutables,  les  homr 
nés  les  plus  invétérés  dans  le  vice:  eh  bien,  la  vertu  et  la 
religion  qu'on  aurait  pu  croire  bannies  de  ce  lieu  d'expia* 
lion,  de  ce  désert  moral,  y  fleurissent,  y  sont  ouvertement 
cultivées!  Une  école  a  été  instituée  pour  les  enfonts  des  ofB- 
4^ier8,  des  soldats,  des  inspecteurs,  etc.  :  aujourd'hui,  10  jan- 
vier, j*ai  assisté  à  l'examen  et  à  la  distribution  des  prix.  Ces 
enfants  étaient  réunis  au  nombre  de  trente  à  quarante,  filles 
et  garçons  de  difitrents  Ages.  Les  prix  destinés  aux  plus  sa* 
Tants  et  aux  plus  studieux  étaient  des  livres  instmctîfii  et 
utiles.  L'examen  a  commencé,  une  lutte  animée  s^est  établie 
entre  les  concurrents,  à  tel  point  que  plusieurs  fois  le  capi- 
taine Booth,  patron  de  l'institution,  s'est  vu  fort  embarrassé 
pour  décerner  la  palme  aux  vainciueurs.  Lorsque  cette  céré- 
monie a  été  terminée,  vainqueurs  et  vaincus  se  sont  rendus 
80U8  une  grande  tente  décorée  de  guirlandes  et  ornée  des 
pavillons  de  la  Favorite:  là,  on  leur  a  servi  en  abondance  du 
thé,  du  café,  des  gâteaux,  des  framboises,  des  groseilles,  etc. 
Ce  fut  une  petite  fête  de  l'aspect  le  plus  gai.  Après  le  toiff 
des  enfants,  vint  celui  de  leurs  parents.  Ceux-ci  ayant  pris 
les  rafraîchissements  dont  ils  avaient  besoin,  le  capitaine 
prononça  quelques  mots  appropriés  à  la  circonstance;  puis^ 
MM.  Manton,  Simpson  et  Robertson  exposèrent,  au  nom  du 
comité,  la  situation  pécuniaire  de  l'établissement.  Cette  si- 
tuation n'était  point  extrêmement  brillante.  Il  ne  restait  sut 
l'exercice  de  l'année  précédente  que  30  shillings  :  la  collecte 
de  la  veille  avait  produit  8  livres  10  shillings.  D'autres  con- 
tributions montaient  ensemble  à  70  shillings  environ;  en  sorte 
qu'il  y  avait  en  caisse,  pour  Tachât  des  prix  de  l'année  cou- 
mte,  près  de  1^  £.  Il  faut  dire  ici  à  l'honneur  des  souscrip- 
tenrs  de  Port-Arthur,  que  peu  de  semaines  auparavant,  ib 

aiaiii.t  pn  dssé  entre  eux  if£,afin  de  venir  en  aide  aux  mis- 
«ionnaires  wesleyens. 

Après  avoir  parcouru  les  ateliers  de  Port-Artbnr,  lesqueif 
ne  sont  que  la  répétition  de  ceux  que  nous  avions  déjà  rot 
i  Poînt-Puer,  nous  visitâmes  la  scène  d*un  meurtre  récent. 


Digitized  by 


Google 


BlLCUBSIOll  A  PORT-ABTHUR.  96S 

d'un  assaMiBftt  affreux  dont  la  cause  était  restée  inconiive. 
L'endroit  en  question  est  éloigné  d'un  mille  anglais  du  chef* 
liea  de  la  colonie.  C'est  une  gorge  sombre  et  isolée.  Leé 
broussailles  qui  y  poassent  étaient  encore  teintes  du  sang  de 
b  yielane  qui  j  avait  péri.  Il  résulte  de  la  déposition  des  té- 
dioiBsqueBelIfieldetBoat(ta(ian,runâgédedix-huitanSfrautrB 
de  dii-sept,  travaillaient  ensemble  dans  le  voisinage.  fiellfieM 
Citant  plaint  de  la  soif,  Boardman  Temmena  vers  une  petite 
sonrcesitaée  à  quelque  distance.  On  les  vit  partir  tous  deux  el 
disparaître:  le  premier  seul  revint;  lorscpi'on  lui  demanda 
et  qa'il  avait  bit  de  son  camarade,  il  répondit  que  celui^ 
|[?ait  pris  la  clef  des  ebamps.  Boardroan  fut  donc  noté  commd 
désertear.  Deux  ou  trois  jours  s'écoulèrent,  au  bout  desqueb 
m  kooHDe  qui  coupait  des  genêts,  crut  entendre  des  gémisse^ 
Heats  étouflës;  il  se  dirigea  du  cMé  d'où  ces  plaintes  paraîa^ 
saieat  s'élever.  Plus  il  marchait,  plus  elles  frappaient  distnio^ 
fement  son  oreille,  tant  qu'enfin,  au  pied  d'un  gomnAer 
l^gantesque,  il  trouve  un  malheureux  couvert  de  sang  cailtAr 
et  de  mouches  que  ses  plaies  avaient  attirées.  Il  appelle  ania^ 
^lAi  da  secours  et  s'empresse  lui-même  d'aller  puiser  ds 
Peai  fraîche  à  la  source  voisine  pour  laver  la  bouche  et  te 
visage  de  cet  infortuné  et  en  6ter  la  vermine  qui  y  pullnlaîL 
Cètait  Boardman,  mais  défiguré  au  point  que  son  sauveor 
ie  le  reconnut  pas  d'abord.  Transporté  à  l'hôpital,  il  recoin 
ffà  assez  de  forées  pour  désigner  son  assassin.  Il  raconte 
9>'en  arrivant  à  la  source,  il  avait  été  assailli  par  Bellfieié 
sans  provocation  aucune,  chargé  de  conps  à  la  tète  et  text» 
tersé.  Le  bâton  dont  le  meurtrier  )e  frappait  ayant  cassé,  ce* 
hi^  en  prit  un  autre,  puis  il  kn  enfonça  son  couteau  dna 
)eee«. 

Boatdmafii  languit  éa«B  Thôpita)  jusqu'au  2  janvier,  épé» 
^fie  i  laquelle  il  mourut  des  suites  de  ses  blessures.  Quant 
ai  meurtrier,  A  M  renfermé  dans  la  geôle  de  Uobert-Towi»^ 
paiiexécalé^Lovaque  noua  visitâmes  la  prison  de  Port-Artbur^ 
i  y  était  encore.  II  avait  Tatr  d'un  bon  jeune  homme  :  sea 
Mts  étaient  agréd>leaet  ne  reapiraient  nullement  la  fièroeité;' 


Digitized  by 


Google 


26i  EXCURSION  A  PORT-ARTHUR. 

Il  n'essaya  même  pas  de  nier  son  crime.  Interrogé  sur  les 
motifs  qui  Ty  avaient  poussé,  il  n'en  voulut  indiquer  aucun. 
Peut-être  n'y  en  avait-il  pas  d'autre  qu'un  de  ces  inexplicables 
transports  auxquels  certaines  constitutions  sont  sujettes. 

Une  grande  activité  régnait  dans  le  dock.  Une  foule  d'ou- 
vriers travaillaient  au  radoub  de  la  Favorite.  D'autres  étaient 
employés  aux  préparatifs  nécessaires  pour  lancer  à  l'eau  la 
chaloupe  canonnière  lady  Franklin.  Ce  petit  bâtiment  de 
dix-huit  tonneaux  a  des  proportions  élégantes;  il  est  disposé 
pour  porter  un  long  canon  de  32.  Nous  vîmes  aussi  sur  le 
chantier  un  cutter  de  100  tonneaux.  Nous  montâmes  â  bord 
de  la  Favorite:  c'est  un  navire  de  kSO  tonneaux,  armé  de 
18  caronades  et  pourvu  d'un  équipage  d'élite.  De  là  nous, 
visitâmes  ce  qu'on  appelle  à  Port-Arthur  les  jardins  du  gou- 
verneur. L'emplacement  est  admirable,  le  pinceau  peut  le 
représenter,  la  plume  ne  saurait  le  décrire.  De  ce  point  l'œil 
embrasse  un  horizon  où  se  mélangent  les  eaux  de  la  baie,  les 
vallées,  les  forêts,  les  montagnes  de  l'intérieur.  Qui  peut  dire 
ce  que  l'avenir  réserve  à  cette  terre  enchantée?  Lorsqu'elle 
aura  cessé  d'être  un  réceptacle  de  criminels,  peut-être  que 
sur  ces  eaux  limpides  vogueront  d'élégants  steamers  chargés 
de  passagers  ;  peut-être  que  cette  baie  qui  se  creuse  gracieu- 
sement deviendra  un  port  de  la  plus  grande  importance,  le 
Plymouth  des'  mers  du  sud  I  Un  tel  résultat  n'aurait  rien 
d'étonnant.  Où  trouverait-on  ailleurs  un  ancrage  plus  s&r,  on 
port  plus  spacieux  et  d'un  accès  plus  facile,  des  bois  de  con- 
struction plus  abondants? 

Le  lendemain  matin,  le  commandant  nous  mena  à  la  station 
préparatoire  de  Flinders-Bay;  c'est  une  des  nombreuseséchan- 
crures  de  la  baie  de  Norfolk.  Nous  y  allâmes  par  cette  même 
chaussée  que  nous  avions  suivie  pour  nous  rendre  â  Port- 
Arthur,  et  sur  laquelle  le  capitaine  Booth  a  établi  ses  rails  en 
bois.  La  station  de  Flinders-Bay  est  tout  nouvellement  orga* 
nisée.  M.  Smith  en  a  la  direction.  Pour  maintenir  dans  le 
devoir  les  deux  cents  convicts  qui  lui  sont  confiés,  on  a  placé 
sous  ses  ordres  un  sergent  et  douze  soldats  du  96*  régiment. 


Digitized  by 


Google 


EXCURSIOX  A  POBT-ARTBUR.  2A5 

Tout  ce  inonde  est  logé  sous  des  huttes  faites  d*écorce  ;  mais 
on  en  constmit  d'autres  qui  seront  en  pierre ,  ainsi  que  des 
cottages  destinés  aux  principaux  employés ,  par  exemple  au 
cbirargien,  au  catéchiste,  etc. 

Uoe  station  préparatoire  ou  d'épreuves  est  gouvernée  par 
un  surintendant,  deux  sous-intendants  et  des  inspecteurs 
plas  ou  moins  nombreux,  suivant  la  localité;  aucun  de  ces 
employés  ne  doit  être  pris  parmi  les  déportés.  On  leur  adjoint 
un  catéchiste,  un  chirurgien  et  quelques  soldats.  De  plus,  on 
place  entre  deux  stations  voisines  un  magistrat  qui  a  mission 
de  les  visiter  tour  à  tour.  On  occupe  les  déportés  à  bâtir  des 
maisons,  à  tracer  des  routes,  à  construire  des  ponts,  à  foire 
des  défrichements,  des  terrassements,  enfin  à  cultiver  la  terre. 
Lorsque  le  terme  des  épreuves  est  accompli,  les  hommes  dont 
on  est  content  sont  conduits  à  Ttle  Slopen,  et  de  là  on  les 
dirige  sur  divers  points  de  la  colonie. 

Comme  je  l'ai  dit,  la  station  de  Flinders-Bay  est  un  éta- 
blissement nouvellement  formé.  Les  déportés  qu'il  renferme 
sont  employés  à  brûler  ou  à  couper  les  arbres  dont  la  terre 
est  couverte,  et  à  élever  pour  eux-mêmes  des  habitations. 
L'emplacement  est  bien  choisi  ;  les  sources  y  abondent;  le  sol 
paraît  pierreux  et  peu  fertile,  cependant  il  est  susceptible  de 
s'améliorer  par  la  culture.  Une  situation  heureuse  compense 
souvent  la  stérilité  de  la  contrée,  et  certes,  cette  colonie,  sous 
le  rapport  de  la  position,  n'a  rien  à  désirer. 

Notre  inspection  achevée,  nous  nous  dirigeâmes  par  mer  vers 
le  CoU'de4'Àigle;  on  appelle  ainsi  un  isthme  sablonneux  qui  a 
un  quart  de  mille  de  longueur  et  trois  cents  pas  de  largeur. 
Des  sentinelles  y  veillent  nuit  et  jour,  et  pour  plus  de  sécurité 
on  a  hérissé  l'isthme  d'une  ligne  de  chiens  très-féroces  qui  sont 
postés  à  quelque  distance  les  uns  des  autres.  Ces  chiens 
reçoivent  régulièrement  leur  ration  du  commissariat.  Pendant 
les  ténèbres  on  allume  des  lampes  ;  enfin  toutes  les  mesures 
sont  mises  en  pratique  pour  déconcerter  les  tentatives  d'éva- 
sion que  pourraient  faire  les  détenus.  Grâce  à  cette  précaution 
l'isthme  du  Cou-d' Aigle  est  comme  la  clef  de  la  péninsule  de 


Digitized  by 


Google 


SI66  EXGUHSIOK  A  PORT-ARTHUl. 

Tasmante.  Il  existe  aussi  une  clef  semblable  pour  la  pénin-* 
sole  de  Forester  :  c'est  le  Cou  de  la  baie  oriéntaie.  Cette  cir* 
constance  singulière  fait  que  les  deux  presqu'îles  dont  it 
s'agit  paraissent  avoir  été  créées  pour  Tusage  auquel  on  le» 
enploie. 

Les  détail»  savent  que  la  fuite  leur  est  impossible,  que  Ut 
BKiiiMire  iq)pttreaee  de  fumée  tmbirait  le  lieu  de  leur  retraite^ 
et  qu'à  un  signal  transmis  de  colline  en  colline  toute  la  gar^^ 
nisoB  serait  à  leur  poursuite;  ils  sarent  qu'ils  n'ont  aueutt 
espoir  de  tromper  la  vigilance  des  gardes,  hommes  ou  chiens^ 
qui  défiendent  le  passage  des  deux  isthmes.  Tenter  ce  passage 
de  vive  force,  ce  serait  une  témérité  insensée.  Traqués  d« 
tous  c6lés,  n'ayant  ni  provisioiiSy  ni  eau,  ni  feu,  il  ne  leur 
resterait  d'autre  alternative  que  de  périr  de  feim  ou  de  aê 
fendre. 

Ces  diverses  considérations  ont  sans  doute  motivé  et  et* 
pliquent  le  choix  que  l'on  a  foit  des  presqu'îles  de  Tasraan  et 
de  Forester  pour  recevoir  des  déportés.  La  première  com^ 
prend  une  surfece  de  40,000  acres;  la  seconde  de  15,000.  Lii 
moitié  de  cette  étendue  est  en  bonnes  terres,  dent  quelques^ 
unes  sont  de  première  quaKté.  Bès  que  les  presqu'îles  en  que»* 
lion  auront  cessé  d'être  un  lieu  de  déportation,  ces  terre»  sch 
tout  avidement  recherchées  par  les  spéculateurs,  coupéet 
eomme  elles  sont  déjà  par  des  cours  d'eau  et  traversées  comme 
elles  le  seront  par  de»  routes  qui  en  doubleront  la  valeur. 
C'est  dans  la  presqa'tle  de  Forester  que  \t  capitaine  Booth  a 
ftiiUi  périr,  il  7  a  trois  ans.  Youlant  examiner  et  connaftre 
riniérieur  du  pays,  il  s'engagea  dan»  des  fourrés  tellemenC 
épais,  tellement  hérissés  de  ronces  et  d'épines,  qu'il  lui  faî 
impcMJbte  de  se  frayer  un  passage  et  de  se  dégager.  Il  son-* 
gea  à  allumer  du  feu  ;  mais  la  batterie  d'un  de  se»  pistolets  stf 
eassa,  et  l'amoreede  l'antre  était  devenue  trop  humide.  Dan» 
cvtle  situation  embaf  rassonte,  il  prit  le  parti  de  »'étendro 
|W  terre,  et  il  »'endonnft.  Lorsqu'il  se  réveilla,  il  était  fra«»l 
de  froid.  Ses  jambe»  engourdies  refusaient  de  le  porter,  et 
fépuîsemefft  de  ses  forces  M  était  tool  moyen  de  travailler 


Digitized  by 


Google 


EXCURSION  A  PORT-AmTHtm.  2OT 

à  sa  délivrance  :  H  essaya,  maïs  vainement,  de  s'ourrir  ns 
passage.  l\  resta  quatre  nuits  et  quatre  jours  dans  cette  es- 
père de  prison,  dévoré  par  la  soif  et  par  la  faim;  l'espoir  Ta- 
fait  abandonné  :  Textrémîté  de  ses  pieds  se  gangrenait  :  une 
mort  affreuse,  une  lente  agonie  semblait  lui  être  réservée.  En 
ee  moment  les  cris  de  ses  compagnons,  qui  étaient  A  sa  re^ 
ciierche,  retentirent  à  ses  oreilles;  mais  il  était  trop  abattu  pouf 
leur  répondre  et  se  faire  entendre  d*euic.  Ce  secours  qtii  lui 
arrrrait  dans  une  telle  détresse  et  dont  il  ne  pouvait  profiter 
paraissait  être  une  cruelle  dérision  du  destin.  A  la  fin,  deui 
ehiens  qu*il  avait  dressés  lui-même  pour  chasser  le  kangarott 
découvrirait  l'endroit  o&  il  était  couché,  et  par  leurs  aboi^ 
ments  ils  attirèrent  en  ce  lieu  les  gens  de  sa  suite.  Ce  fut  ainsi 
qu'il  échappa  à  la  mort;  mais  les  souflFrances  cpi'il  avait  en* 
durées  avaient  altéré  sa  constitution,  et  il  eut  beaucoup  de 
peine  à  se  rétablir. 

Nous  fttmes  reçus  de  la  manière  la  plus  cordiale  par  H.  Wil* 
son ,  officier  du  96*,  et  qui  commande  le  poste  du  CoimI»- 
V Aigle,  ^ous  visitâmes  avec  lui  cet  isthme  sablonneux,  dont 
Feifrémîté  est  baignée  par  Tocéan  Pacifique,  et  oà  se  creuse 
me  petite  baie  nommée  bah  du  Pirate.  Les  hauteurs  qui  M 
dominent  présentent  à  leur  base  une  curiosité  naturelle,  ex* 
MnemenI  remarquable.  Qu'on  se  figure  plusieurs  coucbetf 
de  rodiers  superposés  et  affectant  les  formes  les  plus  variées. 
Kf  en  a  de  longs,  il  y  en  a  de  carrés,  de  triangulaires,  etc.  ; 
tous  sont  joints  avec  une  régularité  parfaite.  Ces  roches 
fevrniraient  un  pavé  excellent  ;  je  ne  doute  pas  qu'elles  ne 
mÀmi  un  jour  l'orgueil  de  la  Tasmanie,  de  même  que  leu 
lies  de  StafiEa  et  de  Causeway  sont  l'orgueil  de  TÈcosse  el 
dellrlaode.  le  dirai,  et  ce  n'est  point  un  médiocre  compli* 
ment,  que  les  rochers  et  les  promontoires  de  la  baie  du  Pirate 
égalent  en  pittoresque  ceux  de  la  côte  d'Antrhn. 

En  retournant  à  la  demeure  du  capitaine  Booth  ,  noue 
têmes  une  idée  de  la  vitesse  que  l'on  peut  olrtenir  sur  le 
chemin  en  bois  dont  j'ai  déji  perlé.  La  distance  d'un  mille  ef 
demi  que  nous  avions  à  franchir  fut  parcourue  à  raison  de 


Digitized  by 


Google 


368  EXCURSION  A  PORT-ARTHUR. 

quarante  milles  par  heure.  Lorsqu'on  s'embarque  sur  le  che- 
miuy  il  faut  s'armer  de  courage  ;  car  une  fois  que  les  wagons 
sont  lancés,  rien  n'est  préparé  pour  les  retenir  et  les  arrêter; 
la  moindre  obstruction,  le  moindre  obstacle  occasionnerait 
de  graves  accidents.  Les  officiers  de  la  frégate  française  TAr- 
téndse  se  sont  extasiés,  m'a-t-on  dit ,  sur  la  rapidité  prodi- 
gieuse avec  laquelle  on  descend.  Cela  leur  rappelait,  mais  en 
grané,  les  montagnes  russes  de  Paris. 

Pendant  la  nuit  de  mercredi  à  jeudi ,  le  vent  a  soufBé  avec 
force;  il  a  fait  une  espèce  de  tempête;  mais  le  lendemain,  le 
soleil  s'est  levé  dans  un  ciel  pur,  et  la  matinée  a  été  d'an 
calme,  d'une  suavité  qu'on  ne  saurait  rendre.  Certes,  quelque 
désagréable  que  puisse  être  le  séjour  de  Port-Arthur  pour 
les  malheureux  qui  sont  condamnés  à  y  vivre ,  ce  n'en  est 
pas  moins  un  pays  charmant  :  nous  y  trouvâmes  le  eamfort 
nécessaire,  et  même  le  luxe.  Les  chefis  de  la  colonie  nous 
prodiguèrent  des  soins ,  des  attentions  qui  n'avaient  rien 
d'afiecté,  et  qui  doublaient  à  nos  yeux  le  prix  de  leur  bos* 
pitalité. 

Nous  résidâmes  cinq  jours  à  Port-Arthur.  Tout  ce  que  nous 
y  vtmes  nous  confirma  dans  cette  idée ,  que  le  but  de  l'é- 
tablissement est  éminemment  moral  et  humain.  La  discipline 
qu'on  y  observe  est  sévère  et  même  rigoureuse  :  la  nécessité 
l'ordonne  ainsi.  Aucun  délit,  fAt-K^e  le  plus  léger,  ne  reste 
impuni.  Mais  une  enquête  minutieuse  précède  toujours  le 
châtiment;  enfin  l'on  s'efforce  de  faire  comprendre  au  coupa- 
ble  que  ce  châtiment  ne  lui  est  point  arbitrairement  infligé 
par  caprice  ou  par  tyrannie,  et  que  c'est  la  suite  inévitable  de 
sa  feute. 

Autant  que  possible,  les  déportés  sont  classés  et  séparés  par 
escouades  de  manière  à  être  assortis.  En  mettant  le  pied  sur 
la  colonie,  ils  sont  fouillés  avec  soin,  de  peur  qu'ils  ne  gar- 
dent de  l'argent  ou  du  tabac.  Alors  on  leur  fait  la  lecture  du 
règlement  auquel  ils  vont  être  assujettis  et  on  leur  en  explique 
toutes  les  particularités  :  après  quoi  on  les  conduit  à  l'hôpi- 
tal, et  là  ils  sont  visités  par  le  médecin.  D'après  le  rapport 


Digitized  by 


Google 


EXCURSION  A  POBT-ARTHUR.  S69 

de  celai-ci,  une  tâche  proportionnée  à  la  vigueur  de  chacun 
leur  est  assignée.  Les  hommes  reconnus  faibles  ou  invalides 
sont  employés  à  briser  la  pierre.  Les  convicts  dont  la  peine 
expire  ou  qui  se  distinguent  par  une  bonne  conduite  sont  oc- 
cupés à  des  travaux  moins  fatigants.  Les  nouveaux  débar- 
qués passent  la  nuit  dans  des  espi^ces  de  cachots»  et  cela  pen- 
dant une  période  de  temps  plus  ou  moins  longue,  selon  la 
nature  de  leur  crime  ;  pour  ceux  qui  se  sont  évadés  et  qu'on 
ramène,  cette  période  est  double. 

L'escouade  qui  est  astreinte  aux  plus  dures  fatigues  est  celle 
des  porteurs  ;  elle  est  quelquefois  composée  de  soixante  à 
soixante-dix  individus.  Ces  malheureux  charrient  sur  leurs 
épaules  d'énormes  poutres  qu'ils  vont  chercher  dans  les  forêts 
et  qu'ils  déposent  dans  le  dock.  Après  eux  viennent  les  ou- 
vriers du  dock,  dont  la  condition  n'est  guère  plus  douce.  Ils 
demeurent  souvent  plongés  dans  l'eau  jusqu'au  cou  pour  re- 
tirer les  pièces  de  bois  qu'il  s'agit  de  transporter  à  l'arsenal  ; 
car  on  ne  souffre  à  Port-Arthur  et  dans  les  stations  d'épreuves 
aucune  bète  de  somme  :  ce  sont  les  convicts  qui  remplissent, 
l'office  de  chevaux,  de  bœufs,  de  mulets. 

Une  de  ces  escouades  est  composée  d'hommes  chargés  de 
laire  la  chaîne.  Ils  voiturent,  en  se  les  passant  de  main  en  main, 
les  pierres,  le  bois  de  chauffage,  les  baquets  d*eau.  Les  dé- 
tenus qui  ont  cherché  plusieurs  fois  i  s'évader  sont,  comme 
dans  les  bagnes  français,  mis  aux  fers  :  de  plus,  on  les  attache 
à  une  chaîne,  et  on  les  force  de  casser  de  la  pierre.  Chaque 
semaine  le  médecin  feit  une  inspection  générale.  Pour  la  su- 
bir, les  déportés  se  dépouillent  de  leurs  vêtements  jusqu'à  la 
ceinture.  Ceux  d'entre  eux  dont  les  muscles  annoncent  de  la 
foUgue  ou  de  l'épuisement  sont  mis  à  un  régime  moins  dur 
ou  soignés  à  l'hôpital. 

Outre  les  escouades  déjà  citées,  il  y  a  celles  des  scieurs  de 
long,  des  fendeurs  de  bois,  des  maçons,  des  défricheurs, 
des  jardiniers,  des  arroseurs,  des  bateliers,  des  terrassiers. 
Tons  les  métiers  ont  leurs  représentants.  Une  demi-heure 
avant  la  revue,  on  suspend  un  ballon  à  l'un  des  bras  du 


Digitized  by 


Google 


9f70  EXCDHSIOlf  ▲  PORT-ARTHUR. 

sémaphore.  À  ce  signal,  les  convicts  qui  travaillent  dans  les 
champs  doivent  rentrer  à  leurs  quartiers*  Quiconque  s'absente 
est  considéré  comme  déserteur.  Le  capitaine  Booth  a  singii- 
Uèrement  perfectionné  le  système  télégraphique.  Les  messages 
s'échangent  entre  Hobart-Town  et  Port- Arthur  avec  une 
vitesse  surprenante,  bien  que  la  distance  soit  de  cinquante 
milles  en  ligne  droite.  Ce  sont  des  convicts  qui  senreni  de 
courriers.  Au  moindre  sujet  de  plainte  on  leur  retire  leurs 
fonctions  ;  mais  si  elles  étaient  confiées  à  des  soldats  libérés 
du  service  et  auxquels  on  allouerait  une  rétribution,  le  sys- 
tème du  capitaine  Booth  serait  beaucoup  plus  efficace,  et  les 
déportés  fugitifis  seraient  aussitôt  découverts  et  repris.. U  fau- 
drait aussi  que  ce  système  fût  appliqué  sur  toute  l'étendue  de 
la  colonie. 

J'ai  oublié  de  mentionner  une  manufecture  où  Ton  confee- 
tionne  des  briques»  des  tuiles,  des  faîtières,  des  pots  à  fleurs, 
et  autres  articles  du  même  genre.  La  qualité  de  l'argile  étant 
supérieure  à  Port-Arthur,  on  pourrait  y  établir  une  poterie 
dont  les  produits  auraient  une  très^graade  valeur  et  rivalise- 
raient avec  ceux  des  poteries  les  plus  estimées.  la  sianu- 
£aicture  en  question  fournit  assez  de  briques  pour  les  besoins 
de  la  colonie;  elle  en  exporte  même  une  quantité  considérable 
i  Hobart-Town,  pour  le  compte  du  gouvernement  aussi  bien 
que  pour  celui  des  particuliers. 

Port-Arthur  fut  fondé  en  1830  par  le  colonel  Arthur,  qui  y 
établit  une  station  d'essai.  Le  docteur  Russell,  aide-chirur- 
gien attaché  au  63"*  régiment,  fut  envoyé  en  ce  lieu  avec  le 
double  titre  de  médecin  et  de  commandant.  On  lui  confia  seise 
i  dix-sept  déportés.  L'emplacement  de  Port-Arthur  fut  tout 
d'abord  choisi.  Le  nouvel  établissement  passa  tour  a  tour 
sous  l'administration  du  capitaine  Mahon,  du  major  Briggs 
et  du  capitaine  Gibbons,  et  il  ne  cessa  de  se  développer.  Ce 
fut  en  1833  que  le  commandant  actuel  fut  nommé  à  ce  poste 
difficile,  et  après  neuf  années  il  a  fait  preuve  d'une  intelli- 
gence, d'une  capacité,  d'un  esprit  de  justice  et  d'entreprise 
qu'on  ne  saurait  trop  admirer.  Grâce  à  lui  la  colonie  est  un 


Digitized  by 


Google 


BXCURSIO!!  A  PORT-AmTHrR.  3ffi 

objet  d'étonnement  ponr  les  étraiie[crs,  de  même  cpie  rétablis- 
sèment  de  Port-Arthur  est  un  objet  d'étonnement  pour  le 
petit  nombre  de  colons  qui  Font  visité. 

r»  parlé  déjà  de  son  église;  mais  je  n'ai  rien  dit  de  sa 
caserne,  qui  est  construite  en  pierres  de  taille  et  qui  peut 
contenir  une  centaine  d'hommes.  L'entrée  est  surmontée 
d'nne  tour  crénelée  qui  commande  tout  l'édifice.  De  là  on 
passe  dans  une  cour  spacieuse  au  bout  de  laquelle  est  une 
esplanade»  et  Ton  arrive  enfin  au  bâtiment  principal.  II  est 
question  de  construire  un  nouvel  hApital  sur  la  même  ligne 
que  la  caserne  et  d'après  le  même  plan.  II  s'agit  aussi  d'élever 
un  nouveau  pénitencier.  En  attendant,  les  rues  que  Ton  trace 
sont  tirées  au  cordeau  ;  les  édifices  et  les  maisons  sont  alignés 
avec  soin.  Jusqu'au  milieu  des  préoccupations  du  présent, 
on  prévoit  et  l'on  prépare  l'avenir  ;  et  si  jamais  Port-Arthur 
devient,  comme  tout  semble  l'annoncer,  un  vaste  et  riche 
arsenal,  on  appréciera  alors  le  zèle  et  la  prudence  du  capi- 
taine Booth.  Port^Arthur  a  frappé  d'admiration  tous  ceux  qui 
Vont  vu;  moi-même,  qui  suis  familier  avec  les  colonies  de 
déportation,  j'ai  été  étonné  à  l'aspect  de  celle-là.  Nulle  part 
ailleurs  je  n'avais  rencontré  ces  édifices  bâtis  en  pierres,  ces 
cottages  élégants  et  commodes,  ces  vastes  ateliers,  ces  jardins 
lûen  cultivés,  toutes  ces  ressources  et  t<ius  ces  agréments  de 
h  driliaatioa  ;  et  pourtant  ce  lieu  enchanté  est  l'image  d'une 
pomme  venMiHe  qui  est  gâtée  au  cœur.  C'est  le  réceptacle 
d'une  population  de  criminels  qœ  la  mère-patrie  rejette  de 
son  sein.  Amender  cette  population,  la  convertir  à  des  mœurs 
régulièrfs,  tel  est  l'objet  insmédiat  que  l'on  se  propose;  mais 
fii  éloigné  qu'il  soit,  un  jour  viendra  oi  ce  lieu  de  détention. 
Cl»  ateliers  de  déportés,  cette  école  d'enfants  condamnés  pour 
roi,  se  cèangeront  en  un  établissement  militaire»  en  un  port 
libre  et  commerçant. 

Je  sais  que,  à  propos  de  l'utilité  des  colonies  pénitentiaires, 
on  a  beaucoup  écrit,  beaucoup  discuté.  Je  ne  prétends  point 
jne  constituer  ]uge  de  cette  question  :  je  dirai  seulememl 
qu'en  moins  de  quarante  années  les  convicts^  pionniers  infii- 


Digitized  by 


Google 


272  EXCUBSION  A  PORT-ARTHCB. 

tigables,  ont  avancé  merveilleusement  la  culture  et  la  coloni- 
sation de  la  terre  de  Van-Diemen.  En  soixante-dix  ans,  la 
Nouvelle-Galles  du  sud  a  dû  au  même  genre  de  travailleurs  les 
mêmes  succès  ;  si  ces  deux  pays  avaient  été  livrés  à  des  colons 
libres,  il  leur  eût  fallu  le  double  de  temps  pour  arriver  au 
degré  où  ils  sont  déjà  parvenus. 

Je  dirai  encore  que  ce  moyen  de  débarrasser  la  mère-patrie 
d'une  foule  d'hommes  dangereux  est  le  plus  convenable,  le 
plus  facile,  le  plus  moral,  et  j'ajouterai,  pour  TAngleterre,  le 
moins  coûteux  de  tous.  A  mes  yeux,  c*est  un  moyen  légitime. 
Dans  un  autre  article  j'ai  tenté  de  démontrer  les  avantages 
qui  résulteraient  pour  nous  de  la  colonisation  des  fies  Fal- 
kland  par  des  convicts.  Je  sais  que  les  vues  développées  dans 
cet  article  ont  obtenu  l'approbation  du  gouvernement,  et  que 
Certaines  mesures  préliminaires  ont  été  prises.  Quant  aux 
raisons  que  je  donne  pour  coloniser  ces  lies,  je  les  récapi- 
tulerai brièvement.  D'abord  le  droit  qu'a  l'Angleterre  de  s'en 
emparer  est  incontestable  (1).  Elles  sont  d'une  extrême  im- 
portance comme  station  navale,  et  peuvent  être  comme  un 
autre  Gibraltar  qui  fermerait  l'océan  Pacifique.  Elles  ne  ren- 
ferment point  de  population  indigène  qu'il  faudrait  dépos- 
séder. On  y  compte  trente  mille  tètes  de  gros  bétail,  sans 
parler  d'une  quantité  infinie  de  porcs,  de  chèvres,  etc.  Les 
ports  y  sont  nombreux  :  on  y  trouve  de  la  houille  en  abon- 
dance. La  pèche  de  la  baleine  et  la  pèche  blanche  y  offriraient 
de  grands  profits.  Cet  archipel  se  compose  de  quatre-vingt- 
dix  îles  ou  îlots,  ce  qui  faciliterait  beaucoup  la  classification 
et  le  partage  des  déportés.  Enfin,  et  c'est  là  une  considération 
décisive,  les  lies  Falkland  sont  moitié  moins  éloignées  que 
l'Australie  ;  par  conséquent,  ce  qu'il  en  coûte  pour  trans- 
porter un  criminel  à  la  terre  de  Van-Diemen  suffirait  poiu*  en 
transporter  deux  aux  îles  Falkland. 

(i)  NoTB  DD  PiRECTEim.  Cependant  le  gouvernement  deBuënos-Ayrei, 
héritier  des  droits  de  l'Espagne  à  qui  appartenaient  ces  Iles,  ne  cesse  de 
protester  contre  les  vues  des  Anglais. 


Digitized  by 


Google 


BXCUMIOir  A  POBT-AETHUB.  273 

Noos  dtmes  adiea  i  Port^Ârthar,  et  après  une  courte  et 
trè*  agréable  trarenéet  nous  arrivâmes  à  la  Coicade.  C'est 
«De  station  d'épreure  nouvellement  formée.  Il  y  avait  cinq  ou 
six  semaines  qu'on  y  avait  établi  quelques  constables  et  vingt* 
cinq  déportés.  Ces  derniers  sont  aujourd'hui  au  nombre  de 
cinquante.  Ce  que  j'ai  dit  de  la  baie  de  Flinders  s'applique 
exactement  à  la  Cascade.  Là  manière  de  vivre,  les  règlements, 
les  travaux,  sont  les  mêmes  pour  toutes  les  stations.  Là  Cas- 
cade est  une  jolie  localité;  le  sol  y  est  extrêmement  riche;  il 
fournit  de  beaux  bois  de  construction,  et  il  est  bien  arrosé. 

De  la  Cascade,  nous  nous  rendîmes,  en  longeant  la  c6te,  i 
Imfrtanon-Bay  ,  qui  en  est  à  cinq  milles  de  distance.  Cette 
station  est  plus  considérable,  plus  peuplée  (elle  contient 
cent  déportés],  et  dans  un  état  d'exploitation  plus  avancé  que 
la  précédente.  Trois  mois  ont  suffi  pour  défricher  et  cultiver 
une  vaste  étendue  de  terrain,  élever  plusieurs  maisons  et  édi- 
fices, tracer  une  route  et  construire  une  jetée  qui  est  presque 
finie.  C'est  là  que  j'ai  trouvé  le  cbartiste  Frost,  dont  le  gendre, 
Geach,  est  à  Salt-Water  Creek.  Celui-ci  était  malade  dans 
Thôpital,  confié  aux  soins  de  mon  savant  ami  le  docteur 
Agnew.  Je  dirai  tout  à  l'heure  mon  entrevue  avec  le  beau- 
père  ;  mais  le  gendre  n'ayant  témoigné  aucun  désir  de  me 
voir,  je  ne  cherchai  pas  à  l'importuner  de  ma  visite. 

Nous  visitâmes  ensuite  la  Criqfu  de  VEau  iolée.  C'est  une 
station  importante,  pourvue  d'un  vaste  pénitencier,  qui  peut 
recevoir  quatre  cents  détenus,  et  d'une  caserne  pour  un  ser* 
^nt  et  treize  soldats.  Le  personnel  des  officiers  et  des  em- 
ployés y  est  au  complet.  Il  y  a  dix  mois  seulement  qu'elle  a 
été  fondée,  et  dans  ce  court  espace  de  temps,  la  masse  des 
travaux  que  l'on  a  exécutés  est  véritablement  extraordinaire. 
Nous  vîmes  cinquante  acres  de  terre  excellente  dans  un  état 
de  culture  parfait.  Le  sol  est  très-fertile.  On  ne  se  sert  pour 
le  labourage  que  de  la  bêche  :  si  l'ouvrage  n'avance  pas  vite, 
du  moins  il  est  bien  foit. 

Beaucoup  de  gens  sont  partisans  du  système  des  colonies 
pénitentiaires  et  réprouvent  celui  des  stations  d'épreuves  i 

5*  SÉRIE.  —  TOME  XI,  18 


Digitized  by 


Google 


SA  EXCBBaiM  A  PMT- 

Je  atia  pennadé  c|iie  ceux  cfui  décrient  ce  ienner  gem  dPé- 
tablissemettt»  ignorent  de  qMKlkr  naniève  ih  soat  < 
Leur  opinmi  né  le  fonde  evr  amn»  fait»  U»  rëpèieirt^  i 
douter  deepre«ve»à  l'appin,  qee  le  ejyevr  de»  i 
ces  statiew  d'éfteewe  n'est  pvofitaUe  ni  i  la  ootooie  mî  i 
enxT-mèmes^;  ({a'Us  se livmt  à  fai paresse  ei  an.  désoidve;  qfse^ 
rassemblés  e»  grand  nenbre  aor  ua  mèoïc  poiot,  ils  •*€■»- 
ieal  nmiaeilsiieiri;  an  crime,  et  adiènreni  de  se  oorrenapie; 
que  si  le  systène  de  Yamiçnment  élaât  adopté,  ^est-è-dim  si 
les^  eonticta  étaient  dispersés  daas  Fintèneor  des  terres^  cft 
eonfiésà  dsspluieiics  ipn âwraieBA  surasK  nne  aatoiité  flli- 
mitée^  ik  fendent  avec  le  temps  de  bons  servitearsy  de  boas 
ceianierçanis  :  tout  cela  peat  être  rrai»  maÎB  îl  reste  à  décider 
kqiAestioa  de  savoir  si  le  système  des  slatiems  d'épreaves  esl 
en  non  contraire  à  ce  bot. 

Quoi  qu'il  en  aeit,  le»  résultats  obten»  sont  immenses  aa 
point  de  rue  de  Viniérèt  commercial  et  politique  delà  GraBde* 
Bretagne.  Ses  cokmiee  pénitentiaires  lit  ouvrent  de  pnédeaz 
débouchés,  et  de? iennent  des  postes  maritimes  d'une  inapor* 
tance  incontestable.  Avant  que  la  péninsule  de  Tasman  iùk 
UA  lieu  de  déportation,  elle  était  i  peine  connue;  on  n'en 
soupçonnait  point  les  avaatages,  on  la  croyait  hérissée  de 
forêts  épaisses,  au  milieu  desquelles  il  était  datt^oremc  de  s*i^ 
vcAturer*  Aujourd'hui,  ette  voit  s'élerev  quatre  stati<ui8  flo- 
rissantes, que  dee  routes  vont  bientôt  relier  entre  elles.  Oa  y 
construit  des  mMes  pour  abrite  les  vaisseaux;  on  perce  les 
forêts,  ou  défridie  le  sol  :  encore  quelques  amiées,  et  la  nu- 
manie  produira  de  riches  moissons,  et  elle  lendra  à  la  mèi^ 
patrie  le  emstuple  ée  ce  qu'elle  en  reçoit  maintenanl. 

Nous  terminâmes  notre  excursion  par.  une  visite  aux  mi* 
nés  de  houUle.  dette  station  renfearme  un  très*graiid  péniten* 
der,  auquel  on  va  ajouter  de  nouvelles  constructions.  Il  y  a 
aussi  une  caserne  pour  trente  soldats,  une  habitation  pew  les 
officiers,  un  commissariat,  et  plusieurs  autres  édifices  en 
pierres  de  taille.  Le  paysage  aux  environs  est  magnifique. 
Nous  débarquâmes  à  sept  heures  du  soir.  Le  lendemain,  je 


Digitized  by 


Google 


àettemàÊÊ  An»  h  ]Niitoai^tel0  t^ikàtne  Bo«lli.  Ce  poRs  H 
cfoqvaiiteHkttT  pas  de  prvCDfldêtMr.  L*  nmchiiie  a»  moyeir  de 
laquelle  nous  opérâmes  notre  descente  était  nne  en  «imi^^ 
BMt  fnr  cfes  détMiiift  eoiidta— 4ii  à  ce  tiviriil.  iTn  seul  ctmp 
de  couteau  eût  suffi  pour  trattebet  te  coMle?  flialinoMii^app»^ 
kMdKon»  rk«  de  semblabici,  M  actes  de  cnia«cé  étant  fort 
nrMpaTinileice<irrkt9,Latcff0a  ACè  ctMiée  è  cent  dii  pM 
deprefondfeui,  àpâr^dte  rorifie«  dvpvll» prliielpat.  A  droite 
et  à  gauche  s'étendent  les  excavations.  La  ^oMe  *  qnaCM 
pieds  aiiehî»del(aat.  La  qaaRlé  de^la  iMPdlle  que  Teii  eitndt 
db  cette  ifliae  poMfieipe  phis  de  Vantliracile  qoe  dto  biftiaie; 
elle  est  très-sujette  à  se  rompre,  nais^  elle  dofUwunecMeiir 
eitrémenieDt  interne.  Le  travail  des  mnies  est  considéré 
comme  la  punition  la  plus  sévère  pour  les  déportés. 


X.  S.  y  ai  cîlè  daaa*  cejounial  qaelqii»  dépertéa  chatfiîiisa;. 
msôs  j*ai  réservé  ibool  poaVscriptaai  pour  le  irias  célèbte  dv 
tafls,li.  Froaft^le  dHfdeFia6uirffectioii4iipaj<»de  Galks,  le 
J9gt  de  paix  d»  la  noarâiatimi  de  lofd  John  RaMeli.  C'est  à 
layiiaiMiB  tàfqaefat  ym  M.  Froai;  forais  promis  de  le  von 
en  fiusant  mes  adieftxà  nn  mien  ami  d'Aagleterre,  hemoM 
d'«Bcertaia  taong  ei  d^nae  ceBtaiae  fortane^  qui  a  un  memeat 
dnanèdÉBi  k  Mie  da  diaHbas.  le  n'avais  j^mm  via  de  ma 
vielÉL  Fnisty  et  d^aîBeura,  favaia^e  reoaanii  avec  sa  veste 
grîtecisa  easqoettede  déporté?  Oftme  lemoalra,  ei  l'ayant 
saiaév  je  ko  dia  de  la  paai  de  qnî  îe  veaai»« 

Sa  ealandaat  le  Bom  de  M.  E...,  Freet  seai^t^  et,  si  ^s  ne 
me  trompe^  tt  eflai;ya  «m  laïaieu 

«  J'espènt^  monwisar,  wm  répopdil41,  qae  vous  a«e%  laîsséi 
1L&...  ttthattMsmite? 

-^fflèa^boBB^.  VooB  saimsaas  doute,  loatefeis,  fu'îl  en  a 
coûté  cher  à  M.  R...  pour  avoir  étèdMatîate. 

— 4ki^  uMHisîettr,  je  le  ssâav  j*ai  la  ub  rédt  de  son  «Mpû- 
uuMJMiut^  efcaaiéeit.  anasi  de  sa  mise  en  liberté,  ievoa» 
prîe^  monsieur,  que  pense  de  moi  H.  R...  ï 
-«~Okf  ileetfoAMiraidalgttèn.  H  estime  avoir  agi  comme 


Digitized  by 


Google 


276  EXCUBSION  A  POBT-ARTHUB. 

an  foU|  quoique  sa  folie  n'ait  pas  été  si  loin  que  la  vôtre. 

— Je  m'explique,  monsieur;  je  demandais  quelle  espérance 
il  a  de  notre  grâce. 

— Il  Tespère  très-peu,  et  pour  ma  part,  je  ne  crois  pas  que 
ce  soit  une  chose  i  espérer  du  tout. 

—  En  vérité I  s'écria  Frost,  qui  parut  évidemment  ému. 
Hais,  monsieur,  avez-vous  lu  sur  cette  question  le  débat  de 
la  Chambre  d^  communes,  où  le  ministère  ne  l'emporta  que 
de  la  voix  du  président? 

—  Je  ne  me  souviens  pas  du  débat  dont  vous  voulez  parler; 
mais  relativement  à  votre  grâce,  je  vous  répète  que  ce  serait 
très-déraisonnable  que  d'espérer. 

—  Je  ne  sais,  monsieur,  je  puis  me  tromper  ;  mais  très-cer- 
tainement j'espère. 

— Il  semble  vraiment  qu'il  y  a  cruauté,  continuai-je,  â  vous 
contredire  lâ-dessus  ;  mais  je  ne  puis  m'empécher  de  vous  dire 
que  je  vous  crois  grandement  dans  l'erreur. 

—  Vous  voyez,  reprit  Frost,  persévérant  dans  l'idée  à  la- 
quelle il  attachait  une  espérance,  vous  voyez  que  Feargus 
O'Gonnor  a  été  mis  en  liberté.  Ne  devons-nous  pas  avoir  en 
notre  faveur  l'avantage  du  point  de  droit  t 

— -  Je  ne  puis  disputer  avec  vous  sur  ce  point-4à  ;  mais, 
dites-moi,  pensez-vous  que  le  changement  de  ministère  ait 
amélioré  votre  position  ;  ou  plutftt  pensez-vous  qu'aucun  mi- 
nistère serait  justifié  de  vous  accorder  une  amnistie?  Croyez- 
moi,  vous  n'aurez  jamais  la  permission  de  quitter  cette  lie. 
Le  chartisme  est  un  monstre  à  tètes  d'hydre.  Si  vous  retour- 
niez en  Angleterre  vous  seriez  de  nouveau  par  force  le  point 
de  ralliement  de  votre  parti.  On  vous  traînerait  dans  la  mer 
orageuse  de  la  politique  :  si  vous  n'y  étiez  pas  un  chef,  vous 
y  seriez  un  instrument.  Quel  gouvernement  prudent  voudrait 
s'exposer  à  un  tel  risque  ? 

—  Sans  doute,  monsieur,  il  peut  y  avoir  plus  d'une  raison 
contre  ma  grâce  ;  mais  il  y  a  aussi  pour  l'obtenir  plusieurs 
raisons  et  la  justice. 

—  S'il  m'était  permis  de  vous  suggérer  une  pensée,  mon- 


Digitized  by 


Google 


EXCURSION  A  PORT-ARTHUm.  977 

sieur  Frost,  je  vous  engagerais  à  vous  tourner  du  o6té  des 
grâeei  eoUmiaUs^  comme  on  les  appelle  :  pourquoi  ne  pas 
chercher  à  améliorer  ici  votre  sort  et  A  vous  entourer  de  votre 
fcmme  et  de  vos  eniants  ?  » 

Frost  rougit  i  cette  idée»  me  déclarant  que  dans  sa  situa- 
^on  de  déporté  il  ne  voudrait  jamais  réunir  à  lui  sa  femme  et 
8ÇS  filles.  Je  discutai  la  chose  avec  calme  et  patience. 

«Voyons,  lui  dis-je.  Quant  à  votre  situation,  le  monde  feit 
une  grande  différence  entre  les  criminels  politiques  et  les 
petits  voleurs  c|u'on  déporte  ici  :  je  ne  vois  donc  pas  quelle 
obiection  vous  auriez  à  faire  contre  Tidée  d'amener  ici  votre 
famille  ;  vous  obtiendrez  i  la  longue  votre  émancipation,  je 
n'en  doute  pas,  et  dans  ce  cas,  pourquoi  ne  pas  jouir  du  repos 
et  de  la  paix  domestique? 

—  Je  n'ai  aucune  objection  physique  à  vivre  ici,  me  dit 
Frost.  J'aime  le  pays  ;  autant  que  j'ai  pu  le  voir,  c'est  le  plus 
beau  climat  du  monde  :  je  m'y  porte  bien.  J'y  suis  de  très- 
bonne  humeur,  tout  bien  considéré.  Cependant  ce  serait  très- 
imprudent  d'attirer  ici  ma  femme  et  mes  enfants  sans  savoir 
comment  je  pourvoirais  à  leur  existence, 

—  Oh  I  pour  cela,  tout  homme  avec  un  peu  d'intelligence, 
ayant  l'usage  de  sa  tète  ou  de  ses  mains,  doit  prospérer  ici. 

—  Hais,  monsieur,  vous  savez  sans  doute  que  je  me  suis 
&it  de  mauvaises  affaires.  J'étais  expéditionnaire  dans  les 
bureaux  du  commandant,  i  Port-Arthur ,  et  j'ai  perdu  cettô 
place. 

—  Oui,  et  c'est  la  faute  d'une  lettre  absurde,  impertinente, 
écrite  par  vous. 

—  Vraiment,  j'en  ai  oublié  le  contenu  :  qu'y  avait-il  dans 
cette  lettre  ? 

—  Un  paragraphe  assez  déplaisant  contre  lord  John  Rus- 
sell.  Vous  vous  livriez  i  un  accès  de  mauvaise  humeur.  Vos 
amis  vous  ont  rendu  un  mauvais  service  en  publiant  cette 
lettre. 

—  Elle  n'avait  pas  été  écrite  pour  être  publiée  :  ce  fut  une 
de  mes  filles  qui  eut  le  tort  de  la  confier  à  un  journal. 


Digitized  by 


Google 


"w^Cvoyei-moi^  e«  fui  mal  i  ram:  dan»  i^ira  AtnatîM, 
Miis'Ae  poiiveE  être  trop  cifOonfpecL  Je  vais  rom  «aobaitar 
blM^njour.  J'écrirai  à  M.  fi....  <^  Inî  ^ai-jet 

^Dites-lui,  monsieur,  que  je  me  rffanii sMofaernent  4f ap>- 
pneodre  qu'il  «i(t  bien  portasL  IMlef4tti  que  je  jouis  moi- 
«Ama  4'uoe  bornée  aanléu..  auaiiliojtfie...  que  peut  Ta 
un  homme  4aM  ma  aiinaiioa.  Et  ai  lf«  R...  rent  en  i 
Mm.  Froii,  je  iiiî  en  aemî  trèa-eUigi.  M.  krmsiMn%  eat  un 
homme  bon  qui  icnpHt  aan  deroir  avec  fimneté,  maîa  afee 
WfNMreUlaMe;  je  Mie  a«$si  bien  qae  les  ciroeasbisees  pe«- 
rMi  le  p^roeflre.  3» 

La  pbjrsiadioiiiie  4e  Fmai  est  a^^iéaliie  ;  il  s'exprime  tei* 
jtoent;  il  a  Vm  iAteUigest,  et  ea  ^léaéral  U  f  a  dans  sel 
manières  quelque  chose  qui  sédu!t«  Maigre  le  oostume  de 
étçorlé ,  <on  remarque  la  propreté  de  sa  peraomie.  La  seale 
filTeur  dant  il  jouisse  à  présent,  c'est  de  pouvoir  dormir  aenl 
dana  un  Ut.  Il  partage  tous  les  travaux  de  l'escouade.  Il  eat  â 
inqpreesiofi^Bajr  depuis  sixsemunes,  ajranlété  letiré  deBnnm» 
iUver  par  suite  de  son  insolence  envers  l'in^ftoctear.  C'est  la 
seul  trait  inconvenant  qu'on  ait  pu  hii  reprodier  (t}. 

(Fmser's  UagêaimJ) 

(1)  lioTB  DO  Msicffma.  lioai  ne  murisoi  sovi  «mpêdMr  4«  lewiiqucr 
î^  que  le  voys eeur  «DslaM4ivblw  peoui^ire  un>eu  tu  «Itra-lorf  le»  é^rii 
mi*op  doit  lûujoura  à  us  snoemi  politique  dwit  k  mslbeur.  N«i«  m¥Ê$ 
n'avons  pas  voulu  retrancher  de  cet  article  cette  entrevue  avec  un  chaitisla 
dont  le  nom  est  couvent  encore  iiuoquë  on  Angleterre. 


Digitized  by 


Google 


IJt0jjrû})()ît.  —  3rt  iliaîtûtre* 


MJL  inOB  DS  BUJCBMtL 


Serritl  vrai,  eomiBe  le  prétend  HehRétiM  dans  eon  Inrre  Ht 
TEiprdf  jadis  funevx,  aajovrdliai  peu  la,  q«e  si  le  trfeat 
mSStûre  est  edvi  de  tau  qai  recveîUe  4e  phM  de  ylom 
actuelle  et  de  g^loîre  peethome,  c'eet  qa'en  efleft  l'état  du  eoidait 
eil  A  la  fois  <k  tons  le  plus  briHant  et  le  pluf  utile?  S«tvaatt 
le  phHosoplie  français  »  les  peuples  ae  se  trompeat  pas  dana 
fcnr  reeoDiiaissaiice  intiressée;  ils  estiflMBftdottetOQt  ee  dent 
ils  sentent  le  'besoin.  Hatheurensenient  pour  sa  doctrtiiey 
Helyéfitts  t^onfend  |M«iV-èt«e  raéniralion  et  r^eatîme.  Le  ea«i^ 
lageeÎTfl  dnpatrîole  peotdonc  eneoreiiepas  eéderlepasan 
eonragedo  capîtaine. 

Cependant,  il  fcnt  Men  ravoaer,  qoaait  ans  rtcompensea 
déeeniéea  an  bonnes  de  fmcm  de  leor  TÎvant,  elles  Tam- 
portoat  de  beancoop  en  qttalM  et ea  tpiantitéenr  la  part  qne 
la  raaité  nationale  daigne  «ncore  fssre  anx  autres  ilInatratluM 
eantcinporaînes ,  poêles ,  pUlosophes,  bommes  d'état,  histo*» 
riens  on  romanciers.  Lisez  les  annslea  militaires  de  rSanope 
depeis  la  révolilfilon  française  ;  t'AHeaugne^  la  Fraooe,  !'&- 
pagae,  l'Italie,  la  Rnssîe,  laBelgîf  ne,  «te^  etc.,  n'ont  pasélé 
aTarespour  leors  conbaltaniU.  H  yaea  poar  enx  tontes  sarlea 
dlionnears,  depnia  des  royaumes  jnsqu'i  la  décoralioa  de 
Tordre  Guelfe.  Mais  reste  maintenant  la  postérité  ;  nous  crai- 
gnons bien  que  celle-<ci  «oit  un  peu  plus  difficile.  Combien 
de  noms  survivront  ii  ioutes  nos  balailles?  Combien  de  noa 
Uttasenoait  une  Ira»  ksmîneuaeau  ddi  de 


Digitized  by 


Google 


380  LA  VIE  DE  BLUCHEE. 

leur  carrière  mortelle?  La  postérité  telle  qae  nous  la  person- 
nifions n'est  pas  celle  de  l'Angleterre  ou  de  la  France  seules, 
car  chaque  peuple  pendant  quelque  temps  encore  grossira  sa 
liste;  mais  la  postérité  collective  de  l'Europe,  combien  de 
grands  hommes  accordera-t-elle  à  chaque  armée?  Pour  ce  qui 
est  de  nous,  en  Angleterre  pourrons-nous  lui  en  demander 
plus  de  deux,  un  sur  mer  (Nelson],  un  autre  sur  terre  (Wel- 
lington] ?  La  Russie  pourra  plaider  pour  SouwarofF;  l'Autriche 
a  son  archiduc  Charles  qui  peut  faire  valoir  son  double  titre 
de  tacticien  et  d'écrivain.  Nous  ne  fixons  pas  le  chiffre  de  la 
France,  mais  nous  plaignons  quelques-uns  de  ses  milliers  de 
braves  qui  croient  à  l'immortalité  des  bulletins  et  des  gazettes. 
Enfin  nous  pensons  que  la  Prusse  sera  aussi  représentée  dans 
ce  congrès  de  la  gloire,  par  un  nom  qui  a  été  souvent  prononcé 
à  côté  de  ceux  de  Bonaparte,  de  Wellington,  de  Nelson  et  de 
Souwaroff,  mais  qui  nous  semble  bien  inférieur  au  moins  â 
trois  de  ces  quatre  noms  :  c'est  le  nom  de  Blûcher.  Nous  ne 
prétendons  pas  dire  que  sous  le  rapport  du  talent  ou  du  génie 
militaires,  Blûcher  puisse  être  justement  classé  de  niveau  avec 
plusieurs  de  ces  lieutenants  de  Napoléon  que  nous  osons  con- 
damner à  un  oubli  comparatif.  Non  ;  si  sa  part  dans  l'avenur 
est  plus  large,  c'est  parce  qu'il  s'est  identifié  à  un  grand  mou- 
vement national  dont  il  fut  le  chef  ostensible. 

Le  duc  de  Wellington  reçut  sa  première  éducation  militaire 
dans  un  collège  français,  conséquence  naturelle  de  l'imper- 
fection de  tous  les  établissements  du  même  genre,  en  Angle- 
terre, à  l'époque  de  sa  jeunesse  (1].  11  est  peut-être  plus  bizarre 
encore  que  l'illustre  frère  d'armes  du  duc  de  Wellington, 
le  champion  enthousiaste  de  la  Prusse,  ait  commencé  par 
porter  les  armes  contre  ce  pays  qui  ne  fut  pas,  il  est  vrai,  le 
pays  de  sa  naissance,  mais  celui  de  son  adoption. 

Gerhard  l^berecht  von  Blûcher  (2)  naquit  en  ilhH  à  Ro9- 

(1)  Note  du  RéDAcrBim.  Voir  la  Via  militaire  du  duc  de  Wellington. 
Bwuê  Britannique,  novembre  et  décembre  1841. 
(9)  Deui  biographies  de  Blttcher  ont  éttf  publiées  en  Allemagne:  la  Riene 


Digitized  by 


Google 


LA  VIE  DE  BLUCHBB.  ttl 

tock,  dans  le  Mecklenbonrg-Schverin,  province  où  safemOIe 
était  établie  depuis  des  siècles,  ayant  donné  un  évèque  à  Lu- 
beck  dans  le  treisième.  Après  s'être  retiré  du  service  militaire 
de  Hesse-Cassely  son  père  vivait  dans  un  petit  domaine  héré- 
dUiire.Il  avait  cinq  fils.  Ayant  très-impartialement,  mais  non 
fans  dépense,  distribué  ses  trois  aînés  sous  les  drapeaux  de 
h  Russie,  de  la  Pmsse  et  da  Danemarck,  c'était  le  désir  du 
vieux  gentilhomme  de  consacrer  les  deux  derniers  à  la  seule 
occopation  qu'acceptaient  les  gentillàtres  de  son  temps,  la 
eoltare  du  sol.  Pour  cela,  il  suffisait  bien  d'une  simple  édu- 
cation domestique,  et  d'ailleurs  c'était  la  seule  que  les  res- 
sources paternelles  pussent  lui  donner.  En  1756  éclata  la 
fwrre  de  $ept  ang;  voulant  soustraire  ses  deux  fils  à  la  ten- 
tation des  scènes  militaires,  le  père  les  confia  aux  soins  d'un 
parent  dans  l'Ile  de  Rugen.  De  pareilles  précautions  se  termi- 
oent  fréquemment  comme  le  beau  conte  d'Admète  dans  Héro- 
dote. Pendant  quelque  temps  les  deux  jeunes  gens  se  conten- 
tèrent des  occasions  de  dangers  et  de  prouesses  que  leur 
offraient  les  rochers  de  l'île  et  les  flots  de  la  mer.  Quelques . 
siècles  auparavant,  Blûcher  aurait  pu  figurer  parmi  les  rois- 
pirates  de  la  Scandinavie,  et  au  lieu  de  vider  les  caves  d'Ê- 
pemay,  il  aurait  pu  venir  boire  Vole  des  monastères  anglais. 
Malheureusement  la  Suède  s'était  jointe  aux  ennemis  du  grand 
Frédéric ,  et  dans  une  heure  fotale  aux  précautions  du  bon 
gentilhomme  de  Rostock ,  un  régiment  de  hussards  suédois 
dâ>arqna  à  Rugen.  Aucune  remontrance  ne  put  retenir  le 
jeune  Blûcher,  alors  âgé  de  quinze  ans;  il  brava  tout  pour 
s'enrftler.  Il  se  trouva  bientôt  dans  les  rangs  sur  la  terre 
ferme,  et  assista  à  une  bataille  où  ses  camarades  se  laissèrent 
battre  sans  trop  de  façons.  En  1758,  il  fut  fait  prisonnier 
dans  une  escarmouche  par  le  régiment  du  colonel  Belling, 
qui,  s'apercevant  bientôt  des  qualités  du  jeune  hussard,  le 

aiurtout  consulté  celle  du  docteur  Rauihoick,  intitulée  U  Maréchal  En- 
ovani^  ou  Vie,  actions  et  caractère  du  prince  Blûcher  von  Wahlstadt. 

Leipiic,  laaa. 


Digitized  by 


Google 


IH  JUl  VUE  «E  surcBU. 

teiîia  avec  bMté  ai  iiégotta  «oa  éduMipB  aroe  im  fmoomr 
qui  étaei  PiiueîeB  de  mmêMce  «  voyait €iywé  à  être  ftiHilH . 
Gcito  tiansaotMO  Mit  à  ommmtI  riioime«r4e  Bifi<*€r,i|Dipitf 
imndredo«ervioedaA6leiésiB«t€piravait  (ait  priaanniiar. 
Jusque-la  il  arak  ofaiiHiéBMat  lefiué  le  grade  d'affiâ  t  bimb 
as  drmfma  atoia  eatiaaé  le  ^s  flmem  de  éeaa  4)eax  dn 
eemtiMiit. 

JUâcher  servit  som  BeMioi;  peadaoi  ioat  le  rasie  de  la 
faerre  de  lept  ans.  H  assîata  i  la  balaîUe  flKwrtnèae  deChn 
nondorfiv  où  Tî^fiiiitarie  raase  ae  fit  «oiiaaNre  peur  la  f»»* 
fluèreluM  i  TEiuro^  coalisée,  et  îl  fal  Uesaé  à  Freyteng.  La 
paiK  rétaUlâe,  nelre  jeiitte  kiiasard  itowra  wi  pentnonolom  la 
vie  de  earaison:  il  ee  it  ranarqtter  paraa  imtalettce.  fias 
édocalÂM  iaiparfaite  le  iimii  à  Aons  les  danfers  de  IWiamell 
flpâtiiaire.  U  essaya  donc  de  i«er  te  teo^ps  coiiinie  tant  d'aatraa» 
par  le  jea,  la  «basse»  rivvcigMrie,  rjoBonr  k  la  iwasasda 
(aflOMNir  un  pe«  «eèteuK  pour  «a  ofScî^  ea  deaa»-eolde}«  afc 
enfin  par  des  duels  fréquents  qai,  par  bnabear,  lai  laissènat 
tous  ses  membres.  Sa  nature  querelleuse  ùilKi  mèine  le  kSam 
iîisiller;  €»  ii  osa  provoquer  son  protecteur  ^  «m  ooloBel 
Bettiag,  qui  eut  la  générosité  de  ne  pas  aièflae  lui  faire  penobe 
son  i^ade,  nuis  qui  fit  passer  Tîi^rat  protomleur  dans  in 
légpment  du  augor  Poschasli^  officiel  «pie  des  UosraiAei 
disent  avoir  été  irès-«4ile  à  son  édtt»UkHi  mystaîre. 

JEln  17701a  iologne  fut  envahie  par  les  troupes  de  FrédéiM^ 
et  Blûcber  se  trouva  de  nouveau  soue  le  eoauaandeawnt  da 
Bdling,  qui  ne  cessa  jamais  de  le  proléger. 

Belling  était  un  lion  et  fidèle  offieier;  mais  sa  sianatin» 
en  Pok^ine  exigeais  le  talent  et  Tadrease  d'un  polftiqna;  B 
fut  nen^eé  par  un  officier  d'un  iout  autre  cvnctèee,  «t 
avec  cduî-ci  nuasi  Uûcher  trouva  ImoàAi  le  asoyen  d'amar 
«me  querelle.  Les  Polonais  <eo  ce  teaaps-tà,  eouMue  les  Ëspa* 
gnols  du  nôtre,  se  vengeaient  fréquemment  et  volontiers  par 
l'assassinat  des  victoires  de  leurs  envahisseurs.  Le  capitaine 
Blûcber  avait  soupçonné  un  prèlre  d'avoir  provoqué  denx 
assassinats,  et  il  le  condamna  sommairement  à  Mre  firallè. 


Digitized  by 


Google 


lA  VIS  »B  SLDGHn.  Ml 

On  ereoM  k  fosM  avae  tes  loimUléft  d'Mfi^f^;  «n  imoda  te 
l«Bx  9m  ^veoM;  on  chifyeA  les  «MMnf  «eU;  on  fit  Cm^. «m 
M  avait  enlevé  d'abord  les  baltedes  cartoncheB.  ha  putoeai 
fiit quitte  pfNurlapttv...  GepeiidaateatlecnieMe<»aiédieétÉk 
i  k  fois  nae  vicdatim  de  tente  joilioe  M  ea  «onUadiclMNi 
dmcte  .aytec  k  politîqw  oiMcikiiAede  Fiédérk.  L'^adaeieaK 
rtpiliiap  fia  puni,  et  de  capitaine  en  peenîer  il  -descettdttA 
k  qaene  de  la  liste.  Une  VBcanee  eat  liai  daM  kfsadeaafi^ 
lienr^oa  ptwni  un  ofiBckr  tité  d'an  aalre  r^gkieat.  L'ûi- 
digaaiioo  de  Mâcher  ae  pnt  se  eealenir  :  il  danMnda  A  4|uittar 
b  service.  Frédéric  lui  répondit  ea  k  mettant  aaxaxrèls..* 
paar  liù  denaer  k  tenpB  de  léftéeUr.  Le  eapitaiae  BUiolMr 
iasistag  et  à  k  fia,  aes  réctenations  réitérées  arrachèrent  aa 
im  eeUe  réponse  :  a  le  eapitaiae  Blâcher  est  antorisé  4  sa 
letiier,  et  il  peat  aller...  an  diabk.  lanvkr  1373«  » 

U  jeut  aae  intemiptioa  de  treiae  ans  daaslaearrière  aûUp 
kirede  Blôcher.  U  ne  hndrait  pas  le  tiersde  ee  temps«U  pour 
fi'ua  avocat  plaidant,  qui  abandonnerait  ses  ctteats,  a'ea 
retrouvai  pas  «a  seul.  Assurénent  il  est  peu  de  soldats  de  for** 
taae  tpû  seieai  asork  feldHBanëehaux  apiés  avoir  dit  adieu  4 
lear  uaîCnraie  pendaat  les  donze  plus  belks  années  de  kar 
Tk.  Peat^re  Blacber  aacaîUlété  aïoins  pressé  de  demander 
son  eoaeé  sans  mie  eiiooaskaoe  fai  k  nëcoaciliait  avec 
ridée  d'an  areair  sans  igkère.  U  était  sérieaseaietfl  «amu- 
laaa;  il  y  avait  aième  promesse  de  mariage  oa  â  peu  près 
enize  lui  et  la  fiUe  d'un  officii»  saxon,  k  colonel  Melling, 
akrs  établi  ea  Pokigae.  La  jeune  personne  avait  dix-sept  aas 
de  UMÎas  que  lui.  Polonaise  par  son  éducation,  par  sa  beaaté  et 
par  tous  ses  charmes,  eUe  devait  être  ea  effet  atlrayanto 
Btecher  l'épousa  et  ae  fixa  sur  k  feime  de  soa  beaupré,  oft 
il  parut  a?oir  renoncé  aux  excès  de  sa  jeunesse  pour  deireair 
un  babik  agncidteur.  Au  bout  de  ^pielques  Années  il  se  keuva 
en  état  d'acheter  uae  propriété  près  de  Stargard  m  Pomé- 
tasiie,  et  quitta  k  Pologne  pour  s'y  tcaaspoiier.  Lé,  k  aoa* 
veau  propriétaire  ooatinna  à  s'occuper  de  culture^  et  devint 
un  homme  important  parmi  ses  voisins,  il  fiit  élu  magifltrak 


Digitized  by 


Google 


28<h  LA  VIE  DE  BLUCHER. 

local,  et  se  vit  consulté  par  les  autorités  provinciales.  Ce  ne 
fat  pas  tout.  Il  fellait  bien  qu'il  y  eût  quelque  chose  d'essen* 
tiel  dans  un  homme  qui  s'était  toujours  fait  estimer  de  ses 
chefs ,  malgré  tous  les  torts  de  son  brutal  caractère  et  de  sa 
mauvaise  éducation.  Frédéric  II  n'était  pas  homme  à  fermer 
les  yeux  sur  les  huies  d'un  officier  qui  n'eût  été  qu'un  que- 
relleur et  un  spadassin.  Eh  bien,  à  cette  époque,  Frédéric 
correspondait  avec  Blûcher,  et  l'aidait  de  son  argent  pour 
améliorer  son  domaine  ;  il  lui  prêta  d'abord,  et  puis  ce  prêt 
sans  intérêt  devint  une  donation.  Cette  libéralité  de  la  part 
d'un  souverain  passablement  jaloux  de  ses  écus  est  d'autant 
plus  remarquable  qu'il  ne  spéculait  pas  sur  le  dévouement 
militaire  de  son  débiteur.  Plus  d'une  fois  l'esprit  inquiet  de 
Blûcher  le  ramena  à  sa  première  passion,  la  passion  de  1^ 
guerre;  mais  en  vain  il  sollicita  la  laveur  d'être  réintégré 
dans  son  grade  et  de  servir  Frédéric,  celui-ci  fut  toujours 
inexorable.  En  1778  tout  semblait  annoncer  des  hostilités 
contre  la  Bavière  ;  Blûcher  renouvela  ses  sollicitations.  Ce  fiit 
cette  fois  sa  femme*qui  fit  de  l'opposition  ;  mais  le  refus  po- 
sitif de  Sa  Majesté  prussienne  l'obligea  surtout  de  renoncera 
quitter  ses  travaux  agricoles.  Il  se  résigna  donc  à  fiiîre  pro- 
spérer sa  ferme  et  à  augmenter  patriarcalement  sa  famille.  Six 
beaux  garçons  et  une  fille  réjouirent  son  foyer  domestique. 

Mais  Frédéric  II  mourut  en  1786.  La  femme  de  Blûcher  fut 
impuissante  à  le  retenir.  Il  partit  pour  Berlin,  se  recommanda 
à  plusieurs  de  ses  anciens  chefs,  et  revint  avec  la  promesse 
d'être  appuyé  au  moment  favorable.  Le  nouveau  roi  fit  bientôt 
une  inspection  militaire  de  ses  états.  Il  remarqua  Blûcher, 
qui  fit  caracoler  son  cheval  autour  de  lui  avec  l'intention  de 
lui  présenter  sa  pétition  incessante.  Elle  fut  enfin  bien 
accueillie,  et  le  fermier  de  la  Poméranie  rentra  dans  son 
ancien  régiment  des  Hussards  Noirs,  avec  le  même  grade 
qu'il  y  aurait  eu  si  son  service  n'avait  subi  une  si  longue  in- 
terruption. On  reconnut  que  son  ardeur  militaire  ne  s'était 
pas  refroidie  loin  de  la  caserne;  il  semblait  au  contraire 
qu'elle  se  fût  fortifiée  dans  le  repos  de  la  vie  agricole.  Par 


Digitized  by 


Google 


LA  YIB  DE  BLUCHBB.  385 

malheur  ses  autres  goûts  de  vieux  hussard  lui  restaient  aussi, 
et  il  avait  dû  bien  souffrir  dans  sa  retraite  conjugale,  ou  plu- 
tôt foire  bien  souffirir  sa  femme»  malgré  sa  beauté,  ses  grâces 
et  son  désir  de  le  conserver  auprès  d'elle.  Elle  mourut  à  cette 
époque,  et  les  biographes  allemands  conviennent  qu'elle  fit 
peut-être  aussi  bien  de  mourir.  Blûcher  fut  consolé  facilement. 
On  eût  dit  que,  de  retour  au  camp,  il  venait  de  fiiire  un  rêve 
de  douze  ans,  et  que  toutes  ses  aventures  depuis  son  congé 
obtenu  n'avaient  pas  plus  de  réalité  que  celles  du  sultan  des 
Mille  él  une  Nuitê,  lorsqu'il  plongea  la  tête  dans  un  seau  d'eau 
pendant  un  seul  instant  qui,  par  l'effet  de  la  magie,  se  trouva 
conv^ti  en  des  années  de  déchéance  et  de  servitude. 

Blncher  fut  encore  condamné  à  la  vie  de  garnison  jusqu'à 
ce  que  le  grand  événement  de  la  Révolution  française  vint 
ouvrir  la  vaste  carrière  qu'il  fallait  à  des  esprits  comme  le 
sien.  Lorsque  les  hostilités  commencèrent  entre  la  France  et 
la  Prusse,  il  était  colonel;  mais  il  avait  cinquante  et  un  ans, 
âge  auquel  bien  des  officiers  croient  être  arrivés  au  moment 
de  prendre  leur  retraite.  Depuis  la  fameuse  et  fatale  incursion 
du  duc  de  Brunswick  jusqu'à  la  paix  de  Basle,  il  fut  presque 
constamment  en  activité.  A  la  mort  du  général  Goltz  il  le 
TempUça  dans  le  commandement  de  l'aile  gauche  de  l'armée 
prussienne  :  la  confiance  du  soldat  et  le  succès  du  général 
justifièrent  pleinement  cette  promotion.  La  cavalerie  était  son 
arme  Êivorite  ;  il  conduisit  si  bien  son  corps  de  hussards,  y 
compris  son  ancien  régiment,  qu'on  dit  qu'il  ne  perdit  que  six 
hommes  par  surprise  pendant  ces  campagnes  d'avant-*poste 
de  1792  et  1794,  dont  les  Prussiens  sont  si  glorieux,  pré- 
tendant fièrement  avoir  pris  à  l'ennemi  quatre  mille  hommes, 
quinze  cents  chevaux  et  onze  canons.  Le  général  Blûcher 
y  acquit  la  réputation  d'un  second  Ziethen(l).  Chose  partie 


(1  Le  général  J.  J.  Ziethen  fut  un  des  plus  habiles  et  des  plus  brayes 
lieutenants  du  grand  Frédéric;  il  mourut  seulement  1786,  âgé  de  quatre- 
yingii  ans.  Il  avait  eu ,  comme  BlQcher,  une  jeunesse  turbulente,  et  Mi 
daeli  étaient  aosii  nombieui  que  ses  bauUlef . 


Digitized  by  CjOOQ  IC 


flS  LA  rrB  BE  BLrCHBR. 

taKère  1  comne  si  Bticher  «▼»!  prévu  qn'il  denôt  «n  jomr 
aeeusé  debaftnrie  parla  postérité,  lon-seuleinent  il  éeriTHÎf 
utofs-m»  joumol  tout  à  fait  digHed'im  militaire  plus  lettré,  ma» 
aneore  il  y  raconte  «me  ov  deox  anecdotes  qui  senMeraienC 
provrer  qu'il  avaift  ses  jour»  oa  da  ofioîas  ses  lieures  de  clé- 
mence. Femtanirt  cp'il  caBmurapdait  à  la  frontière,  il  fit  enferrer 
avec  tons  les  boDMwrs  de  soo  grade  en  oUcier  prisonnier 
n»rt  de  ses  Messures...  aitention  si  rare  ponr  k^  vaiaenay 
qn'eHe  étonna  bcawoowp  les  kdritants  français }  maîa  ils  Anrenf 
encore^  plus  édifiés  Iwrsqa^il  adttmistva  de  ses  propres  nmina 
une  fnstigatioa»  exemplaire  aa  charpenfier  dn  vilb^  qui  araii 
foit  pour  le  mort  va/^  eerenetf  trop  oonrC  et  trèa-nnl  coitféc^ 
tionné.  Ycnci  on  antre  -incident  raconté  dana  som  jonmal,  et 
noas  alkMis  le  crier  textnetienent.  La ehosese  passait  en  1799^ 
i  Kaisersiafliteni  : 

«  Parmi  les  prisonniers,  il  s*en  tronrait  un  qtà  avait  «ne 
fracture  du  fénrar;  on  Tavait  élendn  près  du  fén  et  on  lui 
offrit  comme  aux  antre»  do  pain  et  de  Feao-de^vie  ;  non-seo- 
lement  il  refiisait  Fnni  et  Fantre,  mai»  il  ne  vonlak  pas  qa*on 
tm  bandât  la  cuiase,  et  il  ne  cessait  dé  supplier  les  soldats  de 
hn  tirer  un  coup  de  fusil  pour  Tacbever.  Ceux  qui  rentou-- 
raient  se  disaient  entre  eux  :  «c  Totlft  bien  un  de  ces  enragea 
de  Françatsf  y>  lAffHinf;  etmot,  qui  étions  à  portée  de  tout 
entencbre,  nous  nous  approcMmes  du  groupe.  Le  blessé,  ton- 
jour»  coucbé  et  replié  sur  Inî^méme,  ne  voyait  rien  de  ce  qur 
se  passait.  Gomme  il  me  paraissait  tremMer  de  froid,  je  le  fis 
couvrir  avec  des  amarteaux.  11  leva  les  yeux  sur  mot  alors, 
mai»  il  les  rebaissa  aussitôt.  Ne  possédant  pas  bien  la  langue 
française,  je  chargeai  mon  adjudant  de  rengager  à  laisser 
panser  sa  blessure  et  à  prendre  des  aliments  ;  il  ne  répondit 
rien,  et  je  lui  fia  dire  que  le  désespoir  éUni  une  kontense  fai- 
blesse; que  ne  pas  savoir  supporter  son  sort  était  indigne  d'un 
homme  et  surtout  d'un  soldat;  qu'il  devait  prendre  courage, 
espérer  sa  guérison^  et  bien  se  petsnader  qjue  les  homoies 
parmi  lesq^la  il  ae  troonrait  ânienà  tout  œ  qm  seaai&ea 
leur  pouvoir  pour  le  soiriagar.  H  dm  nsgHda  de  Muvmo,  év 


Digitized  by 


Google 


fient  CM Urtrt  4e  les  jeax  el  il  me  tendil  la  maîn*  (hi  hii 
oftril  da  vin,  il  en  but,  et  dès  lors  il  s'abanéoun  mna  tém^ 
tasce  9fà  chtrargien.  Je  hû  dflmMéM  eosaite  la  came  de  sa 
première  ehatînaltOB ;  îl  me  répondît:  e  On  m'a  foreé  àter* 
vir  la  répabUqae;  mon  père  a  éti  gafllotiBé)  mes  frèiee  ont 
péri  dan*  noe  guerres  âriles;  am  feaime,  mea  enfants  soa( 
dana  la  détresse;  v<Mlà  ponnpMM  je  déeinûa  la  awrt^  car  je 
pensais  que  la  mort  seule  pouvait  finir  meamaux.  Votre  boaM 
ma  lamenè  à  de  meUleur»  seatimenis»  je  tous  en  remercie; 
mainlenam,  je  le  sens^  j'attendrai  avec  résohitien,  »ree  pa- 
tienfie,  le  sc^t  %tte  me  réserve  l'avenir.  » 

Ce  tiaii  sentie  déaMmtrta  la  vérité  dn  vieil  adage,  qae 
a  le  diable  n'est  pae  si  noir  «lu'cm  vent  lâea  le  peindre,  »  et 
aartent  qpiand  c'est  un  Français  fai  tient  le  pinceau. 

Après  la  paix  de  Basle,  Blûcber  tre«vant  le  loisir  de  penam 
à  an  second  mariage,  épousa  Maria-Amelia  von  CMomb.  Il 
eoi  pendant  quelque  temps  un  commandement  à  Munster^ 
sons  les  ordres  du  duc  de  Bniaswick.  Là»  il  fit  coanaissance 
«vec  an  gmad  nombre  d'émigrés  françab ,  parmi  lesqneb 
l'abbé  de  Pradt  devint  son  favori.  Le  dernier  roi^  Frédéric 
Guillaume  III,  qui  monta  sur  le  trône  en  1797»  avait  eu  occa* 
sioo,  lorsqu'il  servait  dans  les  armées  de  son  père  en  qualité 
de  prince  royal,  de  remarquer  le  mérite  de  Blûcfaer.  En  i801 
il  le  promut  au  grade  de  lieutenant  général,  et  en  1803  il  k 
ttOJBnia  gouverneur  de  Munster,  viUe  qui»  aux  tenaesde  la 
pais,  était  échue  en  partage  à  la  Prusse.  La  résidence  de  Blil- 
cber  au  palais  épiscopal  fit  renaître  les  scènes  qu'on  y  voyait 
au  tenq>s  du  prince  évéque,  de  guerrière  et  bachique  mé- 
moire, oélébré  par  sir  W.  Temple.  Blftcber  avait  toujours 
aimé  le  jeu;  c'était  une  passion  qui  n'avait  d'égale  cbei  lui 
que  la  passion  plus  noble  de  la  guerre,  «  cet  amusement  des 
rois,  »  dans  lequel,  dit  le  poète  anglais  : 

liofpi  hold  the  hottle,  and  Europe  tbe  staker  (1). 

Aussi  profita-t-il  de  la  dangereuse  fiicilité  que  kit  olBbait  la 

(i)  Les  rois  tteuasai  la  bouteille,  et  FEarope  Tenjea. 


Digitized  by 


Google 


888  I^  VIB  DE  BLUCHEB. 

proximité  des  bains  de  Pyrmoni,  pour  se  livrer  sans  râserre 
à  ce  pernicieax  penchant. 

La  paix  n'était  rien  moins  que  solide.  Les  Français  occii« 
paient  le  Hanovre»  et  cette  occupation  plaçait  les  deux  iui« 
tiens  dans  un  dangereux  voisinage.  Il  y  avait  en  Pnisaey  et 
particulièrement  dans  l'année,  un  fort  parti  pour  la  guerre  ; 
ce  parti,  on  le  pense  bien,  comptait  Blûeher  au  nombre  de 
ses  principaux  chefs. 

En  1806 ,  la  scène  s'ouvrit  tout  d'abord  par  le  grand 
désastre  de  léna;  après  cette  bataille,  où  l'orgueil  militaire  et 
la  confiance  arrogante  de  la  Prusse  reçurent  une  si  cruelle 
leçon,  l'existence  de  cet  état,  isolé  désormais  sur  la  carte  de 
l'Europe,  se  trouva  livrée  à  la  merci  du  vainqueur.  Le  courage 
que  déployèrent  les  corps  abandonnés  de  l'armée  prussienne 
en  s'opposant  aux  admirables  combinaisons  et  aux  niasses 
concentrées  de  l'ennemi,  ne  fit  que  rendre  plus  éclatantes  les 
foutes  et  les  divisions  de  ceux  qui  avaient  le  commandement 
en  chef.  Tous  les  avantages  résultant  de  la  connaissance  des 
lieux ,  toutes  les  ressources  qui  favorisent  les  troupes  corn* 
battant  sur  leur  propre  sol,  tournèrent,  dans  cette  étrange 
circonstance,  au  profit  de  la  France. 

Ce  n'était  plus  l'esprit  du  grand  Frédéric,  mais  celui  de 
l'Agramant  de  l'Arioste  qui  régnait  dans  le  camp  prussien. 
Blûeher,  comme  général  de  la  cavalerie,  n'était  point  en  po- 
sition de  contrôler  les  mouvements  ni  de  réparer  les  fautes 
de  Brunswick,  de  Mollendorf  et  de  Uobenlohe.  Tout  ce  qu'il 
pouvait  faire,  c'était  d'offrir  ses  braves  cavaliers  pour  essayer 
de  ramener  la  fortune  par  une  charge  désespérée.  Mais  cette 
offi'e,  d'abord  acceptée  par  le  roi,  fut  presque  aussitôt  rejetèe, 
et  Blûeher  n'eut  plus  qu'à  sauver  le  reste  de  ses  forces  par  une 
retraite  dans  le  nord^de  l'Allemagne.  Cette  mission  difficile, 
il  l'exécuta  avec  tant  de  courage  et  de  persévérance,  qu'une 
victoire  n'aurait  pu  être  pour  lui  plus  glorieuse:  car  il  faut  bien 
le  reconnaître,  rien  ne  saurait  égaler  la  vigueur  et  l'activité 
des  généraux  de  Bonaparte,  qui,  une  fois  à  sa  poursuite,  surent 
déjouer  ses  ruses  et  paralyser  ses  efforts.  Traqué  conune  une 


Digitized  by 


Google 


LA  VIE  DE   BLUCHER.  280 

béie  fauve,  Blûcher  trouvait  partout  la  retraite  interceptée. 
Chacun  de  ses  plans,  soit  qu'il  cherchât  à  s'échapper  sur 
l'Elbe,  soit  qu'il  voulût  passer  l'Oder,  soit  qu'il  prit  la  direc- 
tion de  Hanovre,  était  aussitôt  deviné  et  prévenu.  Enfin  re- 
foulé sur  Lubeck,  qu'il  occupa  un  moment,  malheureusement 
pour  cette  ville  neutre,  et  où  il  faillit  être  pris  lui-même,  ré- 
duit aux  abois,  accablé  par  la  fièvre,  manquant  de  munitions 
et  de  vivres,  il  fut  forcé  de  capituler. 

Blûcher  se  retira  à  Hambourg,  où,  après  être  resté  prison- 
nier sur  parole,  il  fut  échangé  ensuite  contre  le  général  Vic- 
tor. A  l'occasion  de  sa  délivrance,  il  visita  les  quartiers  des 
Français,  et  il  fut  reçu  avec  distinction  par  Napoléon. 

Les  hostilités  continuaient  toujours  dans  les  provinces  du 
nord  :  la  Russie  prêtait  son  puissant  secours;  la  Suède  offrait 
sa  coopération  :  le  roi  ordonna  donc  l'organisation  d'un 
corps  destiné  à  agir  sur  les  derrières  de  l'ennemi,  le  long  des 
efties  septentrionales.  Blûcher  fut  choisi  pour  commander 
cette  expédition,  qui  échoua  toutefois  dès  le  début  par  les 
hésitations  du  souverain  delà  Suède,  et  se  termina  fatalement 
par  la  bataille  de  Friedland  et  la  paix  de  Tilsit,  qui  en  fut  la 
suite.  Après  la  signature  du  traité,  notre  héros  garda  le  com- 
mandement de  l'armée  de  Poméranie,  poste  rempli  de  dif- 
ficultés ;  car  les  troupes  du  conquérant  étant  campées  dans 
le  voisinage ,  de  fréquentes  discussions  et  des  querelles  même 
s'élevaient  entre  les  généraux.  Dans  cette  position,  Blûcher 
montra,  dit-on,  beaucoup  d'adresse  et  d'habileté.  Il  savait 
donner  de  la  valeur  aux  concessions  qu'il  était  obligé  de  faire 
comme  étant  le  plus  faible.  Mais  s'il  est  vrai  que  le  langage, 
selon  un  satirique  anglais  (théorie  adoptée  par  Talleyrand), 
ait  été  donné  à  l'homme  pour  cacher  sa  pensée  ou  déguiser 
ses  intentions,  Blûcher  adopta  aussi  cette  théorie,  et  sut  tirer, 
dit-on,  dans  ses  négociations ,  tant  d'avantages  de  la  langue 
allemande,  la  seule  qu'il  pût  parler,  que  les  militaires  français 
lui  reprochent  d'en  avoir  abusé.  Lors  de  la  retraite  d'Iéna, 
dans  une  entrevue  qu'il  eut  avec  le  général  Klein ,  il  parait 
certain  qu'il  parvint  à  faire  croire  à  cet  officier  qu'un  ar- 

5*  SÉRIE.  — TOME  XI.  19 

Digitized  by  VjOOQ  IC 


290  LA  ns  DE  BLUCHER. 

-mistice  arait  été  conclu.  Aussi  les  généraux  Klein  et  Lasalle, 
trompés  par  cette  assurance,  ayant  diflMré  leur  attaque,  BId- 
cher  put  gagner  un  jour  de  marche  sur  ses  ennemis.  Toute- 
fois, il  est  bien  difficile  de  croire  qu'il  se  fût  compromis  dam 
cette  circonstance  au  delà  des  limites  permises  dans  les  sitra- 
tagèmes  militaires;  car  Napoléon ,  indulgent  pour  les  ruses 
de  ses  propres  officiers,  n'eût  pas  craint  sans  doute  de  oom^ 
promettre  la  réputation  d'un  adversaire  en  soumettant  à  une 
enquête  sévère  Vexamen  de  cette  accusation  ;  bien  phi»,  e$t-il 
croyable  qu'il  lui  eût  fait  une  si  honorable  réception ,  lors- 
qu'il vint  visiter  son  quartier  général?  Klein  et  Lasalle  avaient 
la  confiance  de  l'empereur  ;  ils  pouvaient  lui  raconter  leur 
mésaventure  comme  ils  l'entendaient  pour  se  justifier.  Ce- 
pendant il  faut  convenir  qu'outre  ce  témoignage  négatif,  les 
relations  allemandes  de  cette  transaction  nous  laissent  dans 
le  doute.  On  a  élevé  contre  Blûcher  une  autre  accusation  du 
même  genre  :  celle  d'avoir  violé  l'armistice  de  1813  en  occu- 
pant le  terrain  neutre  en  Sîlésie,  avant  le  jour  désigné  pour 
le  renouvellement  des  hostilités;  mais  pour  cette  fois,  les 
rapports  prussiens  répondent  à  cette  accusation,  en  affirmant 
que  la  violation  de  ce  territoire  fut  le  feit  du  corps  français 
sous  les  ordres  de  Macdonald. 

Malheureusement  pour  la  gloire  de  Blûcher,  les  Français 
n'ont  pas  été  ses  seuls  accusateurs.  Pendant  son  commande- 
ment en  Poméranie,  il  dut  se  défendre  contre  les  attaques 
anonymes  de  la  presse  de  LeipsLck,  qui  condamnait  sa  con- 
duite militaire  dans  sa  récente  et  difficile  retraite.  Il  lui  fallut 
paraître  devant  une  cour  d'enquête,  qui  avait  reçu  l'ordre  de 
siéger  à  Kœnisberg  pour  y  juger  des  laits  d'une  nature  plus 
grave;  mais  le  témoignage  d'un  officier  distingué,  de  Schara- 
faorst,  qui  avait  partagé  les  fetîgues  et  les  dangers  de  sa  re- 
traite, parut  si  concluant  en  faveur  de  Blûcher,  qu'il  sortit  de 
cette  épreuve  complètement  blanchi. 

C'était  une  époque  fatale  pour  la  patrie  d'adoption  de  Blti- 
cher.  La  Prusse  vit  se  succéder  quatre  années  d'humiliatio», 
d'asservissement,  d'oppression  et  d'outrages.  Il  eût  été  de  la 


Digitized  by 


Google 


LA  YIB  •■  BLVCHER.  991 

poliliqiie  delà  France,  ou  d'asmirer  sa  conquête  en  achevant 
le  complet  déiaembrenient  de  la  Prusse,  on  d'épargner  la  di- 
giité  du  vaincn.  La  mort  d'une  reine  aimable  et  justement 
vaaéey  qne  Ton  regarda  comme  nne  victime  des  insuites  que 
Napoléon  n'épargna  pas  à  cette  auguste  ennemie,  provoqua 
les  resaentînients  populaires.  En  dépit  de  la  vigilance  fran- 
çaise, en  dépit  dee^  termes  même  de  la  paix,  qui  limitaient  le 
aoBbre  des  bMonnettes  de  l'armée  permanente,  une  armée 
leenitée  en  silence,  on  matériel  nombreux  secrètement  amassé, 
fonnèrent  lee  éléments  d'une  campagne  prochaine.  Le  baron 
de  SteÎD  organisa  la  fameuse  tu§etMw%d^  et  l'on  regarda 
ttw^or,  malffé  son  âge  avancé,  comme  le  futur  vengeur  des 
nalheors  delà  patrie.  L'infinnilé'qui  l'affligea  pendant  la 
pins  grande  partie  de  l'année  1806,  et  qui,  de  temps  à  autre, 
aiectait  même  sa  raison,  ne  fit  qu'ajouter  une  ardeur  ma^ 
ladive  i  son  enthousiasme;  dans  ses  moments  de  délire,  il 
s'âera  plus  d'une  fois  jusqu'à  une  sorte  d'inspiration  pro- 
pliéliqne,  et  l'on  assure  qu'il  prédit  la  complète  délivrance  de 
son  pays  et  la  chute  de  son  oppresseur.  «  Cdia  doit  arriver, 
et  il  £iol  que  j'y  assiste,  disait-il,  et  je  ne  mourrai  point  que 
révénem'eat  ne  soit  accompli.  » 

L'éducation  de  Blûcher  avait  été  celle  d'un  soldat.  Il  ne 
savait  d'antre  langue  que  la  sienne,  mais  il  avait  la  passion 
d'écrire,  et  c'était  pour  lui  un  vrai  plaisir  de  dicter  ses  dé^ 
pêches  et  ses  prqplamations.  Nous  avons  vu  les  lettres  qu'il 
adressait  au  roi  à  cette  époque  :  le  sujet  invariable ,  c'était 
toujours  cette  régénération  de  la  Prusse  qu'il  attendait  avec 
une  constance  que  rien  ne  pouvait  ébranler.  Ces  lettres  ren- 
ferment toutes  des  passages  d'une  éloquence  vraiment  digne 
d'un  si  beau  thème.  De  temps  en  temps  quelque  événement 
venait  raviver  ses  espérances,  comme  la  guerre  autrichienne 
et  l'entreprise  chevaleresque  de  Schill  ;  mais  le  ciel  se  reifr* 
brunissait  bientôt,  et  jusqu'au  jour  oik  les  deux  puissances 
colossales  de  l'Europe»  la  France  et  la  Rtnsie,  se  précipitè- 
nnt  déddémtnit  Tune  contre  l'autre  dans  l'arène,  il  n'eut, 


Digitized  by 


Google 


292  LA  VIE  DB  BLUCHER. 

pour  nourrir  ses  ressentiments  et  se  consoler,  qne  les  succès 
lointains  des  armes  anglaises  dans  la  péninsale  d'Espagne. 

Parmi  les  concessions  que  Napoléon  arracha  de  son  dou- 
teux allié  avant  son  expédition  de  Russie,  il  faut  compter  le 
rappel  de  Blûcher  de  son  commandement  de  Poméranie.  C'é- 
tait une  mesure  que  justifiaient  complètement,  du  reste,  et  les 
discours  trop  peu  mesurés  et  la  conduite  du  vieux  soldat.  Le 
roi,  pour  dorer  ce  changement,  fit  don  d'une  magnifique  terre 
en  Silésie  au  général  Blucher,  qui,  après  une  courte  résidence 
à  Berlin,  se  retira  dans  la  capitale  de  cette  province. 

Ce  fut  aussi  à  Breslau  que  le  roi  se  rendit  lors  de  la  fameuse 
défection  du  général  D* York.  A  ce  signal ,  tous  les  éléments 
d'insurrection  depuis  longtemps  amassés  s'enflammèrent  tout 
d'un  coup,  et  l'incendie  se  propagea  rapidement  d'un  bout  de 
la  Prusse  à  l'autre.  Dans  ces  circonstances  il  était  facile  de 
prévoir  de  quelle  nature  seraient  les  avis  et  l'opinion  de  Blû- 
cher ;  il  se  prononça  hautement  en  faveur  d'un  mouvement 
en  avant,  et  rejeta  avec  mépris  toute  proposition  de  mesures 
dilatoires  ou  timides.  Le  roi  hésitait  à  lui  confier  un  coni- 
mandement  que  le  vœu  populaire  et  le  choix  unanime  de 
l'armée  lui  auraient  déféré  tout  d'une  voix.  Les  conseillers 
de  la  couronne  ne  regardaient  Blucher  pour  la  plupart  que 
comme  un  brave  hussard  dont  la  témérité  et  l'ignorance  mi- 
litaire étaient  capables  de  compromettre  les  espérances  de  la 
crise  du  moment,  et  ils  soutenaient  les  prét^ptions  de  Tauen- 
zien.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'opinion  éclairée  et  les  conseils  de 
Scharnhorst  prévalurent,  et  le  15  mars  1813,  le  long  rêve  de 
Blûcher  était  réalisé  :  il  se  trouvait  à  la  tète  de  l'année  de 
Silésie. 

.  Nous  nous  sommes  étendus  sur  les  premières  années  de  la 
carrière  de  Blikcher,  parce  que  cette  partie  de  sa  biographie 
nous  fournissait  des  traits  de  son  caractère  généralement  peu 
jEeuniliers  aux  lecteurs.  Quant  aux  derniers  incidents  de  sa  vie 
militaire,  ils  sont  si  bien  connus  qu'à  peine  est-il  besoin  d'en 
retracer  même  un  aperçu  sommaire.  Il  est  une  chose  toutefois 
qu'il  ne  faut  point  oublier  de  reconnaître,  c'estque  si  l'influence 


Digitized  by 


Google 


LA  VIE  DE  BLUCHEB.  29â 

politique  appartint  à  l'empereur  Alexandre,  si  Ton  dut  à  Ta- 
dressede  Schwarzenberg  cette  force  de  cohésion  qui  relia  entré 
eux  les  éléments  si  peu  homogènes  de  la  coalition,  Blûcher 
seul  en  fut  l'élément  actif.  Ce  fut  lui  qui  inspira  aux  masses 
eette  audace  dans  l'attaque  et  cette  constance  dans  les  revers 
dont  aucune  coalition  jusque-là  n'avait  donné  l'exemple.  Dans 
des  temps  ordinaires  et  avec  des  événements  ordinaires,  un 
soldat  comme  Blûcher  eût  été  déplacé.  11  se  fût  trouvé  dans 
l'impossibilité  d'agir  entre  la  ruse  jalouse  du  Russe  et  l'apa- 
thie proverbiale  du  Suédois,  auquel  les  Allemands  font  l'ap- 
plication de  ce  passage  du  poème  de  la  Cloche^  de  Schiller  :  - 

Ach  I  ihm  fehlt  kein  theures  haupt. 

Blûcher  n'avait  ni  l'amabilité  de  Schwarzenberg,  ni  le  calme 
inaltérable  de  Wellington  ;  mais  pour  l'accomplissement  de 
ses  deux  grands  projets,  la  délivrance  de  son  pays  et  l'abais- 
sement de  la  France,  il  sut  montrer  la  réunion  de  ces  qualités 
contraires.  Certes,  il  eut  à  subir  plus  d'une  défaite,  ci  vouloir  le 
comparer  à  ce  grand  capitaine  dont  les  campagnes  dans  l'Eu- 
rope et  dans  l'Inde  ne  comptent  pas  un  revers,  serait  assuré- 
ment chose  absurde  ;  mais  quelle  bataille,  pour  ne  rien  dire  des 
conséquences,  fut  jamais  plus  justement  gagnée  que  la  grande 
bataille  de  Katzbach  !  Jamais  simple  hussard  ne  sut  mieux  que 
Blûcher  inspirer  à  ses  troupes  ce  noble  enthousiasme  qui  les 
animait  dans  la  poursuite  de  leurs  avantages  et  les  ralliait  après 
la  débite.  Ce  fut  là  ce  qui  lui  permit  de  réparer  la  journée  de 
Montmirail  sur  les  hauteurs  de  Montmartre  et  de  suivre  avec  vi-  • 
gaeur  un  plan  de  mouvements  combinés  après  l'échec  de  Ligny . 

Blûcher  n'ambitionna  jamais  la  gloire  d'un  général  strate- 
giste.  Sans  aucun  doute,  c'est  à  son  mépris  du  danger,  à  U 
téméraire  insouciance  avec  laquelle  il  exposait  constamment 
sa  personne,  qu'il  faut  attribuer  la  plus  grande  part  de  ses 
succès.  Il  possédait,  ainsi  que  Marmion  et  Napoléon,  Tart  de 
se  fiiire  aimer  du  soldat. 

Ses  plaisanteries»  souvent  hasardées  et  peu  feites  pour  de 
chastes  oreilles,  manquaient  rarement  leur  eflet  sur  les  audi- 


Digitized  by 


Google 


SM  LA  VIE  DE  BLUGHER. 

teors  auxquels  elles  s'adressaient  ;  les  lèvres  noircies  par  la 
poudre  des  cartouches  s'entr'ouvraient,  et  un  gros  rire  pai^ 
courait  la  colonne,  tandis  que  la  mitraille  en  décimait  Im 
rangs.  Quand  au  milieu  d'une  chaude  canonnade,  il  arrêtait 
tout  à  coup  son  cheval  et  venait  allmner  sa  pipe  k  la  mèche 
au  canonnier,  la  pièce,  on  le  pense  bien,  n*en  était  pas  plvs 
mal  servie.  Vers  la  fin  de  la  campagne  de  France,  les  infiiw 
mités  de  Tàge  l'obligèrent  un  moment  de  songer  à  abandon* 
ner  aon  commandement  et  à  se  retirer  dans  les  Pays-Bas; 
mais  rame  triompha  du  corps,  et  bien  qu'incapable  de  se  tenir 
en  selle,  ce  fut  du  haut  d'une  voiture  qu'il  donna  ses  ordres 
avec  autant  de  calme  que  de  précision,  lors  de  la  dernière 
attaque  de  Montmartre.  La  gravité  allemande  de  son  état-ma- 
jor dut  être  ébranlée  à  son  apparition,  car  pour  protéger  ses 
yeux,  alors  dans  un  état  d'inflammation  violente,  le  vieux 
vétéran  avait  remplacé  le  chapeau  de  général  par  un  chapeau 
de  dame  française  orné  d'un  voile.  11  n'assista  point  à  l'entrée 
triomphante  des  souverains  dans  Paris,  sa  santé  l'en  empêcha, 
et  le  2  août  il  se  démit  du  fardeau  de  son  commandement 
militaire. 

La  paix  de  Paris  ne  l'avait  point  satisfait;  il  avait  soif 
d'humilier  la  France.  Après  avoir  goûté  la  récompense  de  ses 
services  dans  les  éloges  enthousiastes  de  Londres  et  de  Berlin, 
il  partagea  pendant  quelque  temps  sa  résidence  entre  cette 
dernière  ville  et  Breslau,  exhalant  partout  et  toujours  son  mé- 
contentement, ne  cessant  de  blAmer  les  concessions  des  alliés. 
Peu  mesuré  dans  ses  paroles,  sans  réserve  dans  le  choix  de  ses 
firéquentations,  se  mêlant  indistinctement  à  toutes  les  classes, 
il  exprimait  si  ouvertement  son  mépris  des  diplomates,  et 
spécialement  de  Hardenberg,  que,  bien  que  sans  ambition 
personnelle,  sans  aucun  motif  d'agrandissement  ou  d'intérèly 
il  se  laissa  aller  à  être  le  point  de  ralliement  d'une  petite 
fronde,  plus  propre  à  offenser  les  souverains  ou  leurs  minis- 
tres qu'à  influencer  leurs  résolutions. 

Que  Bliîcher  ait  désiré  voir  s'élever  un  nouveau  conflit 
entre  son  pays  et  la  France,  cela  parait  de  la  dernière  ivir* 


Digitized  by 


Google 


LA  VIS  IMB  BLUCHER.  WSf 

deoce;  msd»  cpi'il  ait  pu  eapérer  à  aon  Age,  avec  ses  infirniUéi, 
diriger  encore  ea  personne  la  fortune  des  combats»  et  cela 
dans  le  seul  but  de  satisfaire  cette  vieille  rancune  qu'il  gar«> 
daît  â  Napoléon,  tout  aussi  bien  qu'à  la  nation  française, 
c'est  ce  qui  peut  paraître  iskpossible.  Très-probalement»  les 
pnijetSy  les  opinions  de  Blûcher  étaient  l'expression  de  ses 
senlîBents  plutôt  que  le  résultat  d'une  étude  profonde  siur 
réiat  politique  de  l'Europe.  Quoi  qu'il  en  soit,  ses  vues  étaient 
partagées  par  un  homne  dont  le  jugement  calme  et  l'c^jeer^- 
?alion  sagace  n'avaient  pu  subir  les  mêmes  influences,  et  qoi 
n'avait  ni  défaites  personnelles  à  réparer  ni  insultes  natio^ 
naks  à  venger.  Le  duc  de  Wellington  écrivait  à  son  frère  sir 
HaniT  Wellesley  (Gurmod,  decmber  ntk.  181i)  : 

«  La  vérité  est  que  je  crois  que  ce  pays  (la  France)  est 
teUement  ruiné,  idlement  ^uisé  par  la  révolution  et  que  le 
peuple  a  tant  souffert,  qu'il  ne  saurait  plus  exister  sans  pillage 
et  qu'il  ne  pourra  supporter  l'état  de  paix.  Si  cela  est,  com- 
ment avons^nous  laissé  se  dissoudre  la  grande  alliance  et 
pourquoi  ne  chercherions-nous  pas  comme  une  ancre  de 
^Lt  à  en  former  une  nouvelle  avec  la  Péninsule?» 

Toujours  fmnant,  jouant  ou  querellant^  Blûcher  eut  sans 
doute  continué  cette  agréable  vie,  si  un  grand  événement  ne 
tu  venu  le  rappeler  à  l'exercice  de  plus  nobles  facultés.  U  se 
trouvait  à  Berlin  quand  on  y  apprit  que  Napcdéon  s'était 
échappé  de  l'tle  d'Elbe.  Il  courut  diez  l'ambassadeur  anglais 
pour  loi  reprocher  la  négligence  de  son  gouvernement,  et  le 
jour  même  il  se  montra  dans  les  principales  rues  de  la  ville 
en  grand  uniforme  de  feld*maréchal ,  pour  indiquer  claire- 
ment qu'an  moment  d'une  guerre  prochaine  il  n'entendait  pas 
eider  à  de  plus  jeunes  chefe  ses  droits  au  poste  le  plus  hono<* 
raUe  ^  le  plus  périlleux.  Bientôt  il  fut  nommé  au  comman* 
dament  de  l'armée,  et  Gneiseneau,  son  ancien  compagnon  et 
conseiller»  revint  aussi  prendre  place  à  ses  c6tés. 

Le  duc  de  Wellington  arriva  de  Vienne  à  Bruxelles  le  5 
avril  1815.  Kleist  commandait  alors  l'armée  prussienne,  et  le 
17  seulement,  Bliicher  entrait  à  Liège.  D'après  une  lettre  de 


Digitized  by 


Google 


996  LA  VIE  DE  BLUCHER. 

Wellington  à  lord  Clancarty,  datée  du  6»  il  parait  que  le  duc 
trouva  Kleîst  disposé,  en  cas  d'attaque,  à  se  retirer  derrière 
Bruxelles,  et  qu'il  s'opposa  vivement  à  cette  résolution  da 
général  prussien,  bien  que  lui-même,  dans  une  autre  lettre 
adressée  le  même  jour  à  lord^Batburst,  il  se  plaignit  de  ne 
pouvoir  disposer  que  de  forces  insuffisantes.  Mais  les  dr^ 
constances  politiques,  tout  autant  que  les  considérations 
stratégiques ,  déterminaient  le  duc  à  se  maintenir  en  avant 
de  Bruxelles  ;  l'événement  a  prouvé  que  Blûcher  adopta  cet 
avis,  qui  était  trop  d'accord  avec  son  caractère  pour  qu'il  ne 
s'y  rangeât  pas  facilement. 

Le  10  avril,  Wellington  écrivait  à  lord  Clancarty,  qu'il  es* 
pérait  prendre  l'initiative  vers  la  fin  du  mois  ou  au  commen* 
cernent  de  mai  ;  selon  ses  calculs,  les  alliés  devaient  à  cette 
époque  lancer  270,000  hommes  sur  la  France,  qui  ne  |M>ur- 
rait  leur  en  opposer  que  180,000  :  mais  huit  jours  plus  tard  on 
avait  dA  renoncer  à  cet  espoir,  par  suite  de  nouveaux  rensei- 
gnements sur  les  préparatifs  de  Napoléon  ;  et  le  duc  joignit  i 
l'envoi  d'un  mémoire  basé  sur  ses  premiers  plans,  les  obser- 
vations suivantes: 

«  Depuis  que  j'ai  fini  d'écrire  à  Votre  Seigneurie,  de  graves 
événements  se  sont  accomplis  en  France  ;  il  en  résulte  qae 
Napoléon  pourra  disposer  de  toutes  ses  forces  plus  librement 
que  nous  ne  le  supposions  :  et  d'ailleurs,  les  mesures  qu'il  a 
su  prendre  vont  certainement  et  promptement  augmenter  son 
armée.  D'après  les  pièces  ci-jointes,  vous  verrez  que  le  dnc 
d'Ângouléme  sera  forcé  de  quitter  la  France,  que  Napoléon  a 
rappelé  tous  les  soldats  récemment  congédiés,  c'est-à-dire 
environ  127,000  hommes,  dont  100,000  peuvent  être  immé- 
diatement employés,  et  qu'en  outre  il  a  organisé  200  batail- 
lons de  garde  nationale.  Quoique  cette  dernière  force  ne  me 
semble  pas  devoir  être  bien  formidable,  j'estime  cependant 
que  nous  nous  exposerions  à  rencontrer  une  armée  trop  égale 
en  nombre,  si  nous  persistions  à  exécuter  les  opérations  in- 
diquées dans  le  présent  mémoire.  r> 

Les  dépêches  suivantes  prouvent  en  eifet  que  le  duc  se  fài 


Digitized  by 


Google 


LA  VIE  DE  BLCCHER.  29T 

compromis  en  ne  modifiant  pas  ses  dispositions.  Ni  l'armée 
an^aise,  ni  celles  des  autres  alliés,  n'étaient  préparées  suffi- 
samment, et  peut^tre  eût-il  suffi  d*une  mutinerie  fort  à  crain- 
dre parmi  les  troupes  saxonnes  pour  faire  échouer  les  opéra- 
tions. Plusieurs  officiers,  tant  anglais  que  français,  ont  pré- 
leiidQ  que  déi  le  cotmimneiment ^  bien  mieux  que  les  alliés» 
Napoléon  arait  toujours  été  en  état  de  prendre  l'offensive  ;  et 
que  si,  immédiatement  après  sa  réinstallation  aux  Tuileries»' 
il  eût  firaDchi  la  frontière,  ne  fût-ce  qu'avec  quarante  mille 
hommes,  il  eût  eu  beaucoup  plus  de  chances  en  sa  faveur 
qu'il  ne  lui  en  restait  au  mois  de  juin  suivant.  On  voit  en 
effet  que,  malgré  tous  ses  efforts,  Wellington  n'eut  pas  trop 
de  temps  pour  organiser  toutes  ses  forces,  composées  d'élé- 
ments si  divers ,  et  que  l'armée  qu'il  put  enfin  former  n'en 
Testa  pas  moins  bien  inférieure  en  nombre  à  toutes  celles 
qu'il  avait  jusque-là  commandées  en  Europe.  Sa  correspon- 
dance de  cette  époque  est  toute  remplie  de  son  désir  conti- 
nuel de  devancer  l'attaque  des  Français,  désir  bien  sincère- 
ment partagé  par  Blûcber,  en  même  temps  qu'elle  explique 
les  raisons  qui  le  forçaient  à  l'immobilité.  Et  ces  raisons  n'é- 
taient pas  seulement  celles  qui  inspiraient  une  si  grande  con- 
fiance à  Napoléon  ;  on  savait  partout  que  l'armée  alliée  ne 
pouvait  être  qu'un  assemblage  fort  défectueux  de  forces  hé- 
térogènes ;  on  connaissait  l'absence  de  l'élite  de  l'infenterie 
anglaise,  le  refus  de  concours  des  Portugais,  etc.,  etc.  ;  mais 
on  eût  difficilement  supposé  que  malgré  toutes  ses  instances, 
le  duc  ne  pût  faire  sortir  de  Timmense  arsenal  de  Woolwich 
que  des  envois  tardifs  et  insuffisants.  Le  6  avril»  il  demandait 
à  Londres  150  pièces  de  canon;  le  21,  il  était  réduit  à  n'en  ' 
attendre  que  k%  ce  qui,  joint  à  pareil  nombre  de  pièces  alle- 
mandes, lui  donnait  un  total  d'environ  82  pièces.  Cependant 
l'année  prusienne  avait  au  moins  600  pièces  pour  entrer  en 
campagne,  le  corps  sur  la  Meuse  en  ayant  à  lui  seul  plus  de 
200.  Le  duc  n'eut  pas  moins  de  peine  à  s'approvisionner  de 
fourgons,  de  chevaux,  de  pontons,  de  grosse  artillerie,  etc.; 
mais  outre  ces  graves  obstacles,  il  est  évident  que  ses  pro- 


Digitized  by 


Google 


S8B  lA  VIE  DE  BLUCBBR. 

jets  d'ofiensive  étaient  encore  grandemeni  subc^donnés  aux 
mouvemetUi  des  alUé$  sur  le  hanU  et  le  bas  Rhin,  et  c'est  ce 
qu'il  exprimait  clairement  dans  deux  lettres  datées  du  2  juia 
1815(1),  la  première  adressée  à  Schwarzenberg,  et  la  seconde 
à  sir  Henri  Wellesley.  Mais  déjà  Napoléon  avait  engagé  la 
partie,  et,  au  début  du  moins,  il  la  menait  avec  une  habileté  et 
une  éneigie  dignes  de  ses  plus  beaux  jours  de  bonheur  et  de 
gloire. 

Jamais  peut-être  dans  une  grande  guerre,  cpielque  bien 
conçus  qu'aient  été  les  plans  des  généraux  et  quel  qu'ait  été 
définitivement  le  succès,  il  n'a  manqué  de  survenir  au  moment 
critique  de  l'action  un  de  ces  événements  fortuits,  une  dépA* 
che  fourvoyée,  un  ordre  mal  donné  ou  mal  compris,  une 
colonne  mal  dirigée,  etc.,  qui  dérangent  tout  à  coup  l'ordre 
immitif  des  opérations.  La  campagne  de  1815  est  loin  de  Eure 
exception  à  cette  règle.  Si  Ton  s'en  rapporte  aux  Mémoires 
dictés  par  Napoléon  lui-même,  peu  de  chefs,  dans  des  circon- 
stances aussi  difficiles,  trouvèrent  dans  leurs  lieutenants  aussi 
peu  d'obéissance  et  de  ponctualité.  Ney  et  Grouchy,  au  con« 
traire,  dans  leur  défense ,  ont  prétendu  que  jamais  chef  ne 
donna  des  ordres  plus  indécis  et  plus  contradictoires.  A  ce 
propos,  le  ci^fiitaine  Pringle,  dans  ses  exceUenies  remarques, 
qui  font  partie  de  l'appendice  à  la  Vie  de  Napoléom  par  sir 
Walter  Scott,  observe  fort  judicieusement  que  jamais  un  écri* 


(1)  «Sous  ces  circonstances  il  est  très-important  queje  sache  aussitôt  que 
possible  quand  tous  pourrez  commencer  vos  opérations,  et  de  quelle  na- 
ture elles  MronI,  et  vers  quel  temps  nous  pourons  attendre  que  vous  seres 
èniré  à  une  hauteur  quelconque,  afn  que  Je  pmitee  eommancor  es  ee 
eùté'Ci  de  Moniérs  à  avoir  Vappui  de  vos  opérëUime.  Le  mapédial  BlU- 
clier  est  préparé  et  très-impatient  de  comnencer  ;  mais  je  lui  ai  tàil  diio 
aujourd'hui  qu'il  me  paraissait  que  nous  ne  pouvitna  rien  faire  jusqu'à 
ee  que  noue  futeions  certains  du  jour  auquel  voue  commenceriez,  et  en 
général  de  vos  idées  sur  vos  opérations.  »  (Gurwood.  XII.  p.  137.) 

«  L'armée  de  Scliwarrenberg  ne  sera  toute  entière  réunie  sur  le  haut 
Rhin  qua  le  16,  tomps  veis  lequel  j'espère  que  nous  eommeaeerons.  » 
(Gurwood,  XU,  p.  i».) 


Digitized  by 


Google 


LA  YIB  DB  BLUCHEB.  SM 

Tiîn  français,  en  parlant  d'une  bataille  perdue  par  une  armée 
française,  ne  manque  d'expliquer  cette  débite  par  ce  que 
M.  de  Las  Cases ,  par  exemple»  appelle  un  concours  inouï 
de  circonsiances  fatales. 

Non  nostrum  tanlas  componere  lltei. 

Aux  yeux  d'un  lecteur  impartial,  Grouchy,  dans  sa  justii* 
cation,  a  toutes  les  apparences  de  la  yérité.  Éridemment  cette 
fois,  comme  presque  toujours,  le  hasard  a  joué  un  grand  rftle 
dans  les  événements,  sans  pour  cela  que  Tannée  française  ail 
m  seuleâsooffirir  de  ses  caprices.  Ainsi  le  16  juin,  à  Tailinre 
de  Ii(By,  le  résultat  de  la  journée  eût  pu  être  tout  difKrent 
sans  remeur  bien  connue  qui  tint  éloigné  de  l'action  le  qua* 
triéme  corps  sous  les  ordres  de  Biûcher.  Yoici  comment  se 
tio«?e  mentionné  ce  foit  dans  un  rapport  très-circonstancié 
de  l'allemand  Plotho.  Il  dit  a  qu'un  exprès  avait  été  envoyé 
à  Bulow,  que  l'on  présumait  avoir  établi  ses  quartiers  à 
Hannut,  avec  ordre  de  faire  dès  le  matin  suivant  sa  jonction  ; 
que  ce  général  se  trouvant  encore  à  Liège,  l'ordre  fiit  laissé 
à  Hannut  sans  avoir  été  ourc.l,  comme  étant  de  peu  d'impor- 
tance, wnwiekiig  ihtinef^,  et  que  ce  ne  fut  que  le  lendemain 
à  son  arrivée  à  Hannut  que  Bulow  eut  connaissance  de  cet 
erdre.  b 

baninoiis  encore  succinctement  dans  quelles  circonstances 
BUdiar  fut  amené  à  engager  l'affaire  k  Ligny.  On  n'a  jamais 
eontesté  que  l'infianterie  prussienne  n'ait  été  admirableen  cette 
occasion  contre  les  masses  ;  mais  il  n'en  fut  pas  de  même  de  la 
cavalerie  et  de  l'artillerie.  Biûcher  luinnème  en  exprima  son 
mécontentement.  Quelque  avantageuse  que  fftt  la  position,  il 
était  clair  que  Napoléon  devait  Mre  les  plus  grands  efforts 
ponrVcnlcver  avant  la  nuit  au  vieux  guerrier  qui  roccupait. 
Une  circonstance  importante,  et  que  peu  de  relations  anglaises 
rapportent  de  cette  campagne,  c'est  que  le  duc  de  Wellington 
avait  visité  la  position  peu  de  temps  avant  le  commencement 
de  l'action,  et  que  ce  fut  en  cette  occasion  que  les  deux  gé- 
néraux en  personne  se  concertèrent  pour  leurs  mouvements 


Digitized  by 


Google 


800  LA  VIE  DE  BLUGHER. 

futurs,  et  convinrent  d'une  mutuelle  coopération,  quel  que 
dût  être  d'ailleurs  le  résultat  de  la  première  collision.  Les 
rapports  allemands  n'ont  pas  manqué  de  rappeler  cette  entre- 
vue, dans  laquçlle  l'attention  «des  Prussiens,  dont  la  taille 
droite  était  serrée  d'un  étroit  ceinturon,  fut  attirée  par  la 
cravate  blanche  du  général  anglais,  que,  sans  son  chapeaa 
orné  d'une  cocarde  aux  quatre  couleurs  désignant  le  feld- 
maréchal  de  quatre  royaumes,  l'Angleterre,  l'Espagne,  le 
Portugal  et  les  Pays-Bas,  l'on  eût  pu  prendre  pour  un  simple 
gentleman  foisant  à  cheval  sa  promenade  du  matin.  » 

L'opinion  de  la  plupart  des  officiers  anglais  qui  ont  visité 
la  position  de  Ligny  est,  nous  le  croyons,  que  le  duc  de 
Wellington  dans  une  circonstance  semblable  aurait  employé 
un  tout  autre  système  de  défense  ;  ce  système,  adopté  par  les 
Prussiens,  les  exposait  sans  nécessité,  tandis  que  les  dispo- 
sitions des  lieux  permettaient  de  garantir  les  masses  qui 
n'étaient  pas  immédiatement  engagées  contre  le  feu  meur- 
trier de  l'artillerie  française  (1).  Gneisneau,  nous  a-t-on  assuré, 
avait  bien  reconnu  les  inconvénients  de  la  configuration  du 
terrain  pour  ses  dispositions  ;  mais  il  n'en  avait  tenu  compte, 
et  il  avait  passé  outre,  se  reposant  sur  l'expérience,  les  habi- 
tudes et  le  moral  de  ses  troupes,  qui,  comme  il  le  disait  lui- 
même,  aimaient  à  voir  l'ennemi.  Afin  de  mieux  démontrer  la 
tactique  contraire  du  duc  de  Wellington  dans  un  cas  sem- 
blable, nous  cédons  au  désir  de  citer  le  passage  suivant  d'an 
écrivain  militaire  français.  Il  est  tiré  d'un  article  sur  l'histoire 
de  l'expédition  de  Russie  par  le  marquis  de  Chambray,  inséré 
dans  le  Bulletin  universel  des  Sciences  de  1825. 

L'auteur,  dit  cet  écrivain,  compare  les  tactiques  anglaise  ei  franchie 
elles  opérations  des  généraui  Masséna  et  Wellington  en  1811.  Au  nombre 
des  propositions  remarquables  auxquelles  il  est  conduitpar  les  résultaude 
ces  comparaisons,  nous  choisirons  la  suivante  comme  eiemple  :  Lorsqu'elle 
avait  à  défendre  des  hauteurs,  Tinfanterie  anglaise  n'en  couronnait  pas 

(1)  Ces  réflexions  sont  dues  aux  remarques  d'un  excellent  critique  de 
cette  campagne,  le  général  prussien  Clausewitf. 


Digitized  by 


Google 


LA  YIE  DE  BLUCHER.  301 

lef  crétfs,  selon  U  méthode  des  autres  nations.  Masséna  fut  repoussé  parce 
que  les  Anglais,  pour  défendre  les  hauteurs  qu'ils  occupaient,  employaient 
la  manœuvre  dont  j'ai  parlé  plus  haut  (celle  de  se  placer  à  une  cinquan- 
taine de  pas  en  arrière  de  la  crête,  en  semant  seulement  des  tirailleurs 
sur  la  pente),  ce  qui  est  préférable  à  la  manœuvre  jusqu'ici  en  usage.  Celte 
manière  de  défendre  les  hauteurs,  continue  le  critique,  n'est  pas  nouvelle; 
on  l'avait  quelquefois  employée,  mais  elle  a  été  généralement  adoptée  par 
ks  Anglais  pendant  la  guerre  d'Espagne,  et  ils  l'enseignaient  même  à 
IcQfs  troupes  en  temps  de  paix.  L'infanterie  des  autres  nations  se  place 
ordinairement  sur  la  crête,  en  vue  des  assaillants  ;  l'infanterie  française 
reste  rarement  sur  la  défensive,  et  quand  elle  a  culbuté  l'ennemi,  elle  le 
poursuit  avec  tant  d'impéluosilé  qu'elle  ne  peut  pas  toujours  conserver 
ses  rangs;  de  là  ces  revers  qu'elle  a  essuyés  dans  quelques  occasions,  rares 
tttutefms  qnand  elle  défendait  des  hauteurs;  car  dans  la  plupart  des  occa- 
sions, telles  qu'à  la  Corogne,  à  Busaco,  à  Faentes  de  Onora  et  i  Albuera, 
ce  fut  elle  qui  atUqua. 

Sans  doote,  il  y  a  une  grande  différence  entre  la  configura- 
tion locale  de  Ligny  et  celle  de  Busaco,  entre  une  colline  fia* 
mande  et  une  sierra  portugaise,  et  nous  savons  de  reste  que 
le  plus  fort  de  l'action  eut  lieu  dès  Tabord  dans  les  parties 
basses  des  villages  de  Ligny  et  de  Saint-Amand;  mais  le  prin- 
cipe qui  dit  que  Ton  ne  doit  pas  s'exposer,  n'en  reste  pas 
moins  le  même.  On  assure  que  Napoléon  étant  monté  à  che- 
val dans  la  matinée  du  18,  et  n'apercevant  que  quelques  gui- 
dons anglais,  s'imagina  que  la  division  anglaise  lui  était 
échappée,  et  qu'il  en  manifesta  son  désappointement;  mais 
que  Foy,  qui  avait  eu  une  longue  expérience  de  la  guerre  de 
la  péninsule ,  l'avertit  de  ne  pas  trop  s'en  rapporter  aux  ap- 
parences. Wellington,  ditril,  ne  montre  jamais  ses  troupes  : 
une  patrouille  de  dragons  pourra  bientôt,  au  reste,  vériBer  le 
fait;  mais  s'il  est  là,  je  préviens  Votre  Majesté  çue  Vinfanterie 
an^iaitt  m  dud  est  le  diable. 

On  connaît  l'incident  de  la  chute  de  Bliicher  sous  son 
cheval  expirant  à  Ligny,  et  le  trait  mémorable  de  dévouement 
de  son  aide  de  camp.  Les  fastes  modernes  pourraient  four- 
nir à  peine  un  exemple  d'un  trait  semblable,  et  Froissard 
même  n'a  pas  raconté  un  exploit  plus  chevaleresque  que  ce- 


Digitized  by 


Google 


388  LA  TIB  DE  BLUCHEH. 

lui  de  Nostitz.  D'après  les  récits  prussiens ,  on  voit  qne  cette 
femease  charge  de  cavalerie  à  la  tète  de  laquelle  Blûcher 
8*était  si  dangereusement  et  si  vainement  exposé,  fut  repoussée, 
non  point  avec  le  sabre,  mais  avec  la  carabine,  la  cavalerie 
française  attendant  pour  tirer,  et  se  tenant  ferme  à  ses  rangs. 
Nos  jeunes  officiers  pourront,  s'ils  le  veulent,  regarder  cette 
méthode  comme  un  vieux  procédé  plus  digne  des  cuirassiers 
da  seizième  siècle  que  de  ceux  de  notre  époque.  Toutefois, 
cette  même  méthode,  employée  par  la  cavalerie  française  sous 
les  ordres  de  Grouchy  dans  une  affaire  près  de  Namur  le  19, 
fut  suivie  du  même  succès. 

La  victoire  restait  à  Napoléon  ;  mais  Blûcher,  au  lieu  de  se 
retirer  sur  Namur,  maintenait  avec  ténacité  ses  communica- 
tions avec  Tarmée  anglaise  ;  et  précisément  comme  il  avait 
été  convenu,  il  fit  sa  retraite  sur  Wavre  ;  en  sorte  que  jamais 
armée  battue  ne  se  rallia  plus  vite  et  plus  heureusement. 
Blûcher  fut  transporté  dans  une  chaumière,  d'où  il  dic- 
tait et  envoyait  ses  ordres ,  l'esprit  toujours  inAranlaUe  et 
plein  de  confiance,  le  corps  accablé  et  brisé.  Pendant  que  le 
chirurgien  pansait  ses  blessures,  il  demanda  de  quelle  nature 
était  le  Uniment ,  et  comme  on  lui  dit  que  c'était  de  reau-<le- 
vie,  il  exprima  l'opinion  qu'une  dose  intérieure  serait  bien 
plus  efficace.  Aussitôt ,  ayant  fait  apporter  de  l'ean-de-vie 
qu'il  mêla  avec  du  Champagne,  il  adressa  ces  paroles  an  cour- 
rier qui  allait  partir  avec  ses  dépêches  :  «c  Dites  à  Sa  Hijesté 
doê  ich  hotte  kaltnackgttrunkenj  et  qu'en  censéquence,  tout  ira 
bien.  i>Son  ordre  du  jour  pour  le  17,  après  quelques  réflexions 
sur  la  conduite  de  la  cavalerie  et  de  l'artillerie,  se  terminait 
ainsi  :  «  Je  vous  conduirai  de  nouveau  à  l'ennemi,  et  nous  le 
battrons;  il  le  faut.  » 

Le  18,  il  se  remit  en  selle  à  la  tète  de  la  division  de  Bulow 
nouvellement  arrivée,  et  le  défilé  de  Saint-Lambert  retentit 
de  ce  cri  de  ytierre  devenu  son  sobriquet  :  En  wamt!  Bappe- 
lant  à  ses  troupes  que  la  pluie  de  la  journée  de  Katzbath  leur 
valait  un  surplus  de  provisions  de  poudre,  il  ajouta  que 
d'ailleurs  il  avait  promis  aux  Anglan  d'aller  à  leur  secours  : 


Digitized  by 


Google 


LA  TIE  BE  BtDCHBK.  808 

il  tint  noMement  cette  promesse,  nous  serions  ingrats  de  ne 
pad  le  reconnattre,  qnoiqne  nous  ne  puissions  souscrire  à  toft- 
tes  ces  théories  françaises  ou  prussiennes ,  qui  attribuent  ait 
maréchal  Blûcher  le  mérite  d'avoir  sauvé  l'armée  anglaise 
d'une  défoite  certaine,  comme  si  cette  armée  n'avait  pas  sans 
ses  alliés  repoussé  toutes  les  attaques  et  détruit  la  cavalerie 
de  Napoléon.  Aucune  prévision  d'un  résultat  aussi  désastreux 
ne  rint  à  l'esprit  de  ceux  qui  entouraient  le  duc  de  Welling- 
ton. Des  officiers  de  son  état-major,  ceux  qui,  étant  blessés, 
quittèrent  le  champ  de  bataille  avant  la  fin  de  la  bataille,  le 
firent  sans  éprouver  aucune  anxiété  pour  la  sûreté  person- 
nelle de  celui  qu'ils  laissaient  derrière  eux.  Ses  domestiques, 
qui,  dans  le  village  de  Waterloo,  eurent  l'occasion  d'être  té- 
moins des  incidents  qui,  dans  une  journée  semblable,  se  pas- 
sent à  l'arrière-garde  (incidents  plus  terribles  peut-être  que 
la  bataille  elle-même  pour  ceux  qui  ont  les  nerfs  délicats), 
connaissaient  bien  leur  maître.  Les  moMtÉuvrei  de  la  cuisine 
furent  ordonnées  avec  autant  de  précision  qu'elles  peuvent 
l'être  à  la  caserne  de  la  garde  à  pied  dans  le  palais  de  Saint- 
James.  Quelle  que  fût  la  confusion  dans  l'avenue  de  Soignies, 
il  n'y  en  eut  aucune  dans  le  service  de  la  table  du  duc,  et 
l%onneur  du  Yatel  de  sa  maison  demeura  sans  tache  oonune 
le  sien. 

Mais  si  le  duc  revint  profiter  du  dtner  préparé,  ce  ne  fut 
pas  qu'il  évitât  d'exposer  sa  personne.  Nous  ne  doutons  pas 
davantage  du  sang-froid  de  Bonaparte  devant  le  feu;  mais 
quoique  dans  cette  grande  journée  ces  deux  capitaines  ne  se 
soient  pas  rencontrés,  nous  ne  nierons  pas  qu'ils  n'aient  été 
plus  d'une  fois  près  l'un  de  l'autre  sans  se  voir.  Tout  ce  que 
nous  pouvons  affirmer,  c'est  que  le  duc  de  Wellington,  après 
avoir  eu  plusieurs  officiers  tués  à  côté  de  lui ,  échappa  en- 
core au  danger  de  périr  d'une  chute  de  cheval.  II  était  resté 
seize  heures  en  selle,  lorsque  tout  à  coup  le  fameux  Copen- 
hague^ comme  s'il  avait  eu  la  conscience  de  la  fin  de  ses 
campagnes,  s'abattit  d'une  façon  qui  faillit  être  aussi  funeste 
à  son  cavalier  que  l'avait  été  à  Guillaume  III  le  même  acci- 


Digitized  by 


Google 


soi*  LA  VIE  DE  BLCGHER. 

dent  arrivé  au  petit  gentleman  en  velours  notr,  comme  les  jaco- 
bites  appelèrent  longtemps  le  coursier  du  monarque,  objet  de 
leur  haine. 

Il  ne  fallait  pas  espérer  que  les  deux  peuples  alliés  se  fissent 
deux  parts  égales  de  leur  gloire.  Heureusement  pour  le  mo- 
ment, elles  continuèrent  à  s'entendre  admirablement  pour 
continuer  les  opérations  de  la  campagne.  Les  deux  généraux 
surtout  furent  parfaitement  d'accord  ;  mais  ce  qui  nous  a  un 
peu  surpris,  c'est  qu'un  historien  anglais,  M.  Alison ,  vienne 
de  terminer  ses  dix  volumes  par  une  censure  qui,  si  elle  était 
méritée,  amoindrirait  un  peu  les  talents  militaires  déployés  à 
Waterloo  et  par  le  duc  de  Wellington  et  par  le  maréchal 
Blûcher.  Selon  lui,  tout  battu  qu'aurait  été  Napoléon,  il  aurait 
bien  mieux  manœuvré  que  ses  vainqueurs  «l)- 

Plus  d'une  épée  rentra  malgré  elle  dans  le  fourreau  après 
la  convention  de  Saint-Cloud;  mais  ce  fut  surtout  celle  da 
général  qui  aurait  préféré  entrer  par  un  assaut  dans  la  ville 
de  Paris.  Retenu  comme  il  le  fut  par  les  tètes  plus  froides  et 
l'esprit  moins  vindicatif  des  souverains  qu'il  servait ,  ainsi 
que  par  l'homme  supérieur  à  lui  dont  il  partageait  le  succès, 
Blûcher  aurait  au  moins  vouhi  signaler  son  retour  sur  les 
bords  de  la  Seine  en  faisant  sauter  le  beau  pont  d'Iéna  (2]. 

(1)  Note  du  directblr.  L'histoire  de  M.  Àlison  est  le  sujet  d'ane  vio- 
lente rérutalion  en  plus  dé  20  pa^es.  il  paraîtrait  que  la  Vie  de  Blûcher 
ii*a  été  qu'un  prétexte  pour  que  le  publiriste  tory  ameiiAt  ici  une  longue 
dissertation  tendant  à  prouver  que  la  bataille  de  Waterloo  t  été  gignée 
selon  les  règles.  Si  nous  supprimons  U*  ho  s-d*œuvre  de  cet  article,  ce  n'est 
pas  que  nous  pensions  que  la  rt^putation  militaire  de  Napoléon  «il  rien  à 
y  perdre;  mais  nous  devons  publier  une  suite  aux  deux  |  riM<i  ■•«  riides 
de  l'Histoire  militaire  de  Wellington,  et  nous  réservons  nos  Mip,. rissions 
d'aujourd'hui  pour  en  faire  usag«>aii  besoin. 

/2  Dans  la  corre.spondnnce  aujourd'hui  publique  du  duc  de  Welling- 
ton se  trouve  une  longue  scorie  de  lelires  au  su  et  de  ce  pont.  Nous  n'en 
citerons  que  deux  : 

Paris,  9  juillet  ISltf. 
«  Mein  lieber  fust, 

'    >  Les  dcui  sujets  sur  lesquels  lord  Castlereagh  et  moi  nous  nous  sommei 


Digitized  by 


Google 


LA  TIB  DB  BLCCffBE.  305 

Sa  eolère  s'exhala  comme  d'ordinaire  par  d'amers  sarcasmes 
contre  tonte  la  race  des  hommes  de  plame  et  des  politiques. 
n  tronva  aossi  qaelqoes  distractions  dans  le  vice  du  jeu.  Sous 
Bonaparte  et  jnsquà  Louis-Philippe,  on  sait  que  rien  n'était 
phis  fecile  que  de  s'y  Hyrer  dans  la  capitale  de  la  France.  De 
pareilles  distractions  ne  pouvaient  que  favoriser  la  rapide 

eotretenus  ee  malin  avec  Votre  AUaMe  et  le  général  comte  Gneifenau,  k 
«noir  :  la  dcttniction  du  pont  d'Iéna  et  la  levée  d'une  contribution  de 
tml  millioDfl  de  frana  sur  la  fille  de  Paris,  me  paraissent  si  importants 
pour  les  alliés  eu  général,  que  je  ne  puis  m'empècher  d'y  appeler  encore 
l'aitcntîM  de  Votre  Altesse  par  cette  lettre. 

>La  destruciion  du  pont  d'Iéna  est  trés-désagréable  au  roi  et  au  peuple 
de  Paris  :  il  peut  en  résulter  des  troubles  dans  la  fille.  Ce  n'est  pas  seu- 
lement une  mesure  militaire,  mais  une  mesure  politique  qni  peut  influer 
snr  Je  caractère  de  nos  opérations.  Vous  ne  l'avex  ordonnée  que  parce  que 
le  pont  est  considéré  comme  un  monument  de  la  bataille  d'Iéna,  quoique 
le  gottf  ernement  consente  à  changer  le  nom  du  pont. 

>Eb  considérant  le  pont  comme  un  monument,  je  vous  demande  la  per- 
nisMon  de  tous  foire  observer  que  nous  ne  pourrions  le  détruire  sans  man* 
qioer  à  la  promesse  faite  par  nous  aux  commissaires  français  pendant  les 
oégociatîons»  que  toute  décision  sur  les  monuments,  les  musées,  etc.,  serait 
réservée  aux  souverains  alliés. 

>  Tout  ce  que  je  demande,  c'est  que  l'exécution  des  ordres  donnés  pour 
la  destruction  du  pont  soit  suspendue  jusqu'à  l'arrivée  des  souverains  ici. 
âlofs,  s'y  est  convenu,  d'un  commun  accord,  que  le  pont  doit  être  détruit» 
je  n'aarai  plus  d'objection. 

»  Agrées,  Wbllugton.  » 

•  Paris,  ce  10  juillet  1815,  à  neuf  heures  du  matin, 

c  Mein  lieber  furst, 
•Le  dîner  est  chex  Vérj,  aujourd'hui  à  six  heures,  et  j'espère  que  nous 
passerons  un  journée  agréable. 

•  Je  viens  de  recevoir  la  nouvelle  que  les  souverains  arrivent  aujourd'hui 
à  Bondy»  et  des  ordres  d'y  envoyer  des  gardes,  etc.,  etc.,  ce  que  je  fais, 
ie  crois  qu'ils  ne  s'arrêteront  que  quelques  heures  à  Bondy  et  qu'ils 
poomont  arriver  ce  soir. 

»  Agrées,  WKixmoToif.  » 
Le  maréchal  prince  Blûcher. 
(Cette  lettre  est  en  français  dans  la  correspondance  du  duc) 

5*  SÉRIE.  —  TOME  XI.  30 


Digitized  by 


Google 


806  LA  TIB  DE  BLDCaiER. 

décadence  de  son  inieHlgeace  et  de  sa  santé  pStysiqne,  tors- 
qu'im  accideat  vint  encore  b  bâter.  Une  gamison  an^^aîse 
sans  une  oourse  de  chevaux  serait  presque  une  chose  contre 
nature.  U  y  eut  donc  une  course  à  Saiot-Gloud.  Blûcher»  qm 
avait  la  vue  tràs-courie»  se  heurta  tourdement  contre  une 
corde,  et  l'effet  de  sa  c^ute  fut  de  lui  donner  des  halinana- 
tiens  dont  quelques-unes  étaient  assez  curieuses  pour  £aire 
sourire  les  personnes  qui  compatissaient  le  plus  sincèrement 
au  triste  spectacle  de  cette  ruine  vivante. 

Les  attraits  de  Paris  anraient  pu  séduuie  le  vieux  général, 
sans  la  haine  qu'il  ressentniit  pour  ses  habitants.  Il  araiC  son 
quartier  général  à  Sainl^loud,  et  il  le  transféra  par  occasion 
à  Rambouillet  et  à  Chartres.  Bientôt  les  préliminaires  de  la 
paix  de  Paris  lui  permirent  de  retourner  en  Prusse.  Il  n'at- 
tendit même  pas  la  ratification  de  toutes  les  signatures.  Ses 
adieux  à  son  armée  portaient  la  date  du  31  octobre  1815.  Il 
mit  en  marche  ceUes  de  ses  troupes  qui  devaient  passtt  la 
frontière;  mafis  en  chemin  ayant  entendu  perler  de  quelques 
difficultés  diplomatiques,  il  prit  sur  lui  de  feire  faire  une  halte 
qui  ne  laissa  pas  que  tTembarrasser  les  souverains.  Il  fiallut 
qu'un  ordre  positif  lui  fût  transmis  de  Paris  pour  qu'A  se  rendit 
aux  quartiers  qui  lui  étaient  indiqués  par  le  roi  de  Prusse.  La 
paix  fot  enfin  signée  le  20  novembre  :  ce  Jaur-U  seulement  BUh 
cher  entra  à  Âix-la-Chapelle.  Il  y  arrivait  d^ns  un  triste  étnt 
de  santé.  Il  oontîmia  très-lentement  son  retour  à  Berlin,  retardé 
par  de  fréquentes  haltes  et  aussi  par  toutes  les  bnyantes 
démonstrations  dont  on  Tentourait  sur  son  passjige. 

Il  semblait  que  Blûcher  n'avait  plus  que  quelques  jours  à 
vivre  :  la  hieur  de  la  lampe  ne  jetait  plus  qu'une  faible  et 
vacillante  clarté.  Il  se  survécut  cependant  encore  i  lui-même 
pendant  quatre  ans.  En  iSli,  le  roi  4e  Arasée  lui  avait  donné 
un  domaine  à  KUsbhmts,  «n  Silésie;  il  y  résida  piî&apal^ 
ment,  mais  en  allant  quelquefois  à  Brestam  et  à  Berlin.  Un 
voyage  qu'il  fit  aux  bains  de  Dobberon  par  ordre  des  méde- 
cins, lui  fournit  l'occasion  de  visiter  Bostock,  le  lieu  de  sa 
naissance,  ci  il  TeconmH  et  accueillit  avec  une  toudiante 


Digitized  by 


Google 


LA  VIE  DE  BLUGHEB.  307 

ai&bilité  quelques  vieilles  connaissances  de  ses  jeunes  années. 
Il  passa  quelques  heures  à  Hambourg  et  à  Altona ,  et  voulut 
s'arrêter  ensuite  au  cimetière  d'Oltenfen,  oîi  reposent  les  cen- 
dres de  Klopstock.  Il  avait  connu  personnellement  le  poète, 
et  â  l'aspect  de  la  terre  de  son  dernier  sommeil  il  découvrit 
sa  tête  blanche ,  hommage  du  soldat  à^la  muse  nationale  qui 
eût  feit  sourire  son  premier  patron  Frédéric  le  Grand.  Il 
rendît  aussi  v«ite  à  la  ve«ve  de  Hopsieck,  qui  ««[oellte  ooca- 
sion  fit  sauter  le  liège  d'une  bouteille  de  Tokay  que  trente 
ans  auparavant  le  poëte  lui  avait  recommandé  de  garder  pour 
qaelqae  fête  extraordinaire.  Ces  petits  incidents  ont  leur 
prix  dans  la  vie  des  capitaines.  L'estime  de  Napoléon  pour 
OsfiitD  et  celle  de Blitc^er  po«r  kpoévede  laMemMetyùns 
TSfféMaïi  ce  respect  povr  la  dBaisteié  des  vienges  qfi^om  attri- 
fanût  îadii  m  roi  des  ammaiix.  Apote  avoir  meMUoimé  ce 
ciUe  éà  gnemer  pour  1b  pocie,  nous  ne  crejoias  pas  ^èl- 
néoeflsûre  de  oîter  tous  les  iiometn»  qm  le  géftécal  fruasiea 
reçut  ki-mêne  «de  4ant  de  rois,  de^brasgOMstres  et  d'ofS- 
rim  maairip^iT 

Hmiê  Avoitt  dk  «que  Binofaer  Ad  um  éùnsmax  lénengique  et 
&eîle;  mb  iafinee  aœarent,  de  pins,  qu'il  était  né  «imtaiir. 
lÉiBies  kejMfMÉs^et  jasqu'âsoB  denûer  ^our  il  aima  la  table], 
c'était  m  liestor  par  aen  ftge  «oMMae  par  aes  hanmewce  et 
ses  IngB  técàÉm  ;  œpeadant  son  Idèfaat  >de  mémoire  qaaot 
atK  date  aarait  «a  pea  •emboacasBé^le  sténographe 'fai  eàt 
iwita  AfaaflDBttiie  aes  fanilee  d  fa  paifémté.  il  «fanatt 
JQBtioe  an  géoénd  fiaeÎBtnan  et  à  lui  attribuer  une  gcMde 
partdana  aeecapieitsinilitaireB.  Uajonr  ilpropeita  ane  espèce 
d'^éaipae  i^  &  ouvrir  de  ^aada  yeu  à  «es  caBvtves  i  car 
josteaieBtiS  anaam^  i'tnéenÉîaa  de  «  haàMr  aa,preffire  iéte.  » 
Décidément,  fOBiaiU)*, le  générai  ï^atoatàhAp^due; màà 
il  ee  ieva  et  alla  ambraaier  la  ièie  de  GaeiieBiaa. 

Sa  dernière  maladie  eut  lieu  en  1819,  au  mois^de  septembre. 
Le  rai  vint  Je  vmr  àtSoatUt  de«M>I^t  ;il  mttuiait  4:aL»ie  cAréoi** 
gaé  daw  les  «ras  de  MO  &iàle«îée  de  «wqp  Keatiit. 

«Jwarfwly  Rwmt.) 


Digitized  by 


Google 


Mptnrs  ^xvstccratiqnts. 


LES  CHASSEURS  ANGLAIS  EN  1842  (i). 


La  pratique  et  la  théorie  ont  été  longtemps  ennemies  jurées. 
Jadis  tous  les  individus  qui,  par  passe-temps  ou  par  intérêt, 
s*adonnaient  à  une  spécialité,  professaient  un  souverain  mé- 
pris pour  les  livres.  Un  savant  se  décidait-il  à  révéler  au 
monde  les  résultats  de  ses  travaux,  il  ne  s'adressait  qu'à  un 
public  d'élite,  il  se  servait  d'une  langue  inconnue  au  vulgaire. 
La  génération  actuelle  est  moins  vaine  et  plus  généreuse.  Le 
nombre  des  auteurs  égale  presque  maintenant  celui  des  lec- 
teurs. Non-seulement  chacun  cherche  à  s'instruire,  mais  cha- 
cun veut  se  foire  professeur  à  son  tour.  Certains  écrivains 
éprouvent  même  un  tel  besoin  d'être  utiles  à  leurs  semblables, 
qu'ils  ne  reculent  pas  devant  la  pénible  tâche  d'enseigner 
des  choses  qu'ils  ignorent  ;  aussi  n'existe-t-il  plus  aucun  art 
—  en  prenant  ce  mot  dans  son  acception  la  plus  étendue  — 
qui  n'ait  été  l'objet  d'un  traité,  d'un  essai,  ou  tout  au  moins 
d'un  article  de  Revue  et  de  journal.  Les  souverains  de  la 
librairie  britannique  payeront  bientôt  la  découverte  d'un 
sujet  nouveau  plus  cher  que  les  monarques  de  l'Orient  l'in- 
vention d'un  plaisir  inconnu  à  leurs  prédécesseurs. 

La  chasse  ou  le  iport  ne  pouvait  pas  échapper  à  cette  loi 

(1)  Voir  dans  la  Revue  Britannique  (octobre  et  novembre  1840)  deui 
articles  sar  les  Chaaeuu  flrançaii^  et  dans  le  numéro  de  janvier  1841,  un 
article  intitulé  Nemrod  en  Allemagne» 


Digitized  by 


Google 


LES  CHASSEUBS  ANGLAIS  EN  1842.  909 

commune.  En  1780,  la  Monthly  Revieu)  —  la  plus  redoutable 
autorité  de  cette  époque  —  critiquait  avec  une  impitoyable 
sévérité  un  petit  livre  sans  prétention,  récemment  publié  sous 
le  titre  modeste  de  Penséeê  êur  la  chasse^  lettres  familiéreê  à  un 
mm.  Dans  cet  article  le  iport  était  encore  plus  maltraité  que  le 
gentilhomme  provincial  qui  avait  eu  Timpertinente  audace  de 
traiter  nn  pareil  sujet.  Cette  diatribe  injuste  ne  produisit  pas 
l'effet  qu'en  espérait  vrabemblablement  son  auteur.  On  con- 
tinua de  chasser  comme  par  le  passé  ;  loin  de  se  calmer,  cette 
passion  s'exalta;  le  livre  de  M.  Beckford  obtint  même  un  tel 
succès  qu'il  fiit  réimprimé  quatre  ou  cinq  fois,  et  suivi  d'une 
multitude  innombrable  de  peni^M,  de  remarquée  et  de  ri- 
fUxùms  sur  la  chasse,  le  tir  au  fusil,  l'équitation  et  la  pèche. 
Faot41  recommander  quelques-uns  de  ces  ouvrages  aux  véri- 
tables amateurs,  nous  n'aurons  que  l'embarras  du  choix  : 

Partiei  de  ehaue  de  Nemrod  {M.  Jpperley).  Nimrod's  hunting 
touTS.  In-8^  Londres,  1838  (i). 

IngtructioM  atix  jeunes  chasseurs  pour  tout  ce  qui  concerne  les 
fiuils  et  le  tir  au  fusil,  par  le  lieutenant  col.  P.  Uawker.  Instruc- 
tions to  young  sportsmen  in  ail  that  relates  to  guns  and  shooting. 
Huitième  édition,  in-8%  Londres,  1838. 

Scènes  de  chasse  et  caractères  provinciaux ,  par  Martingue, 
Sporting  scènes  and  country  characlers  (avec  de  nombreuses  gra- 
vures sur  bois)  ;  in-8*,  Londres,  i840. 

Encyclopédie  des  chasses  rurales,  ou  Traité  complet,  histori- 
que, pratique  et  descriptif,  de  la  chasse,  du  tir  au  fusil,  de  la  pèche, 
des  courses  de  chevaux  et  des  autres  plaisirs  de  la  campagne  et  des 
amusements  corporels  de  l'époque  actuelle;  par  Delabbrs-Blaire, 
esq.,  avec  600  gravures  sur  bois.  Londres,  in-8<>,  ]840.^An  Ency- 
dopœdia  of  rural  sports,  etc.  Excellent  manuel. 

La  hruyére  et  le  lac  ;  par  John  Colquhoum,  esq.,  seconde  édition, 
in-S^  Londres,  184]«  The  moor  and  the  loch. 

Nous  en  passons  et  des  meilleurs,  comme  dit  Hernani  ; 

(i)  Voir  sur  ee  personnage  célèbre  une  note  de  la  Revue  Britannique 
an  mois  d'octobre  1840,  page  347. 


Digitized  by 


Google 


8ft0  IMS  CHASSEDBft  ANfiUUJS  EN  18^2. 

Huds  cette  liste^est  déjà  suf&aauBeDi  longve.  Qua  ceux  de  dos 
lecteurs  qui  désirent  connaître  à  fond  toutes  les  règles  de 
l'art  dtt  sport  étudient  doac  avec  Tattention  qu'elles  néritent 
ces  œuvres isimortelles  des  grands  maîtres.  Biainell  Martin- 
(alel!  Kemrodll  CoUpihounill  et  qu'ils  profitent  de  leurs 
kçons  l  De  tellespuissamces  ne  sont  pas  faites  pour  un  pauvre 
diaMe  de  critique,  qui  n'a  d'autre  ressource  que  son  travail 
de  chaque  jour.  Cessez,  donc  de  le  tenter  par  vos  sédaisantes 
promesses ,  perfides  magiciens  l  ]i  aura  le  courage  de  vous 
résister,  et  s'il  consent  à  ouvrir  vos  livres  enchanteurs»  ce  sera 
seulement  dans  l'errance  d'y  trouver  des  motife  de  conso- 
latiofi  en  y  glanant  çà  et  la  quelcpies  esquisses  de  mœurs. 

La  vue  de  ces  somptueux  édifices  dans  lesquels  voa  pria- 
cîpaux  disciples  ont  logé  leurs  meutes  et  leurs  chevaux  sufi- 
rait  pour  adoucir  d'abord  l'amertume  de  ses  regrets.  N'esl-ce 
pas,  en  effet,  un  spectacle  vraiment  humiliant  de  voir  des 
èeorles  pi»»  éléganles^  plus  eomfortables  que  dey  palais; 
des  chiens  et  des  chevaux  élevés  arec  plus  de  9oîn  et  de  dé- 
pcinses  que  les  enfiwrts  de  leur  maître,  mieux  traités  sous  tous 
tesr  reporta  que  les  hôtes  du  ch&teaufLa  passion  de  la  chasse 
t6i  une  passion  terrible;  elle  absorbe  toutes  les  autres  pas- 
sions; elle  étouffe  dans  le  cœur  de  l'homme  dont  elle  a  &it  sa 
victime  tous  les  sentiments  tendres,  généreux,  délicats,  élevés, 
que  la  nature  avait  eu  la  prévoyance  d'y  déposer  en  germe. 
On  a  même  vu  des  sportsmen  donner  à  la  chasse,  au  moment 
de  leur  mort,  leur  dernière  pensée.  M.  Shafto,  le  plus  in- 
trépide collègue  des  chiens  du  chikteau  de  Raby,  se  rendait 
un  jour  en  Irlande  avec  un  de  ses  amis.  Une  tempête  éclata 
pendant  laquelle  le  naviru  courut  risque  de  se  perdre  contre 
un  écueil.  Un  moveat  même  le  Capitaine  avertit  les  deuaLaad- 
heureui  passagers  qu'ils  n'avaient  plus  que  le  temps  de  se 
préparer  à  la  mort,  a  Bb  qMit  s'éeriïi  M.  Bfaafto  en  poussant 
un  profond  soupir,  je  ne  pourrai  plus  chasser!  » 

L'anecdote  suivante,  empruntée  au  même  écrivain,  n*est 
pas  moins  caractéristique.  «  Nous  déjeunions,  dit  Nemrod, 
au  château  de  Raby,  lorsque  lord  Darlington  (  le  duc  de  Oe- 


Digitized  by 


Google 


U»  CaâflSBDU  JJfUAS  BS  ISkS.  811 

yiéuid  adoel)  entra  (fatat  la  aaUe  à  auaiger.  A  pând  si  on  le 
•alva  eÉ  â  on  lai  demanda  des  noorelleft  de  sa  santé  :  «  Com- 
ment ae  porte  Will  f  lui  crièrent  quatre  ou  cîiiq  eonvires  à  la 
fois  (Will  était  un  piqueur  qui  s'était  blessé  assez  i^èvement 
la  veîUe  en  toaibant  de  cheval). — Je  riens  de  passer  quelques 
instants  auprès  de  hii^  répondit  lord  Darlington  ;  il  a  eu  une 
trèa-mauvawe  nuit  ;  j'espère  qu'il  ne  tardera  pas  i  se  rétablir  ; 
nMÎs  je  n'ai  pu  m'empècher  de  sourire  quand  il  m'a  dit  qu'il 
ferait  Yraiseurfiltthlement  en  état  de  chasser  mercredi.  Il  m'a 
anan  demandé  si  les  ymz  d$  Idghtning  iîaittU  mains  wialades^ 
«I  «ommenl  Rufiàê  §t  Mortiner  atcdmâ  mangé,  y»  Le  duc  de  Cle- 
Telandy  nous  devons  le  dire  à  sa  justification,  a  une  telle 
passion  pour  la  chasse  qu'il  ne  peut  s'empéeher  de  courre  le 
lenard  au  moins  six  jours  par  semaine.  Tous  les  matins  ses 
damesUques  déposent  un  habillement  complet  chez  tous  les 
aubergistes  des  environs*  Son  Excellence  ne  rentre  j»nais  au 
di&teaii  à  cheval  et  avec  son  costume  de  chasse.  Une  voiture 
i  quatre  chevaux  va  l'^endre  à  la  porte  de  l'auberge,  où  elle 
fui  sa  toilette  du  soât •  Un  coup  de  canon  tiré  de  l'extrémité 
du  parc  annonce  son  retour.  Quaad*elle  rentre  au  château,  le 
dtoer  est  déjà  servi,  et  on  se  met  immédiatement  à  table. 

«llylord»  demandait  un  jour  l'auteur  des  Parties  de  diasse 
au  duc  de  Gleveland,  votre  chenil  n'est-îl  pas  trop  rapproché 
de  votre  chftteani  les  mauvaises  odeurs  de  la  cuisine  ne  pé- 
aiétreni-elles  pas  quelquefois  dans  le  salon  ? 

-—  Gela  se  peui^  répondit  Son  Excellence;  mais  nous  ai- 
mons trop  passionnément  la  chassa  pour  nous  inquiéter  de 
pareitles  choses.  » 

Malheur  doncl  trois  et  quatre  fois  malheur  à  la  pwvre 
fimme,-**  mare,  épouse,  sceur  ou  fille,-*qnî  laisse  échapper  en 
présence  d'un  chasseur  quelques  signes  de  mauvaise  humeur  I 
On  racontait  devMt  Neaarod  les  infortunes  d^un  gm^timan 
dent  la  femme  détestait  la  race  canine.  Son  mari  lui  ayant 
amtmfi  uao  meute  qu'il  venait  d'acheter,,  elle  eut  aussitôt  une 
uiolante  attaqua  de  nerfis  et  elle  ne  reeouvra  l'usage  de  ses 
que  lorsque  les  chiens  eureni  été  renvoyés  à  leur  an<- 


Digitized  by 


Google 


312        LES  CHASSEURS  ANGLAIS  BU  1812. 

cien  propriétaire,  a  Si  ma  femme  se  conduisait  ainsi,  s'écria 
M.  Corbet,  qui  avait  écouté  attentivement  ce  récit,  je  n« 
Tembrasserais  pas  qu'elle  n'eût  jeté  son  bonnet  de  nuit  en 
Tair  et  crié  tayau.  » 

Lady  Londonderry  partage,  à  ce  qu'il  paraît,  la  même  an- 
tipathie, car  elle  s'est  attiré  les  reproches  d'un  de  ses  voisins» 
grand  amateur  de  chasse.  <c  J'étais  furieux  contre  Son  Excel- 
lence, écrivait  M.  R.,  et  je  l'avouai  l'autre  jour  à  ma  femme; 
elle  ne  peut  pas  entendre,  dit-elle,  les  aboiements  des  chiens. 
N'est-ce  pas  honteux?  son  père  était  pourtant  un  si  excellent 
chasseur  I  Quoi,  la  fille  de  sir  Harry  Yane  Tempest  ne  pour- 
rait pas  supporter  les  aboiements  des  chiens.  Fil  quelle  hor- 
reur I...  je  ne  retournerai  jamais  dtner  i  Wynyard-Park.  » 

Toutes  les  femmes  mariées  à  des  cliasseurset  assez  heureuses 
pour  posséder  quelques  épargnes  devraient  suivre  l'exemple 
que  leur  a  donné  Mrs.  Ward  du  Hampshire.  Il  y  a  quelques 
années,  à  la  suite  d'une  longue  crise  industrielle  et  commer- 
ciale, M.  Ward  annonça  à  sa  femme  qu'il  craignait  d'être 
forcé  de  se  défaire  de  sa  mente,  ce  Attendez  encore,  lui  ré- 
pondit-elle, les  affaires  vont  peut-être  reprendre  bientôt.  » 
Peu  de  jours  après  cette  conversation,  il  alla  chez  son 
banquier,  qui  l'avertit  qu'u|i  amateur  de  la  chasse  au  renard 
avait  déposé  la  somme  de  1,000  £à  son  crédit. — Cet  amateur 
était  Mrs.  Ward, — cette  somme  le  montant  de  ses  économies 
particulières.  «  Retenez  bien  cette  anecdote,  femmes  mariées, 
et  qu'elle  vous  serve  de  leçon  —  c'est  Nemrod  qui  parle  :  — 
si  vous  désirez  conserver  l'affection  de  vos  époux,  encoura- 
gez et  ne  contrariez  pas  leurs  passions  favorites.  Votre  beauté 
passera,  vos  charmes  tomberont  un  à  un  sous  la  faux  meur- 
trière du  temps,  mais  votre  généreuse  conduite  ne  sera  ou- 
bliée que  dans  Ja  tombe.  » 

Certaines  femmes  anglaises  ne  se  contentent  pas  d'encou- 
rager les  passions  de  leurs  époux,  elles  veulent  encore  les 
partager:  montées  sur  d'élégants  coursiers,  elles  s'élancent 
à  leurs  c6tés  à  la  poursuite  du  renard.  Le  récit  de  la  scène 
suivante  est  emprunté  à  Nemrod  : 


Digitized  by 


Google 


LES  CHASSEURS  ANGLAIS  EN  18b2.        313 

J'éliis  astts  daus  un  coin  du  grand  salon  de  Baby-Castle,  tran- 
quillement occupé  à  achever  une  lecture,  lorsque  la  porte  s'ouvrit 
avec  fracas,  et  on  annonça  M.  Uodgson.  En  effet,  Tommy  Hodgson, 
franchissant  le  seuil  de  la  porte^  s'avança  d'un  pas  lent  vers  son 
naitre,  et  loi  présenta,  sans  mot  dire,  la  liste  des  chevaux  de 
chasse  en  état  de  service.  Alors  s'engagea  entre  eux  la  conversation 
suivante,  véritable  modèle  de  laconisme  : 

~ MoUe  est- il  prêt?  dit  le  marquis.  —  Oui,  mylord,  répondit 
le  groom. 

—  Alors  je  le  monterai.  —  Oui,  mylord. 
-*  Bergami  aussi  ?  —  Oui,  mylord. 

—  Bidr,  Swing  f  —  Oui,  mylord. 

—  Will,  Salopian?  —  Oui,  mylord. 

—  Lady  Gleveland,  Raby?  —  Oui ,  mylord. 
»  £dward,  le  Curé?  —  Oui^  mylord. 
^Lady  Arabella,  la  Duchêue?  —  Oui,  mylord. 
-*  Est-ce  tout?  —  Oui,  mylord. 

Les  ministres  de  TEglise  établie  ne  se  font  aussi  aucun 
scrupule  de  courre  le  renard.  Nous  lisons  ce  qui  suit  dans  le 
journal  du  duc  de  Gleveland  :  a  Je  ne  dois  pas  oublier  de 
mentionner  que  le  Rév.  J.  M.  s'est  plus  distingué  aujourd'hui 
sur  sa  jument  grise  que  dans  sa  chaire,  et  qu'il  resta  seul 
avec  les  cbiens  sur  les  marais  d'Ainderly,  près  des  saules  de 
Thombill.  »  Nemrod  célèbre  également  les  exploits  d'un  autre 
héros  clérical  :  «  Le  vicaire  de  P.  est  un  bon  diable;  il  chante 
souvent  à  ses  paroissiens  des  chansons  de  chasse;  le  jour  de 
la  fête  de  la  dime ,  il  leur  raconte  un  grand  nombre  d'his- 
toires amusantes  et  il  les  régale  de  son  mieux.  Je  me  rappellerai 
toujours  l'invitation  qu'il  nous  adressa  à  sir  Bellingham  Gra- 
ham  et  i  moi,  la  dernière  fois  que  la  chasse  passa  dans  son 
voisinage.  «  Mon  vin,  nous  écrivit-il,  est  de  la  meilleure  ré- 
colte, et  si  vous  en  buviez  une  certaine  quantité,  vous  auriez 
bientôt  des  yeux  semblables  à  des  groseilles  cuites.x) —  C'est  à 
ce  di^e  ministre  qu'un  ami  dit  un  jour  au  sortir  de  l'ofBce 
où  il  avait  prêché  :  «Décidément,  je  vous  aime  mieux  en  bou- 
teille qu'en  pièce.  » 


Digitized  by 


Google 


31&  Ua  GHASSEUBI»  AKUJOS  EN  18(^2. 

La  pfovîace  de  Graven  se  vante,  depuis  l'aînée  1898,  de 
posséder  le  phis  extraordÎDaire  de  tons  les  ministres  passés, 
présents  et  futurs:  ce  Le  révérend  F.  F.,  dît  Tauteur  des 
Bunting  tours  (page  138),  habite  le  village  de  Kentbury, 
situé  à  quatre  milles  de  Hungerford,  dont  il  est  le  recteur. 
Il  a  rendu  d'éminents  services  à  la  société  à  Tépoque  des 
troubles;  quand  la  chasse  au  renard  et  toutes  les  autres  tn- 
stitutions  précieuses  de  l'Angleterre  se  trouvaient  menacées  des 
plus  grands  dangers,  il  demanda  et  obtint  le  commande- 
ment d'un  corps  de  yeomen  du  comté  de  Berk.  Georges  III 
passait  un  jour  ses  troupes  en  revue  à  Windsor:  «Le  oolonel 
Fowle,  dit-il,  est  non-seulement  un  des  meilleurs  oSdersde 
mon  royaume,  il  en  est  encore  un  des  meîHears  prédicateurs, 
un  des  meilleurs  tireurs,  un  des  meilleurs  chasseurs,  un  des 
meilleurs  cavaliers.  Qui  n'eût  été  fier  d^in  pareil  compliment 
fait  par  un  tel  homme  ?  » 

Blackstone  assure  qu'à  la  mort  de  chaque  évoque,  sa  meute, 
ou  une  somme  équivalente  à  sa  valeur,  revenait  de  droit  au 
roî.  La  chasse  a  donc  été  au  moyen  âge  considérée  comme 
une  récréation  épiscopale,  et  nous  ne  devons  pas  nous  éton- 
ner que  quelques-uns  des  chefs  suprêmes  de  Téglîse  d'Angle- 
terre en  conservent  encore  aujourd'hui  le  goût.  Un  ministre 
mort  il  y  a  peu  d'années  entretenait  une  meute  magnifique  et 
passait  pour  un  des  meilleurs  chasseurs  de  son  temps.  Quand 
il  eut  l'honneur  d'obtenir  la  mitre,  il  donna  ses  chiens  à  son 
irère,  qui  en  eut  le  plus  grand  soin,  et  il  renonça  à  tous  les 
plaisirs  du  sport.  Un  jour  cependant  il  se  promenait  à  cheval 
dans  une  forêt  oà  il  ne  s'attendait  nullement  à  rencontrer  une 
chasse.  Tout  à  coup  i)  aperçoit  un  renard.  Les  chiens  étaient 
en  défiiut.  A  cette  vue ,  Son  Excellence  ne  peut  pas  se  conte- 
nir, elle  hâle  les  chiens  de  sa  voix  la  plus  belle.  «HaHool 
—  répond  un  des  chasseurs.  —  Halloo,  balloo  !  répète  Son 
Excellence. — ^Bfarchons,  s'écria  un  piqueur  à  ses  compagnons, 
Dieu  me  damne  si  ce  n'est  pas  YBvangih!  r> 

Si  les  membres  du  clergé  ne  chassent  plus  par  plaisir,  îb 
devraient  désormais  chasser  par  devoir  ;  car  ih  trouveraient 


Digitized  by 


Google 


GHASSBCXft  AirttLiJS  MB  1813.  M5 

soavMi  VùQfumm  d'eiercer  leur  saint  minîslère,  de  prodigver 
«aUeseéft  etau  mcHUuUs  lescoMBoteticMisel  lessccoars  delà 
rdigion.  La  dbaaêt  n'est  plus  oqoard'kai  qa'une  course  au  clo- 
ebery  c'est-à-dire  le  plus  dangereux  de  tous  les  divertissenents 

fu^ )'lK>iDnifte  ait  pu  ûvrenler  poar  se  distraire oupourse 

roBprele  com;cariliie  s'agit  paftmainileBaiitde  faire preuTé 
dhiîiileté,  d'adresse^  4e  scicnee^  mais  sericment  de  vitesse. 

c  Nous  avons  fidt  une  cbasse  saperfoe,  ècriraît  un  Meho^ 
niett  i  soa  père.  Huîtmitks  en  vingt-six  minutes.Si  je  n'avais 
pas  trouvé  ua  diefal  de  relais  i  moitié  ekemi»,  il  n'eàt  été 
impossible  de  suivre  les  dûens.  »  Dans  certains  comtés,  les 
chiens  coooBiienccBt  i  partager  ropinioo  de  leurs  maîtres. 
Pour  eox  la  dusse  ne  sera  plus  désormais  qu'une  simple  pro- 
awMde  de  quekptts  heures  au  triple  galop.  De  trouver  du  gi- 
hifir,  ils  ne  s'en  inquiéteroDt  plus.  La  meute  de  M.  Gorbet  a 
bnè  denûèrement  un  boule-dogue  en  une  heure. 

Ces  anecdotes  m'en  nqppellent  une  antre  fovt  divertissante 
ipej'aî  entendu  raconter  plusieurs  fois  i  un  de  mes  amis. 
—  Un  vieux  gentillàtre  provincial»  ayant  beswi  d'un  fiisil 
qu'il  avait  déposé  cbes  un  armurier  de  la  ville  voisine  éloi- 
(Bée  de  cittq  ndUesy  fit  venir  son  fils  ;  ce  jeune  honune  était 
ééjiégé  de  seiieans:  a  Georges,  lui  àii-Q,  tu  vas  fiaire  seller 
Ion  meiOenr  cheval  tk  aller  i  la  ville  chercher  mon  fasil.  Je 
te  donae  traite  minutes.  D  est  cinq  heures,  par  conséquent 
il  imt  que  tu  sois  de  retour  à  cinq  heures  et  demie. 

—  Vous  pouvez  compter  sur  moi,  mon  père,  »  répondit  le 
jeane  homme,  et  il  partit. 

Vingt  minutes  après  il  était  de  retour  et  il  se  précipitait 
dans  le  salon  la  montre  à  la  main.  «  Vous  le  voyez,  mon 
père,  s'écriait-îl,  vous  m'aviez  donné  une  demi-heure,  et  je 
n'ai  mis  que  vingt  minutes. 

— Cest  bien,  Georges,  répondit  le  père  ;  où  est  le  fusil? 

—  Le  fusil,  s'écria  Georges  en  se  frappant  le  front  comme 
si  la  raison  lui  fAt  revenue  tout  à  coup,  je  Toi  oublié...  mais 
je  n'ai  mis  que  vingt  minutes.  » 

Kon-seulement  pour  être  bon  chasseur  il  faut  faire  quinze 


Digitized  by 


Google 


316  LES  CMASSEUBS  ANGUUS  EN  18^3. 

oa  vingt  milles  à  Thevre,  mais  on  doit  nerecuter  devantaacun 
obstacle,  franchir  et  sauter,  quelles  que  soient  leur  largeur 
et  leur  élévation,  toutes  les  barrières,  toutes  les  baies,  tontes 
les  rivières,  tous  les  fossés,  toutes  les  murailles  que  Ton  ren- 
contre. Et  ce  n'est  pas,— soyez-en  bien  convaincu,  cber  leo» 
teur  qui  avez  des  goûts  tranquilles  et  pacifiques, — une  petite 
besogne  dans  un  pays  sillonné  de  coyrs  d'eau  et  tout  hérissé» 
outre  les  portes  et  les  clôtures  ordinaires,  de  ox  et  de  bul/mck 
fenety  comme  le  Leicestershire.  Peut-être  désirez-vous  savoir 
ce  que  signifient  ces  mots  ;  eh  bien,  je  vais  vous  l'apprendre. 
Leaxfence  (clôture  du  boeuf) se  compose  d'un  large  fossé,  d'une 
énorme  haié  bien  remplie  d'épines,  puis  deux  verges  plus  loin 
d'une  forte  palissade  en  bois  d'environ  quatre  pieds  de  haut.  Le 
hulfinchfenee  (clôture  du  taureau)  est  une  haie  très-fourrée,  entre 
deux  fossés,  et  si  épaisse  et  si  haute  qu'aucun  cheval  ne  peut  la 
sauter.  Les  chasseurs  travenent  ces  clôtures  au  grand  galop  ; 
les  branches  qui  s'écartent  pour  leur  livrer  passage  se  refer- 
ment si  vite  derrière  eux,  que  dès  qu'ils  sont  de  l'autre  côté, 
il  est  impossible  de  voir  par  où  ils  ont  passé.  On  a  peine  à 
comprendre  comment  les  épines  ne  leur  crèvent  pas  les  yeux. 
Les  jportfmen  anglais,  notre  impartialité  nous  iait  un  devoir 
de  leur  rendre  la  justice  qui  leur  est  due,  bravent  tous  les 
dangers  avec  un  sang-froid,  un  calme  et  un  courage  qu'on 
peut  regretter  de  voir  si  mal  employés,  mais  qui  méritent, 
après  tout,  d'être  signalés  à  l'admiration  publique.  Les  preu- 
ves ne  nous  manqueront  pas  : 

De  tous  les  chasseurs  que  j'ai  connus,  dit  Nemrod,  un  gentleman 
nommé  Stanhope  est  celui  qui  a  montré  devant  moi  le  plus  pro- 
fond mépris  pour  les  conséquences  d'une  chute  de  cheval.  Il  tomba 
le  vendredi  et  se  blessa  à  l'épaule;  mais  il  n'avait  rien  ni  de  cassé 
ni  de  démis.  Le  lundi  suivant,  nous  le  vîmes  arriver  cependant,  le 
bras  en  écharpe,  et  il  tint  presque  toujours  le  premier  rang  parmi 
les  chasseurs  qui,  ce  jour-là,  forcèrent  un  renard  en  quinze  mi- 
nutes. Ayant  eu  le  plaisir  de  le  revoir  le  soir  chez  sir  Bellingham, 
je  lui  demandai  s'il  n'était  pas  dangereux  démonter  à  cheval  quand 
on  n'avait  qu'une  main  de  libre.  Il  me  répondit  que  son  cheval 


Digitized  by 


Google 


LES  CHASSEURS  ANGLAIS  EN  18b2.  317 

était  trè»-doQx,  et  ne  TaTait  jtmais  jeté  par  terre.  —  Ne  vous  y  fiez 
pas»  répliqaai-je  à  mon  tour;  et  notre  conTersaUon  finit  là.  Le 
jour  soÎTant,  nous  chassâmes  un  autre  renard  qui  nous  fit  courir 
une  heure  dix  minutes.  Au  milieu  de  cette  course  rapide»  il  Tallut 
sauter  un  ruisseau.  Nous  étions  tous  sains  et  saufo  sur  l'autre  boid 
lorsque  Stanhope  arrifa.  Malheureusement  pour  lui,  il  sauta  sans 
afoir  choisi  sa  place,  et  il  toml»  avec  son  cheval.  Nous  le  crûmes 
tous  mort,  car  ce  ne  fut  qu'au  bout  de  cinq  minutes  qu'il  com- 
mença k  donner  quelques  signes  de  vie.  On  le  saigna  à  Bosworth 
avant  de  le  ramener  chez  sir  Bellingham,  et  le  docteur  eut  toutes 
les  peines  du  monde  à  lui  persuader  qu'il  avait  deux  ou  trois  côtes 
enfoncées.  Cependant  une  petite  toux  sèche  et  d'autres  symptômes 
également  infaillibles  ne  permettaient  pas  de  conserver  le  moindre 
doute i  cet  égard;  mais  il  repoussa  tous  les  conseils  qu'on  lui 
doona^  affirmant  qu'il  serait  parfaitement  rétabli  sous  peu  de  jours; 
Aussi,  le  jeudi  suivant,  à  peine  entendit-il  résonner  le  cor  qui  ap« 
pelait  les  chiens  k  la  chasse,  qu'il  se  leva  et  monta  à  cheval,  tenant 
toujours  son  bras  en  écharpe. 

Ce  jour-là,  quelques  chasseurs,  parmi  lesquels  était  M.  Stanhope, 
se  trouvèrent  tout  à  coup  à  l'extrémité  d'un  champ  fermé.  Un  des  plus 
hardis  cavaliers  de  la  Grande-Bretagne  descendit  de  cheval,  chose 
rare,  et  essaya  d'enlever  quelques  pièces  de  bois  d'une  barrière  qui 
lui  paraissait  infranchissable.  «  Laissez  cela,  lui  dit  tranquillement 
M.  Stanhope;  j'ai  un  bon  cheval.  »  En  achevant  ces  mots,  il  lança 
son  cheval  contre  la  barrière  ;  mais  la  pauvre  béte  retomba  à  terre 
avec  son  maître,  après  un  eifort  inutile.  Alors  sir  Bellingham  s'ap- 
prochant  de  son  hôte  :  «  Stanhope,  lui  dit-il,  vous  êtes  un  brave; 
mais,  au  nom  de  Dieu!  vous  ne  remonterez  plus  à  cheval  aujour- 
d'hui. Allez  à  Leicester,  montez  dans  votre  voiture,  faites-vous  con- 
duire à  Londres,  et  soignez-vous.  »  Stanhope  suivit  enfin  ce  sage 
conseil,  et  M.  Ueaviside  constata  qu'il  avait  deux  côtes  brisées  et 
le  sternum  enfoncé. 

II  parait,  si  nous  en  croyons  Nemrod,  que  sir  Bellingham 
aurait  dû  profiter  quelquefois,  pour  son  propre  compte,  des 
excellents  conseils  qu'il  prodiguait  aux  autres  : 

Comme  tous  les  cavaliers  un  peu  hardis,  sir  Bellingham  Graham 
fit  plusieurs  chutes  graves;  mais,  deux  fois,  il  échappa  par  miracle 


Digitized  by 


Google 


316  LES  CHASSBUBS  A9GLAIB  EK  IBiA. 

à  la  mort.  Un  jowr,  il  poursuivait  «n  reaard  de  très-près,  qinndll 
raacoatra  une  bortière  four  les  boeufe.  Traés  chasseors  inlvépite 
étaient  sur  ses  iaWas...  Janais  sîr  BeUhiginm  n'aimit  fait  voMa- 
faœ.  Il  lance  son  cheval,  qoi  saute  et  ^i,  retomliant  sur  hb  pa» 
teaw»  Tenvcrse  son  aaâtre  sous  lui.  Tout  «toujdi  'de  sa  oliole , 
sir  fidlingham  se  relève  «t  ae  react  en  selle  ;  nais  quelquea  pu 
pte  ioin,  sîr  fiarry  Goodrîcke,  s'aipensevant  qu'il  chancelait,  ea«> 
rul  i  son  seooars,  et  farviiit  à  Tempécher  de  tomber.  Depvis  w 
n»ment,  c'ert-è-dire  di^oîs  midi  jusqu'à  neuf  bernes  du  soir,  le 
lendemain,  sir  Beilingham  resta  sans  connaissance»  «craché  sur  «■ 
tas  «de  fein,  oii<ses  annîB  t'avalent  transporté.  On  eut  les  «raînies  Jea 
pi«B  aériennes  pour  sa  vie.  Le  premi>er  jmir^  «n  le  satgna  trois  Mb. 
Il  garda  ensuite  ia  liât  pendant  cinq  javrs.  le  septième  jour^  ses 
amis  fiareat  ètan»semen t  sntpris  de  Tapercevair  en  calèdhe  à  Scrap- 
toff.  n  il  avait  voulu,  disaîl-él,  assîMr  srarplement  au  départ  des 
chaens«  i»  Cependant  sa  Toiture  ne  pcpavant  pas  dépasser  'sne 
certaine  limite,  il  «onU  «n  <flieval  très-éevx,  qifil  avait 
fait  amener  tout  exprès,  et  enveloppé  dasM  «ne  ^épaisse  redingale 
et^ans  un  <Mle,  il  atle&dit  patiemment  Couverture  de  la  chasse. 
Le  renanl  fat  Menlôt  lancé.  BisfffaenreiiseBBent  pour  sîr  9cS- 
ingham,  il  -Aécmtt  «ne  lègève  i»uit)e,  Kvint  sur  ses  pas  «I  dè> 
pista  les  «dhiens.  A  t^eVte  vue,  sir  Béifingfaam  Iran  éalin  se  dé- 
bairasse  des  vêlements  qm  le  gênent,  lance  son  cheval  au  galop,  et 
ramène  les  chiens  sur  la  pîsle.  Un  instant  après,  A  «*apercoU 
qif  une  aosnclle  etreur  vient  fl^^étre  comnnse;  H  amrdie  son  vnt  & 
un  piqueur,  car  il  ne  pouvait  parier,  «n  sonne  avec  une  vigueur 
peu  commune,  puis,  empoitéparsa  passion,  11 'suît la éhasse  pendant 
une  tieure  «ft  demie,  franchit  des  barrières,  saute  des  fossés  et  ne 
s'arrête  enfin  que  lorsque  le  lenard,  épuisé  de  fatigue,  s^est  Inssè 
pnendre  parles  chiens  sous  ses  yeux.  Alors,  le  visage  couvert  d\me 
pîflcnT  mortelle,  ildescend  ^e  cbeval,  «  s*asseyairt  par  terre  :  «  Keu 
seul,  s'ècrie-t-il,  sait  comment  je  regagnerai  mon  lit.» 

L'exemple  de  sir  Bellingham  trouve  chaque  Jour  de  nom- 
breux imitateurs.  M.  Henry  Kii^scote  montait  un  cheval 
borgne.  A  la  suite  d'une  longue  course,  l'œil  unique  de  cet 
anÉHud  s'entaflHBa,  et  la«^îcr.acqiitlNefitlti9aB46peB8 
laprouve^ioe  In  pauvre  bAeiie^ii!^Ss{^aitplnsTîm*âevaBt 


Digitized  by 


Google 


LB8  GDAflSRnS  A1I6L4IS  SV  «BMi.  319 

eOe.  D  ne  s'e«  mqaiéta  pas  cepêmlmft;  et  Inen  qa^H  tombU 
ùisteBt  sur  une  hute  ou  daos  vu  fossé,  îl  suivit  h 
l'i  la  te.  Il  avait  feit  osée  chutes  ^gncfes. 

M.  Âssheton  Smith  (le  Tom  Snith  si  connu  des  chasseurs) 
était  enoem  fdas  diifidie  à  confeater.  fl  ami  calcnlé  qa'il 
tonbaîlytm  moyenne,  quatre-yingfts  oa  cent  fois  chaque  année. 
Un  jonr  il  snivait  à  la  dnksse  M.  John  White ,  qui,  arrivé  le 
pranier  devant  une  haie,  au  u&A  endroit  qni  fAt  praticable, 
s^éfcait  engagé,  mais  ne  pouvait  pas  parvenir  à  en  sortir. 
«Avanoes  donc,  toi  cm  M.  Saoîth. — Impossible,  répondit 
H.  liXUte. — Un  bon  coup  d'éperons,  et  vous  <6les  de  Faotre 
cbiè. — Corfalenl  répliqua  IL  Wiiite  farieux,  si  vons  êtes  si 
pressé,  pcarquoi  ne  me  poossez-vons  pas?)»  A  ces  mots, 
M.  Smith  s'élance  comme  à  l'assaut,  envoie  M.  White  tomber 
avec  MB  tdbevBi  dans  le  champ  msin,  et  Ipqus  deux  oontî- 
oneat  knr  chasae  ooniiie  si  elle  n'avait  pas  été  nlerrosipu^. 

Les  thevatox  de  M.  Snitfa  étaient,  A  ce  qu'il  paraft,  habi- 
taés  à  ne  reculer  devant  nncan  obstade;  car  on  jour,  tandis 
que  «et  intrépide  ohaBsenr  m  reteum^  peur  exdter  ses 
,  hdbBvwi  qu'il  monteât  s'âança  avec  lai  «a  miliea  d*iai 
i  profiand  eu  ils  finHirent  se  noyer  tous  deax.  Td  «aaftre, 
td  valet,  dit  le  fro^ibe.  iadk  Shîrief ,  un  des  piquemrs  de 
ILâttilii,  griopailA  la  descente  d'une  côte  escarpée,  les  vènes 
pendanteB,  un  énenne  couteau  <nrvertdaBs  ta  bmdhe,  et 
trés-eénensenaent  occmpé  i  mettre  une  notr^lle  m&die  A  son 


Kans  ipencnons  nndlqAier  A  Tinfini  des  ameedoites  de  oe 
geare.  Un  piqneur  de  IL  Lambton  franchit  une  InmAe  barrière 
de  bois  poiur  mnsttre  les  «Ineas  sur  la  voie.  Le  <A»oc  egt  m 
râlent  ^pe  ia  pauvre  béte,  incapable  de  nl^B^ler,  toid»é 
tene  nvee  un  bruit  AamUe,  la  lète  en  avant  ;  Ile  cwvalîer  fuito 
debout  sur  sn  rHu,  et  ne  •œsee  pas  an  eeul  imttant  d'esciter 
lesthiens  delà  voix.  Un  autre  chàaBearatvafit  b^  un  nombre 
prodigieux  de  chutes,  laass  il  ne  s*étail  jamais  blessé.  €n 
jonr— jour  néfaste — son  cheval  s'abattit  sur  lui,  et  pour 
■oasserrindas  expnmiom  de  Kemrod,  le  roula  comme  «n 


Digitized  by 


Google 


aSO  LES  GflASSEURS  ANGLAIS  BN  18^2. 

cuisinier  fait  d'une  croûte  de  pâte.  Lorsqu'il  se  releva  il  était 
tout  aplati,  et  il  pouvait  è  peine  se  tenir  sur  ses  jambes.  Ce- 
pendant il  remonta  à  cheval,  a  Cette  fois-ci,  grommela-t-il 
entre  ses  dents,  je  dois  être  blessé.  x> 

« — J'ai  un  mauvais  cheval,  disait  un  autre  chasseur;  non- 
seulement  il  tombe  souvent,  mais  quand  il  est  par  terre  il 
reste  sur  moi  pendant  plus  d'une  demi-heure.  » 

—  Un  quatrième  original  de  la  même  force  eut  la  conver- 
sation suivante  avec  Nemrod  :  «  Âh  !  monsieur,  j'ai  été  cruelle- 
ment maltraité;  j'avais  trois  côtes  enfoncées  du  côté  droit, 
deux  du  côté  gauche,  les  os  du  cou  brisés,  une  cuisse  cassée, 
et  j'étais  scalpé.Yous  vous  rappelez  Valentine  de  sir Watkins? 

—  Sans  doute  ;  la  béte  la  plus  vicieuse  qui  ait  jamais  porté 
une  selle. 

—  Eh  bien,  monsieur,  au  moment  où  nous  partions  à  la 
poursuite  d'un  renard ,  elle  me  jeta  à  terre  et  me  détacha  de 
telles  ruades  sur  la  tête  que  la  peau  de  mon  front  tombait 
sur  mes  yeux  et  le  long  de  mes  joues.  x> 

Un  des  veneurs  de  M.  Newton  Fellowes  fut  plus  heureux. 
Sautant  un  jour  par-dessus  une  barrière  sur  une  route  récem- 
ment chargée  de  pierres,  il  eut  la  présence  d'esprit  de  saisir 
au  vol  une  branche  d'arbre  suspendue  au-dessus  de  sa  tête 
et  de  laisser  son  cheval  continuer  seul  un  saut  trop  dangereux. 

Il  y  a  quelque  temps,  une  jeune  femme,  qui  avait  pris  le 
chemin  de  fer  pour  se  rendre  à  Souths^pton,  eut  la  douleur 
d'être  séparée  à  tout  jamais  de  son  nez  par  une  pièce  de 
bois  qui  le  lui  emporta.  Dès  que  ce  malheureux  événement  fut 
connu,  le  nombre  des  voyageuses  diminua  de  plus  de  moitié 
sur  ce  chemin  de  fer.  Ainsi,  à  en  croire  quelques  historiens, 
les  jeunes  patriciens  de  l'armée  de  Pompée  s'enfuyaient  en 
désordre  quand  les  vétérans  de  César  visaient  à  leurs  visages. 
L'accident  arrivé  à  M.  Wiliiamson  aura  sans  doute  guéri  plus 
d'un  Meltonien  de  sa  passion  pour  la  chasse.  Mais  cédons 
encore  une  fois  la  parole  à  Nimrod  : 

Billy  WlUiamsoa ,  dit  l'auteur  des  BuMing  tours,  fat  mis  ce 


Digitized  by 


Google 


LES  CHASSEURS  ANGLAIS  EN   1842.  321 

jour-là  hors  de  chasse,  qu'on  me  permette  celte  expression,  par  an 
aiïreux  accident.  Nous  franchissions  une  petite  barrière  qui  nous 
séparait  de  la  route,  lorsque  son  cheval  s'abattit  et  le  jeta  à  terre 
avec  une  grande  yiolence.  Comme  je  le  suivais  de  très-près^  je  m'a- 
perçus immédiatement  que  l'accident  était  grave;  car,  dès  que  le 
jnaitreet  Tanimal  se  furent  remis  debout  sur  leurs  jambes,  ils  allè- 
rent l'un  à  droite,  l'autre  à  gauche.  Les  mouvements  de  William- 
son  avaient  quelque  chose  d'effrayant;  il  courut  comme  un  fou 
furieux  tout  le  long  de  la  route,  en  frottant  sa  tcte  avec  ses  mains 
pendant  plus  de  cinquante  verges,  puis  il  s'arrêta  tout  à  coup  et 
tomba  à  terre.  M.  H.  et  moi,  nous  courûmes  aussitôt  vers  lui,  et 
nous  Vaidâmesà  se  relever.  Toutes  les  dents  du  devant  de  la  mâ- 
choire supérieure  étaient  brisées;  il  vomissait  des  flots  do  sang,  et 
il  se'pbignait  beaucoup  de  la  tête.  Il  est  complètement  guéri  à 
présent;  mais  c'est  une  triste  chose  de  se  voir,  dans  la  fleur  de 
l'âge,  défiguré  pour  jamais.  Plus  tard,  il  racontait  sn  disgrâce  : 
«  Je  n'aurais  pas,  disait-il,  donné  mes  dents  pour  I,000  liv.;  mais 
j'en  regretterais  moins  cruellement  la  perte  si  cet  accident  fût  ar- 
rifé  à  la  fin  d'une  belle  chasse.  » 

En  général,  les  chasseurs  aiment  mieux  sauter  des  barrières, 
des  murs,  des  haies,  que  des  cours  d'eau.  La  crainte  de 
prendre  un  bain  froid  calme  l'ardeur  den  plus  intrépides. 
Toutefois,  quand  la  nécessité  l'exige,  ils  s'exécutent  avec  un 
empressement  et  un  sang-froid  remarquables  ;  souvent  même 
ils  bravent  le  danger  uniquement  pour  se  procurer  un  mo- 
ment de  distraction.  M.  Mytton,  un  des  plus  hardis  cavaliers 
de  notre  époque,  sauta  un  jour,  à  la  fin  d'une  chasse,  une 
rivière  qui  avait  plus  de  sept  verges  de  largeur.  Une  autre 
fois  il  s'engagea  à  faire  faire  au  même  cheval  —  le  fameux 
Bwronet  —  un  saut  encore  plus  extraordinaire  par-dessus  des 
claies;  mais  Baronet,  qui  avait  sauté  plusieurs  fois  admira- 
blement avant  l'heure  fixée,  refusa  de  recommencer  en  pré- 
sence des  juges,  et  son  mattre  perdit  son  pari. 

Lord  Alvanley  et  M.  Maher  parièrent  un  jour  cent  guinées 
qu'ils  sauteraient  un  ruisseau  de  six  verges  de  largeur  sans 
troubler  en  rien  la  surface  de  l'eau.  Ils  sautèrent  l'un  après 

5*  SÉRIE. — TOME  XI.  21 


Digitized  by 


Google 


322  LES  C1U5SEUBS  ANGLAIS  EN  i8ik2. 

Tautre;  mais  le  cheval  de  lord  Alvanley  fit  tomber  un  peu  de 
boue  dans  Teau,  et  les  juges  dédarëreni  à  Tuioiiimité  qœ 
M.  Maber  avait  gagné  les  cent  guinées* 

Si  le  cheval  qai  santé  un  covrs  d'eao  n^atteint  pas  la  me 
opposée,  le  malheur  de  son  cavalier  inspire  rarement  à  ses 
compagnons  de  plaisir  qnelqne  sentiment  de  pitié.  Lorsque 
te  fameux  Dick-Knight  chassait  dans  le  Northamptonshire,  il 
aperçut  un  jour,  en  sautant  une  large  et  profonde  rivière,  un 
fnFortuné  gentleman  que  sa  monture  avait  précipité  au  milieu 
même  de  la  rivière,  et  qui  se  débattait  contre  le  courant  : 
«  Vous  nagez  comme  un  bouchon,  »  lui  cria-t-il  en  riant,  sans 
songer  à  s'arrêter  pour  lui  porter  secours. 

Nemrod  raconte  dans  son  ouvrage  intitulé  The  chose»  thê 
turf  and  the  road^  une  anecdote  du  même  genre,  mais  encore 
plus  caractéristique.  Il  s'agissait  de  firanchir  le  Whissendine» 
ce  Rubicon  des  Césars  de  la  chasse.  Sept  cavaliers  arrivaient 
en  même  temps  sur  ces  bords  fiuneux;  trois  s'arrêtèrent  tout 
court,  car  leurs  chevaux  refusaient  de  sauter;  cependant  une 
seconde  tentative  fut  plus  heureuse,  et  ils  parvinrent  sains  et 
saufs  sur  la  rive  opposée  :  les  quatre  autres  étaient  tombés 
avec  leurs  montures  au  milieu  du  ruisseau.  «  Quel  est  celiii 
d'entre  nous  qui  disparaît  sous  son  cheval  ?  demanda  M.  Green 
de  Rolleston,  non  moins  bon  chasseur  qu'excellent  cavalier ,  et 
dont  la  vieille  jument  avait  rasé  la  surface  de  l'eau  aussi  l^è- 
rement  qu'une  jeune  hirondelle  qui  se  mire  en  se  jouant  sur 
les  flots  par  un  beau  soir  d'été.  *-  C'est  M.  Middleton  Bid- 
dttlph,  répondit  une  voix.  —  Pas  de  méchante  caloraniep  s'é- 
eria  M.  Middleton  Biddulph;  me  voici. — Alors,  répliqua  lord 
Forester,  ce  n'est  que  Dick  Christian;  il  est  habitué  à  de  pa* 
reils  malheurs.  — *  Mais  il  va  se  noyer,  s'écria  avec  effiroi  lord 
Kinnaird.  -^  Il  n'y  aurait  riem  d'étomnamt,  répondit  M.  Wil- 
liam Coke,  mais  nous  n'avons  pas  le  temps  de  nous  en  ocot* 
per.  En  avant,  messieurs*  »  Ce  malheureux  Dick  Christian,  qui 
inspirait  un  si  tendre  intérêt  à  M.  William  Coke,  est  un  cé- 
lèbre écuyer  ;  il  dresse  de  jeunes  chevaux  à  la  chasse  an  renard 
moyennant  la  faible  somme  de  15  shellings  (23  fr.)  par  jour. 


Digitized  by 


Google 


us  CHASSECBS  AVQLAIS  JÊM  1819.  39S 

Les  murailles  sont  plus  dangereuses  que  les  coms  d*eaii; 
iHis  les  cheraux  et  les  cavaliers  irkndais  les  affironteat  avec 
la  plus  par&ûte  indifléreiiGe.  Aox  graiides  foires  de  cheraax 
de  Ballinasloe,  tous  les  chevaux  dâiiveat  snter  le  mur  da 
marché»  haut  de  plus  de  six  pieds;  et  H.  Blaine  affirme  avoir 
fil  une  jHment  irlandaise,  qui  n'était  pas  de  par  sang,  sauter 
dans  le  Parfc-Phœnix  un  mur  de  sept  pieds,  coMtmit  tout 
exprès.  En  1798,  un  aatre  cheval  irlandais  appartenant  k 
M.  Bingham,  sauta  deux  fois  de  suite  le  mur  d*Hyde-Pait 
à  un  endroit  où  il  avait  huit  pieds  de  haut«  La  seconde  fois 
il  déplaça  seulement  quelques  pierres.  M.  Mytton  a  passé  un 
jour  par-dessus  une  porte  hanie  de  sept  pieds  avec  un  che- 
val que  Nemrod  lui  avait  vendu  cinq  cents  guinées.  Toutefois, 
SI  nous  devons  ajouter  foi  aux  indiscrétions  de  Neaorod,  dans 
le  pays  quThabite  M.  Mytton,  c'est-à-dire  dans  le  Shn^bire» 
kmqu'on  désire  connaître  d'avance  les  exploits  foturs  d'un 
diasseur,  on  ne  demande  pas — qad  cheval  monte-t-il  aujour* 
dirai?  mais  -»  combien  de  bouteSles  *-441  vidées  ce  matin? 
Les  chasseurs  de  renards  s'exposent  qadquefois  à  d'aussi 
glands  dani^rs  en  traversant  les  cours  d'eau  à  gué  ou  à  la 
nage  qn'en  faisant  les  sauls  les  plus  périUeax.  Il  y  a  quel- 
ques «uiées,  trois  gentlemen  se  noyèrent  le  même  jour  dans 
divers  comtés.  A  ce  propos,  nous  croyons  utile  de  relever 
Me  grave  erreur  commise  par  Nemrod  et  asset  généralement 
lépandae.  c  Un  de  ces  trois  chasseurs,  M.  Theakstone,  dit-il» . 
était  un  excdient  nageur,  mais  on  doit  croire  que  le  poids 
de  ses  habits  l'a  entraîné  an  fond  de  l'eau,  car  les  habits  d'un 
chasseur  pèsent  an  moins  dix  livres  lorsqu'iU  sont  secs  et  le 
double  quand  ils  sont  mouillés.  »  Comment  ce  savant  et  spi* 
ritael  écrivain  a-l41  pu  écrire  une  pareille  phrase?  Ignofe4-il 
donc  que  l'eau  ne  peut  pas  augmenter  le  poids  d'uo  objet 
qnalcoaciae  {dacé  dans  l'eau?  Vu  reste,  nous  devons  recon- 
naltare  «pmTleattod  donne  d*exoslIents  conseils  aux  sportsmen 
qd  se  trouveraient  obligés  de  passer  une  rivière  profonde  avec 
leur  dieval.  Il  leur  recommande  de  quitter  la  selle,  de  se  tenir 
dans  rean  jusqu'au  cou  et  de  ne  pas  Ikher  la  crinière.  Après 


Digitized  by 


Google 


SSk  LES  CHASSEURS  ANGLAIS  EN  181^2. 

tout,  la  manière  de  se  tirer  d'aiFaire  en  pareil  cas  est  de  sui- 
vre Texemple  d'un  gentleman  de  StafFordshire  qui  chassait 
un  jour  avec  feu  M.  Meynell,  le  grand  M.  Meyndl,  comme 
disent  encore  les  chasseurs.  Avant  de  se  mettre  à  Teau,  il 
s'était  complètement  déshabillé  et  n'avait  gardé  que  son  vê- 
tement indispensable  «  Avez-vous  vu  la  chasse?  demanda 
lord  Forester  à  un  paysan.  —  Oui,  monsieur,  répondit  cet 
homme;  mais  elle  est  déjà  loin  d'ici.  — Qui  est-ce  qui  sui- 
vait les  chiens?  dit  alors  son  Excellence. — Je  n'ai  vu  que  le 
meunier,  répliqua  le  paysan;  mais  il  allait  bon  train,  je 
vous  assure.  »  Ce  prétendu  meunier  était  M.  G.  en  cherme. 
.  Lord  Byron  a  fait  de  don  Juan  un  chasseur  assez  distin- 
gué. ((Il  sautait,  dit-il,  haies,  fossés,  doubles  clôtures;  il  ne 
caponnait  jamais  (lord  Byron  dit  craned]^  il  ne  faisait  qu'un 
petit  nombre  de  faux pcLs,., .  il  violait,  il  est  vrai,  divers  sta- 
tuts des  lois  sur  la  chasse,  car  le  jeune  homme  le  plus  sage 
fait  souvent  des  fautes;  danç  plusieurs  chasses,  il  laissa  son 
cheval  passer  par-dessus  les  chiens,  et  dois-je  le  dire?  une  fois 
par-dessus  quelques  gentillâtres  provinciaux.  » 

Sauter  par-dessus  un  chasseur  au  risque  de  lui  casser  la 
tête,  c'est  une  peccadille  dont  les  plus  habiles  sportsmen  se  ren- 
dent journellement  coupables.  Un  ami  de  Nemrod  lui  racon- 
tait que  dix-sept  chevaux  avaient  sauté  l'un  après  l'autre  au- 
dessus  de  lui  sans  lui  faire  aucune  blessure  grave;  il  n'avait 
eu  qu'une  légère  contusion  au  bras  droit.  Le  duc  de  Wel- 
lington, chassant  un  jour  dans  le  Hampshire,  fut  jeté  avec  sa 
monture  au  fond  d'un  fossé,  et  il  vit  huit  paires  de  sabots  or- 
nés de  fers  brillants  passer  successivement  à  quelques  lignes 
de  ses  yeux. 

Une  fois  lancés,  certains  chasseurs  ne  peuvent  plus  s'ar- 
rêter; il  y  en  a  même  qui  partent  avant  les  chiens  ou  qui 
cherchent  constamment  à  les  dépasser.  Un  vieux  marin  avait 
été  invité  par  lord  Hivers  à  une  partie  de  chasse.  Dès  que  le 
lièvre  fut  lancé,  il  s'élança  ventre  à  terre  à  sa  poursuite. 
«  Que  diable  prétendiez-vous  faire?  lui  demanda  son  hôte 
quand  il  fut  revenu  auprès  de  lui  après  une  course  inutile. 


Digitized  by 


Google 


LES  CHASSEURS  ANGLAIS   £N   18^2.  325 

—  Forcer  le  lièvre,  répondU-il  ;  n'est-ce  pas  dans  ce  but 
que  nous  le  chassons?  Si  vous  aviez  tous  suivi  mon  exemple, 
nous  le  tiendrions  déjà.»  —  «Monsieur,  disait  M.  Ward  à 
un  autre  de  ces  héros  impatients  et  inexpérimentés,  pensez- 
vous  que  vous  pourrez  forcer  le  renard  vous-même?  —  Non, 
monsieur.  —  Alors  retirez-vous  et  laissez  mes  chiens  le 
chasser.  » 

<K  Prenez  garde  aux  chiens,  monsieur,  criait  un  jour  Watty 
Wilkinson  à  un  dandy.  — Oh!  mon  cheval  ne  rue  jamais.— 
le  vous  crois,  mais  il  pourrait  leur  écraser  la  queue.  » 

M.  Corbet  affectait  en  pareille  circonstance  une  politesse 
ironique.  «  Ce  n'eêt  rien^  dit-il  à  haute  voix  en  passant  près 
d'un  chasseur  qui  venait  de  tuer  un  chien  ;  on  a  tué  le  meil- 
leur chien  de  ma  meute  :  voilà  tout.  » 

Lorsque  les  conseils  bienveillants  ne  produisent  aucun 
effet,  M.  Beckford  engage  ses  confrères  à  employer  successi- 
vement les  allocutions  suivantes  :  «  Je  vous  en  prie,  mon- 
sieur, arrêtez  votre  cheval.  —  Je  vous  en  prie,  arrêtez-vous. 
—Dieu  vous  bénisse!  monsieur,  arrêtez.  — ^Dieu  vous  damne, 
monsieur,  arrêtez  votre  cheval.  »  M.  Nicholls  avait  un  jour 
profité  de  la  leçon  de  M.  Beckford;  mais  le  gentleman  auquel 
il  s'adressait  prit  la  chose  au  sérieux  :  «  M.  Nicholls,  s'écria- 
t-îl,  je  ne  suis  pas  venu  ici  pour  être  damné.  —  En  ce  cas, 
répliqua  tranquillement  M.  Nicholls,  retournez  chez  vous,  et 
soyez  damné.  » 

Un  bon  cavalier  peut-il  soutenir  son  cheval  avec  sa  bride, 
Fempécher  de  tomber  quand  il  fait  un  faux  pas,  ou  l'aider  à 
s'enlever  quand  il  veut  sauter?  Blaine  et  Nemrod  n'hésitent 
pas  à  l'affirmer  ;  mais  le  lieutenant  colonel  Greenwood,  un 
des  meilleurs  cavaliers  de  la  Grande-Bretagne,  a  publié  il  y 
a  quelques  années,  un  petit  traité  de  l'équitation  (1),  dans  le* 
quel  il  émet  et  défend  l'opinion  contraire. 

On  entend  souvent,  dit-il,  un  cavalier  assurer  qu'il  a  enlevé 

(1)  Binti  on  horsemanêhip,  by  an  officer  in  the  household  brigade 
CtTalrj.  LondoD,  1837.] 


Digitized  by 


Google 


398  LES  GHASSECBS  ANGLAIS  BK  iSk/à. 

ton  cheval  par-dessus  une  barrière,  on  que  son  cheral  anrait  Mt 
plusieurs  chutes  s'il  ne  l'eût  pas  soutenu.  II  importe  de  relefer 
cette  erreur  vulgaire,  qui  repose  sur  une  i«ipossibîlilè  mécaniqm. 
Dix  hommes  pourraient  sans  doute,  à  l'aide  d'un  cric,  somleverle 
poids  d'un  cheval;  mais  attachez  ce  poids  â  la  faible  rêne  d'à 
bride  de  femme»  une  jeune  amazone  le  soulèvera-t-elle  de  i 
gauche?  Je  ne  le  pense  pas,  bien  qu'on  le  croie  génëralemeat...«. 
Cette  erreur  à  des  conséquences  fâcheuses  :  plus  d'une  fois  un  ca- 
valier tourmente  son  cheval  alors  qu^îl  devrait  au  contraire  l'aban- 
donner entièrement  à  lui-même.  En  serrant  sa  bride  et  en  lui  cau- 
sant une  douleur  plos  ou  moins  vive  à  la  bouche,  il  l'oblige  i 
secouer  en  l'air  la  télé  et  le  cou;  il  l'empêche,  par  conséquent,  de 
choisir  Tendroit  où  il  doit  poser  le  pied  dans  un  passage  difficile  et 
sauter  une  barrière.  Quand  le  ébeval  libre  fioiit  un  faux  pas,  fl 
baisse  la  tête  et  le  cou.  En  effet,  ses  épaules  se  trouvent  alors  dé- 
iMirrassées  d'usé  partie  de  leur  poids,  et  il  profite  de  cet  instant 
pour  tenter  de  se  remet<re  debout.  Le  ooutraignez-vous  ea  puiuil 
cas  à  relever  la  tête  et  le  cou,  uius  charges  ses  épaules  d'uu  poids 
inutile;  en  outre,  vous  retirez  à  ses  jambes  la  foroe  musculain 
qu'il  emploie  pour  faire  un  pareil  mouvement. 

Il  y  a  donc  impossibilité  mécanique  à  soutenir  un  cheval  laah 
qu'il  tombe.  Je  démontre  cette  vérilé  de  la  manière  suivante  : 

Aucun  corps  ne  peut  être  mis  en  mouvement  sans  une  force 
étrangère,  ou  sans  un  point  d'appui  étranger  :1a  force  d'un  cavalier 
n'est  pas  une  force  étrangère,  puisqu'elle  est  employée  entièrement 
sur  le  cheval;  elle  ne  peut  pas  trouver  un  point  d'appui  étranger. 
Un  homme  assis  dans  une  barque  peut,  à  l'aide  d'une  rame,  ac- 
oâérer  ou  ralentir  la  marehe  de  la  barque,  parce  que  sa  force  agit 
par  cette  rame  sur  l'eau,  qui  est  dans  ce  cas  un  point  d'appui 
étranger;  mais  s'il  tirait  violemment,  dans  un  sens  ou  dans  un 
autre,  la  chaîne  attachée  à  l'extrémité  de  la  barque,  il  n'obtiendrait 
plus  les  mêmes  résultats,  car  il  manquerait  alors  de  la  force  et  ûa 
point  d'appui  néoessuires. 

Hais  laissons  là  cette  intéressante  digression  et  revenons 
à  nos  renards  ou  plutôt  à  nos  chasseurs,  à  H.  Hansted,  dont 
la  noble  conduite  nous  fera  bien  vite  oublier  les  sottes  bévues 
que  nous  avons  reprochées  à  ses  indignes  confirères.  M.  Ha 


Digitized  by 


Google 


LES  CHASSEUES  ANGLAIS  BN  1819.        SST 

ted  exerçait  près  de  Newirary  là  profession  de  médecin.  Un 
joor  il  donna  Tordre  à  son  jardinier  de  tendre  an  piège  dans 
son  jardin  pour  s'emparer  de  quelques  animaux  malfaisants 
qai  venaient  la  nuit  manger  ses  fruits  et  ses  légumes.  Le  len- 
demain matin  cet  homme  apportait  à  son  maître  un  beau  re- 
nard qni  avait  une  jambe  cassée,  a  Malheureux,  s'écria 
M.  Hansted  pourquoi  ne  m'avez-vous  pas  réveillé  de  meil- 
leure heure?  je  lui  aurais  remis  la  jambe.  »  Le  jardinier  était 
stupéfait  :  «  Il  vaut  mieux  tard  que  jamais,  dit  le  proverbe.  » 
H.  Hansted,  pansa  la  pauvre  bëte,  la  soigna  pendant  plu^ 
neuis  semaines  comme  le  plus  cher  de  ses  malades  ;  puis, 
quand  il  Veut  radicalement  guérie,  il  lui  rendit  sa  liberté,  et 
quelques  mois  après  il  la  tua  de  sa  propre  main  à  la  fin  d*une 
cKasse  magnifique. 

«  Je  n'ai  pas  vu,  disait  souvent  lohnKemble,  un  amateur  jouer 
assez  bien  la  comédie  pour  pouvoir  gagner  treize  shellings 
par  semaine  à  Covent-Garden  otf  à  Drury-Lane.  Ainsi,  malgré 
Its  éloges  qu'il  leur  prodigue  sous  tous  les  rapports,  Nemrod 
place  toiqours  les  plus  fameux  sportsmen  de  la  Grande-Bre- 
tagne, le  duc  de  Cleveland,  M.  Ralph  Lambton,  M.  Nicholls, 
M.  Mttsters  et  autres,  bien  au-dessous  des  veneurs  de  profes- 
sion :  «  n  chasse  bien  pour  un  gentleman,  ))  disait  un  piqueur 
célèbre  en  parlant  de  M.  Ralph  Lambton.  Le  duc  de  Cleveland 
donnait  tons  les  jours,  sans  exception,  leur  ration  à  ses 
ekiens;  mais  il  est  permis  de  douter  qu'il  exerçât  sur  eux  une 
autorité  égale  à  celle  dont  le  nourrisseur  [feeder)  de  sir  Bel- 
lin{^ham  Graham  nous  fournit  un  exemple. 

U  oiiTre  à  deux  battants  la  ptrte  du  ctonil ,  raconte  on  témoîii 
•caUire,  ei  se  teoant  debout  à  une  œrtaine  distance»  il  appdle 
plasienis  chiens  par  leurs  noms.  Alors  il  se  promène  devant 
les  auges,  renvoyant  à  leur  place  habituelle  les  chiens  qui  ontaul 
fisamment  mangé.  Pas  un  chien  ne  cherche  à  franchir  le  seuil  de 
la  porte.  Ce  jour-là»  Yulcain,  le  chef  de  U  meute»  se  trouvait  près 
de  la  porte,  attendant  patiemment  qu'on  l'appelât.  J'en  fis  la  r^ 
marque  à  voix  basse^  mais  il  entendit  son  nom^  et  il  accourut 
aussitôt  lécher  la  main  de  sir  Bellingham.  Bien  qu'il  se  trouvât 


Digitized  by 


Google 


338  LES  CHASSEURS  ANGLAIS   EN  lWk2. 

alors  à  quelques  cenlimclres  d'une  auge  remplie  d'une  pAtéeodo- 
ranle,  il  n'essaya  pas  d'y  loucher.  —  Vulcain,  lui  dit  son  maître, 
TOUS  n'avez  rien  à  faire  ici.  Aussitôt  il  se  relira,  et  il  alla  rejoin- 
dre ceux  de  ses  compagnons  qui  étaient  encore  à  jeun. 

Une  autre  meute  était  tellement  bien  dressée,  que,  lorsque 
le  veneur  prononçait  ce  mot  de  bitches  (chiennes) ,  toutes  les 
femelles  sortaient  des  rangs  et  venaient  auprès  de  lui. 

Un  bon  veneur  doit  connaître  non-seulement  les  noms  et 
la  physionomie  de  chacun  des  chiens  de  sa  meute,  mais  ses 
forces  et  son  caractère.  Il  faut  aussi  qu'il  ait  une  voix  forte, 
pure  et  mélodieuse.  Enfin,  pour  rendre  sa  tâche  moins  pé- 
nible, il  est  nécessaire  de  donner  aux  chiens  des  noms  faciles  à 
prononcer,  «Voulez- vous,  dit  l'auteur  de  l'article  kound [chien] 
dans  l'Encyclopédie  britannique,  voulez-vous  donner  des 
noms  à  vos  chiens  ?  choisissez  de  préférence  des  mots  de  deux 
ou  de  trois  syllabes  brèves,  bs  spondées  ne  convenant  nulle- 
ment à  un  pareil  usage.  »  Du  reste  les  amateurs  pourront  con- 
sulter une  liste  de  quatre  ou  cinq  cents  noms  cpie  M.  Blaine 
a  insérée  dans  son  ouvrage.  «Peut-être,  dit  Nemrod,  nous 
fera-t-on  un  reproche  de  donner  à  des  chiens  des  noms  de 
femmes  ;  on  aurait  tort  cependant  ;  car  après  une  belle  femme, 
il  n'y  a  rien  de  plus  beau  sur  la  terre  qu'une  belle  chienne.» 

Nous  ne  saurions  mieux  terminer  cet  article,  entièrement 
consacré  aux  fox  huniers,  que  par  les  deux  citations  suivantes, 
qui  en  deviendront  pour  ainsi  dire  la  moralité. 

Si  elle  ne  délivre  pas  l'Angleterre  d'une  grande  quantité 
de  bètes  malfaisantes,  la  chasse  au  renard  produit  du  moins 
—  à  en  croire  ses  plus  ianaticpies  partisans  —  d'immenses 
résultats  sociaux.  D'une  part,  elle  tend  à  niveler  toutes  les 
conditions;  d'autre  part,  elle  forme  de  braves  et  de  vaillants 
soldats.  «La  chasse,  dit  Nemrod,  est  une  espèce  de  ftte 
saturnale,  dans  laquelle  tous  les  rangs  sont  confondus,  tous 
les  privilèges  cessent  d'exister.  Celui  qui  monte  le  meilleur 
cheval  et  qui  est  doué  de  la  meilleure  constitution  occupe  la 
première  place  pendant  toute  la  journée.  Un  garçon  boucher, 


Digitized  by 


Google 


LES  CHASSEURS  ANGLAIS  EN   1&V2.  329 

solidement  assis  sur  son  pony,  peut  jeter  de  la  boue  à  la 
figare  du  premier  duc  du  royaume.  Tel  est,  bien  qu'on  y  font 
peu  inattention,  un  des  nombreux  avantages  dont  jouit  le  peuple 
dans  un  pays  de  liberté.  )>  Cédons  maintenant  la  parole  à  un 
Tieil  écrivain  :  «  Quel  fantassi;i  s'élance  à  l'assaut  avec  plus 
de  courage  que  le  jeune  homme  qui  a  depuis  longtemps  Tha- 
bitude  d'escalader  les  fortifications  des  prairies  ou  des  jar- 
dins ?  quel  cavalier  maintient  et  dirige  son  cheval  avec  plus 
d'adresse  et  d'intrépidité  au  milieu  d'une  mêlée,  que  celui  qui 
a  passé  sa  vie  à  sauter  des  barrières,  des  fossés,  des  haies  ou 
des  murs  ?  Instruit  par  l'expérience,  le  chasseur  de  renards 
sait  se  tirer  d'affaire  dans  les  plus  mauvais  pas  ;  collines  ou 
yallées,  marais  ou  déserts,  défilés  ou  précipices,  rien  ne  l'ar- 
rête, rien  ne  l'effiraye  ;  il  est  capable  de  supporter  une  longue 
fatigue;  il  sait  dresser  une  embuscade,  surprendre  l'en- 
nemi, attaquer  ou  battre  en  retraite  à  propos.  Que  de  fois 
le  chasseur  de  renards  n'est-il  i)as  revenu  dans  ses  foyers 
après  avoir  vaincu  les  ennemis  de  sa  patrie  !  Que  de  héros, 
héritiers  de  ses  vertus  et  de  sa  valeur,  n'a-t-il  pas  laissés  en 
mourant  à  son  pays  I  d 

(Edinburgh  Remew.) 


Digitized  by 


Google 


DBS  COLONIES  ANGLAISES 

COflSISÉMÉMS 
COMME  POSITIONS  MILITAIRES^ 

Sixième  article  (1). 

Le  trident  de  Neptaae  est  le  iceptse  da  neade  (S). 

ux.  —  PQcuHPÉiriifa. 

Tirant  une  ligne  de  Trinquemaie  à  environ  dix-huit  degrfi 
plus  loin  de  longitude  est,  nous  arrivons  à  Tile  de  Podo* 
Pénangy  située  à  l'entrée  septentrionale  du  détroit  de  Ml- 
lacca  et  à  peu  de  distance  de  la  péninsule  du  même  nom. 
Celui  que  les  indigènes  !donnent  à  celte  tle  vient  du  palmier 
qui  produit  l'arack,  dont  elle  est  couverte,  et  je  Tai  adopté  de 
préférence  à  l'appellation  anglaise  d'Ile  du  Prince  de  Galles; 
c'est  le  nom  original. 

La  Compagnie  des  Indes-Orientales  a  au  moins  autant  de 
droit  que  le  roi  d'Espagne  à  prendre  la  fameuse  devise 

Id  utmmque  felîx  ; 

car  de  ses  vastes  possessions,  celles  qu'elle  n'a  pas  gagnées 
par  la  victoire  elle  les  a  acquises  à  titre  de  don  gratuit,  et 
c'est  à  ce  titre  qu'elle  est  devenue  maîtresse  de  Poulo-Pénaflg. 

(1)  Voir  les  numéros  de  décembre  1841,  février,  mars,  mai  et  juiolMi 

(2)  NoTB  DU  DIRECTEUR.  L'autcur  anglais  a  jusqu'ici  attribué  à  la  Harps 
ce  vers  de  Lemierre,  que  ce  poëte  appelait  le  vers  du  sUele.  lusà  m 
bomme  d'esprit  impatienté  dit-il  un  jour  que  Lemierre  avait  le  rers  soli- 
taire. 


Digitized  by 


Google 


DES  COLOHUS  AHfiLAISES»   ETC.  331 

L'histoire  de  cette  Ile  est  quelque  peo  romanesque.  Après 
Mre  restée  déserte  et  sans  eulture  pendant  des  siècles»  elle 
appartenait  an  roi  de  Quedah,  dont  la  capitale  était  située 
sur  le  continent  En  1785,  le  capitaine  d'un  navire  armé  daot 
rinde  vingt  jeter  Tancre  dans  le  port  de  Pénang  pour  y  faire 
de  l'eau.  Pendant  cpie  ses  matelots  étaient  occupés  à  roonplir 
ses  pièces,  il  imagina  qu'il  serait  civil  à  lui  d'aller  présenter 
ses  hommages  à  sa  majesté  le  roi  de  Quedah.  Or»  tandis  qu'il 
était  aUé  £aire  ses  révérences  an  petit  lever  ou  darbar,  la  pim* 
oesae  de  Qœdah»  soit  curiosité,  soit  tout  autre  motif,  s'ar« 
langea  pour  voir  le  capitaine  anglais,  et  à  la  première  vue 
éUe  s'éprii  d*nne  belle  passion  pour  lui.  Au  lieu  de  dévorer 
ses  sentîinents  et  de  cacher  ses  pensées,  elle  révéla  l'état  de 
80ii€aDarasonpapa,elIui,en  honnête  homme  qu'il  ètait,jetail 
un  regard  miséricordieux  sur  les  passions  de  mademoiselle  sa 
fflie,  consentit  au  mariage.  Comme  il  ne  savait  pas  ce  que 
c'était  que  la  diplomatie,  il  conta  tout  naïvement  le  cas  as 
marin  anglais,  et  lui  offrit  avec  la  main  de  sa  fille  la  propriélé 
de  la  bette  Ile  boisée  où  il  avait  laissé  son  navire  à  Fancre. 

Le  galant  marin,  qui  s'appelait  Light,  trouvant  qu'une 
princesse  avec  une  Ile  était  un  assez  bel  établissement,  ao* 
cepta  Faffiiire,  qui  s'arrangea.  Mais  elle  ne  fut  pas  plus  tôt  con- 
due,  que  Thonorable  Compagnie  des  Indes  le  força  à  lui 
livrer  son  Qe  pour  la  somme  de  30,000  £  (750,000  fr.). 
Malgré  l'envie  qu'il  avait  de  garder  son  royaume  pour  lui,  il 
bUnt  céder,  tt  céder  pour  une  somme  qui  ne  représentait 
eertaineineiit  pas  un  dixième  de  la  valeur  réelle  de  cette  Ile. 
Cependant  le  transfiort  fut  consenti  par  le  roi  de  Quedah,  ipà 
céda  hii-mëme  à  la  Compagnie,  et  ea  Tannée  1800,  une  cer^ 
taine  étendue  de  territoire  siur  la  côte  Malaie,  vl8-4-vîs  l'Ile  de 
Pénang,  depuis  l'embouchure  du  Qualla-Madda  jusqu'àcetledu 
Krian,  eÉk>ng  de  trente-cinq  milles  sur  une  largeur  moyenne 
de  quatre.  La  Compagnie  s'était  d'abord  engagée  à  payer 
pour  la  possession  de  l'Ile  une  r^te  annuelle  de  6,000  dollars 
[H,&»t);  cette  rente  fut  portée  ensuite  à  10,000  (53,000f }, 
lors  de  la  ooncessioa  du  territoire  continental,  qui  fut  appelé 


Digitized  by 


Google 


332  DES  COLONIES  ANGLAISES 

province  Wellesley.  Les  mesures  prises  pour  attirer  des  colons 
dans  rtle  et  la  défricher  en  ont  aujourd'hui  porté  le  nombre 
à  plus  de  60,000.  Cette  population  est  ce  qu'on  appelle  en 
France  une  macédoine.  On  y  trouve  des  gens  de  tous  pays, 
des  Arabes,  des  Arméniens,  des  Bengalis,  des  Battas,  des 
Birmans,  des  Chinois,  des  Chalcas,  des  Caflres,  des  Chrétiens 
indigènes,  des  Malais,  des  Boujis,  des  Parsis,  etc.,  etc.,  sans 
parler  des  Européens  et  des  Cipayes.  On  y  compte  1,300  cri- 
minels déportés  des  présidences,  et  employés  là,  comme  à 
Singapore,  aux  défrichements.  Une  fois  mis  en  valeur,  le  sol 
est  très-riche ,  donnant  en  abondance  tous  les  produits  des 
tropiques.  Parmi  les  plantes  qui  y  croissent  naturellement, 
on  remarque  ce  jonc  solide,  souple  et  à  nœuds,  dont  on  Sait 
des  cannes  si  connues  ;  on  les  appelle  dans  le  pays  juges  de 
paix  de  Pénang,  et  si  nos  tribunaux  avaient  le  talent  de  ter- 
miner les  litiges  soumis  à  leur  sagesse  aussi  rapidement  qu'on 
le  fait  avec  ce  produit  du  règne  végétal  de  TOrient,  il  n'y 
aurait  pas  lieu  à  augmenter  le  nombre  de  nos  juges,  comme 
on  l'a  fait  encore  récemment. 

Le  détroit  qui  sépare  l'île  du  continent  a  environ  deux  milles 
de  large,  et  on  dit  que  les  animaux  le  traversent  assez  sou- 
vent à  la  nage  lorsqu'ils  veulent  changer  d'air  ou  d'eau, 
pour  le  bénéfice  de  leur  santé  probablement.  J'ai  entendu 
raconter  la  merveilleuse  histoire  d'un  terrible  combat  entre 
nn  alligator  et  un  tigre.  Une  chaîne  de  montagnes  nommées 
Tandjong  lancent  dans  le  détroit  deux  promontoires,  sur 
l'extrémité  de  l'un  desquels  sont  construites  la  capitale,  appe- 
lée Geôrge-Town,  et  la  citadelle,  qui  protège  et  défend  le 
mouillage,  lequel  est  sAr  par  toutes  les  saisons  et  par  tous  les 
vents.  Le  ciel,  même  au  renversement  des  moussons,  est 
toujours  clair  et  serein  dans  ces  parages;  le  vent  n'y  est  ja- 
mais violent;  et  enfin  Pénang  est  l'un  des  lieux  les  plus  salu- 
bres  de  notre  empire  asiatique.  Le  détroit  de  Malacca,  formé 
par  la  péninsule  Malaie  et  l'ile  de  Sumatra,  est  comme  un 
entonnoir;  il  va  sans  cesse  en  se  rétrécissant  du  cété  de  son 
extrémité  sud-^st.  A  son  extrémité  nord  est  l'Ile  de  Pénang, 


Digitized  by 


Google 


CONSIDÉRÉES  COMME  POSITIONS  MILITAIRES.        333 

placée  là  comme  une  sentinelle  pour  garder  le  passage.  En 
temps  de  guerre,  une  frégate  et  une  corvette  seraient  plus  que 
suffisantes  pour  le  défendre  et  pour  donner  la  chasse  aux  pi- 
rata qui  souvent  infestent  ces  mers. 

Poulo-Pénang  a  été  pendant  longtemps  un  des  principaux 
entrepôts  du  commerce  de  Topium,  le  plus  singulier  sujet  de 
guerre  qu'on  ait  jamais  vu.  C'est  pour  le  défendre  que  nous 
avons  déjà  enseveli  bien  des  braves  dans  les  rizières  de  Chu- 
san,  et  c'est  à  cause  de  Poulo-Pénang  qu'on  a  vu  récemment 
plus  d'un  soldat  chinois  cuit  en  papillote  dans  ses  habits  de 
coton,  à  la  sauce  de  pierres  à  fusil  avec  un  ioufflé  de  poudre 
à  canon. 


XX.  —  BIÂLACCA. 


Cette  colonie,  située  sur  la  péninsule  du  même  nom,  entre 
Pénang  et  Singapore,  a  suivi  le  destin  de  la  plupart  des  colo- 
nies asiatiques.  Prise  en  1511  sur  les  Malais  parles  Portugais, 
elle  a  été  enlevée  à  ceux-ci  en  16^0  par  les  Hollandais.  A 
notre  tour ,  nous  nous  en  sommes  emparés  en  1795  pour  la 
rendre  à  la  paix  d'Amiens.  Reprise  par  les  Anglais  en  1807, 
elle  a  encore  été  rendue  aux  Hollandais  en  1815  ;  mais  enfin 
elle  est  retombée  une  troisième  fois  dans  nos  mains,  en  com- 
pensation de  quelques  établissements  que  nous  avions  formés 
à  Sumatra  et  que  nous  avons  abandonnés  à  la  Hollande.  L'im- 
portance de  Malacca  vient  des  riches  mines  d'étain  qu'elle 
possède  dans  son  voisinage.  Elle  n'a  de  valeur  comme  posi- 
tion militaire  que  parce  qu'elle  possède  un  excellent  port  et 
peut  fournir  de  la  viande  et  des  provisions  fraîches  de  toute 
espèce  aux  bâtiments  qui  viennent  y  mouiller.  C'était  le  lieu 
de  rendez-vous  de  l'expédition  destinée  contre  Java,  et  pen- 
dant le  temps  de  son  séjour  les  30,000  hommes  qu'elle  portait, 
matelots,  soldats  et  suivants  de  l'armée,  trouvèrent  à  s'y  pro- 
curer tous  les  vivres  dont  ils  pouvaient  avoir  besoin. 

XX!.  —  SINGAPORE. 

On  nous  parle  de  villes  qui  sortent  de  terre  comme  des 


Digitized  by 


Google 


331b  BKS  COLONIES  AVtfLAISKS 

champignons  dans  les  forêts  de  TAmériqne;  ici  nons  voyons 
«ne  grande  yille  sortie  de  l'eau  en  mocns  qne  rien,  comme  dirait 
l'Irlandais  Paddy.  C'est  sir  Stamford  RafRes  qui  a  été  le  fonda- 
teur de  cet  établissement.  Jugeant  parfeitementle  grand  avenir 
promis  an  commerce  anglais  dans  l'archipel  asiatique,  il  sentit 
le  premier  qu'après  la  restitution  de  Java  aux  Hollandais^  un 
entrepôt  nous  deviendrait  absolument  nécessaire  dans  ces 
parages,  et  avec  le  coup  d'ceO  du  politique  et  du  général, 
il  arrêta  ses  regards  sur  cette  He,  alors  presque  inhabitée  et 
à  moitié  ensevelie  sous  les  eaux.  Le  résultat  a  justifié  tontes 
ses  prévisions.  C'est  en  1818  qu'on  prît  les  premières  mesures 
pour  fonder  un  établissement  dans  cette  tle  ;  mais  c'est  en 
1820  seulement  qu'elle  fut  déclarée  territoire  anglais.  En  1825, 
la  souveraineté  de  la  Grande-Bretagne  fut  reconnue  par  une 
eonvention  avec  le  roi  de  Hollande,  et  par  un  traité  conclu 
avec  le  radja  de  Djihore,  dont  te  territoire,  situé  à  l'extréfaité 
de  la  péninsule  de  Malacca,  n'est  séparé  de  Siagapore  que 
par  un  détroit  qui,  en  certains  endroits,  n'a  pas  un  demi-mille 
de  large .  On  paye  à  ce  dernier  personnage  une  8<wime  annuelle 
de  20,000  piastres  (106,000  fr.  )  comme  le  prix  de  location 
ées  terrains.  Lorsque  les  Anglais  vinrent  s'étaMir  sur  ce 
point,  toute  la  population  de  l'Ue  n'allait  pas  à  plus  de 
150  Malais,  moitié  pirates  et  moitié  pécheurs;  aujour- 
d'hui elle  dépasse  26,000  âmes.  Toutes  les  productions  du 
monde  commercial  se  trouvent  à  Singapore;  éL  quoique  je  ne 
doive  peut-être  pas  en  parler,  on  me  permettra  cependant  de 
dire,  pour  rassurer  les  vieilles  dames  et  les  membres  des 
sociétés  de  tempérance,  que  si  nos  rdations  avec  Canton 
avaient  dA  cesser  par  suite  de  notre  querelle  à  propos  de 
l'opium,  nous  n'aurions  pas  eu  à  craindre  wae  disette  de 
l'herbe  précieuse  «c  qui  excite  le  cerveau,  mais  qui  n'enivre 
pas,  »  car  les  jonques  chinoises  nous  en  apporteraient  à  Sin- 
gapore autant  que  nous  voudrions,  et  presipie  sans  augmen- 
tation de  prix  sur  le  cours  de  Canton.  Sans  compter  les  per* 
sonnes  amenées  à  Singapore  par  les  jonques  du  commerce, 
on  y  compte  encore  une  population  fixe  de  10,000  Chinois,  la 


Digitized  by 


Google 


CONSIDÉRÉES  GOMME  POSITIONS  MILITAIRES.        33$ 

meilleure  et  la  plus  utile  race  de  colons^  et  que  je  voudrais 
bien  voir  introduire  dans  toutes  nQ3  colonies  intertropicales, 
y  compris  les  Antilles.  Ce  qui  distingue  celte  tle  elle-même, 
c'est  sa  salubrité,  surtout  avec  les  causes  qui  sembleraîeni 
devoir  agir  en  sens  contraire.  Une  bonne  partie  du  terrain 
n'est  pas  autre  chose  qu'une  suite  de  marais  d'eau  douce  ou 
salée,  et  à  tel  point  que  dans  les  faubourgs  habités  par  les 
Chinois  et  les  Malais,  leurs  huttes  de  bambou  sont  perchées 
m  des  pilotis,  de  sorte  cpi'une  partie  de  la  population  a  l'air 
de  dormir  sur  des  échasses.  Les  marchands  anglais,  qui  ont 
fait  construire  de  très-belles  maisons  à  Test  du  port,  ont  eu 
soin  de  les  établir  sur  des  remblais  de  trois  ou  quatre  pieds 
de  haut  pour  se  tenir  les  pieds  secs.  II  ne  faut  pas  oid)lier 
que  cette  eau  stagnante,  mêlée  de  matières  végétales  en  putré- 
fiiction,  est  soumise  à  l'action  du  soleil  des  tropiques. 
Sous  une  latitude  où  le  thermomètre  ne  descend  jamais 
au-dessous  de  70*  Fahrenheit  (21%11  centig.),  la  position 
insulaire  de  cet  établissement  ne  suffit  pas  pour  expliquer 
comment  toutes  ces  causes  d'insalubrité  n'agissent  pas  sur  les 
habitants;  il  doit  y  avoir  encore  d'autres  raisons.  Batavia, 
situé  sons  des  conditions  presque  semblables,  est  regardé 
coamie  le  tombeau  des  Européens  ;  Chusan,  situé  sous  le  32* 
de  latitude  Bord,  et  couvert  de  rizières  inondées,  n'est  pas 
moins  insalubre  que  la  capitale  des  établissements  hollandais 
en  Asie  (1). 

Si  Singsqpore  s'est,  dès  les  premiers  pas,  élevé  à  une  gran- 
deur c<munerciale  qui  ne  le  cède  qu'à  celle  de  Bombay,  il 
l'est  pas  moins  important  comme  ppsition  militaire.  J'ai 
comparé  le  détroit  de  Malacca  à  un  entonnoir  dont  une  des 
extrémités  est  occupée  par  l'ile  de  Pénang;  i  l'autre,  celle 
fû  débouche  dans  les  mers  de  la  Chine,  s'élève  Singapore 


(1)  Note  du  ntfDACTBUB*  ta  rmiai^d  du  coIsbsI  WilUe  manque  peal- 
élre  de  justesse.  Une  enquête  mUitaire  semble  prouver  que  la  mortalité 
des  troupes  anglaises  à  Chusan  doit  surtout  être  attribuée  à  la  mautaise 
qualité  des  Yivres  qui  leur  furent  fournis. 


Digitized  by 


Google 


336  DES   COLONIES  ANGLAISES 

comme  une  sentinelle  qui  veille  à  rentrée  du  détroit  ;  en^effét, 
les  navires  qui  vont  à  Test  doivent  nécessairement  passer 
presque  à  portée  de  voix,  à  moins  qu'ils  n'allongent  leur  route 
d'un  immense  détour  en  passant  par  les  détroits  de  la  Sonde 
ou  de  Gospar,  ou  par  celui  qu'on  appelle  le  passage  de  Gara- 
matto;  et  même  alors,  quand  ils  mettent  le  cap  au  nord,  sont- 
ils  obligés  de  passera  portée  de  notre  garnison.  La  seule  route 
qui  permette  d'éviter  Singapore  est  celle  qui  suit  l'immense 
et  difficile  navigation  du  détroit  de  Macassar  pour  aller  ensuite, 
à  travers  les  écueils  et  les  bas-fonds  dont  cette  mer  est  toute 
parsemée ,  passer  au  nord  de  Bornéo. 

Singapore  était  le  lieu  de  rendez-vous  de  l'expédition  diri- 
gée en  18W  contre  la  Chine ,  et  ce  n'est  pas  trop  de  dire 
qu'il  commande  la  navigation  des  mers  de  la  Chine  d'une 
manière  beaucoup  plus  efficace  que  Gibraltar  celle  de  la 
Méditerranée,  ou  Malte  celle  du  Levant.  En  temps  de  guerre, 
une  frégate  et  un  bateau  à  vapeur  seraient  ordinairement 
plus  que  suffisants  pour  répondre  de  la  sécurité  de  ces  mers, 
aujourd'hui  surtout  où  il  n'y  a  plus,  à  l'est  du  cap  de  Bonne- 
Espérance  ,  d'autre  point  que  Bourbon  ouvert  aux  flottes  de 
l'ennemi;  et  on  sait  quelle  est  la  valeur  de  cette  tie  comme 
établissement  maritime  [Ij.  Si,  par  hasard,  une  expédition 
importante  arrivait  dans  les  mers  de  l'archipel  indien,  Trin- 
quemale  nous  fournirait  les  moyens  de  renforcer  nos  escadres, 
et  de  Singapore  nous  dominerions  toutes  les  lies  voisines 
comme  déjà  nous  les  dominons  de  fait.  En  temps  de  paix, 
deux  ou  trois  bateaux  à  vapeur  armés  pourraient  être  em- 
ployés sur  ce  point  avec  grand  profit,  pour  en  faire  le  relevé 
hydrographique,  qui  n'a  pas  encore  été  fait,  que  je  sache,  et 
pour  y  protéger  le  commerce.  Tout  en  poursuivant  leurs  tra- 
vaux scientifiques,  ils  pourraient  tenir  l'œil  ouvert  sur  les 
pirates  malais  ;  et  pour  ce  double  dessein,  des  bateaux  en  fer, 
tirant  peu  d'eau,  seraient  les  plus  utiles. 

(1)  NoTS  DU  RÉDACTEun.  Le  colonel  Wilkie  semble  oublier  les  ports  hol« 
landais  de  Java,  Sumatra,  etc. 


Digitized  by 


Google 


CONSIDÉBÉES  COMME  POSITIONS   MILITAIRES.        337 

On  connaît  assez  aujourd'hui  les  proas  des  Malais  pour  que 
je  n'aie  pas  besoin  d'en  faire  la  description  ;  ce  sont  de  longs 
bateaux  construits  surtout  pour  la  marche  et  qui  bordent 
îingt  oa  trente  avirons.  Ils  portent  aussi  une  voile  latine; 
mais  ils  se  comportent  assez  mal  sous  voiles,  et  dans  cette 
position  ils  ne  peuvent  résister  ni  à  une  rafale  ni  à  une 
brise  un  peu  fraîche.  Mais  dans  ces  latitudes  où  les  calmes  ré- 
gnent presque  éternellement,  ces  proas  sont  très-dangereuses 
i  rencontrer  pour  des  bâtiments  mal  armés  ou  qui  ne  se  tien- 
nent pas  assez  sur  leurs  gardes.  Par  des  brises  légères,  avec 
la  mer  calme,  elles  ont  bientôt  distancé  tous  les  bâtiments  de 
guerre,  et  c'est  en  vain  que  nos  canots  essayent  de  leur  don- 
ner la  chasse.  Mais  aujourd'hui  elles  ont  trouvé  leurs  maîtres. 
n  n'est  pas  de  poissons  volants  qui  soient  plus  effrayés  de  l'ap- 
proche d'un  dauphin  ou  d'un  bonite  que  lie  le  sont  les  pirates 
malais  à  la  vue  d'un  monstre  marin  tel  qu'un  bateau  â  va- 
peur tirant  peu  d'eau  :  toutes  leurs  ruses  et  tous  leurs  sub- 
terfuges ne  leur  seraient  d'aucun  secours  contre  un  ennemi 
qui  les  poursuit  sans  jamais  se  fatiguer.  La  moitié  de  leur  ter- 
reur doit  s'attribuer  â  l'ignorance  où  ils  sont  de  la  nature  des 
(orées  dirigées  contre  eux. 

Il  n'y  a  pas  â  s'y  tromper,  la  plus  grande  partie  de  nos 
fiiccès  contre  les  Birmans  est  due  au  prestige  du  bateau  â  va- 
peur que  nous  avions  sur  l'Irawaddy.  Les  bateaux  de  guerre 
des  Birmans  sont  peut-être  les  meilleurs  et  les  plus  fins  de 
leur  espèce  ;  beaucoup  d'entre  eux  bordent  jusqu'à  cent  grands 
avirons  maniés  chacun  par  deux  rameurs,  et  ils  pouvaient 
au  premier  instant  distancer  le  bateau  à  vapeur;  mais  les 
moscles  et  la  force  des  hommes  ne  pouvaient  pas  tenir  long- 
temps contre  la  persévérance  du  piston,*  et  ils  finissaient 
par  renoncer  à  la  lutte,  car  ils  ne  comprenaient  pas  la  raison 
d'existence  de  ce  mouvement  perpétuel  :  idolâtres  qu'ils  sont, 
ils  avaient  imaginé  que  cette  machine  flottante  avec  sa  che- 
minée n'était  rien  moins  que.  le  Dieu  des  Anglais  qui  venait 
les  combattre  en  personne.  Ils  en  étaient  si  bien  persuadés, 
qd'après  la  conclusion  de  la  paix,  lorsque  tout  fut  arrangé, 

5*  SÉBIE.  —  TOME  XI.  ^ 


Digitized  by 


Google 


338  DES  CÛLOHlEft  JilfiLA16BS 

on  eut  toutes  les  peines  du  monde  à  décida  deux  cheb  bir- 
mans à  venir  visiter  le  bateau  à  vapeur.  Lorsqu'ils  arrivèrwit 
à  réchelle^  conuBe  on  éteignait  las  feux,  oa  lâcha  la  sem- 
pape  pour  débarrasser  la  chaudière  delà  vapeur  qu'elleeo»* 
tenait  encore  ;  le  sifflement  de  la  vapeur  les  effraya  teileamt 
que  rien  ne  put  les  décider  à  manier  TécheUe  et  à  s'avenUimT 
sur  le  pont;  ils  étaient  convaincua  que  le  Dieu  desiU^Us 
était  irrité  de  leur  présence  et  av^t  iémoigaé  son  méeoDtea- 
tement  par  ce  bruit  efibajanL 

£n  parlant  des  piraies  laalaia»  il  ne  iiaudraîi  pas  imaeiAtr 
que  toute  cette  race  est  donnée  a  h  piraterie  ;  en  réalité»  elle 
n'est  exercée  que  par  des  fragments  xLe  tribus.  Lm  Malais  ont 
été  jadis  une  nation  puissante,  ou,  si  l'on  ve«t,  une  puisBMle 
confédération  de  tribus^  et  par  k  nombre  ils  sont  ^loare 
redoutables.  Sumatra  et  lava  ont  été  le  berceau  de  oetle  caœ, 
et  c'est  de  là  qu'elle  s'est  répandue  4ans  toutes  les  Qes  des 
mers  de  l'Inde.  H  est  vraisemblable  aussi  qu'elle  a  iMné  la 
base  de  la  populatioa  de  la  Polynésie,  ^  même  qu'elle  s'est 
établie  jusque  sur  les  c6tesonenia]fisde  l'Amérique  du  Sud.  An 
commencement  duireizième  siècle,  nne  émjgratioA  partie  de 
Palemberg,  dans  Tlle  de  Sumatra,  aUa  fondtf  uae  ooiooîe  daas 
Japresqu'Hede  Malacca^quia  donAéleAomgéoàriquedeMBlais 
i  toute  la  racew  quoiqu'elle  ne  soit  pasaborigèyae  de  oe  pajs. 

Sous  leurs  rois  de  Java  et  de  Suttatca,  les  Misais  étaient 
un  des  peuples  importants  de  l'Asie.  Ils  avaient  «ne  langne 
écrite  et  soumise  à  des  rifles  grammaticales  ;  quelques  livras 
écrits  dans  cette  langue  se  trouvent  dans  les  biUiothèfnts 
des  personnes  qui  s'oocupeat  de  liitèratore  orientale.  Les 
jplus  célèbres  sont  la  ik  GouronnedesauUans,  »  par  BaUbory  de 
DJohor;  la  «grande  Chroniquedes  rois  de  Java»  »  et  iepetae 
de  « Kiri  Tamhouhan.»  Quand  les  Portugais  arriviseal  en  Asie;, 
ils  mirent  à  profit  les  querelles  întestines  des  radyas.  Dimêe 
et  impera,  fut  la  devise  de  l^ur  poUtiqiie.  Qs  lesamiomt  ks 
uns  contre  les  autres  et  produisirent  une  S^iai»  de  piiihf 
guerres.  A  la  suite  de  ces  démélés^aaaglaais,  qnehpies  tôhns 
forent  vendues  en  esclavage^  d'autres  émiigrèreBt»  et  si  la  pins 


Digitized  by 


Google 


CONSIDÉRili  GOVUe  tOHJlWS  MLITAIRES.         99$ 

gnMNie  9tKrim  rtata  dans  s«»  Ut»  cm  dur  (a  péniD«iUe,  la  ^eim 
eepead^ai  éiaii  biisÀ»;  la  fMO'tia  la  plus  daff^^euse  da  la 
popnialton,  ceHe  q«tt  conivendU  iiu^  les  esprits  ûiquiet^  at 
Uiiïbitleata»  «a  eonfia  à  4  i'azar  profond  d^  flots  »  pwr  y 
cberehar  sa  via  dans  das  ositvre»  4e  meurtre  ^  df  lapina. 

On  troave  des  Nalaip  mit  laate$  le»  •eôlas  d«  rtiida  ;  daai 
laaies  ae»  ttee  ik  y  tant  aam  nombrt ux  que  la»  jtiife  en  £i»« 
nya.  Il  n'ert  pas  un  de  noe  éiabUeeeiMato  warti imee»  dapnîi 
le  Cap  j«riqa'à  Siaeepora,  qui  m  compte  quelque»  ha})Uaala 
de  ccÉte  raea;  ile  j  axerceai  lee  nuèikr»  de  r6veo4euia,  da 
BBirctonde  d'otijeto  d'oceasîoa»  d'acmfst  de  veille»,  et,  an 
général,  de  toolae  la$  dearto  pour  rapprovieionneoieal  4ef 
navire.  Quelquefois  nous  les  avons  employés  comme  soldats  ; 
nous  les  avons  toujours  (roavés  bneres  et  fidèles,  et  il  y 
aurait  avantage  à  s'en  servir,  si  leur  esprit  vindicatif,  le  trait 
le  plaa  earad^éristiqua  de  toute  la  race,  ne  rendait  pas  fort 
difieîla  l'art  de  lee  £ûre  vivre  avec  de»  boaunes  de  race  ditlè^ 
lenta.  On  dit  que  ni  le  temp»  ni  la  distance  ne  peuvent  a<&i«* 
Mif  cette  roalheureuee  passif  de$  Alalab,  et  qu'ils  déploient 
aeavant  pour  aesouvir  leore  vengeances  un  raffineiaent  d'à*» 
dresie  ai  4a  perséyénancef  iocoaipréhensibles  dans  les  froidea 
rigiane4w  ^ord.  On  me  permettra  d'en  citer  de  mémoire  un 
asonpla  entrante  an  Une  da  Sarraw  eur  «le  Cap  de  Bonn^ 
£ipéranca» 

Un  marcband  boUandaia  avait  acheté  comme  esclaves  un 
jeane  «[arçon  et  une  jeune  fille  de  race  malaiae.  0  avait  feit 
^ïpreadre  au  premier  la  métier  d'ébéniste^  et  à  la  jeune  ilie 
le»  travaaji  d*aî(uiUe  qpi'on  apprend  à  son  se^^e.  Us  devinrent 
tOH»  la»  4ew  ai  babiles»  que  leur  mattra»  après  avoir  profité 
fendant  plu»îeur»  année»  4u  fjruit  de  leur  travail,  promit  un 
ifmranîettnabomnief  danaunaceéscbgénérDsité,  de  luidonnisr 
Ja  JiiMnnbé  à  une  épo«pie  4étemiinée.  l^  temps  arrivé,  il  mtnr 
qntàaa  pai^,  et  an  renveya  indéfiniment  l'apcomplisça^ 
ttist.  lieMelaie  attendit  p«Mep^a>ent  pendant  deux  an»  Teffejt 
ée  catta  proineese  troppewe;  mai»  à  la  troisième  année,  9f 
forant  aneii  lojn  qaa  tmm  4e  la  liberté,  il  prit  aonjiparti* 


Digitized  by 


Google 


SkO  DES  COLONIES  ANGLAISES 

Un  jour,  il  monta  dans  rappartement  occupé  par  sa  compa* 
gne  d'esclavage,  et  il  la  tua  de  sang-froid.  Quant  A  lui,  il  n'es- 
saya pas  même  de  se  sauver.  Questionné  dans  sa  prison  sur 
les  motife  qui  avaient  pu  le  conduire  à  commettre  ce  crime, 
il  répondit  qu'après  avoir  longtemps  médité  sur  le  moyen  de 
se  venger  de  son  mattre,  il  avait  fini  par  se  décider  à  tuer  sa 
compagne  d'esclavage.  En  tuant  sonmattre,  il  ne  l'eût  fiiitsouf- 
frir  qu'un  moment;  mais  en  assassinant  son  esclave  favorite, 
•crime  pour  lequel  il  savait  qu'il  serait  pendu,  il  enlevait  à  la 
fois  au  vieil  avare  les  deux  sources  de  son  bien-être,  lui  lais- 
sant le  regret  d'avoir  manqué  à  sa  parole,  regret  qui  finirait 
pentrètre  par  le  conduire  lentement  au  tombeau. 

ZXII.  —  BOICG-KOIIG. 

En  quittant  les  côtes  de  Malacca,  il  serait  peut-être  nature} 
de  s'arrêter  quelques  instants  à  Java,  à  Banda,  à  Amboyne, 
ties  qui  ont  été  pendant  quelques  années  occupées  par  les 
troupes  anglaises.  Mais  cela  nous  entraînerait  peut-être  trop 
loin,  et  je  prierai  le  lecteur  de  vouloir  bien  repasser  la  ligne 
avec  moi  sans  craindre  le  rasoir  du  barbier  de  Neptune,  et 
de  faire  voile  pour  la  nouvelle  acquisition  cpie  nous  avons 
faite  dans  les  mers  de  la  Chine ,  quoique  nous  possédions 
encore  bien  peu  de  renseignements  sur  Hong-Kong,  et  qu'il 
nous  soit  par  conséquent  bien  difficile  d'estimer  sa  valeur. 

Il  semble  que  ce  soit  une  ironie  des  Chinois  de  nous  avoir 
cédé  la  possession  d'une  Ile  située  dans  un  groupe  qui  porte 
le  nom  peu  honorable  de  LaJrone.  De  ces  lies  des  Voleurs^ 
Hong-Kong  est  la  plus  septentrionale,  et  celle  qu'on  appelle 
les  Oreilles  d'âne  est  la  plus  méridionale.  Le  groupe  est  très- 
considérable,  et  les  lies  qui  le  composent  remplissent  le 
golfe  dans  lequel  vient  se  jeter  la  rivière  de  Canton.  Les 
Portugais  ont  changé  presque  tous  les  noms  chinois,  et  nous 
avons  adopté  le  plus  souventles  substitutions  qu'ils  ont  faites  : 
ainsi  les  Iles  Pescadores  dans  le  détroit  de  Formosa  et  le  nom 
de  cette  lie  elle  même,  ainsi  le  Tigre  et  son  embouchure  U 


Digitized  by 


Google 


COXSIBÉBÉES  COMME  POSITIONS  MILITAIRES.       3^1 

Bocca-Tigris.  Il  est  singulier  que  nous.  Anglais,  qui  aimons 
tant  les  monosyllabes,  nous  ayons  préféré  les  noms  si  longs 
des  Portugais  aux  noms  beaucoup  plus  doux  et  plus  courts 
des  Chinois. 

Pour  revenir  à  Hong-Kong,  voici  ce  qu'en  raconte  un 
voyageur  qui  Ta  visité  récemment  : 

«  L'Ile  de  Hong-Kong  est  éloignée  à  l'est  de  Macao  d'en- 
viron quarante-cinq  milles,  et  à  cent  vingt  milles  sud-est  de 
Canton.  Elle  est  séparée  du  continent  par  un  détroit  qui  dans 
plusieurs  endroits  n'a  pas  trois  quarts  de  mille  de  largeur. 
Bans  le  sens  de  sa  plus  grande  longueur,  de  l'est  à  l'ouest,  l'tle 
a  environ  huit  milles  sur  deux  milles  et  demi  à  trois  milles  de 
large.  Ses  côtes  sont  dessinées  par  des  hauteurs  dont  quelques- 
unes  se  projettent  dans  la  mer,  où  elles  forment  plusieurs  pe- 
tites baies.  Le  sol  est  très-montueux,  on  devrait  presque  dire 
montagneux,  mais  très-peu  boisé.  Ces  montagnes  sont  formées 
de  bases  granitiques  qui  souvent  sortent  en  saillie  sur  leurs 
flancs;  dans  les  intervalles  de  ces  rocs  dépouillés  on  trouve 
du  gazon  et  des  arbustes  que  les  Chinois  brûlent  à  l'automne; 
ces  incendies,  vus  de  la  mer ,  présentent  un  spectacle  très- 
curieux  pendant  la  nuit.  Sur  le  côté  oriental  de  l'tle  qui  feit 
fiice  au  continent,  s'ouvrent  de  petites  et  étroites  vallées  cul- 
tivées avec  ce  soin  minutieux  et  cette  patience  infatigable  dont 
les  Chinois  seuls  semblent  être  capables.  La  principale  de  ces 
▼allées  est  située  précisément  en  face  de  la  ville  de  Cow-Loun 
sur  le  continent.  Cette  vallée  elle-même  n'a  qu'une  ouverture 
très-étroite  du  côté  de  la  mer,  obstruée  par  un  immense 
rocher  détaché  des  montagnes  voisines,  mais  dont  l'industrie 
chinoise  a  su  tirer  merveilleusement  parti.  Au  sommet,  ils 
ont  creusé  un  réservoir  où  ils  conduisent  l'eau  des  monta- 
gnes voisines  par  de  simples  tuyaux  de  bambou ,  et  de  là  ils 
la  dirigent,  selon  leurs  besoins,  dans  les  parties  basses  de  la 
vallée,  qui  autrement  serait  restée  stérile  et  désolée. 

Cette  vallée  est  certainement  la  plus  populeuse,  la  plus 
pittoresque  et  la  mieux  boisée  de  toute  Tile.  Dans  peu 
d'années,  sans  doute,  à  côté  des  toits  bleus,  sculptés  à  leurs 


Digitized  by 


Google 


Zki  1DE9  COLONIES  ANGLAISES 

extrémités  et  ornés  de  ces  dauphins  et  de  ces  dragfOns  que 
prodigue  l'architecture  chinoise^  on  rerra  s'élerer  les  comfbr'» 
tablesvillas  des  Anglais.  Ce  n'est  pas  là  cependant  que  seront 
fondés  les  premiers  établissements;  ce  lieu  est  trop  éloigné  de 
la  baie  principale  située  sor  la  côte  occidentale  de  File  dans 
ja  partie  la  plus  stérile,  lapins  aride  et  la  plus  triste  de  Hong* 
Kong;  mais  la  baie  elle-même  est  une  des  plus  magnifiques  de  la 
Chine.  £lle  peut  contenir  uil  nombre  infini  de  narires  ;  elle 
fK>ssède  un  excellent  mouillage  abrité  contre  les  vents  du 
nord-^st  et  contre  les  violents  typhons  qui  pendant  la  mous^ 
wbn  du  sud-'ouest  causent  tant  de  sinistres  dans  ces  parages. 
Fondant  mon  séjour  à  Kong-Kong  on  ressentit  dans  le  golfe 
itn  de  ces  redoutables  coups  de  tent  dont  nons  nous  aper- 
çâmes à  peine. 

»  La  plage  de  cette  baie  est  basse,  bordée  de  bas^fbnda,  et 
•n  somme  très*peu  commode  pour  le  batelage  ;  mais  le  remède 
i  ces  inconvénients  se  trouve  heureusement  sons  la  main* 
L'ossature  de  Tile  lui  p^ce  la  peau  en  trop  d'endroits  sons 
fM^me  de  rocs  détachés,  et  en  quelque  sorte  tout  {Hréparés, 
pour  qu'on  n'ait  pas  l'idée  et  les  moyens  de  construire  i 
bon  marché  des  môles,  des  quais»  etc.  De  plus,  dans  la  baie 
qui  fait  face  à  Cow-Loun,  et  pour  ainsi  dire  sous  la  main,  setro«« 
Tent  de  magnifiques  carrières  de  pierre  qui  ne  sont  séparées 
de  la  grande  baie  que  par  une  étroite  langue  de  terre.  Sur 
ce  point  s'élevaient  les  huttes  de  quelques  charpentiers  ehî* 
noîs  qui  gagnaient  leur  vie  à  réparer  les  embarcations  des 
navires  anglais  ou  américains  employés  à  la  contrebande  de 
l'opium.  Quelque  temps  avant  la  cession  de  rtle»  ces  huttes 
forent  détruites  par  les  mandarinsy  et  les  habitants  expulsés 
en  punition  de  l'assistance  qu'ils  avaient  donnée  aux  barbares- 
Avant  l'établissement  des  Anglais,  et  lorsque  la  grande  baie 
n'était  encore  occupée  que  par  les  navires  chargés  d'opium, 
cette  même  langue  de  terre  servait  de  lieu  de  rmidea^-vons  et 
en  quelque  sorte  de  bourse  aux  capitaines  des  navires  momBés 
en  rade.  » 

Le  port  de  Hong-Kong  n'a  eommeneé  à  être  fréquenté 


Digitized  by 


Google 


CONSIDÉRÉE»  ammE  VOSUWSS  afLITAIRES.        3%3 

pv  les  eontrebaiidien  qn'aprè»  qa*ils  eerent  été  chassés  de 
Cap-Sîng-Moiro,  mùmÊ/inBp  à  nevf  milles  ef  au  nord  de  Ma- 
CM ,  sur  kqael  hs  Cbiaois  ont  établi  des  batteries  daas  ces' 
éumietB  temps.  Llmportance  commerciale  que  pourra  pren* 
dre  rétablissement  ée  Hong-Kong  dépendra  donc  principa- 
lement da  traité  à  intervenir  arec  les  Chinois,  ef  smiout  de  la 
■amière  dont  ses  stipulations  seront  obserrées  ;  mais  même 
en  admettant  que  sons  ee  rapport  tout  s'accomplisse  de  far 
StÊçon  la  plus  satisfaisante,  il  est  douteux  que  les  avantages  k 
opérer  paissent  compenser  les  dépenses,  les  peines,  les  pertes 
et  snrtoirt  Teffusioii  de  sang  qne  cette  guerre  nous  aura 


B  n'en  est  pas  de  même  au  point  de  rtte  militaire.  J'ai 
déji  montré,  dans  les  précédents  articles,  comment  nous 
avons  investi,  dans  nos  positions  militaires,  les  continents  de 
llnrope  et  de  l'Afrique.  Noins  Hgne  de  blocus  asiatique,  qui 
commence  dans  l'ouest  à  Aden,  se  complétera  de  la  manière 
In^ns  nvantngeuse  sons  tous  les  rapports  par  notre  établis* 
aemeni  à  Hong-Kong.  Arec  une  escadre  dans  son  port,  nous 
eomnmndons  tout  le  commerce  de  la  Chine;  nous  avons  l'œil 
mr  les  Fhilîppnies,  sur  les  fies  orientales  de  Lou-Ghou,  suc 
celles  du  Japon;  enfin,  avec  Singapore  et  Hong-Kong,  toute 
la  navigatioa  des  mers  de  la  Chine  est  sous  notre  contrôle. 
Qnoiqne  Taeqinsîtion  d'une  Ile  que  nons  aurions  toujours  pu 
pfendre  en  dix  minutes  semble  une  fsiibte  indemnité  pour  les 
dépenses  et  les  peines  de  notre  eiqiédition ,  c'est  cependant 
nn  nvnntage  réel  de  l'avoir  obtenue  par  un  traité,  car  les  Chi- 
nois n'auront  pins  rien  à  voir  dans  ee  qu'il  nous  plaira  d'y 
faire.  Non  pourrons  à  loisir  en  faire  une  position  militaire 
d'une  grande  importance,  y  concentrer  d'importantes  res- 
nemces  pour  nos  opérations  future».  L'indigne  perfidie  dont 
les  Chinois  ont  tonjocirs  fait  prente  josqulcî  dans  nos  rap- 
porte nvee  eux  doit  nous  fiiire  prévoir  la  nécessité  d'en  être 
aonrent  réduits  avec  en  è  la  raUa  ulfmui  r$sum.  Toutefois,  en 
faisant  In  gnerrei  cette  race  eipeo  guerrière,  il  doit  naître  dans 


Digitized  by 


Google 


3kk  DES  COLONIES  ANGLAISES 

rame  de  tout  véritable  militaire  an  sentiment  de  profonde 
commisération  pour  un  peuple  presque  incapable  de  résis- 
tance; et  cependant  son  ignorance  des  lois  de  la  guerre,  telles 
que  les  observent  les  peuples  européens,  l'horrible  coutume 
qu'il  a  de  ne  pas  faire  de  prisonniers  de  guerre,  nous  mettent 
dans  la  nécessité  de  ne  jamais  accorder  de  quartier,  c'est-à-dire 
de  tuer  les  malheureux  Chinois  comme  des  moutons.  Une  autre 
considération  ne  fait  pas  naître  des  idées  moins  afBigeantes  : 
la  masse  du  peuple,  qui,  dans  toutes  les  opérations  militaires, 
est  la  véritable  victime,  n'a  pas  la  moindre  idées  des  motiis 
pour  lesquels  nous  lui  faisons  la  guerre  ;  elle  n'a  pas  de  cause 
réelle  d'antipathie  pour  les  étrangers  ;  ce  n'est  qu'un  troupeau 
d'esclaves  obéissant  passivement  au  plus  bizarre  et  en  appa- 
rence au  plus  durable  despotisme  qu'on  ait  jamais  vu.  Aussi, 
combien  doit-il  être  pénible  de  ruiner  une  race  si  peu  résis- 
tante! Les  missionnaires  chrétiens,  qui  ont  entrepris  d'arra- 
cher ce  peuple  à  son  idolâtrie,  auraient  dû  être  des  quakers. 
L'espèce  de  gens  qu'on  appelle  en  Chine  des  soldats  semblent 
avoir  la  même  manière  de  penser  que  ces  disciples  de  Wil- 
liam Penn  ;  le  peu  de  courage  qu'ils  ont  n'est  qu'un  courage 
passif,  et  produit  par  l'enivrement  de  l'opium,  comme  on  Ta 
vu  à  l'attaque  des  forts  du  Bogue.  Aussi  semble-t-il  que  le 
frère  du  soleil  et  cousin  de  la  lune  a  de  bien  singulières  idées 
politiques  lorsqu'on  le  voit  priver  ses  soldats  du  seul  stimu- 
lant qui  puisse  les  faire  tenir  devant  l'ennemi.  Sans  doute,  on 
a  raison  de  croire  qu'une  armée  européenne ,  composée  de 
vingt  mille  hommes  de  toutes  armes ,  assez  heureuse  pour 
conserver  sa  santé  et  sa  discipline,  et  fournie  d'ailleurs  des 
munitions  nécessaires,  ne  se  ferait  qu'un  jeu  de  la  conquête 
de  la  Chine  entière,  si  vaste  qu'elle  puisse  être. 

Il  est  fort  difficile  de  savoir  encore  quelle  sera  la  nature  ou 
l'importance  des  établissements  militaires  que  nous  formerons 
A  Hong-Kong.  Sans  doute ,  la  plus  simple  fortification  qu'on 
puisse  imaginer,  le  plus  faible  bockhaus  suffirait  pour  tenir 
en  respect  toutes  les  armées  chinoises;  mais,  dans  le  cas 


Digitized  by 


Google 


CONSIDÉBBES  COMME  POSITIONS  MILITAIBBS.        8WS 

d'une  gaerre  arec  une  puissance  eoropéenne,  il  foudrait  pren- 
dre plus  de  précautions.  Selon  tonte  probabilité,  la  langue 
de  terre  qai  forme  le  côté  sud-est  de  Tytam,  nom  du  grand 
port  de  Hong-Kong,  recevra  l'arsenal  et  les  constructions  ma- 
ritimes ou  militaires  ;  on  devra  alors  élever  à  son  extrémité 
an  fort  qui  défendrait  en  même  temps  l'entrée  de  la  rade. 

Le  L.  Colonel  Wilkib. 
(  United  Service  Journal.) 


Digitized  by 


Google 


£îttmtvxc. 


POÉSIE. 


LE  POETE.  —  LADT  CLARE  ET  LORD  RONALD.  --  LES  DEUX  SŒURS.  —  UN 
TABLEAU.— l'amour  ET  LA  MORT.  —  LA  PARTIE  SUR  L'HBRBE. 


Nous  ayons,  dans  la  livraison  du  mois  d'août  dernier,  inséré  quatre 
petits  poCmes  de  M.  Alfred  Tennyson,  traduits  littéralement  en 
prose,  et,  dans  une  note,  nous  distons  que  ce  poète  était  surtout  re- 
marquable par  ses  poésies  lyriques.  Quelques-uns  de  nos  lecteurs 
(de  ces  lecteurs  qui  portent  à  leur  Revue  cet  intérêt  d'anciens  abon- 
nés^  équivalant  presque  à  une  collaboration  quand  il  se  traduit  en 
bons  conseils  qu'un  direcleur  est  trop  heureux  de  recevoir  de  temps 
en  temps],  quelques-uns  de  nos  lecteurs,  se  rappelant  avoir  tu 
quelquefois  dans  la  Revue  Britannique  des  fragments  en  vers  qoi 
prouvent  que  nous  avions  et  que  nous  avons  encore  des  poètes  parmi 
nos  rédacteurs,  nous  ont  écrit  que  c'eût  été  le  cas  d'essayer  au 
moins  de  faire  connaître  par  une  version  plus  poétique  le  nonfeaa 
poëte  qu'on  leur  révélait.  Nous  aurions  pu  répondre  par  des  objec- 
tions assez  plausibles,  discuter  sur  la  question  générale  des  traduc- 
tions en  vers  ou  en  prose,  éluder  en  un  mot  la  difficulté  ;  nous 
avons  préféré  nous  soumettre,  en  choisissant  même  six  poèmes 
nouveaux  aussi  variés  que  possible  par  le  sujet,  la  couleur  et  le 
rhythme,  une  ode, —  deux  ballades, —  un  petit  tableau,  —  une  allé- 
gorie—  et  une  églogue  moderne  dans  laquelle  M.  Alfred  Tenoyson 
remplace  Corydon  et  Tircispar  deux  jeunes  gens  en  frac  faisant  on 
pique-niquCy  ne  se  contentant  pas,  véritables  Anglais  de  1842,  des 
produits  classiques  de  la  Pomone  virgilienne,  ni  de  l'eau  da  fon- 
taines limpides,  mais  étalant  sur  l'herbe  un  prosaïque  pftté  de  lièvre. 


Digitized  by 


Google 


LE  POSTE.  MF 

nnwnit  da  oidra  ée  I^oiuhire,  et,  au  Heu  de  ehanttr  lai  fifréU 
pour  le  consul,  le»  ctaaaUat  pow  le  sben/r, 

Arcades  ambo» 

Et  eantare  pares  et  re^oadere  parati. 

Noos  ne  garantbsons  pas  à  nos  lecteurs  indulgents  et  bénéroles 
^e  nous  ayons  été  également  fidèles  à  notre  auteur  dans  ces  six 
morceaux.  Mais  aussi  nous  citerons  franchement  en  note  quelques 
leis  du  texte,  tantôt  pour  faire  voir  notre  exactitude  littérale, 
tantôt  pour  justifier  l'impossibilité  de  rendre  rers  ponr  vers,  trop 
beureux  de  conserver  l'idée. 

Maintenant  sommes-nous  contents  nons-méme  de  cetessaiT— 
Jusqu'à  un  certain  point  ;  un  peu  plus  de  l'ode,  qne  nous  avions  crue 
peut-être  plu»  difficile  à  imiter,  que  de  la  grande  Mlude,  ^i  nous 
semblait  presque  plus  facile  à  rendre  eu  vert  qu'en  prose,  et  à  la- 
quelle nous  n'avons  pu  même  conserver  sa  coupe  en  stances  de 
quatre  vers. 

Nous  ajouterons  encore  que,  comme  nous  nous  y  aiteadions,  la 
Quarterîy  Bevieto  vient  de  consacrer  un  grand  article  aux  deux 
volumes  de  M.  Alfred  Tennyson,  et  malgré  quelquce  sévérités  de 
plus  ancienne  date,  celte  Kevue  convient  de  bonne  foi  que  l'Angle- 
terrea  enfin  un  poète  qui  est  digne  de  succéder  à  lordByron.  Nous 
ne  renonçons  pas  à  publier  un  jour  cet  article,  ne  serait-ce  que 
pour  indemniser  M.  Alfred  Tennyson  de  l'essai  de  traduction  à  la 
Ibis  téméraire  et  timide  que  nous  donnons  aujourd'hui. 

LE  POETE. 

ODB. 

De  ses  feus  les  plua  purs  le  soleil  ceint  sa  tète 

Quand  un  poète  a  vu  le  jour. 
Monarques,  redoutez  la  haine  du  poète  ; 

Femmes,  recherchez  son  amour. 

Bans  la  vie  et  la  mort  pour  lui  point  de  mystère  ; 

Jusqu'aux  enfers  plongent  ses  yeux  ; 
Dieu,  pour  lui  révéler  réiemelle  Imnière, 

Déchire  le  voile  des  cieux. 


Digitized  by 


Google 


ShS  .  POÉSIE. 

Sur  les  montSy  sur  les  flots,  pour  nous  quand  tout  résonne 
Comme  un  murmure  ou  eomme  un  bruit , 

Pour  nous  quand  Toiseau  chante  et  l'insecte  bourdonne, 
C'est  un  langage  qu'il  traduit; 

Langage  aux  mille  échos  que  le  noble  interprète 

Explique  au  profane  étonné , 
Langage  qu'à  son  tour  la  nature  répète 

Au  cœur  par  sa  verve  entraîné. 

Car  l'àme  du  poète  incessamment  féconde 

Est  semblable  à  ces  belles  fleurs 
Jetant  à  tous  les  vents  leur  graine  vagabonde, 

Peuplant  le  désert  de  leurs  sœurs  (1). 

Ainsi,  quand  le  poète  a  parlé,  l'espérance 

Sème  au  loin  ses  étoiles  d'or, 
La  terre  rajeunie  est  un  jardin  immense, 

A  l'Éden  l'homme  croit  encor  (2). 

Préjugés  du  vieux  temps ,  noirs  fantômes ,  arrièrcl 

Voici  le  jour  de  vérité  ; 
A  la  voix  du  poëte,  arborant  sa  bannière, 

Répond  la  sainte  Liberté  ! 


(i)  Like  the  arrow-8eed<  of  Ihe  field-flower, 

The  fruitful  m^it 
Clea?iog,  took  root  and  springing  forth  «new 

Where'er  thej  fell,  behold 
Like  to  the  mother-plant,  in  semblance  grew 

A  flower  ail  gold. 
(2)  Heaven  flow'd  upon  the  souI  in  many  dreams 

or  high  désire 
—  Thus  tmth  was  muUiplied  in  trutb,  the  vorld 

Like  one  great  garden  show'd 
And  thro'  the  wrealhs  of  floating  dark  upcurl'd 

Rare  sunrise  flow'd. 


Digitized  by 


Google 


LABT  CLABE  ET  LORD  KONALD.         Sk9 

Sœor  des  anges,  salut I...  On  dirait  qa'autour  d'elle 

Rayonne  un  magique  flambeau; 
Mais,  au  lieu  d*ébIouir,  eette  aurore  nouvelle 

Des  yeux  (ait  tomber  un  bandeau. 

Le  sang  ne  souille  pas  l'hermine  éblouissante 

De  son  blanc  manteau  rirginal , 
Où  sa  main  a  brodé  sur  la  frange  flottante 

Un  nom  aux  seuls  tyrans  fotal  : 

Sagesse  1  nom  sacré  qui  prouve  Vorigine 

DelafillederEternell 
Aussi  la  fondre  suit  sa  parole  divine 

Comme  elle  suit  l'éclair  au  ciel. 

Son  bras  vengeur  soulève  une  horrible  tempête  ^ 

Du  fourreau  sans  tirer  l'acier  ; 
D  lui  suffit  des  mots  écrits  par  le  poète 

Sur  une  feuille  de  papier  (1). 


LADY  GLARE  ET  LORD  RONALD. 

BALLADE. 


Us  avaient  les  mêmes  aïeux  f 
Le  même  jour  vit  leur  naissance  ; 
Us  s'aimaient 9  orphelins  tous  deux, 
Us  s'aimaient  depuis  leur  enfance. 
Préparez-vous,  bon  chapelain  :  — • 
Grande  fête  dans  le  village  : 
Sonnez  les  cloches,  sacristain, 

(1) No  sirord 

Ofwrath  her  righl  ârm  whirld, 
But  one  poor  poel's  scroll,  and  yriih  his  word 
She  ihook  the  world. 


Digitized  by 


Google 


2Se  PO£SI£. 

Pour  célébrer  ce  mariage; 
Lady  Clare  épouse  deHiam 
Lord  Ronald,  son  jeuoe  cousin. 

Devant  le  miroir  elle  admire 
L'éclfut  de  ^^  nouve^ax  atoim» 
Et  se  dit  y  avec  un  sourire: 
((  Ronald  jB'adorara  ioi^om». 
Il  ne  m'aima  que  pour  moHnAm^, 
Non  pour  mes  châteaux  et  mes  bois; 
C'est  ainsi  <(ii*à  men  tour  ]e  Vàisie 
Et  le  préfère  aux  fils  des  rois.  *> 
Puis  s'adres^nt  à  sa'nourrîee  : 
(c  Quelle  est  ta  tristesse  aujourd'hui? 
Lui  dit-elle,  ma  bonne  Alice» 
Douterais-tu  de  moi...  de  lui? 
Mais  nou;  c'est  toi;  qui  la  première 
M'appris  notre  tendre  secret; 
Je  croyais  l'aimer  comme  un  frère... 
Son  amour  était  si  discret  I 
Pré«  de  noi  quand  cbaeun  partage 
Mes  espérances  de  bonheur. 
Ta  tristesse  est  un  wm  présage 
Qui  déjà  me  glace  le  cœur. 
Conviens-en,  allons,  sois  sincère» 
Je  devine. . .  un  souei  jaloux 
Te  fait  craindre  qve  mon  épMCC 
Ne  me  fiiMe  oublier  ma  iiière«.. 
Ne  l'es-tn  pas  ?  €e  mom  «i  éouE  1 
Il  t'est  hiefk  dé;  Ql^onaid,  j'atpère. 
Te  le  dira...  Des  pleurs!  p<i«rqaoif 
Réponds,  mon  ÂHoe^dèie. 

—  Ahl  s'il  savait,  répondit-elle. 
Tout  ce  qu'Alice  fit  pour  toît 

—  Achève  ;  plus  je  te  regarde^ 
Et  plus  redouble  mon  ^Srpi^ 


Digitized  by 


Google 


LADT  CLARE  ET  hD^D  RONALD.  8U 

Parle.  —  Demain.  —  Non,  il  me  tarde 

De  tout  savoir...  cède  à  mes  vœoxl 

Ma  mère I...  Alice,  je  le  veuxl 

—  Apprends  donc  tout,  fille  trop  chère  : 

Tu  n'eus  d'autre  Bière  que  moil... 

Ecuyer  croisé  pour  sa  fei. 

Quand  tu  naquis,  ton  paivre  pêne 

TûBAait  sur  la  terre  étrangère 

Avec  son  Beigneur  suzerain. 

Et  bientôt  notre  eh&telatne 

Fut  mère  aussi;  ttais,  rar  mon  Bein, 

L'héritière  de  ce  domaûie. 

Pendant  la  iiiiil  »  «Kwmt  sondaia... 

Je  la  remplaçai  pta  ma  fille. . . 

Lord  Ronald,  .conaie  die  orphelûa , 

Est  le  dernier  de  la  fiuBille... 

Ma  fille^  em  hà  donnant  ta  mais 

Je  lui  rendrai  son  l^ritiige... 

Toutes  met  craiiiAes  vont  demaîn 

Cesser  put  votre  mariage,  d 


<{  Ma  nèrel...  9b  !  puis-je  raccisert 
Je  n'ose...  mms  de  l'artifice. 
Si  je  me  taîs»  jp  sois  complioe  ; 
L'honeeôr  le  reot^  il  fimt  ToBer.  » 
Un  instant,  elle  lièaHe  encore; 
Mais  €n  wmn  Aiîœ  l'infilore  y 
Elle  rejette  ayec  dédain 
Toute  cette  ridbe  parure 
Dont  dUettraît  orné  son  mb^ 
Ses  cheveÀ*  Bes  bras,  aa  œiature. 
«  Ma  fille  ion  monde  Ion  aoDovry 
Garde  mon  aecset..  ui  seol  joarl 
De  donkmr  vMx4a  qae  je  tneoret  e 
Elle  ne  répond  pae  et  pkufe. 


Digitized  by 


Google 


353  POÉSIE. 


II. 


En  simple  fille  du  hameau, 

Mais,  sous  ce  costume  nouveau, 

Jolie  encor,  la  châtelaine. 

Quand  le  jour  vient  de  poindre  à  peine, 

Sort  du  château,  d'un  pas  furtif, 

Les  yeux  baissés  et  l'air  pensif. 

La  voilà  déjà  dans  la  plaine. 

Quelqu'un  l'aperçoit  et  la  suit 

D'un  œil  curieux,  marchant  sans  bruit. 

—  C'est  elle  :  —  a  Bergère  jolie. 

Qui  vous  fit  lever  si  matin? 

Seraitr-ce  le  berger  Lubin, 

Qui  vous  attend  dans  la  prairie  ?» 

Elle  s'arrête  à  cette  voix 

Beaucoup  plus  tendre  que  moqueuse  ; 

«  Mais  est-ce  bien  vous  que  je  vois , 

Ma  châtelaine  matineuse? 

Poursuit  Ronald.  —  Monseigneur,  oui, 

...Ne  m'appelez  plus  châtelaine, 

Je  n'ai  plus  rien;...  de  ce  domaine 

Vous  êtes  seul  mattre  aujourd'hui.  » 

Elle  dit  toute  son  histoire  : 

Ronald  sourit  :  <c  Je  dois  vous  croire. 

Répondit-il  ;  mais  dans  vos  yeux 

Je  vois  à  vos  pleurs,  ma  bergère, 

Qu'à  tous  mes  serments  d'amoureux 

En  retour  vous  ne  croyez  guère. 

J'aurai  donc  de  la  foi  pour  deux  ; 

Pour  prix  de  cette  foi  sincère , 

Bien  plus  que  vous  je  suis  heureux  I 

Je  n'avais  plus  que  des  aïeux , 

Je  vais  vous  devoir  une  mèrel 


Digitized  by 


Google 


LES  DEUX  SOEUBS.  353 

LES  BEVX  SOEURS  (1), 

BALLADE. 

Ha  sœur,  ma  compagne  fidèle. 

Ha  pauvre  sœnrl  qu'elle  était  belle  I 

(L'ouragan  ébranle  la  tour.) 

Le  comte  vint,  parla  d'amour,  | 

Et  ma  sœur  crut  à  sa  constance. 

—  Beau  comte,  craignez  ma  vengeance  I  I 

I 
Elle  mourut,  sur  son  blason 

Laissant  la  tache  de  sa  honte  ;  I 

Pour  châtier  la  trahison,  ! 

Je  feignis  d'adorer  le  comte  :  i 

Il  était  beau  comme  l'amour.  j 

(L'ouragan  ébranle  la  tour.) 

Beau  comte,  je  veux  être  à  vous; 
Venez  ce  soir  au  rendez-vous. 
(Dans  le  ciel  mugit  la  tempête.) 
Il  vint,  il  reposa  sa  tête, 
Après  le  banquet,  sur  mon  sein, 
Et  sa  main  était  dans  ma  main. 

Mon  baiser  ferma  sa  paupière  : 
Qu'il  était  beau  1...  Ma  pauvre  sœur, 
A-t-il  aussi  séduit  mon  cœur? 

(1)  Dans  chaqae  sunce  de  Torigiaal  est  reproduit  avec  quelques  va- 
ritot«8  ce  Ycr«  : 

The  wiod  is  bowling  ia  tarret  asd  tree. 
U  9mt  mugit  dont  la  tour  et  Varbre.... 

«  C«tte  ballade  appartient,  dit  la  Quarterly  Review,  à  des  mœurs  et  à  des 
UMiments  qui  n'eiistent  pas  dans  la  société  actuelle.  »  Elle  fait  con- 
inste  i  Lady  Clore,  sujet  dont  on  a  pu  faire  un  roman  moderne  :  Th9 
*«*«r<«anw,  par  Mrs.  Ferriar. 

5*  SÉRIE.  —TOME  XI.  23 


Digitized  by 


Google 


$tk  totaSL 

Non,  non,  ma  haine  reste  entière. 
Quoiqu'il  9011 1mm  eoMM  FaMM*. 

(L'ouragan  ébranla  la  tour.) 

Voici  rheurif  de  la  TcafiMee, 
Ma  sobitr,  }e  te  jol«é  m  éttfcrt 
Bientôt  je  me  1ère  en  silcvoe^ 
Armant  ma  mthi  droîde  4t  fer^ 
Pendant  que  le  btaa  eomie  fè?#, 
DiuM  iOB  0oeitr  j'»i  {>longë  non  gtah^ 

Qu'il  était  beau  dans  te  tfépatff 
Je  Vadmire  M  ne  Arémis  pa»; 
Je  l'enveloppe  d'un  raarre, 
Et  le  porte  atlt  pied»  âê  aa  fliAi^* 
Il  était  beau  comme  Tammir. 
(L'ouragan  ébtanla  la  tour.) 


€N  TABLEAU^ 

Deux  enfants  qui  tmû\eni  de  dem  bameanr  rofains 
Jouer  et  folâtrer  dans  les  même»  jardina  ^ 
Elle  et  /ut  réunis  pins  tard  dans  nne  Me; 
Deux  amants  sous  rormean  parlant  en  lM^è4él6; 
Deux  cœurs  fondus  en  un  par  l'ardeur  de  l'amonr; 
Deux  tombeaux  que  Tégiise  abrite  sous  sa  tour. 
Ornés  de  vert  gazon,  arrosés  par  la  pluie  ; 
Deux  orphelins  laissés  dans  le  même  hameau... 

D'heure  en  heure  la  vie 

Mcws  offre  ee  lablean  (f  ). 

(1)  Les  eiigeDces  de  la  versification  ont  forcé  de  terminer  cette  trid1l^ 
tion  par  deui  vert  de  sii  :  d'ailleun  ta  fîéeeeslIraianerillMraleiiiat 
et  elle  est  si  courte,  que  nous  pouvons  la  «iter  iml  «mien  : 

Two  childreo  in  two  neighboaring  villages 
MiTfflg  Aad  praols  aïong  iKe  hkHhj  \eu; 
f#*iti>»»f{M»ÉM«ling  M  a  restfvafi 
f  «o  lowr*  w  bwpenof  hy  an  •rcbard  w «Il } 
Two  liTes  bound  fast  in  oDe  wi(h  golden  eaie  ; 


Digitized  by 


Google 


LE  DixEn  sni  ^'hebbe. 

1/AMmiR  ET  LA  MORT. 

Dans  un  jardia  TAnow  wr^ii  pannî  k»  aew9» 
Respirant  leurs  parfeo»»  adniraAi  hm%  <»akvm; 
Au  détour  d'«i  Matier  tONAi  à  coup  il  rencoBAr^ 
La  Mort,  qai^  toos  ua  if^  triste  ei  fière  se  SKMitr^. 
Elle  lui  <lî&  ;«  Yae-t'an»  j/à  règne  dans  ees»  li««xl» 
L'Amour  a  peur;  il  pleure,  et  tôle  ver»  les  ckw^ 
Hais  ayant  dt  partir  :  a  Oui,  cette  benr^  «st  U  liwne. 
Répond-il  »  et  ta  pem:  parl^  eu  scyaveriÂDe  ; 
Car  la  Mort  de  la  vie  est  roiiU>re  ;  eo  ^aîa  1»  jwr 
Eclaôre  ce  grand  «orbre,  il  &U  sombre  à  rMHm. 
Ainsi  TEtemiti  produit  «ous  sa  lumière 
La  vie  avec  la  mort,  soo  ombre  sar  la  terre} 
Hais  roml»e  doit  cesaer  quand  l'arbre  teaiberty 
Et  ce  sera  FAmaur  qui  toujoura  réopéra  (1)*» 


UB  MNER  SUR  Ii  HBRB& 

ËGX.0GVB  irODKRlffE. 

«  L'hAtel  du  Tamnm  aejr»  celui  de  la  Tûifom 
Sont  pleiasé..  alloas,  ami»  dîner  «ur  le  gaMn. 

Two  grires  gn«-gReik  beude  a  gray  cïutck  tover, 
Waab'd  wîl&  slill  raina,  and  daisy-blosaomed; 
Tw»«MiNa  l»OM%«ttlai  bMs  aad  Wad; — 
8« ■■•  Ih4  iqm4 tf  ua  fimn  bowia Iio«t. 

(1)  La  fîèoe  pi^eédmle  M  trèft-^miré«  par  U  Qtkirterly  lUvifw»  et 
celle-d  p«r  U  WutmênUêr;  il  y  a  quatooe  yqm  dtoi  rorisinal  :  Toiei 
lei  neuf  derniers  yert  : 

«  Ton  nrast  begonê,  »  said  Deaih,  t  thaaa  xuàÏÈ  are  aiiae. 

Lof*  wepi  ami  ipread  kis  theênj  vaDs  fto  ffighl; 

ItalkM»  tefATlêA  aaia  s  •  TMa  h«tt  i*  ay^  : 

Tb«Bart  Un  iludov  «f  UCe,  aad  a»  tbe  u«« 

SùadaîB  the  sua  and  shadows  ail  beneatb, 

■»  telb»kBht«r9raBtttamily 

lib  «minent  créâtes  tbe  sbade  of  Deatb  ; 

The  shadow  panetb  wben  the  tree  shall  fall, 

Bat  I  ihall  reign  for  ever  oirer  ail.  » 


Digitized  by 


Google 


956  POÉSIE. 

—  Volontiers,  i»  dit  Francis,  mon  joyeux  camarade, 
Qui  venait  d'amarrer  notre  nef  dans  la  rade, 
Et  portait  à  son  bras  un  assez  lourd  panier. 
Contenant  le  festin  dans  son  ventre  d'osier. 
Le  peuple,  de  la  foire  admirant  les  merveilles, 
Bourdonnait  sur  les  quais  comme  un  essaim  d'abeilles. 
Nos  coudes  dans  ses  rangs  se  firent  bientât  jour; 
Puis,  gagnant  la  campagne  au  moyen  d'un  détour. 
Nous  laissâmes  à  droite  et  la  plage  et  ses  sables. 
Après  avoir  marché  sous  un  berceau  d'érables, 
Nous  vîmes  devant  nous,  à  cent  pas  du  chemin, 
Du  cottage  d'Audley  le  champêtre  jardin  : 
Là,  sur  un  tertre  vert,  Francis  étend  la  nappe. 
Beau  linge  damassé  d'où  maint  chevreuil  s'échappe. 
Suivi  par  maint  chasseur  et  maint  ardent  limier. 
Le  pain  rond  de  ménage  est  servi  le  premier; 
Le  pâté  lui  succède  ;  une  brèche  récente 
Y  trahit  d'un  levreau  la  chair  appétissante  ; 
Sous  sa  couche  de  lard,  ce  fossile  nouveau  (1) 
Attendait  notre  éloge  à  cdté  d'un  perdreau. 
Nous  n'oubliâmes  pas  au  fond  de  la  corbeille 
Un  cidre  pétillant  déjà  vieux  en  bouteille. 
Nous  voilà  tous  les  deux  assis  :  nous  dévorons. 
Nous  nous  versons  rasade,  et  de  tout  discourons; 
Le  prochain  fit  les  frais  de  notre  causerie  : 
«  Un  tel  est  donc  défunt?  —  Tel  autre  se  marie. 
—Les  courses  du  printemps  ont  vu  de  grands  vainqueurs. 
— Nous  aurons  du  gibier. —  Bien  moins  que  de  chasseurs. 
— Le  prix  des  grains  est  dur.  —  La  loi  des  céréales 
Provoquera  bientôt  de  tristes  saturnales. 
— Le  roi... —  Mais,  dit  Francis,  nous  allons  nous  heurter 
Contre  un  sujet  scabreux...  J'aimerais  mieux  chanter.  y> 
Puis,  me  prenant  la  main  :  «  Trêve  à  la  politique, 
Je  commence  et  j'entonne  une  chanson  comique,  d 

(1)  Lik9  fosêilei  ofthcrock. 


Digitized  by 


Google 


LE  DINER  SUR  L'HERBE.  857 

Un  merle  se  cachant  dans  le  pommier  voisin 
Paraissait  raconter  arec  son  air  malin  : 

«  Qu'an  autre  marche  au  pas,  le  mousquet  sur  l'épaule. 
Et  pour  six  sous  par  jour  cherche  un  sanglant  tombeau 
Âa  fond  d'un  vieux  fossé  dans  les  plaines  de  Gaule. 
Je  suis  libre  et  bourgeois,  mon  sort  est  bien  plus  beau. 

Je  laisse  les  marchands  à  leur  arithmétique  ; 

Sur  un  trépied  de  bois  perché  comme  un  corbeau  (1), 

A  ce  métier  on  meurt  goutteux,  paralytique. 

Je  sais  libre  et  bourgeois,  mon  sort  est  bien  plus  beau. 

lyantres  servent  l'état,  et  leur  nom  honorable 

Sarle  brome  est  gravé,  glorieux  écriteau. 

J'aime  autant  que  le  mien  soit  gravé  sur  le  sable. 

Je  suis  libre  et  bourgeois,  mon  sort  est  bien  plus  beau.  » 

€n  jour,  je  me  lançai  sur  la  mer  amoureuse; 
J'attendris  une  belle  au  moyen  d'un  cadeau  ; 
Puis  je  fus  moins  galant  :  ma  belle  fut  boudeuse. 
Je  sais  libre  aujourd'hui,  mon  sort  est  bien  plus  beau.  » 

A  mon  tour  je  chantai.  —  Cet  hiver,  à  la  ville , 

Je  vis  exécuter  un  vieux  bibliophile, 

Sir  Robert...  Quelle  horreur  1  Faut-il  qu'un  créancier 

Prostitue  un  beau  livre  aux  griiFes  d'un  huissier  I 

Bans  un  recueil  chantant,  acquis  à  cette  vente, 

Je  me  suis  emparé  de  la  chanson  suivante, 

En  chiMigeant  quelques  mots,  comme  fait  maint  auteur, 

Pour  se  deanw  les^  airs  d'un  improvisateur  : 

<c  Adieu  pour  un  jour,  Emilie, 
Je  pars  au  coucher  du  soleil  ; 
Partage  de  ta  sœur  Julie 
la  chaste  couche  et  le  sommeil. 

(l)Perch'dlike  a  erow  upon  a  tbree-legg'd  stool. 


Digitized  by 


Google 


MÉSIB 

Maissooiîrcyd  owlireBse  MkM 
Qu'un  rêve  envoyé  par  fawimry 

Sur  ton  front  agitant  son  aile. 
T'entretienne  de  mon  retour. 

%lt  «que  W^aHie  na  tenaressc 
N«  «siivrvîi  t^Hmer  cfi  nen. 
^n  le  visa  oe  ta  Sttfsr  te  ^rcAe^ 
Crois  seulement  que  c'est  le  mien. 

JFoii  %ennw  vtnMr^  *Bass  toft  son^iiBy 
Si  tu  re«M!W«oiidain  rvHl^tir^ 
ftflnda-l^-iBoi,  pgt  «a  4euft  -nenaoïigey 
Ce  sera  le  rendre  à  ta  sœur.  » 


C'est  ainsi  que  nos^chants  égaryaâent  Rdtve  flto; 
Hais  M  idlui  enfin  ^songer  à  la  rcAraîle. 
a  Allons,  dis-je  à  Francis,  voici  Tombre  dn  soir. 
Place  an  doux  rossignol,  et  rentrons  an  manoir. 
Nous  avons  encor  loin  de  ces  lieux  au  rivage. 
Et  nos  mères  déjà  doivent  rêver  naufrage. 
Nous  partons;  par  bonheur,  le  lumineux  croissant 
Sur  les  arbres  bienlôt  jeta  ses  rais  d^ar^^ant. 
Arrivés  sur  le  quai,  nous  trouvâmes  la  ville 
De  ses  jeux  fatiguée  et  qui  donnait  tntnquîUe. 
Nous  détachons  du  bord  notre  esquif  bondiseant» 
Et  nous  armons  sas  bras  de  la  rame,  en  chantoni 


Digitized  by 


Google 


Mmtiimiits. 


ROMANS. 


UBS  VBEBaÈBES  AJUOITBS  P'IW  TAT  (iX 


CBAfmC  flL 

Gev4e  mw  lecAewt  qiÉi  ojrt éië  fbre(«4e reticr  i  i 
apièfl  U  «ésoB,  soit  par  tes  devoirs  4e  leur  pUee,  Mil  paffM 
qiHf  iraient  des  detHes,  soit  parce  qu'as  étaient  Miumewc, 
doifeat  ae  rappeler  ce  quHl  y  a  d'étrange  4  déco«¥rir  toiA  à 
osap,  caMae  aÀladia,  qae  le  psAsas  anagique  a  diepara.  Fen- 
dant le  dernier  mois  nous  voyons  défiler  avec  joie  les  w^ 
tes»  4a  'roj^ige.  Les  ennayeax  et  les  vieilles  gens  a'ea  '^ent 
lis  pranîen.  Vendait  jmn  et  juillet  îl  y  a  eneora  de  la  wzêêM 
àaepasyarfir;  il  siereste  que  le  petit  nombre  ét&ikmfomt 
osnpaaer  les  convives  des  dk^erê  dtéli^  ^  inventer  œs  poi^ 
iîss  infimes  denH  on  ne  «('aviserait  pas  taaft  ^pie  jla  ibuie  ^ 
11.  I  fant  êlpe^rèa^atingué  ponr  qa'on  V'Ons  admette  an  Jen 
des  bonnes  maisona»  ^GaiAoa-Venee  était  surtout  MHanl 
pmrtiat  la  canoide.  La  dernière  qnitttaî«e  enfin  «esseaMa  I 
oss  b^as  «ailB  d'été  oèf  on  ne  pent  apereev^oir  que  les  na« 
tossda  ppenéère  «laese  ;  nwis  ta  nuit  compltic  n'on  pandfn 
MealK  ^ne  pins  «oiae.  Dèsqnenoaenousaorprenonséétrn 
la  «^«Me  kriHante  «t  paodronso,  qne  ies 


I  f anlBSJMiii  n  ^eioranc  4e  is  dimatao* 


Digitized  by 


Google 


LES  PREMIÈRES  AMOURS  D'UN  FAT. 

s'apprivoisant  viennent  sautiller  et  gazouiller  avec  insolence 
dans  la  rue,  que  les  commis,  la  plume  sur  Toreille,  sont  sur  la 
porte  et  non  derrière  le  comptoir,  que  les  théâtres  de  la  ban- 
lieue bariolent  les  murs  de  leurs  affiches  de  toutes  couleurs... 
c'est  alors  que  nous  nous  demandons  :  Où  le  monde  est-il 
allé?  et  rÉcho  nous  répond  :  ou? 

Jamais  la  solitude  n'avait  autant  pesé  sur  mon  cœur  ;  j'al- 
lais avoir  tout  le  loisir  possible  pour  maudire  le  résultat  de 
cette  première  saison.  Après  un  si  beau  début...  Fiascol^^c'é' 
tait  mon  frère  le  louche  qui  était  au  haut  de  l'échelle  ;  — fiancé 
accepté  par  lady  Snsane,  la  plus  jolie  et  la  plus  riche  héri-* 
tière  de  Londres ,  c'était  lui  qui  se  voyait  préféré  à  moi  chez 
lady  Harriet  Yandeleur,  et  se  disposait  à  aller  à  Warburton- 
Lodge  fietire  sa  paix  avec  la  douairière  lady  Theydon. 

Quand  je  méditais  sur  ces  conclusions  humiliantes,  j'étais 
quelquefois  prêt  à  accuser  Emily  de  mes  échecs...  mais  oo 
remords  me  criait  du  fond  du  cœur  :  Ingrat,  ne  maudis  pas 
Southampton-Buildings,  même  dans  ta  pensée  I  Un  triste  pres- 
sentiment s'associait  à  cette  angélique  figure  que  j'avais  laissée 
trois  soirs  de  suite  se  pencher  tristement  sur  le  parterre  de 
rOpéra. 

Cette  impression  n'alla  pas  en  diminuant  à  mesure  que 
nous  entrions  dans  l'automne.  Les  jours  se  suivmi  et  nssê 
ressemblent  pas  :  ce  proverbe  reçoit  un  démenti  formel  de  la 
monotonie  de  Londres  après  la  saison^  monotonie  qui  m 
peut  se  comparer  qu'à  celle  d'un  voyage  sur  mer.  Ma  vie  offi- 
cielle était  trois  fois  plus  insipide  que  pendant  la  session  du 
parlement.  Les  dieux  étaient  partis,  ces  génies  transcendants 
qui  donnaient  quelque  relief  à  mon  pauvre  travail  :  il  n'y  avait 
plus  avec  moi  que  Herries ,  —  le  piocheur  Uerries,  —  ua 
vieux  commis  silencieux,  espèce  de  machine  d'arithmétique, 
«—et  deux  ou  trois  surnuméraires  dont  toute  la  récréatioii 
comme  la  mienne  consistait  à  bâiller.  Les  parcs  publies  étaient 
enveloppés  de  brouillards  ;  la  ville  moisissait  au  bord  de  la 
Tamise  ainsi  qu'un  fucus  sur  le  quai  du  Léthé.  C'était  comme 
une  voie  pestiférée,  ou  pire  encore.  Dans  les  lamentables  ta- 


Digitized  by 


Google 


LES  PREMIÈRES  AMOURS  D'UN  FAT.  361 

bleaiuc  de  De  Foe  et  de  Boccace  il  y  a  au  moins  quelque 
diose  qui  excite  nos  deux  sympathies  les  plus  fortes  :  pitié 
et  terreur.  Londres  en  automne  n'excite  que  Tennui...  Autant 
gagner  son  pain  dans  une  mine  de  plomb. 

Si  j'appuie  sur  tout  cela,  c'est  pour  expliquer  la  véritable 
dànence  avec  laquelle  je  commençai  à  m'attacher  au  souvenir 
d'Emily  Barnet.  Ahl  comme  elle  gagnait,  la  pauvre  Emily, 
par  cette  revue  rétrospective!  Quelle  douceur  dans  ces  pa- 
roles et  ces  regards,  que  me  retraçait  ma; mémoire!  Jamais  je 
n'avais  entendu  sortir  de  ses  lèvres  un  sentiment  qui  ne  fût 
noble  ou  gracieux;  jamais  je  ne  l'avais  vue  dans  une  attitude 
qui  ne  pAt  servir  de  modèle  à  un  artiste.  Une  atmosphère  de 
poésie  l'environnait,  communiquant  un  charme  à  tout  ce 
qu'elle  touchait,  à  tout  ce  qu'elle  disait.  Je  me  rappelai  l'ori- 
ginalité de  ses  opinions ,  la  fraîcheur  de  ses  idées,  le  pitto- 
resque de  ses  expressions.  Je  ne  m'étonnai  plus  qu'une  société 
pareille  m'eût  arraché  aux  fodes  inutilités  du  grand  monde. 
Lady  Harriet  était  également  brillante. . .  plus  brillante  même  ; 
maïs  en  elle,  pas  un  trait  naturel,  pas  un  de  ces  éclairs  de 
clarté  divine,  qui  permettent  de  comparer  la  femme  à  un  ange. 

Et  cette  créature  céleste  était  à  jamais  perdue  pour  moil 
comme  une  apparition,  comme  la  divinité  d'un  rêve,  comme 
uneÉgérie  idéale.  A  cette  pensée,  ma  tête  s'exaltait;  j'aurais 
voulu  qu'elle  eût  été  une  fée,  une  Mélusine,  qui  se  fût  fait  un 
jeu  infernal  de  mes  illusions.  Mes  rêveries  me  transportaient 
ainsi  tour  à  tour  au  ciel  et  à  l'enfer...  Mais  je  ne  savais  que 
fidre  de  mon  désespoir.  La  poésie  byronienne  n'était  pas  en- 
core à  l'ordre  du  jour  ;  lapAle  muse  de  Childe-Harold,  avec  ses 
crêpes  noirs ,  n'avait  pas  encore  mis  à  la  mode  la  désolation 
et  les  strophes  rimées. 

L'hiver  vint,  et  je  n'étais  pas  guéri  ;  je  continuais  à  remplir 
mes  devoirs  officiels  comme  l'eût  fait  un  somnambule.  A  moins 
qu'il  n'arrivât  un  navire  avec  des  dépêches  de  Lisbonne,  il 
m'était  impossible  de  prendre  le  moindre  intérêt  aux  affiEÛres 
publiques.  Après  des  mois  passés  dans  la  dissipation,  je  me 
trouvais  de  plus  en  plus  irritable  d'humeur,  foible  de  santé,  et 


Digitized  by 


Google 


9tt  LIS  FmCMlteES  AMCMJM  H'OIT  FAT. 

digoMé  de  ce  beau  moade  pour  lequel  j'avrâ  Téca.  Les  Un» 
de  stioaeit ceux  du  iiarleBMilInrreiiaieiitea  ville:  peu  oit»* 
portait  leur  retour.  Un  ncnge  «'«ppeniittssaitrar  moa  Ino. 
Je  n^éiais  plus  que  la  moitié  de  moi-même,  la  moitié  d'vm  fiit 

Onjour damlasemaioeafvantroQiwrturedelataasioiiy 

fmtteiidais  la  priaeace  de  lord  Omingtam  et  de  moa  fMre, 
pomr oKttre  le  cemMe 4  mes  déplaisirs  domertiques..*  Ion* 
qoe  je  tîs  «oitir  d«  cd>iiict  da  ministre,  Bénies,  le  pioAem 
■emea,  avec  um  mine  allongée. 

m  Deqam,  diaMe,  s'aeit41.  Hait  lui  cria  iielpe  eoBèyaa 
(Twpprsriism.  «rimemM^off  (c'était  le  sobriquet  de  Soi  Bb* 
oeHenee  daus  uos  bureaux)  «it-il  iMidiflpoeé  oe  amtm?  A-t4l 
décoarert  quelque  fMte  d'^thographe  daut  votre  demiéra 
dépêche,  ou...?» 

A  notre  grâfude  aurpriae,  Herries,  le  secriftaîpe^iiiodjieetla 
plus  doua  desbommes,  tépondit  en  jetant  uur  la  table  lesp»- 
piers  qulA  tenait  A  la  amin ,  et  en  lançant  «ne  de  ces  inter- 
jections qui  ne  se  trouvant  dans  aueun  Toeabulaive  pâli. 

«  Mon  cher  garçon ,  ifous  semblés  borriblemettt  ve»é ,  hd 
din-jeà  mon  tour,  lui  «mriant  presque  le  bonheur  de  poumir 
Aire  «n  colère  «outre  quelque  chose  d'aussi  indiMreBt  que  la 
aeerêtairerie  d'état  de  Sa  Hsfeslé. 

---St  vousleserieE  comme  mot,  décria  Herries,  iautUèma 
desa  rage  concentrée ,  ai,  npvès  aroîir  pioché  ici  «runurnc  jefito 
depuis  quatorse  mois,  sans  tous  danner  un  fourde  fucances^ 
él  ua  «ftoment  de  selRcitor  un  congé  de  six  aemaines  pour.... 
mais  n'importe  pourqnoL.. 

-^^kâ,  u'fmpoiteyounqwN,  un  fint 

— «Ekhieu'l  «que •diriez-^iious  ai,  au  naois  de  déeemhne,  as 
vous  envoyait  dans  la  baie  de  Biscaye  porter  à  air  €fanri«a 
9luafftdes4épédmB  quionmiest  tout  aussi  conuenaUemant 
anufiées  iiiim,  iecoumussionuaireéel'hMelt 

—  fisbaune'.  s'éonèrent  Oiippenham,  Perey,  loatt  lesa^ 
ortiuâres,  y  oampiîs  omî,  ^iujaului  seul  d'un  iunphiaima; 
LIfaenrauK  arartell 

axi  UR  lépoala  Hamea;  je  «ondraii  iiian  imb  V 


Digitized  by  VjOOQ  IC 


m  juKocw  B'ra  fat. 

iM  las  jutai.  Mm,  diduUew  le  ma 
fiaboff  s'eaavîsBniil!  œ  «erait  se  mettre  âdei  pères  et  i 
eQ]iliMAIaulesmadiMS4fai  parienott,  d 
ib  elles  ne^ran.  Mais  {>aica  qee  je  a'ai  pas  le i 

on  me  choisit,  moi,  Beaty  Amas,  /iis  é$  mm  wmKcrm.  » 

Pendant  que  les  uns  compatissaient  an  désespoir  de  Her- 
riesy  et  que  les  autres  ne  faisaient  qu'en  rire ,  je  réfléchissais 
i  part  et  prenais  une  résolution  imprèrue. 

«  Herriesy  lui  dis-je,  si  vous  êtes  de  bonne  foi,  si  tout  ce  dés- 
jypeiotaaieat  a'ealpas  iia  jea,iiaiaotogpitQyart4tplflaiiÉîiflie, 
dtoas  Iroover  «aeeBiUa  le  aiaîste  :  cette  BHdsâan  aie  «oariti 
j«jais^el9iesiBo(edeparlageîsi  le  vayi^ahepeut^aeaft» 
iaUîr  ma  saaté  biea  ébcaalée.  a 

fiemes  àUkdebeanafoî«et  il  accepU.  Le  auaietmfpMÇi 
d'aboid  le  aonrcil;  Je  lui  parus  ua  îadiecret  fat  oeeàt  Imh 
Jaierser  les  chaÎK  àù  Tautorilé  minislérieUe;  ibsb  je  lai  fie 
ekeenrer  4|u  BenieB  éUit  justeiBeatt  dàugè  4e  mettre  et 
ordre  certaias  decameals  ofiicîele  iadJapeusaUee  kane  4e  la 
prodiame  <Mivertare  da  parlement.  Cet  «rgianeai  le  déeida« 
et  je  iteçae  Tordre  de  me  tenir  pi^t  à  partir  pour  Fakaeatfl 
le  soir  même.  Aucun  être  biimain  n'était  dans  la  coafideaae 
deaMsamoois.  MadéaiardieâdtiiAeaapdefotidffedaasles 
JbareeHx  :  Henâes  aae  cnit  fou.  Si  lordOnoioftoa  «eût  éèé  aa 
riUe»  probaUeaaeat  il  tarait  trouvé  des  otyectîeaeA  aïondé* 
put;  aciais  je  a'aus  pêA  de  peine  à  persuader  à  «a  inèie  ^m 
le^ttT^meaieAt  me  choisissait  pour  iiae  aiisfiioB  oanâdea- 
tielle  irè&-difificile.  SUe  pleura  un  pea^;  me  recoaMaanda  de 
ae  pas  ai'«xposer  à  la  peste  ou  à  la  lièvre  jaaae;  aMuaun 
qnel^faee  jaole  sur  les  irestUemeats  de  teive,  et  se  oaneoia 
quand  je  lui  promis  de  lui  envoyer  par  le  plusprochaia  œev» 
lier  une  ehalae  de  Lisbenae  -et  deux  «ii^fes.  Je^oaaai  di^nc 
mm  iaeÉTuctions  darxiières  à  Tin,  4fiL  devait iB'aj^asaip^gaef; 
9t  4gaat  laissé  à  ladf  Oraiington  le  soia  de  aégler  mes  ad^ 
Aoiresdela  find'aaaée,  je  fis  ma  JBaile^ 

Qaelqyaslieaiosaprès^  j*<étais  sur  la  roule  da  falamaHij  al 


Digitized  by 


Google 


36i  LES  PREMIÈRES  AMOURS  B'CN  FAT. 

le  lendemain,  le  Morning-Post,  ce  journal  qui  n'oublie  aucune 
nouvelle  importante,  annonçait  à  ses  lecteurs  que  la  veille, 
l'honorable  Cecil  Danby  avait  quitté  le  ministère  des  affaires 
étrangères,  avec  des  dépèches  pour  Tembassadeur  de  Sa  Ma- 
jesté à  Lisbonne.  Ce  petit  article  contenait  tous  mes  adieux  à 
mes  amis  inconsolables  et  à  mes  créanciers. 


CHAPITRE  VIII. 

Indépendamment  de  l'espérance  de  revoir  Emily,  la  soudai* 
neté  de  ma  résolution  lui  prêtait  quelque  chose  de  piquant. 
Tout  en  dévorant  l'espace  de  la  route  au  pas  des  courriers 
d'ambassade,  je  ne  pouvais  m'empécher  de  jouir  de  la  sur- 
prise qui  attendait  lord  Ormington  en  ville,  lorsqu'il  appren- 
drait que  sans  sortir  de  notre  traité  j'avais  su  l'esipiiver,  lui 
et  MM.  Hanmer  et  Snatch  I  C'était  un  triomphe  encore  de  sa- 
voir que  j'échappais  à  la  mortification  d'être  oublié  ou  invité, 
n'importe,  à  la  noce  de  mon  frère  John ,  qui,  selon  les  bruits 
des  journaux,  devait  épouser  après  Noël  sa  riche  prétendue. 
En  vrai  Parthe,  je  fuyais  par  la  poste,  heureux  de  laisser  der- 
rière moi  des  blessures ,  ou  du  moins  des  égratignures. 

Cependant  mon  enthousiasme  commença  à  se  calmer  à 
mesure  que  se  dissipait  aussi  l'excitation  bruyante  du  dé- 
part. Au  moment  de  m'embarquer,  je  vis  les  choses  sous  leur 
vrai  jour  :  ce  jour-là  était  peu  gai.  Sans  partager  les  craintes 
de  ma  mère  sur  le  golfe  de  Biscaye  et  ses  tempêtes,  sans  avoir 
peur,  comme  elle,  qu'un  second  tremblement  de  terre  de 
Lisbonne  m'engloutit  au  rivage,  je  commençai  à  comprendre 
^e  les  beaux  yeux  de  ma  mystérieuse  divinité  m'entraînaient 
bien  loin  de  ma  latitude. 

Non  que  la  vue  du  bleu  sombre  des  flots  m'inspirât  cette 
nausée  c[ui  afflige  d'avance  la  foule  vulgaire  ;  non,  de  même 
que  les  nourrices  grondent  un  enfant  qui  pleure  en  voiture, 
en  lui  disant  que  ceux  qui  ont  le  mal  de  cœur  sont  nés 
pour  aller  toujours  à  pied ,  je  pense  que  tout  homme  qui  a  le 


Digitized  by 


Google 


LES  PBBMliBB9  AMOURS  D'UN  FAT.  385 

mal  de  mer  n'est  pas  né  pour  naviguer  jamais  dans  son  pro* 
pre  yacht.  Je  mets  quelque  vanité  à  déclarer  que  le  plus  gros 
temps  me  laisse  à  bord  toute  la  robuste  santé  qui  convient  i 
un  genileman* 

Cependant  la  mer  en  décembre  1  le  golfe  de  Biscaye  à  la 
Noél  1  La  traversée  dura  trois  semaines  ;  les  périls  et  les  en* 
nuis  d'une  traversée  pareille  m'auraient  fecilement  réconcilié 
avec  l'hôtel  paternel  d'Hanover-Square.  La  Bruyère,  ou  tout 
autre  de  ces  auteurs  qu'on  cite  sans  cesse,  a  fiait  l'observation 
que  c'est  une  femme  bien  aimable ,  celle  dont  le  mari  ne  se 
souhaite  pas  démarii  au  moins  dix  fois  par  jour.  De  même  il 
but  qu'un  voyage  sur  mer  présente  des  circonstances  par- 
ticulièrement favorables  ,  pour  qu'un  passager  ne  regrette 
pas  la  terre  ferme  au  moins  quarante-huit  fois  dans  les  vingt, 
quatre  heures.  Je  n'oublierai  jamais  avec  quelle  ferveur  je 
remerciai  la  Providence  lorsque  je  me  trouvai  e